"Je pense que cette élection présidentielle est la dernière chance pour le pays de retrouver une unité, un idéal commun"

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Marielle de Sarnez était aujourd'hui l'invitée du Brunch politique de Sud Radio. Dans la seconde partie de l'émission, elle a répondu aux questions de Louis Morin à propos des futures échéances électorales et de la position du Mouvement Démocrate.

 Vous pouvez réécouter cette interview grâce au podcast à télécharger sur ce lien.

Aujourd’hui jour de vote pour les primaires de gauche. La campagne a-t-elle été réussie, selon vous ?

On va voir s’il y a beaucoup de votants. Je ne veux pas préjuger. C’est un exercice compliqué, dans des circonstances politiques incroyables. On a inventé ces primaires qui ne donnaient pas vraiment le temps de faire campagne pour que le président de la République soit le candidat qui en sorte. Finalement il dit qu’il ne sera pas candidat. On maintient quand même ces primaires… Tout ça est hyper acrobatique ! Je ne sais absolument pas comment ça va se passer, je ne sais pas combien de personnes vont aller voter, je ne sais pas quel sera le résultat. Ce que l’on peut dire, c’est qu’au-delà de l’acrobatie du système, on est peut-être historiquement à un moment où le Parti socialiste est peut-être en train de se transformer, ou en tous les cas ne sera pas demain ce qu’il a été hier. Peut-être qu’il va y avoir une refondation de la gauche avec une clarification entre deux lignes qui n’a jamais eu lieu depuis des années – je l’ai regretté, d’ailleurs –, entre une gauche disons « Mélenchon » ou Die Linke pour les Allemands, et une gauche plus social-démocrate ou social-libérale. Donc je pense que l’on rentre aussi dans une grande zone d’incertitude pour l’avenir du Parti socialiste.

Tout va dépendre de la participation, aujourd’hui. En-dessous de 2 millions de votants, ce sera un échec ?

Non, je ne veux pas utiliser ces qualificatifs. Moi, d’une manière globale, si vous me demandez si les primaires sont une bonne chose – et même si vous ne me le demandez pas – non ce n’est pas mon point de vue. Je trouve que c’est le contraire des institutions.

Ce n’est pas la culture du MoDem ?

Ce n’est pas la question de la culture du MoDem. Je suis militante, j’aime les partis politiques, j’aime le mien. Mais je ne suis pas là pour parler uniquement au nom d’un parti politique, je parle comme une citoyenne. C’est le contraire des institutions de la Ve République ! Je pense que le général de Gaulle, s’il voyait ça, se dirait vraiment « quelle horreur ! ». Je considère qu’une présidentielle est à deux tours et que les deux tours étaient là pour ça. Au premier tour on choisissait, au second on gardait celui qu’on voulait garder. Je trouve que les primaires redonnent au parti le pouvoir sur l’élection présidentielle et posent aussi la question du « Circulez il n’y a rien à voir », c’est-à-dire qu’une fois que les partis ont choisi, on impose un candidat aux citoyens, y compris ceux qui ne sont pas allés voter à la primaire. Ca vaut pour la droite comme pour la gauche. Ensuite, ça pose la question de quel président de la République on a derrière. Est-ce qu’on a un président de la République qui représente simplement un noyau dur ou un parti politique ? Ou est-ce qu’on a un président de la République qui représente largement l’ensemble des citoyens ? Tout ça pose de vraies questions institutionnelles, c’est pourquoi je suis hostile aux primaires.

Derrière la primaire il y a la volonté de maximiser leur chance d’être au second tour. C’est aussi la présence de Marine Le Pen qui les pousse à cela…

Vous pouvez très bien opérer des rassemblements larges sans avoir besoin de primaire. Je ferme la parenthèse, c’est ce que Les Républicains et le Parti socialiste ont choisi de faire, mais c’était tout à fait possible de le faire autrement.

Le candidat de gauche risque-t-il de finir 5ème à l’élection présidentielle ?

Le candidat du Parti socialiste, c’est ça que vous voulez dire, le candidat issu de la primaire. Il y a plusieurs candidats à gauche.

Le candidat qui sera issu de cette primaire, en tout cas.

Tout est possible, je pense. Après, on a des sondages aujourd’hui mais en même temps le peuple de France n’est pas encore dans l’élection présidentielle. Le cadre de cette élection n’est pas encore défini et définitif, il n’est pas encore posé. Les Français ne sont pas rentrés dans cette campagne, ne sont pas du tout dans le dur de la campagne. Donc on va probablement avoir des évolutions dans les semaines qui viennent.

