François Bayrou, invité de "19h Ruth Elkrief" sur BFM TV

Nous vous invitons à revoir l'interview de François Bayrou au micro de Ruth Elkrief ce mardi 16 octobre 2018.

Merci beaucoup d'être notre invité ce soir. Vous êtes président du MoDem et maire de Pau. Vous avez été garde des Sceaux et on dit aujourd'hui que vous êtes le grand gagnant de ce remaniement. Certains vous présentent comme le DRH du gouvernement, avec le Président - que vous avez au  téléphone presque tous les jours. Vous auriez joué un rôle décisif dans l'organisation de ce gouvernement, avec, j'imagine, bien sûr, le Premier ministre. Mais d'autres disent aussi que c'est pour vous faire plaisir qu'il a nommé deux ministres pleins, de votre mouvement,  pour vous  calmer, parce que vous étiez en colère et que vous menaciez de dire trop de choses.  

J'aime vraiment beaucoup votre métier  où on passe son temps à inventer des contes à dormir debout.  

Non, à écouter et  à rapporter les choses.

Alors, à écouter et rapporter des contes à dormir debout ! On va dire ça comme ça. Ce sont des fables, vraiment.   Il n’y a pas de vainqueur dans un remaniement. Vainqueur de quoi, devant ce qui est aujourd'hui le souci du pays et qui dure depuis  deux décennies au moins ? C’est un pays qui est plein d’interrogations, qui a apporté son soutien au président de la République quand il a été élu.  Et maintenant on voit bien que c'est la seule équipe et la seule possibilité pour  sortir le pays des difficultés dans  lesquelles il se trouve. C'est pourquoi il n’y a pas de vainqueur et de vaincus à l’intérieur de cette équipe, ce qui est très important, c’est que le président de la République a envoyé un message très clair : il a décidé de mettre de l’ordre dans les esprits. Il y a eu une période… il y avait quelque chose qui apparaissait comme désordonné. Chaotique serait trop fort : désordonné est le mot juste. Et le président de la République, en prenant les jours nécessaires pour qu’on voie bien qu’il n’était pas prisonnier de cette espèce d’émotion perpétuelle, a remis de l’ordre dans les esprits et dans les équipes. Il a fait en sorte que les Français aient devant eux un gouvernement dont on sait maintenant quel est le point d’équilibre et la volonté qui l’anime.

Alors vous dites le MoDem avec Jacqueline Gourault avec Marc Fesneau, qui ont des ministères pleins et la secrétaire d'État Geneviève Darrieussecq, c'est ça le point d'équilibre pour vous de ce gouvernement : c'est -à-dire, le centre que vous représentez ?

Moi, je crois que ce que le président de la République a choisi comme orientation, c’est que le point d’équilibre, c’était l’élection présidentielle de 2017, c’était ce grand choix totalement inattendu, pour lequel nous nous sommes battus, qui était de rentrer dans une politique nouvelle à la fois par la direction choisie et par le style. 

Vous avez dit à un moment « il y a un hiatus entre la promesse de rupture faite par Emmanuel Macron et la politique classiquement gestionnaire que les Français perçoivent.»

À partir de ce soir, il n’y a plus de hiatus. Ce que le président de la République a rappelé, c’est que la promesse du printemps 2017 serait tenue et respectée. 

Ce que j'entends, à partir de ce que vous dites, c'est qu’il est resté fidèle à sa promesse, qui était qu’il y avait des personnalités de La République en Marche, des personnalités venues de la gauche, du MoDem, de la droite. Et que tous s’y retrouvent. Et quand vous dites qu’il est resté fidèle à cette promesse, ça veut dire que ceux qui ont voulu à un moment donné, soit pousser soit trop à gauche, soit trop à droite, n’ont pas réussi.

Ruth Elkrief, il y a une chose que vous ne réussirez pas, vous, c’est à me faire mettre de la zizanie dans tout cela. Je pense que la majorité et le gouvernement doivent être une équipe soudée. LE démon des temps que nous vivons, c’est la division. 

Est-ce que vous n'avez pas vous-même - comme vous avez  influé sur ce gouvernement comme d'autres personnalités – dit votre sentiment quand des personnalités qui ont été citées comme Frédéric Péchenard, identifié à Nicolas Sarkozy, est -ce que vous n'avez pas exprimé une réticence une inquiétude en vous disant ce n’est plus la promesse d'Emmanuel Macron ?  

Ce n’est pas moi qui le dis : dans l’histoire de la Vème République, il y a quelque chose qui ne change jamais, c’est que le président de la République doit être en pleine confiance avec son ministre de l’Intérieur, son Premier ministre. 

Ça n’aurait pas été le cas avec Frédéric Péchenard ?

Je ne le connais pas. Je ne l'ai jamais rencontré. Et j’ai même plutôt à priori, de la sympathie pour lui parce que ses biographies disent qu’il a été membre de mon parti politique, à une certaine époque, donc je ne vais pas vous dire le contraire c’est sûrement quelqu’un de très estimable. Mais qu’il y ait de la confiance entre le président de la République, le Premier ministre, et le ministre de l’Intérieur, c’est une constante de la Vème République. 

