"Vous ne faites pas grandir des enfants en leur disant que la réussite suprême est seulement de gagner de l'argent !"

Marielle de Sarnez a jugé sur France Culture que le quasi-doublement du salaire du patron de PSA Carlos Tavarès était "indécent" et que la réussite d’une entreprise était due à "un ensemble de critères".

Bonjour Marielle de Sarnez.

Bonjour.

Quelle est votre réaction suite au doublement du salaire du PDG de PSA, Carlos Tavares ?

Je trouve cela indécent. La réussite d’une entreprise est due à un ensemble de critères. D’ailleurs l’équipe précédente avait probablement fait des choses de son côté. Ce n’est pas dû simplement à une personne, comme s'il y avait une personne providentielle ! C’est dû aux équipes, à l’encadrement, à la recherche, à l’ensemble des salariés ! Et puis il y a quelque chose qui m’a frappée dans ce que disait Pierre Gattaz. Il a dit « Il faut récompenser la réussite, il faut réhabiliter la réussite. » Je suis d’accord. Mais Pierre Gattaz qu’est-ce qu’il sous-entend ? Que la réussite passe uniquement par l’argent ? Que pour réhabiliter la réussite, il faut donner de l’argent et toujours plus d’argent ? Que donc la seule valeur, la valeur reine, est la valeur financière, l’argent ? On ne peut pas expliquer à des élèves - puisque Pierre Gattaz parlait de l’école - que la seule réussite est l’argent. La réussite c’est gagner en autonomie, c’est gagner en épanouissement, c’est gagner en ouverture sur le monde, c’est gagner en capacité intellectuelle, se poser les bonnes questions, chercher, comprendre le monde. Ce n’est pas l’argent. Ce point de vue là est vraiment un des problèmes de notre société aujourd’hui. Je trouve que c’est absolument régressif. Vous ne faites pas grandir les enfants dans une société, dans un monde dans lequel on dit que la réussite suprême est de gagner plus d’argent. Il y a quelque chose là qui ne va pas.

On va revenir, si vous le voulez, sur les sujets européens, notamment sur la crise des migrants, parce qu’il se trouve que vous avez fait plusieurs déplacements pour vous rendre compte de la situation des migrants à leur arrivée en Europe. Qu’est ce que vous avez appris de cette situation? Qu’est ce que vous avez compris de cette situation? Et de façon annexe, est-ce que les mesures qui sont prises par l’Europe sont efficaces ?

D’abord, il s’agit d’une crise de réfugiés avant de parler de migrants, je crois que c’est très important de faire la distinction.Tout ce qui se passe, c’est parce que nous avons une guerre en Syrie depuis maintenant cinq années. D’ailleurs, de ce point de vue là, je trouve que les chefs d’État et de gouvernement ont sacrément manqué d’anticipation, c’était une évidence qu’ayant une guerre civile, les déstabilisations extrêmement profondes aux frontières de l’Union européenne, il y allait avoir un impact sur l’Union européenne. On l’a déjà vécu au moment de Lampedusa et de la Tunisie, donc on le savait. Il a eu un manque d’anticipation complet. On a eu la position d’Angela Merkel, qui est une position au plan de l’humanité, c’est une position qui me touche. Je trouve qu’on aurait pu simplement le faire de façon plus organisée. 

Est-ce qu’on doit accueillir des réfugiés syriens dans l’Union européenne ? La réponse est oui, pour moi. Est-ce qu’on doit en accueillir en France ? La réponse est oui. Mais ceci doit s’organiser. Le problème auquel nous sommes confrontés depuis des mois et des mois, mais c’est le même problème pour les réfugiés, c’est que cela n’est pas organisé. Quand vous êtes un réfugié syrien, que vous quittez la Syrie parce qu’au bout de cinq années de guerre, vous n’avez plus aucune perspective d’avenir, que vous n’avez plus de maison, que vous êtes un « déplacé », que vous êtes avec votre femme et vos enfants, vous n’avez qu’une solution pour quitter la Syrie, c’est de payer des passeurs, c’est de prendre le risque de voir mourir vos enfants ou votre famille dans un bateau où vous payez pour un adulte trois mille euros, mille euros pour un enfant. 

Donc il faut les accueillir.

Donc je dis depuis de nombreuses années, qu’il faut faire les demandes de visas là où sont les réfugiés dans les pays frontières de la Syrie, en Jordanie, au Liban, en Turquie. Il faut faire exactement ce que le Canada a fait intelligemment avec son nouveau Premier Ministre. Vous pouvez demander l’asile dans ces pays voisins, on vous donne le droit d’asile ou pas et vous pouvez venir en Europe à ce moment là par des voies légales et c’est comme cela qu’on devrait gérer à mon sens cette affaire de réfugiés.

