" Un Président de la République est quelqu'un qui réunit son pays pour affronter les difficultés. "

François Bayrou était l'invité politique de la matinale de France Info vendredi 22 janvier 2016. Le Président du MoDem est revenu sur la déchéance de nationalité, l'union nationale et l'état d'urgence mais aussi sur les aides financières des étrangers en situation irrégulière.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Le Figaro publie ce matin les bonnes feuilles du livre que Nicolas Sarkozy va sortir lundi - La France pour la vie chez Plon -. D’abord, vous l’a-t-il envoyé ce bouquin avec une dédicace ?

Non, pour l’instant, je ne l’ai pas reçu.

L’ex- Président nous avait promis un mea culpa, vous avez lu comme nous Le Figaro ce matin, pour vous est-ce un vrai mea culpa ?

Nicolas Sarkozy rejoint tous ceux qui depuis des années avaient indiqué à quel point l’exercice de la fonction pendant ces cinq années était loin de ce que les Français étaient en droit d’attendre : les attitudes, le style, le choix, les mots, les yachts, les Fouquet’s… Il y a en ce moment une mode d’être très sévère à l’égard de Nicolas Sarkozy. Personnellement, j’ai affronté Nicolas Sarkozy quand il était au sommet de son pouvoir sur le fond des choses, pas seulement sur l’attitude. Pour moi, un Président de la République est quelqu’un qui réunit son pays pour affronter les difficultés : d’abord qui a une vision claire de ce qu’il faut faire et ensuite qui sert l’unité du pays. Ce que j’ai reproché à Nicolas Sarkozy, c’est qu’il cherchait le plus souvent la division du pays. Pour moi, cela était l’erreur la plus grave de l’exercice de la fonction.

Sur le fond des choses - les 35 heures, l’ISF, la sécurité, l’immigration, Schengen, l’interdiction de la Burqa - Nicolas Sarkozy dit « j’aurais dû aller au bout », « j’aurais dû faire davantage », « j’avais raison avant l’heure »… Apparemment, c’est un mea culpa, mais sur le mode « je n’ai pas fait assez ».

Je n’ai pas lu le livre alors j’attendrai de le lire pour le commenter. Il a raison quand il dit qu’il n’a pas fait assez sur les choses qui étaient positives, qui auraient été positives ou qui auraient été bonnes. Parfois, sur ces choses-là, il ne faut pas hésiter à affronter l’opinion. En effet, quand il dénonce le côté brouillon de l’action et dit que cela « partait dans tous les sens », il a raison ! Après, est-ce qu’il suffit de dire « je me suis trompé à peu près sur tout » pour avoir raison à peu près sur tout, c’est cela la grande interrogation. Pour ma part, j’attendrai naturellement de voir et de lire.

Vous venez de dire qu’un Président de la République est quelqu’un qui réunit son pays pour affronter les difficultés. Est-ce que François Hollande est un Président de la République ?

Ce que je reproche à François Hollande, c’est de ne pas avoir de ligne. Il n’est pas cohérent. L’essentiel des reproches que je fais à François Hollande tient en une phrase : il se comporte comme si la présidence de la République était une fonction politique, politicienne ! Il cherche des synthèses entre des courants politiques, il ne se comporte pas en Président de la République qui sait que sa fonction est historique. Il a la charge de l’essentiel et doit aller clair et droit au but. C’est sur ce point que François Hollande n’est pas à la hauteur. Dans l’exercice de la fonction, au fond c’est le même souci de synthèse qu’à la tête du PS. Or, la tête du PS et la présidence de la République ce n’est pas du tout le même fonctionnement.

Tous les Présidents de la République en exercice ont fait cela. Ils recherchent le compromis, y compris dans leur propre famille politique.

Oui, enfin vous dites tous les Présidents de la République… Si vous regardez le passé en allant un peu loin, vous verrez que ce n’est pas le cas. Ni le fondateur de la Vème République ni Pompidou ni Giscard à sa manière, ni parfois Mitterrand ne se sont comportés de cette manière-là.