François Bayrou va sortir un livre bientôt, « Résolution française ». Quel est l’objectif du livre ?

C’est de poser enfin une vision sur la table, qui serait une vision plutôt positive, constructive. Ce qui dit François Bayrou, c’est que les difficultés que nous avons relèvent de nous. Et que, donc, il suffit de mettre les bonnes options sur la table pour les régler. Et que, pour ça, il ne faut pas du sang et des larmes. C’est une approche beaucoup plus bienveillante. Il considère, c’est ce qu’il explique dans son livre, qu’il vaut mieux convaincre que contraindre et que c’est possible : on peut arriver à redresser le pays, à retrouver un idéal commun en France avec une transformation de l’Etat en profondeur, avec une transformation de notre système politique, avec un Etat qui soutienne vraiment l’économie et les entreprises, avec l’idée qu’il faut arrêter les débats sur « est-ce qu’il faut baisser la dette ou augmenter les impôts ? », à la vérité il faut faire baisser la dette et le déficit mais en même temps il faut arrêter – et c’est quelque chose qui nous différencie de l’ensemble des candidats – d’augmenter les impôts. Les Français en ont ras-le-bol et ils ont bien raison. On peut faire les choses sans augmenter les impôts. Il y a un certain nombre de réformes à conduire. Mais il y a surtout une vision d’un pays qui peut s’en sortir, qui peut se rassembler dans une unité.

Vous diriez que c’est un programme pour la présidentielle ?

En tous les cas c’est un livre pour la présidentielle. Moi je considère que c’est même le livre pour la présidentielle. J’ai lu les livres des uns et des autres, là je considère qu’enfin il y a là clairement sur la table une vision et que c’est assez lumineux. On se dit enfin qu’on peut y arriver. Je trouve que c’est très optimiste et je pense qu’en ce moment on a besoin de ça !

Ce sera un livre pour une candidature personnelle ou un livre qui pourra se mettre au service de quelqu’un d’autre ?

Comme vous le savez, nous avons dit que nous ne fermions aucune porte. Une candidature personnelle est tout à fait possible, et en même temps un rassemblement large avec d’autres est tout à fait possible aussi. Je vous rappelle, à ce micro, que nous avions fait le choix il y a deux ans de dire que nous étions pour un rassemblement large avec Alain Juppé. Je regrette d’ailleurs qu’il n’ait pas gagné la primaire mais c’est comme ça, j’en prends acte. Si nous avions dit que nous étions pour un rassemblement large c’est que nous pensions que, vu l’état du pays, c’était important. Maintenant, la question est de savoir si ces rassemblements larges sont possibles avec les candidats que nous avons, ou pas.

Est-ce que vous poussez François Bayrou à être à la tête de ce rassemblement large ? A être candidat ?

Je pense une chose, je pense qu’il serait un formidable président de la République pour les Français. Je pense qu’il réconcilierait les Français, qu’il irait à l’essentiel de ce que ce pays doit faire et a à faire et que ce serait quelque chose de formidable pour la France. Mais j’ajoute que je ne varie pas sur ce que je vous ai dit avant. Si des rassemblements larges sont possibles avec d’autres, nous regarderons ces options. Nous avons trois options devant nous : soit la candidature de François Bayrou, soit faire des rassemblements larges avec l’un ou l’autre de ces candidats.

Quand est-ce que vous prendrez cette décision ?

Avant la fin du mois de février.

Les Républicains pourront-ils gagner sans le soutien du MoDem ?

C’est une question qui est ouverte. Au Mouvement Démocrate, au fond, nous portons la voix de millions de Français qui, pour le moment, pensent que le projet de François Fillon n’est pas à l’équilibre du pays et qui donc portent une interrogation sur ce projet mais aussi sur la manière dont les choses se développent depuis début décembre. C’est-à-dire que j’ai le sentiment que François Fillon est d’une certaine manière toujours enfermé dans cette primaire. On n’est plus dans la primaire, elle est derrière. Maintenant, on est dans un moment de rencontre avec les Français. On est dans un moment où il faut essayer de convaincre – comme je le disais tout à l’heure – plutôt que de contraindre. Car la contrainte, ça ne marche pas. Et comment vous emmenez un pays, comment vous créez une dynamique ? C’est en convainquant que vous avez un projet pour ce pays ! Et un projet ne peut pas se résumer à quelques mesures qui sont des mesures vécues par les gens comme punitives. Ce n’est pas ça un projet. Une présidentielle, c’est un récit national, c’est une histoire, c’est une rencontre entre un candidat et le peuple. Ca ne se résume pas à des mesures.

