Députées, femmes et engagées en faveur de plus de parité

Le Groupe MoDem et apparentés à l'Assemblée nationale défend des amendements sur la parité, dans le cadre de l’examen du projet de loi dit « engagement et proximité ». Nadia Essayan, Elodie Jacquier-Laforge, Sarah El Haïry, toutes les trois députées, expriment à travers leurs trois parcours et leurs trois regards, leurs idées pour une meilleure représentativité. Interview croisée. 

Mouvement Démocrate - Plus de parité vous semble-t-elle nécessaire en politique ?

Elodie Jacquier-Laforge - Comme dans l’ensemble de notre société, la parité est une chose nécessaire en politique. Comment les Français peuvent-ils se sentir représentés par leurs élus si la moitié de la population n’a pas les mêmes chances de pouvoir accéder aux fonctions électives ? Et cette parité doit avoir un caractère contraignant. Car toutes les études le démontrent, si elle n’est pas imposée, elle ne s’impose jamais d’elle-même naturellement. Il en va également du respect de notre Constitution, où l’article 1er indique que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. ». Force est de constater que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Pour que les femmes s’investissent en politique, il suffit simplement de leur laisser toute leur place, leur faire confiance, les accompagner, les encourager. Le plafond de verre auquel elles sont confrontées, de par leur éducation, les normes sociétales, légales, leurs obligations professionnelles et familiales, ne leur donne pas les mêmes chances que les hommes. Or, elles n’ont pas moins de convictions, d’ambitions, de compétences. On entend souvent qu’elles sont difficiles à convaincre, à trouver, qu’elles sont moins disponibles, etc, … Je pense qu’il est temps d’arrêter de trouver des arguments pour les discréditer et les écarter, pour enfin être dans une démarche constructive, positive et se poser la vraie question : comment encourager les femmes à s’engager en politique ? Instaurer une parité obligatoire pour toutes les élections et toutes les fonctions exécutives, est une première étape indispensable. Il se n’agit pas d’écarter des candidats masculins « compétents », comme je l’entends souvent, il s’agit de créer un équilibre qui aujourd’hui n’existe pas.

Quelques chiffres pour illustrer mes propos : la parité n’est pas obligatoire pour les élections municipales dans 74 % des communes ; 16 % de femmes maires ; 7,5 % de femmes présidentes d’intercommunalité ; 35 % de vice-présidentes d’intercommunalités ; moins de 30 % de 1ères adjointes au maire ; à peine 10 % sont présidentes de conseil départemental ; moins de 17 % sont présidentes de région ; les ministères régaliens sont presque systématiquement occupés par des hommes ; une seule femme a été Première ministre ; aucune n’a été Présidente de la République ; sur les 9 groupes politiques de l’Assemblée nationale une seule femme est Présidente et une seule également au Sénat sur 8 groupes ; les partis politiques sont présidés presque uniquement par des hommes, etc…

Quelles sont les vertus de la parité en termes de représentativité et pour la société ?

Elodie Jacquier-Laforge - Depuis la première loi sur la parité de 2000, beaucoup a été fait et la France a d’ailleurs été l’un des pays précurseurs. Les avancées ont continué en 2008 et la parité doit désormais également s’appliquer dans les sphères professionnelles et sociales. Cependant, plus de 20 ans après les 1ères réformes, beaucoup reste encore à faire. Si des lois contraignantes ont bien été votées, on voit bien les difficultés rencontrées dans les faits pour les faire appliquer. Prenons les inégalités salariales pour exemple. Elles sont formellement interdites par la loi, mais encore une fois cette année, depuis le 5 novembre 16h47 et jusqu'à la fin de l’année, les femmes travaillent « sans être payées ». Il s’agit ici de déterminer les choix politiques que l’on souhaite mettre en avant. Quel idéal de société souhaitons nous défendre ? L’égalité femmes-hommes est-elle une priorité ? Pourquoi entend-on encore autant de « mais » ? Il semble que ce soit l’argument principal pour freiner l’avancer de l’égalité femmes-hommes. Combien de fois ai-je entendu « je suis pour la parité, mais »? Il nous faut lutter contre plusieurs facteurs d’inégalité : une inégalité « sociétale » via le prisme du sexisme, de l’éducation et des médias ; une inégalité professionnelle via les salaires, les postes, le plafond de verre ; une inégalité d’accès au droit, via la précarité, la santé, la politique, la culture ; et une inégalité face aux violences sexistes et sexuelles. Il n’est plus temps d’établir les vertus de la parité, il est temps de l’appliquer.

Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : 29,3 % des femmes actives sont à temps partiel ; les femmes touchent en moyenne 18,5 % de moins que les hommes ; elles sont plus touchées par la précarité et représentent 54 % des allocataires du RSA ; 72 % des tâches domestiques sont réalisées par les femmes ; etc...

Pensez-vous ainsi permettre à la moitié des êtres humains de prendre leur place de droit dans la société ?

Nadia Essayan - Oui et c’est nécessaire pour que le monde aille mieux. La complémentarité devrait être naturelle mais on voit bien qu’elle ne l’est pas dans une grande partie du monde. L’idée que les femmes sont les partenaires des hommes et non leurs adjointes doit donc s’imposer par la loi. Et la France doit donner l’exemple comme elle le fait souvent en matière de démocratie.