Donc on ne la gère pas bien. Et l’accord européen, qu'en pensez-vous ? 

Je pense qu’il est absolument nécessaire que la Turquie fasse cesser le boulot des criminels que sont les passeurs. Tout cela se déroule forcément avec au fond un certain accord des pouvoirs publics. C’est à une telle échelle que ça ne peut pas se produire autrement. Oui, il y a urgence à ce que la Turquie fasse cesser ce trafic, c’est absolument vital. En même temps, je considère qu’on n'a pas à déléguer à la Turquie la gestion de nos frontières et la gestion de notre droit d’asile. C’est à nous d’assumer la sécurité de nos frontières, c’est en quoi Schengen doit être réformé de tout urgence. Bien évidemment qu’on doit avoir des contrôles extérieurs à nos frontières, aussi bien pour les ressortissants des pays tiers que pour les ressortissants de l’Union européenne. Comme tout grand ensemble et comme cela se passe aux États-Unis ! Nous devons gérer nous-mêmes notre droit d’asile. 

On voit bien les perturbations que le phénomène provoque en Europe, est-ce que celaest susceptible de déstabiliser l’Union Européenne selon vous ?

Je pense que c’est une crise extrêmement lourde. Angela Merkel a pris la décision qu’elle a prise, on le sait bien pour des raisons aussi économiques en Allemagne. On ne le répétera jamais assez, c’est-à-dire qu’il y a aussi un problème de démographie, qu’il y a un problème de main-d’oeuvre et que c’est aussi pour cela qu’elle a ouvert ses portes, même s'il y avait au fond un devoir d’humanité vis-à-vis de ces réfugiés syriens. Simplement, vous êtes obligés d’avoir une politique qui soit harmonisée de ce point de vue. Vous ne pouvez pas accueillir tout le monde, mais vous devez prendre votre part. L’Union européenne doit prendre toute sa part de l’accueil des réfugiés. Elle doit harmoniser sa politique d’asile ce qui n’est absolument pas le cas, la France se doit d’être à ce rendez-vous là, elle n’est pas à ce rendez-vous là. Elle n’accueille pas beaucoup de réfugiés syriens sur son sol, extrêmement peu. Mais d’autres pays du monde doivent aussi prendre leur part, le Canada le fait avec plusieurs dizaines de milliers, d’autres doivent le faire aussi et puis il y a, à côté, la question de la migration, des migrations économiques. Là aussi, il faut que nous ayons une politique commune en terme de migration économique. Il faut au fond pouvoir accueillir autant que de besoin des migrants économiques, peut-être expérimenter les visas à multiples entrées, c’est-à-dire que vous pouvez donner un visa à quelqu’un qui vient travailler quelques mois, repartir dans son pays d’origine, revenir l’année d’après à partir du moment où il respecte un certains nombre de règles. Il faut qu’on essaye de penser aussi bien la politique d’asile des réfugiés, que la politique d’asile pour les migrants de façon coordonnée et concertée.

Et parallèlement on a le risque djihadiste, comment est-ce qu’on répond à cela?

Il faut qu’on lutte mieux, qu’on coopère mieux. Que nos services de renseignements fonctionnent ensemble de façon définitive. On voit bien qu’il y a des failles, et d’ailleurs c’est intéressant de voir ces failles, de connaître les failles, de mieux les analyser pour que les mêmes faits n’aient pas les mêmes causes tragiques. De ce point de vue, il y a une harmonisation de qui est nécessaire. Il y a une coopération nécessaire, elle ne se fait pas suffisamment. 

Elle ne se fait pas et elle n’en prend pas le chemin…

Il faut en prendre le chemin. On n'a pas d’autres solutions que de le faire. On a pas d’autres solutions que les chefs d’état et de gouvernement accélèrent, améliorent la coopération entre États, entre services de renseignements.

Il y aurait peut être la fin de Schengen mais au sens du retour des contrôles des frontières des États ?

Mais il faut contrôler les frontières extérieures de Schengen. Il faut exiger, renseigner l’ensemble des fichiers qui sont à notre disposition de base de données dès qu’un citoyen de l’Union européenne quitte l’espace Schengen et dès qu’il rentre à nouveau. Il faut un contrôle effectif à nos frontières comme le font tous les grands espaces du monde. 

Marielle de Sarnez merci beaucoup, on aura finalement fait que de la grande politique dans ce journal. 

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