🏛Comprendre le projet de loi bioéthique : interview de Philippe Berta

Philippe Berta
(© Groupe Modem)

Les députés ont commencé à étudier le projet de loi bioéthique. Ce texte largement médiatisé autour de la PMA porte également sur de nombreuses questions médicales et scientifiques. Philippe Berta, député du Gard, a été nommé rapporteur du texte. Il en décrypte les grandes lignes. 

Mouvement Démocrate - Que contient le texte sur la bioéthique ?

Philippe Berta - Le projet de loi bioéthique, avec lequel nous ouvrons l’année parlementaire, est un enjeu fort qui révèle beaucoup de ce que nous sommes, de notre rapport à la science et au progrès, de notre rapport à la société et à ses évolutions.

Le volet sociétal, c’est bien sûr l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes non mariées, qui rend possible l’épanouissement des nouvelles formes de famille que nous voyons émerger. C’est aussi son corollaire, la filiation, et toutes les questions que le don de gamètes pose en termes d’accès aux origines, remettant en cause le parti pris français de l’anonymat. Mais ce sont également les nouvelles solidarités ouvertes par les dons croisés d’organes ou encore la transmission d’informations génétiques à la parentèle lorsqu’il en va d’une affection grave pour laquelle existent des mesures de prévention ou de soin.

Le volet recherche scientifique, quant à lui, touche aussi bien à la génétique et aux algorithmes, qu’aux cellules souches embryonnaires ou aux cellules souches pluripotentes induites. Je veux insister sur le lien fort entre volet recherche et volet sociétal. Sans une recherche forte dans le domaine, le volet sociétal dans son assertion "La PMA pour toutes" risque de rester lettre morte, tant nos besoins de données nouvelles sur l’embryon sont grands pour l’amélioration des pratiques.

J’ai, pour ma part, eu l’honneur d’être nommé rapporteur pour les titres III et IV qui concernent la recherche scientifique. Ces titres, salués par la communauté scientifique, contiennent de grandes avancées comme, pour n’en citer qu’une, la simplification de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, en distinguant leur régime de celui de la recherche sur les embryons.

Comment fonctionne la commision spéciale bioéthique ?

La commission spéciale, présidée par la députée Agnès Firmin Le Bodo, est composée de 72 députés, dont 6 Modem : Bruno Fuchs (vice-président), Nathalie Elimas, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac-Sibille, Michèle de Vaucouleurs et moi-même, en ma qualité de rapporteur.

Elle fonctionne sur le même modèle que les commissions parlementaires permanentes : après une série d’auditions préliminaires, nous procédons à l’examen des articles du texte. Celui-ci sera, ensuite, débattu dans l’hémicycle à partir du 24 septembre.

Est-ce une pratique courante de faire appel à une commission spéciale avant de présenter un texte dans l’hémicycle ?

Une commission spéciale peut être constituée pour faciliter l’examen lorsque le texte discuté relève des compétences de plusieurs commissions permanentes (l’autre option étant qu’une commission permanente soit saisie sur le fond et que les autres se saisissent pour avis). Dans le cas de la bioéthique, le projet de loi contient principalement des dispositions du ressort de la commission des lois, de la commission des Affaires sociales et de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. 

En quoi la bioéthique modifie-t-elle le rapport de l’humain au temps, aux cycles de la vie ?

Les problématiques de bioéthique mettent aux prises les positions éthiques, philosophiques, de chacun d’entre nous et les évolutions de la science et du progrès. C’est sur l’écart entre, d’un côté, ce qui est possible, et de l’autre, ce qui est souhaitable, acceptable que nous sommes amenés à nous prononcer. Cet équilibre, toujours difficile à trouver, doit s’appuyer sur les principes qui fondent notre pacte républicain : l’égalité de droit de tous les citoyens, l’encadrement juridique des pratiques existantes pour ne pas les laisser en dehors de la loi, l’usage de la raison dans la délibération et le respect de la dignité de chacun.

Comment dépassionner le débat sur la bioéthique et en particulier la PMA ?

Le débat sur la bioéthique, et la PMA, a une dimension passionnelle parce qu’il porte en partie sur des choix de société qui ont des résonnances personnelles, en terme de valeurs, de croyances et de vécu chez chacun d’entre nous. La responsabilité du législateur, est – ou devrait être -  de dépasser cette réaction personnelle et passionnelle pour se placer au niveau de l’intérêt général d’une société qui évolue et d’une science qui progresse.

Ne doit-on pas s’attendre à ce qu’émergent des divergences sur le sujet dans chacune des formations politiques ? 

La plupart des groupes politiques, à l’image du Mouvement Démocrate, ont accordé une liberté de vote à leurs députés sur le projet de loi bioéthique car beaucoup des points abordés relèvent de convictions éthiques sur les apports de la science pour la société.

Cela ne nous empêche pas, bien entendu, de mener également des combats communs sur ce texte. Dans notre groupe, nous avons, par exemple, convergé sur un sujet qui me tient à cœur et qui est trop absent du texte : l’importance du diagnostic, et particulièrement des diagnostics néonatal et préimplantatoire.

La France a été pionnière en se lançant, dès 1972 dans le diagnostic néonatal pour détecter des pathologies pouvant être soignées, accompagnées, si elles sont détectées précocement. Notre pays a cependant aujourd’hui décroché et ne compte que 5 pathologies testées à la naissance contre plusieurs dizaines dans d’autres pays européens. Pour nos enfants atteints de maladies rares, cela signifie une longue errance diagnostique, 5 ans en moyenne, pendant lesquels leur santé se dégrade. Alors, si nous voulons atteindre les objectifs de réduction de l’errance diagnostique que la France s’est fixée dans son troisième plan maladies rares, et donner une chance à ces enfants, il est urgent de marquer un pas décisif avec le projet de loi bioéthique.

L’autre diagnostic, lui, est central pour la santé des enfants à naître, et pour la réussite de ce chemin long et difficile pour les femmes qu’est la PMA : c’est le diagnostic préimplantatoire, dit DPI, qui existe déjà aujourd’hui, mais ne permet pas dans sa forme actuelle de vérifier la bonne numération chromosomique. Or, un embryon qui n’a pas le bon nombre de chromosomes est, très majoritairement, un embryon non viable. Donc, dans des cas de PMA jugées suffisamment à risque pour être l’objet d’un DPI, on ne vérifie pas si l’embryon a le bon nombre de chromosomes, provoquant ainsi dans la majorité des cas des fausses couches, éprouvantes physiquement et moralement pour la mère. Et, dans les rares cas où la grossesse est menée à son terme, l’enfant souffre d’une pathologie génétique grave.

C’est un constat dont on ne peut se satisfaire et sur lequel le groupe MoDem entend faire valoir ses arguments et ses amendements.

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