Quelles mesures proposez-vous ?

Elodie Jacquier-Laforge - Je me réjouis que mes collègues du MoDem partagent l’ambition de mes amendements sur la parité, dans le cadre de l’examen du projet de loi dit « engagement et proximité ». Ils sont aussi soutenus par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les associations d’élus locaux et la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes qui a déposé une proposition de loi en ce sens il y a quelques mois. Nous proposons d’aligner les règles paritaires strictes lors des élections municipales – qui s’appliquent aujourd’hui uniquement aux communes de plus de 1 000 habitants – à toutes les communes. Nous souhaitons également que soit mis en place une parité aux postes de maire et de premier adjoint et aux postes de président et de premier vice-président, dans les communes et intercommunalités. Les deux fonctions ne pourraient pas être exercées par deux élus du même sexe.

Nous devons tous nous mobiliser, femmes, hommes, responsables politiques, citoyens ; nous devons tous nous engager pour réduire les inégalités auxquelles doivent faire face les femmes, que ce soit au sein du monde politique ou dans l’ensemble de la société.

Pensez-vous qu’il faille imposer le 50-50 pour faire évoluer les habitudes et les gens ?

Nadia Essayan - Nombreux étaient les sceptiques lorsqu’en 2001 la parité a été imposée par la loi pour les élections municipales. Les hommes politiques ont dû regarder autour d’eux et repérer des femmes que cela pouvait intéresser. Mais il n’a pas seulement fallu convaincre les hommes de laisser la place. Il fallait aussi pousser les femmes à la prendre. Le changement était mutuel, les femmes ayant intégré l’idée qu’elles étaient incapables de se débrouiller dans ce milieu politique. Malheureusement, un discours sexiste, misogyne, continue d’entretenir cette idée. Combien de fois m’a-t-on plainte d’être dans ce milieu en me demandant comment je supportais la violence politique ? Cette remarque à priori bienveillante est rarement adressée aux hommes !

Cela dit, imposer le 50-50 ne suffit pas pour que tout soit réglé. Les femmes prennent de plus en plus de responsabilités hors de leur foyer, mais leurs charges familiales - physiques et mentales - ne diminuent pas pour autant. C’est encore elles qui assument la plus grande partie des tâches dans le foyer. Cela doit aussi changer plus rapidement afin que nous n’épuisions pas la "super woman" qui est en nous, et que nous ne culpabilisions pas de ne pouvoir tout faire lorsque nous avons accepté une responsabilité politique qui nous engage et nous prend du temps. 

Quel est votre parcours de vie. Qu’avez-vous fait avant d’entrer en politique, ou du moins avant d’être élue ?  

Sarah El Haïry Salariée au sein d'une coopérative à la veille de mon élection à l'Assemblée Nationale, j'ai toujours été, aussi loin que je me souvienne, engagée : à l'école, à l'université puis dans un parti politique dès mes 18 ans. J’ai également goûté à l'engagement syndical au sein de mon entreprise et à l’engagement associatif dans ma vie personnelle. 

Je suis convaincue qu'il faut être acteur pour changer les choses et que l'engagement politique permet d'influer sur notre avenir. L'engagement politique met à portée de main la possibilité de rendre vivantes des valeurs que j'ai chevillées au corps à travers des projets. L'engagement est pour moi une façon de rendre la citoyenneté vivante et une forme d'émancipation.

Attendez-vous une forme d’exemplarité du politique en matière d’égalité hommes-femmes ?

Sarah El Haïry -  En politique l'exemplarité doit être partout, mais nous avons le double devoir d'être à la fois au plus proche de la réalité et de l'environnement qui nous entoure, mais aussi de porter un idéal parfois éloigné de cette réalité. L'égalité femmes-hommes est encore aujourd'hui un idéal que nous devons porter et les obligations de parité sont nécessaires pour tendre vers l’égalité. 

Quels sont vos objectifs en tant que politique ?

Nadia Essayan - Permettre que la parité gagne du terrain en politique pour que cela devienne contagieux dans tous les milieux où le pouvoir est à partager : la famille, l’entreprise, l’association. Que la représentation de la femme change dans toutes les têtes afin qu’elle soit toujours considérée comme égale aux hommes en dignité, en intelligence et en capacités. Et que ce changement de regard nous amène à ne plus jamais tolérer les attaques physiques ou verbales liées au fait d’être une femme, en politique ou ailleurs. 

Avec un objectif plus large encore : que cette parité gagne du terrain dans le monde entier. L’Assemblée des Femmes parlementaires dont je fais partie, au sein de l’Union Interparlementaire (UIP), analyse pays par pays les avancées de la parité au sein des Parlements, y compris aux plus hauts postes. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire !

Quelle empreinte souhaitez-vous laisser dans notre société et aux générations futures ?

Sarah El Haïry -  Un de mes grands combats est celui pour la Jeunesse que je souhaite le mieux préparer face à son avenir et cela passe par l'école qui doit offrir l'instruction et concourir à l'éducation. Pour cela nous devons rendre l'égalité des chances réelle, car je crois en la société du travail et du mérite. C’est elle qui donne la possibilité de l'évolution et de l'émancipation, n'est-ce pas cela la promesse et le rêve républicain que nous devons réhabiliter ?

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