"Toute annonce qui tend à faire croire qu'on va faire des cadeaux aux gens est un leurre"

Ce matin, sur iTélé, François Bayrou était l'invité de la matinale de Bruce Toussaint. Le président du MoDem s'est notamment exprimé sur les annonces de Christian Eckert qui a promis de faire de 2017 une "année fiscale blanche", afin de permettre la mise en place du système du prélèvement à la source en 2018.

François Bayrou bonjour.

Bonjour.

Vous vous souvenez de votre sujet de philo ?

Je ne peux pas m’en souvenir puisque j’appartiens à cette génération qui a passé le bac en 68. Et en 68 il n’y avait pas d’écrit. Il n’y avait qu’un oral. Ce qui, pour quelqu’un qui avait des difficultés à s’exprimer, n’était pas le meilleur des cadeaux que l’on pouvait faire.

Donc c’est un souvenir particulier le bac pour vous ?

C’est un souvenir particulier, c’est un souvenir un peu cotonneux, parce qu’il y avait eu tous ces évènements, toutes ces terribles crispations du pays, le général de Gaulle qui avait flotté, puis qui avait repris les choses en main, et puis les comités d’action lycéens, dont j’étais, et puis toutes ces choses. Oui c’est un souvenir étrange puisqu’au fond on s’était préparé pendant l’année pour « composer », et donc j’ai pas eu d’écrit, donc j’ai pas eu de sujet de philo.

Mais vous avez eu le bac ? Comme tout le monde cette année ?

J’ai eu le bac. De justesse.

Comment il va le bac de français, selon vous, en 2015 ? Après un siècle de controverse ?

J’imagine qu’il y a des controverses encore depuis beaucoup plus longtemps. Je pense que c’est un examen qui va devoir être réformé. Je pense que c’est une trop grosse machine pour un résultat qui au fond ne concerne que très peu d’élèves à la marge. Alors le bac je l’ai défendu pendant très longtemps parce qu’il y a un aspect initiatique. Au fond, c’était un rite de passage. Mais aujourd’hui, ce n’est plus beaucoup ça, et je pense donc qu’on va aller vers une réforme dans laquelle le contrôle continu du travail des élèves aura une plus grande place, et peut-être donner a à l’année de terminale une assiduité, ou ça poussera à un travail plus important.

Il faudrait aller jusqu’à supprimer les examens de fin d’année et ne faire que du contrôle continu ?

Il y a plusieurs propositions différentes. On peut imaginer de ne garder qu’un tout petit nombre d’épreuves et de le faire passer beaucoup plus tard, parce que ce que nous sommes en train de voir, nous sommes le 17 juin, ça veut dire que les cours sont finis, qu’il y a une désorganisation qui fait que l’année est raccourcie. Et donc l’idée que l’on réforme cet examen, pour en faire une épreuve qui tient, ou en tout cas pour en faire un titre qui tient beaucoup plus compte du travail qui a été fait pendant l’année, qui suit les trois dernières années du lycée, tout en laissant une petite marge de rattrapage, parce que je crois aussi qu’il faut tenir compte de ces élèves, et j’en connais quelques uns, qui sont pas très assidus, qui n’ont pas tellement la tête au travail pendant l’année, et qui pendant l’examen font apparaître une part d’eux-mm, qui se surpassent. Tout le monde doit avoir le droit à une deuxième chance. Mais vous voyez que ça allégerait beaucoup la préparation du bac, et qu’on devrait arriver à faire quelque chose de plus simple, de moins lourd, et de plus stimulant pour les élèves.

L’actualité de ce mercredi matin est marquée aussi par ces annonces du gouvernement concernant le prélèvement des impôts à la source. Alors ça y est ? C’est fait ? Le mot irréversible a même été prononcé par Michel Sapin dans le Figaro ce matin. Ce sera effectif en 2018. Avant d’en venir aux modalités, est-ce que sur le principe vous êtes d’accord ?