Quand vous regardez ce qu’il se passe à droite aujourd’hui, c’est une écurie, la présidentielle a déjà démarré. On les voit tous sur le terrain, y compris, d’ailleurs, Nicolas Sarkozy. Où est-ce que ça va cela François Bayrou ?

C’est la primaire. La primaire c’est une élection interne à un camp, dans laquelle on cherche à répondre au camp et non pas au pays, ou dans laquelle la mécanique vous conduit à répondre à un camp et non pas au pays. Or, si vous regardez la gravité des choses aujourd’hui, vous avez l’impression que cette compétition-là ne répond pas à l’attente profonde que nous sommes en droit d’avoir tous, par ce que nous sommes des citoyens, sur l’avenir du pays.

Avec ou sans vous d’ailleurs ? Sur ce principe, vous leader du MoDem qui est un parti du centre, qui est plutôt aujourd’hui versé vers l’opposition. Vous voulez participer à une telle primaire ? Est-ce que la famille centriste doit y aller ?

Vous savez bien que, moi, je ne participerai pas à cette primaire-là. Il peut toujours y avoir des tremblements de terre mais je ne crois pas. Je ne participerai pas à cette primaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que le mécanisme même de la primaire qui vous oblige à vous ranger dans un camp ne correspond pas à la définition que je viens de donner à l’instant de la fonction. Découper le pays en camps ou découper le pays en partis, pour moi, ça ne va pas dans le bon sens. Mais, j’ai dit que si Alain Juppé sortait de cette primaire je le soutiendrais.

Sortait vainqueur ?

Oui, sortait vainqueur.

François Bayrou, vous êtes toujours en haut dans les sondages d’opinion, assez populaire finalement, dans une sorte de trio de tête souvent.

Et même avec beaucoup d’intentions de vote quand on les mesure.

Et vous-même, vous y pensez ?

Mais vous m’avez entendu. Je ne participerai pas à cette mécanique-là.

La présidentielle ?

Allons un tout petit peu plus loin. Je considère que parmi les maux du pays aujourd’hui il y a le fonctionnement des partis politiques -qui ne sont plus du tout des organisations qui pensent à l’avenir et qui favorisent le travail en commun – ils sont exactement le contraire, c’est-à-dire un champ clos à l’intérieur duquel on s’affronte. C’est une organisation de division. Cette partitocratie, comme on dit, qui fait que les partis sont ou bien là pour organiser des prébendes ou bien qu’ils organisent la guerre de tous contre tous à l’intérieur. Ceci ne me correspond pas. Alors, j’ai une réflexion, peut être que j’en ferai part aux adhérents du MoDem assez vite. Je pense qu’il faut changer le fonctionnement des partis politiques. Mais quant à aller servir le fonctionnement des partis en m’inscrivant dans une mécanique de cet ordre, je ne le ferai pas.

La politique c’est aussi un ensemble de décisions concrètes heureusement d’ailleurs, François Bayrou. Valérie Pécresse, en Ile-De-France, alliée au MoDem a fait voter avec le Front National, la suppression des aides au transport pour les étrangers en situation irrégulière titulaires de l’AME. Elle l’avait promis. Vous approuvez ce vote, cette mesure ?

J’approuve le principe qui dit qu’un pays réserve ses aides à ceux qui sont en situation régulière à l’intérieur. Autrement, vous favorisez la recherche des situations irrégulières. Il y a un point sur lequel on doit faire attention c’est l’aide en matière de santé. Ne serait-ce que parce que lorsque vous avez des personnes qui entrent et qui sont en mauvaise santé, évidemment ça peut entrainer des dégâts sanitaires pour l’ensemble. Et puis, il y a une dimension d’humanité élémentaire. Mais les autres aides, pour moi, il est juste et normal de dire qu’elles sont réservées à ceux qui sont à l’intérieur du pays en situation régulière. Autrement, naturellement, on entre dans un univers dans lequel vous ne contrôlez plus et surtout vous faites passer le message qu’au fond dans ce pays-là, on peut y entrer comme dans une auberge espagnole. Ce que ne doit pas être un pays comme la France aujourd’hui.