C’est pour cette raison que Gérald Darmanin aussi n’a pas plu à un certain nombre de personnalités ? 

Je ne sais pas  quelles ont été les hésitations du président de la République. Et si je le savais, je n’en parlerais pas. Je sais qu’il fallait la proximité et la confiance. Ministre de l’Intérieur, cela veut dire quoi ? Les problèmes politiques (l’organisation, les découpages, la nomination des préfets, etc.) ; les problèmes philosophiques (la laïcité, par exemple) et la maîtrise des forces de sécurité. Si ce n’est pas une fonction qui exige un mouvement de confiance absolu, alors il n’y en a aucune autre. Il y a plein de fonctions gouvernementales où vous pouvez imaginer des nuances : pas au ministère de l’Intérieur. 

On a aussi évoqué une rivalité, une discussion un peu  intense entre le Premier ministre et le président de la République, justement parce que peut-être le Premier ministre voulait des personnalités qui iraient jusqu' à des proches d’Alain Juppé. On a  cité Dominique Bussereau. On a eu l'impression que Jean- Pierre Raffarin faisait presque  une offre  de service en disant on va élargir cette majorité, on  va faire une coalition encore plus large, on va aller jusqu'au centre droit et encore plus loin.  

Je n'écoute pas aux portes. Je ne crois pas, connaissant les deux hommes, qu'il puisse y avoir ce type d'affrontement. Ils peuvent avoir des nuances mais je ne vois pas du tout ce type d’affrontement. D’ailleurs, il ne peut pas y avoir ce type d’affrontement entre le président de la République et le Premier ministre. Autrement, on a connu des épisodes…

… c'est quand même caractéristique de le Vème République. 

Mais ça finit  généralement mal : par une dissociation. Ce n’est pas du tout ce que je souhaite. Vous m’avez entendu dire souvent, normalement, dans les institutions comme elles sont, le Premier ministre est là pour cinq ans. Car il est profondément solidaire de l’action.

Donc Edouard Philippe pourrait rester cinq ans ?

Je trouve que c'est la logique.

C’est une façon de démentir que vous ne serez pas intéressé par Matignon.  

Ce sont des fables. C’est rare un homme politique heureux. Il se trouve que j’en suis un.  Je suis heureux de mes fonctions de maire de Pau, de  responsable d'une collectivité très importante au pied des Pyrénées et à la tête d’un courant politique français. C'est rare les hommes politiques heureux, c'est rare les hommes politiques qui se retrouvent dans l'action au plus haut niveau de ceux qui sont leurs amis et leurs alliés, et je suis dans ce cas-là.  

François Bayrou,  vous êtes content qu’il y ait Jacqueline Gourault,  ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Marc Fesneau, Ministre auprès du Premier Ministre, chargé des Relations avec le Parlement.

Oui, je trouve que c'est juste.  

Oui, mais qu'est-ce ça va changer concrètement dans la vie quotidienne des Français ?

C'est extrêmement simple. Un des problèmes que nous avons aujourd'hui en France, c'est un problème à deux visages.  Premier visage : il y a une fracture des territoires qui est une fracture désespérante. Une partie de la France - France des banlieues,  France des villages ruraux - a le sentiment d'être abandonnée. Et, ce que l’on appelait autrefois l'aménagement du territoire, et qu’Emmanuel Macron appelle « cohésion de territoire »,  c'est pour répondre à ça.  Et dans une ville, quand vous êtes à la tête d’une ville, vous le vivez intégralement. 

Ce n’est pas du tout le sentiment des élus ces derniers mois.

Peut-être c'est pour ça que ces changements sont intervenus. Et deuxièmement, il y a une fracture, qui est désolante et qui n'a pas de sens, entre les élus et le territoire (des villes, des départements, des régions) et le pouvoir central. Alors, si vous me poussez un peu plus loin, je vais aller un peu plus loin. Je pense qu'il y a un problème fondamental de l'organisation de l'État en France. Je pense que l'État, trop centralisé,  trop organisé autour des mêmes profils, n'entend plus ce que le terrain lui dit, ce que les villes, ce que les villages, ce que les associationslui disent.  Donc, avec ce remaniement,  c'est la prise de responsabilité d'une femme que je connais vraiment, profondément, dans ses racines, et dans l'exercice de ses responsabilités d'élue, qui a été, comme vous le savez, auprès de moi toutes ces années avec Marielle de Sarnez, Marc Fesneau.

Alors, elle renouera le lien ?

Sa mission est en effet de renouer la confiance. Vous avez vu qu'elle est allée en Corse. Elle n’a pas résolu tous les problèmes, mais l'estime dont elle est entourée…

… Mais la question, elle n’est pas des ministres, mais du président de la République. Vous-même, vous avez eu des doutes. « Les Français ne voient plus bien où conduisent les réformes qui sont successivement proposées. Il ne s'agit pas de traiter les dossiers les uns après les autres mais de construire une société, trouver un pays, etc. » Vous pensez que ce remaniement répond à cette question ?