La baisse de 500.000 fonctionnaires, la fin des 35 heures, ce sont des points phares du programme de François Fillon ?

Je pense que c’est une erreur. Ca veut dire quoi la fin des 35 heures ? Ca veut dire que, comme il n’y a plus de limite horaire, il n’y a plus d’heures supplémentaires. Et donc, s’il n’y a plus d’heures supplémentaires cela engendre une baisse des salaires et une baisse du pouvoir d’achat. Donc, c’est le contraire de ce qu’il faut faire pour renforcer la valeur travail. Nous, nous avons l’exacte proposition inverse. C’est-à-dire que nous disons qu’il faut des heures supplémentaires, il faut qu’elles soient bien payées aux salariés, mais il faut que ce soit neutre pour le chef d’entreprise, c’est-à-dire que ça ne lui coûte pas plus cher en charges. On considère qu’il a payé les charges jusqu’au niveau horaire et qu’ensuite c’est uniquement du bonus pour les salariés. C’est très important ! Si vous ne valorisez pas le travail, c’est toute une conception qui va à rebours. Nous ne voulons pas un pays où le travail serait dévalorisé et où les inégalités sociales continueraient de croître. Ce n’est pas le modèle de société que nous voulons.

Ce serait rédhibitoire pour un soutien du MoDem ?

En tous les cas, je vous dis, ce n’est pas le point d’équilibre du pays. Et notre responsabilité est de faire en sorte que l’intérêt général du pays soit préservé. Est-ce que François Fillon va faire des inflexions ? Je n’en sais rien. Ce n’est pas ce qu’il dit, ce n’est pas ce qu’il annonce. Donc je pense que c’est très important qu’il comprenne, je le dis pour lui, que le temps de la primaire est derrière lui et que le temps de la présidentielle est un autre moment. C’est un temps différent.

Le candidat qui s’autoproclame justement candidat de la valeur travail c’est Emmanuel Macron. Il vous séduit ?

Je crois que François Bayrou a parlé de la valeur travail bien avant qu’Emmanuel Macron en parle, donc je mets ça plutôt au crédit de François Bayrou. Ca fait très longtemps qu’il dit ça. Si l’on parle de Macron, le point positif c’est cette petite musique qui entre en résonnance avec ce que dit Bayrou depuis de nombreuses années, à propos de la nécessité de faire évoluer le système politique. J’essaie de regarder les choses objectivement. Et en même temps il y a un flou absolument total sur l’absence de projet. C’est-à-dire que, d’un côté, on a le projet de François Fillon qui est un projet dur, de mesures dures – sur les fonctionnaires, ça ne peut pas se faire de cette façon-là, on peut réfléchir à l’évolution du statut mais on ne peut pas dire à tous les jeunes qui préparent le concours « circulez, il n’y a rien à voir, vous ne serez pas embauchés », ce n’est pas possible, ce n’est pas comme ça que vous pouvez entraîner le pays. Et de l’autre côté on a une absence de projet. Moi j’ai besoin de connaître le projet, de mesurer la vision, de voir s’il y a une vision, de voir s’il y a une vraie capacité, crédibilité, densité personnelle. C’est important pour les Français !

Début janvier, une quinzaine de membres ou sympathisants du MoDem ont rallié Emmanuel Macron. Ils l’ont fait savoir dans la presse. C’est le signe qu’il y a des ponts ? Qu’il y a des convergences ?

Ecoutez, il y a quelques adhérents qui sont allés soutenir Emmanuel Macron, très bien. Il y a en dans d’autres partis politiques que vous ne citez pas, il y en a même chez Les Républicains. Après, la question est de savoir si tout ça est durable. Si Emmanuel Macron a les épaules pour que ce soit durable, s’il a la densité pour que ce soit durable. Et, surtout, de savoir quel est son projet, quelle est sa vision.

Si François Bayrou n’est pas candidat, il y aura un accord pour les législatives ?

Là vous allez plus vite que la musique. Je vous ai dit qu’en février nous trancherions, que nous avons trois options devant nous, et que dans chacune de ces options il y a d’abord la question de la présidentielle qui est la plus lourde, la plus importante. Moi je pense que c’est la dernière chance pour le pays de faire quelque chose qui soit entraînant, de retrouver une unité, de retrouver un avenir, un optimisme. Je crains que, si tout cela échoue, dans cinq ans nous soyons dans une gestion par les extrêmes que je ne souhaite pas pour mon propre pays. Derrière la question des législatives il y a la question de la majorité présidentielle. Dans la question de la majorité présidentielle il y a la question de la place des uns et des autres. Evidemment, mais tout cela vient pour moi après la présidentielle, il faudra que le centre en tant que tel s’organise, pèse et s’assume. Le pays en aura besoin.