On sait quand on vous a lu et quand on vous connait que vous êtes très attaché aux libertés publiques. Faut-il prolonger l’état d’urgence ?

Je pense que le prolongement de l’état d’urgence est inéluctable par ce que vous ne désarmez pas un pays lorsqu’on est dans une situation de risque comme celle-ci. Les trois mois supplémentaires d’état d’urgence permettront de faire entrer dans la loi, j’allais dire régulière, un certain nombre de dispositions, de précautions, d’armes, d’atouts dont on a besoin pour lutter contre le terrorisme.

Vous avez vu sur la déchéance de nationalité, le Président consulte de nouveau aujourd’hui, y compris des présidents de partis ou des chefs de parti comme Nicolas Sarkozy ou Jean-Christophe Cambadélis. Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? On n’en sort pas ?

Je pense qu’ils essayent de sortir du piège dans lequel ils se sont mis tous seuls. Et donc, de ce point de vue-là, tout le monde est d’accord sur un point, ce n’est pas cela qui va faire reculer le terrorisme. Mais c’est un signal dont beaucoup de citoyens ont besoin par ce qu’ils ont l’impression que le pays ne se défend pas dans sa solidarité, qui ne dit pas assez, vous nous avez attaqués, vous avez attaqué nos enfants, vous avez tué nos enfants. Non, nous ne pouvons pas accepter que vous restiez, sans une décision ferme, membre de ce pays. C’est un symbole plus pour le pays qu’une arme pour la lutte contre le terrorisme. C’est dire chez nous, j’ai employé ce terme à l’instant, ce n’est pas une auberge espagnole. Vous savez ce que c’est l’expression auberge espagnole ? C’est, je viens dans la maison, je me fiche éperdument de ce que la maison est, c’est moi qui impose un certain nombre de choses. Un pays a le droit, le devoir peut être de dire que, non, chez nous on ne fait pas n’importe quoi. N’importe quoi de gravissime et de mortel. Comme il y a deux mois à peine, le 13 novembre...

François Bayrou, chaque fois que l’on vous reçoit, on vous pose la question. Il se trouve qu’il y a peut-être un remaniement qui arrive au mois de février…

Epargnez-vous la question, par ce que ce serait un humour déplacé…

Je ne me sens pas en phase avec le gouvernement. Et jamais, on ne m’a proposé d’entrer au gouvernement et on a bien fait.

Je vous le dis par ce qu’il y a eu un bel élan d’union nationale en faveur de l’emploi après les élections régionales. Jean-Pierre Raffarin était prêt etc.

Moi aussi, je suis venu pour vous le dire, le combat contre le terrorisme et le combat pour reconstruire l’économie française sont des combats du même ordre. Oui, on aurait dû construire une union nationale. Qu’a fait le gouvernement ? Il y a eu une proposition à l’intérieur, si on lit bien les journaux, le Premier Ministre au fond a essayé de porter ce combat et puis François Hollande a dit non. Manuel Valls a essayé de dire : il y a des décisions qu’on peut prendre sur le contrat de travail, sur le code de travail pour que l’emploi soit plus naturellement multiplié. Et puis Jean-Pierre Raffarin a dit et j’ai aussi dit que naturellement nous étions prêts à travailler sur ce sujet et François Hollande a dit non, comme depuis le début. C’est-à-dire que François Hollande a à la fois des décisions qui paraissent ouvertes et puis il a des choix qui sont partisans de politique de majorité.

D’un mot, le quinquennat est-il terminé selon vous François Bayrou ?

Pour l’essentiel, si le Président de la République ne prend pas - et apparemment il n’en prendra pas - de décisions qui soient extrêmement fermes pour changer la vie politique française, en effet, je ne vois pas très bien ce qu’il va pouvoir faire d’utile avant les prochaines élections présidentielles françaises.

 

 

 

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