Agribashing, réglementation, revenus insuffisants : "il est essentiel d’accompagner le monde agricole"

Denise Saint-Pé

Du 22 février au 1er mars, le Salon de l’Agriculture met à l’honneur le travail des paysans. Cet événement convivial, festif, est également l’occasion de réfléchir sur les difficultés du monde agricole. La sénatrice des Pyrénées-Atlantiques Denise Saint-Pé, très concernée par cette thématique, répond à nos questions.

Mouvement Démocrate - Quel impact le CETA a-t-il avoir sur l’agriculture française ?

Denise Saint-Pé - En réalité, il faudrait déjà poser la question au présent. En effet, le CETA s’applique provisoirement depuis son approbation par le Parlement européen en 2017. Par conséquent, nous disposons déjà de chiffres concrets pour dresser un premier bilan : après deux ans d'application, les exportations françaises au Canada ont augmenté de 16 % ; les exportations de vins français ont augmenté de 11 % et celles de fromage vers le Canada ont augmenté de 46 % par exemple. L’ambassadrice du Canada détaillait il y a quelques jours au Sénat que la balance commerciale agricole de la France avec le Canada est très largement excédentaire, de 400 millions d'euros en 2019, notamment grâce au secteur laitier. Elle faisait remarquer en particulier qu’avec 6 200 tonnes de fromages français exportés vers le Canada, ce sont des centaines de fermes laitières et de bergeries dans toute la France qui en profitent, pour un montant total de 55 millions d'euros.

En conclusion, l’impact jusqu’ici semble plutôt positif.

Cependant, de nombreuses incertitudes demeurent, je pense principalement à la filière bovine par exemple. En effet, le Canada est loin d’utiliser pleinement les contingents d’exportation de viande que lui permet ce traité. Je comprends donc nos agriculteurs et nos éleveurs qui redoutent une concurrence accrue sitôt celui-ci ratifié.

 Quant à son impact futur, nous verrons ce qu’il en est si l’accord est bien ratifié par tous les Parlements nationaux des États membres de l’Union européenne.

Notre modèle agricole est-il fragile ?

Si l’agriculture française dispose assurément de nombreux atouts, force est de constater que les sujets de tension dans notre modèle agricole sont nombreux.

Ainsi, à l’heure des discussions sur le budget pluriannuel de l’Union européenne, la négociation de la PAC inquiète beaucoup nos agriculteurs tant ils dépendent de ces subventions. La concurrence internationale à l’heure de la mondialisation est par ailleurs très forte, ce qui les met sous forte pression. Enfin, l’agriculture française est soumise aux aléas climatiques comme dans beaucoup d’autres pays, aléas qui risquent de s’intensifier dans le contexte du changement climatique.

En outre, des fragilités internes existent : la nécessité pour ce secteur de se conformer aux nouvelles règles visant à inscrire l’agriculture dans l’écologie (vers ce qu’on pourrait appeler l’agroécologie) pèsent lourdement sur la profession, comme on le voit dans le débat sur la distance à retenir pour les zones de non-traitement (ZNT). Un problème se pose aussi pour le niveau de revenus des agriculteurs, qui reste scandaleusement bas pour les heures de travail, souvent pénibles, qu’ils effectuent sans compter. J’y vois la responsabilité des centrales d’achat, qui profitent de leur position dominante pour dicter leur loi et imposer leurs prix sur le marché agroalimentaire. Dans ces conditions, le mal-être des agriculteurs n’est que trop compréhensible. Or, alors qu’il est connu de tous depuis longtemps, nous peinons à y remédier. Par ailleurs, l’agribashing constant d’une minorité de la population accentue d’autant plus leur détresse.

Pour ces raisons, il est essentiel d’accompagner le monde agricole.

Quelles sont les difficultés de la filière bovine ?

Le ministre de l’Agriculture indiquait récemment que la situation de cette filière est particulière car un opérateur français pèse 75 % des volumes et l’interprofession est complexe, cela n’aide pas la filière à s’organiser. En outre, plusieurs facteurs expliquent les difficultés de la filière bovine : un décalage entre l’offre et la demande, une absence de stratégie pérenne à l’export, mais aussi un certain attentisme de l’interprofession par exemple.

J’ajouterai enfin que la mise en œuvre de la loi Egalim est décevante, notamment dans cette filière : l’inversion de la construction du prix se heurte au blocage de la distribution et des industriels, qui mettent un veto à la prise en compte des coûts de production.

La loi Egalim doit-elle être complétée ?

C’est évidemment « oui », ne serait-ce déjà que pour intégrer les mesures de la proposition de loi sur la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires. Celles-ci avaient été votées par le Parlement mais avaient ensuite été censurées par le Conseil constitutionnel, faute d’un lien suffisant avec le texte. Cette avancée est nécessaire et devrait se faire bientôt, puisqu’Assemblée nationale et Sénat sont d’accord pour voter rapidement cette proposition de loi.

Avant de modifier la loi Egalim, il faut suivre les négociations commerciales de 2020, ainsi que la réalisation des engagements des filières. Suivant ces paramètres, il sera peut-être nécessaire de la compléter, afin notamment de revaloriser le revenu des agriculteurs. Des effets pervers à cette loi seraient par ailleurs intervenus à cause du relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions pour les produits alimentaires qui a été mis en place à titre expérimental pour deux ans. Une étude indépendante sera nécessaire pour juger ce qu’il en est, afin de corriger éventuellement ces mesures.

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