Sur le principe je suis pour depuis très longtemps, c’est une proposition que je vous racontais hors antenne, que j’ai faite depuis 2002, mais c’est une proposition qui est extrêmement exigeante, parce que ça entraîne une réorganisation du prélèvement de l’impôt, un changement du rôle des entreprises, si c’est à elles qu’on demande de verser l’impôt et ça ne règle pas toutes les questions. Parce que si vous avez un changement pendant l’année dans votre situation familiale par exemple, au fond, l’argent qu’on vous a versé est toujours susceptible d’être appelé pour l’impôt. Et puis le gouvernement annonce la main sur le cœur 2018. 2018 comme vous l’avez observé, c’est après 2017, et donc plus prudent le gouvernement annonce une décision pour une époque, où il n’est pas sûr d’être là.

Il annonce aussi un cadeau, le secrétaire d’Etat l’a confirmé sur le plateau d’iTélé il y a quelques instants : une année fiscale blanche sur les revenus salariés.

Oui c’est une blague.

Pourquoi ?

C’est une blague parce que cela veut dire, sauf pour un tout petit nombre de gens, évidemment ça n’aura aucune incidence, puisque d’abord une très grande partie de l’impôt est mensualisée, et donc ça continuera au même rythme, et ensuite, évidemment, vous serez imposé sur le salaire que vous toucherez, qui sera à peu près le même en 2018 qu’en 2017.

Sauf pour une catégorie qui en bénéficiera, et encore l’inventivité de l’administration fiscale devrait se déployer.

C’est les salariés, à hauts revenus, qui sont licenciés en 2017 dont une partie des indemnités de licenciement est fiscalisée, ceux-là – si l’on écoutait le Ministre aujourd’hui, mais on verra ce qu’il en sera – qui pourraient échapper à l’impôt.

Donc ce n’est pas vraiment un cadeau ?

Non, c’est une présentation. Vous voyez bien que dès l’instant que l’on passe… 

C’est une ficelle, que cela soit en 2017, justement, selon vous ? De la part du gouvernement.

J’imagine que le gouvernement essaie de faire passer l’idée qu’il va faire des cadeaux. Il ne fait pas de cadeaux, il est du point de vue budgétaire aux abois, la France est le pays en Europe dont le déficit est le plus constamment haut, le plus inquiétant, comme vous avez vu sur la dette cela ne baisse pas cela augmente. On est dans une situation qui est une situation critique, l’Etat a besoin de cet argent et donc tout annonce qui tend à faire croire que l’on va faire des cadeaux aux gens est un leurre, une duperie.

François Bayrou, est-ce que vous faites partie du long cortège de politiques qui fustigent le choix de Manuel Valls de recourir au 49-3 ?

Il y a eu beaucoup de centaines d’heures. Je trouve qu’il y a une chose qui est critiquable, c’est qu’il n’y ait eu aucun débat sur les amendements du gouvernement. Vous savez, on a des centaines d’heures sur le texte initial puis il a été repris par le Sénat, il revient devant l’Assemblée nationale, le gouvernement – sur certains points ou sur nombre de points – n’accepte pas le texte du Sénat, il fait des amendements et il n’y a aucun débat sur ces amendements. Ca c’est vraiment critiquable. Pour le reste, le 49-3 fait partie de notre arsenal pour éviter que ne s’éternisent des débats sans fin.

Donc du coup, quand certains responsables de l’opposition hurlent « Au scandale », Christian Jacob : « Manuel Valls devient la caricature de lui-même par ses excès d’autorité, son arrogance ». C’est quoi ? C’est le jeu classique, politicien de l’opposition, de la majorité, du chat et de la souris ?

Vous voyez bien, vous avez regardé cette étude d’opinion qui dit que 93% des Français sont éloignés des partis politiques dont ils ont une mauvaise opinion. Et le jeu parlementaire est complètement inadapté aujourd’hui à la situation du pays Tout cela va demander une réforme considérable.

C’est à dire ?