Marielle de Sarnez, souhaitez-vous être candidate aux législatives dans la 11ème circonscription de Paris ?

Je ne ferme aucune porte. Mais la 11ème, vous êtes tout de suite dans le détail… J’aime profondément l’Europe donc j’aime profondément ce que je fais au Parlement européen et mon engagement européen est quelque chose qui est pour moi substantiel. En même temps, s’il y a une opportunité de participer à la reconstruction de mon pays, évidemment, de toutes mes fibres, ça m’intéressera.

 

La marche pour la vie c’est cet après-midi à Paris, autoproclamée « marche pour la vie », c’est une marche anti-IVG. Vous n’y serez pas, j’imagine ?

Non, je n’y serai pas.

On pourra en revanche y retrouver Philippe de Villiers, Jean-Frédéric Poisson, Christine Boutin. Une manifestation aujourd’hui contre la loi Veil, est-ce que ça a encore du sens ?

Le droit de manifester existe, on ne va pas le remettre en cause, chacun peut exprimer ses opinions, ce sont l’inverse des miennes mais chacun a le droit d’exprimer ses opinions, on est en démocratie et c’est bien comme ça. Moi j’ai très bien connu Simone Veil, je l’ai connue dans ces années-là, et j’ai vécu avec elle en 75, absolument terrible, cette violence, cette brutalité qu’elle a subie à l’époque, les invectives à l’Assemblée Nationale de tous ces types qui étaient là. C’était atroce. On est plus de quarante ans après, je pense qu’il faut dire une chose, il faut arrêter de culpabiliser les femmes qui ont recours à l’IVG. Une femme qui a recours à une IVG, c’est toujours un drame, une détresse, beaucoup d’interrogations pour elle, ça n’est jamais quelque chose de simple et de confortable. Donc arrêtons de culpabiliser ces femmes, ce dont elles ont besoin c’est plutôt de bienveillance. Ensuite, notons une chose, c’est que depuis 1975 il y a eu des changements qui ont été portés à cette loi, il y a eu des simplifications, certains diront des améliorations, le nombre d’IVG n’a pas varié, c’est toujours le même, ce sont toujours des situations difficiles et moi je n’aime pas cette idée de mettre de la morale : « Ce que vous faites est bien, ce que vous faites n’est pas bien ». Malheureusement, il y a des situations dans lesquelles l’IVG est nécessaire, c’est la liberté des femmes qui y recourent. Cette liberté doit être vitalement préservée, et on doit arrêter de les culpabiliser.

Il y a justement le délit d’entrave qui revient mercredi à l’Assemblée en commission législative.

Mais le délit d’entrave existe depuis 1993, simplement, on l’étend à des moyens d’information qui n’existaient pas en 1993. Si on l’a voté en 93, on doit effectivement prendre en compte les nouveaux moyens d’information.

Parce que ça fait évidemment partie des objectifs de la manifestation de cet après-midi, pour eux, de s’opposer à cette nouvelle loi. Ce matin dans le JDD, Jean-Luc Mélenchon se prononce pour le droit au suicide assisté. Est-ce que ce sera la prochaine grande réforme sociétale ?

Je pense qu’il y aura des évolutions dans les années qui viennent. Il y a des pays voisins comme la Belgique par exemple, dans lequel ça existe, il y a un droit à mourir dans la dignité et en étant accompagné. « Droit au suicide assisté », je n’emploierais pas ces mots-là.

Ce sont les siens.

Oui, je les lui laisse, à Jean-Luc Mélenchon. Après, ce sont de vraies questions, ce sont des questions d’évolution dans une société, je ne dis pas que cette évolution n’aura pas lieu un jour en France. La loi Leonetti a été honnêtement un progrès de ce point de vue-là ; est-ce qu’elle est bien appliquée, est-ce qu’elle a été bien comprise, est-ce qu’il ne faut pas d’abord en faire la pédagogie mieux encore, voir comment cela fonctionne, l’évaluer vraiment avant de passer encore à une autre étape ? Vous savez en France on a toujours tendance à voter des lois qui ne s’appliquent pas forcément, qui ne sont pas forcément connues de ceux qui sont censés les appliquer, qui sont très peu ou jamais évaluées, il faut qu’on ait cette culture de l’évaluation, on évalue et après on regarde si on peut effectivement peut-être faire évoluer les choses.

Actuellement c’est la sédation qui est proposée dans ce type de cas.

Oui, donc il faut déjà voir comment ça se pratique, comment y sont confrontés les malades et les familles.

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