Il y a deux réponses à la question : une organisation rassurante de l’équipe gouvernementale. Et puis, deuxièmement, un engagement du président de la République. Il va parler ce soir à la télévision. Je sais que  son inspiration, c'est de retrouver le sens de l'action et de la promesse à laquelle les Français ont adhéré.  Ce qui veut dire, pas seulement des dossiers les uns après les autres, pas seulement des réformes les unes après les autres parce que, le mot de réforme on ne sait pas exactement ce qu’il veut dire. On l’emploie depuis vingt-cinq ans. On ne sait pas exactement ce qu'il veut dire. Mais ce qu'on sait, c'est que la France doit se voir offrir, proposer, un modèle de société, un projet de société.  

Il doit le rappeler et le réexpliquer.  

Il doit le décrireprécisément.  Il doit être l'interprète auprès des Français et auprès des autres pays d'Europe du monde, de ce qu’est le modèle unique que nous portons. Regardez la crise qu’on est en train de traverser partout,  avec ce qu' on appelle des populismes – je ne suis pas sûr que le terme soit très bon- , des extrémismes, des démagogies, et des gouvernements épuisés en face. 

La liste aux européennes doit être très large et doit être sur le modèle de ce gouvernement ? 

Sur les sujets essentiels, plus on rassemble, et mieux c’est. 

Christophe Castaner, vous l’avez décrit comme l'homme de confiance dans lequel, en tout cas, le président pouvait avoir confiance puisqu'il est ministre de l'Intérieur, il n'est plus que dixième dans l’ordre protocolaire, alors que Gérard Collomb était ministre d'État et deuxième. Alors il y a peut-être une question sur est-ce que la sécurité reste au coeur des préoccupations de gouvernement.  

Peu importe la présentation. Le ministère de l’Intérieur, qu’il soit deuxième ou vingtième dans le protocole, personne ne peut nier que c’est  un ministère clé. 

Ce sera réaffirmé aussi simplement parce que ce soir, il y a déjà des attaques sur Christophe Castaner, naïf communautariste de la part de la droite de l'extrême-droite. 

Ce sont les attaques politiques classiques, habituelles et désespérantes.

Vous savez qu’une partie des électeurs du président ont été surpris, choqués, déstabilisés par quelques photos, quelques attitudes, quelques petites phrases. Est-ce que vous dites ce soir : c'est là-dessus aussi qu'il doit y avoir des changements, qu'il va y avoir un remaniement ?

Le président de la République c'est quelqu'un qui porte en lui-même, dans son attitude, l'importance et le symbole de sa fonction.  C'est lourd,  parce qu'on ne peut jamais s’abandonner. Les séances que vous évoquez, ce sont des selfies. Vous, vous faites des selfies tous les jours. Vous passez dans la rue, et des grappes de fans se  précipitent vers vous pour prendre une photo. Et sur moi aussi. Et vous ne choisissez pas toujours avec qui vous vous retrouvez sur les photos. Ce que je sais, c’est que le président est soucieux de faire en sorte que passent, au travers de sa personne, les symboles de sa fonction. 

Et ça a été un peu perdu ?

Quand j'ai dit « mettre de l'ordre dans les esprits »,  je faisais allusion à tout cela. Vous voyez bien, on avait le sentiment que les choses se perdaient un peu. Elles sont ressaisies, et c'est un bienfait. Je souhaite que ça dure et que cette affirmation nouvelle soit en effet entendue des Français.

Jean-Luc Mélenchon s’est plaint aujourd'hui avec beaucoup d'éclat de la perquisition à son domicile, au siège de son parti : est-ce que vous comprenez ? Il a accusé une police politique d’être intervenue.

Quand vous subissez une perquisition par des dizaines de policiers, de juges, c'est extrêmement violent. Je vous en parle parce que j'ai vécu ça.  Comme tout à l'heure votre chroniqueur le disait, tous les partis politiques ont été perquisitionnés. Quand cette perquisition a eu lieu il y a plus d’un an, j’ai ressenti, de la même manière, cette violence extrême, avec un sentiment d’injustice profond. Quand vous êtes sûr de ne jamais avoir fait quelque chose de répréhensible…

... alors vous le comprenez ?

Je le comprends, après chacun son style… Le mien n’est pas celui de Jean-Luc Mélenchon. Mais oui, c’est une violence qui est extrêmement forte. 

Enfin, la justice est indépendante. C’est ce qu’a réaffirmé le Premier ministre avec force. 

Et c’est vrai. Tout cela est évident. Vous le ressentez comme une injustice quand vous êtes sûr de ne rien avoir fait de répréhensible. Et donc, oui, je comprends ce sentiment-là. Et tout le monde y passe et ressent les mêmes choses. Parce que quand on pique votre ordinateur, ou votre téléphone,…

Oui mais est-ce que les hommes politiques sont pas des justiciables comme les autres ?

Ils sont, aujourd'hui, des justiciables comme les autres et il est bon qu’ils le soient ? Et ce sont des justiciables, vous l’avouerez, que l’on traite sans mansuétude. 

Merci beaucoup, François Bayrou, d'être venu sur notre plateau.

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