C’est à dire que vous ne pouvez pas avoir un texte – qui est entre nous, sur beaucoup de points un texte mineur – qui s’éternise pendant des mois et des mois devant l’Assemblée nationale et devant le Sénat et au bout du compte ces discussions qui sont si longues ne servent à rien. L’attention du pays décroche, il faut donc une réorganisation complète du Parlement pour que l’on puisse avoir un rythme d’adoption des lois qui soit à peu près le rythme de la conscience du pays, de la réflexion que le pays a sur lui-même.

Mais vous l’auriez voté, vous, ce texte ?

Pour encourager le gouvernement à aller plus loin, oui. C’est un texte, je vous l’ai dit, mineur. Qu’il faille – je crois vous l’avoir déjà dit à ce micro – un texte de loi pour qu’il y ait des lignes de car, de bus – le bus à la campagne, on appelle cela le car – qui relient une ville à l’autre, ou qu’il faille un texte pour simplifier les prud’hommes, c’est bien, mais cela ne va pas assez loin. Vous savez bien quels sont les grands chapitres du blocage du pays, l’un c’est le caractère illisible du droit du travail – j’ai été très intéressé parce que Robert Badinter est intervenu avec Monsieur Lyon-Caen, ils ont fait un texte pour dire à quel point il était nécessaire et possible de simplifier le droit du travail. Quand je disais cela, habituellement la gauche disait « Mais ce n’est pas possible, vous ignorez les acquis sociaux quand vous demandez que l’on écrive un texte de 100 pages à la place des 2000 pages du droit du travail, en réalité vous méprisez les luttes sociales » ; Robert Badinter et Monsieur Lyon-Caen, qui sont, je crois, pas soupçonnables, disent « C’est possible, voilà les principes que l’on pourrait établir et ces principes nous permettraient d’avoir une loi sociale lisible par tous donc une plus grande confiance des employeurs lorsqu’il s’agit de créer un contrat de travail. Ils sortent un livre cette semaine. 

Un dernier mot, François Bayrou, dans un sondage OpinionWay, on voit que les sympathisants de Nicolas Sarkozy lui demandent de s’adresser plutôt aux électeurs centristes qu’aux électeurs du Front national, comme si cette alliance était plus naturelle. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je pense que ce sondage est intéressant parce que c’est un infléchissement. Pendant très longtemps, les médias et les instituts de sondage ont dit « Voilà, ce que veulent les électeurs de droite c’est une alliance avec l’extrême-droite ou, en tout cas, que l’on aille sur les thèmes de l’extrême-droite ». Ce sondage est un changement parce qu’il dit, aujourd’hui, c’est sur l’électorat du centre et sur ceux qui en sont les porte-drapeaux qu’il faut que l’attention se tourne, qu’il faut rechercher des ententes et des accords. Et si l’on veut un jour une alternance dans ce pays, qui ne soit pas simplement la remise en place de ceux qui étaient là avant avec des attitudes encore plus provocatrices qu’elles ne l’étaient avant, alors en effet ce changement-là est un changement bienvenu ou serait bienvenu. En tout cas, les Français l’attendent.

Néanmoins, François Bayrou, un dialogue entre Nicolas Sarkozy et vous, c’est inimaginable, c’est fini.

On peut être avec des positions extrêmement claires, des affrontements sur un certain nombre de sujet sans concession – ce qui est mon cas – et considérer que l’on peut parler avec tout le monde.

Même lorsqu’il y a des attaques personnelles ?

Quand il le souhaite, je parle avec le Président de la République, je parle avec le Premier Ministre, je parle avec les Ministres du gouvernement, je parle avec un très grand nombre de leaders de l’UMP ou de responsables de l’UMP, je ne suis pas sectaire dans mes prises de position.

Il n’y a pas des choses impardonnables ?

Quelques fois je suis agacé.

Agacé seulement ?

Quelques fois je suis heurté

Heurté seulement ? Vous maniez les litotes.

Oui, quelques fois, il faut essayer de parler avec nuance et sourires. J’ai dit de manière très claire, j’ai même écrit quels étaient pour moi les points sur lesquels Nicolas Sarkozy, en dérivant, ne rendait pas service au pays. Je l’ai dis, je l’assume et pour autant je ne suis pas dans des attitudes sectaires, parce que le sectarisme est le plus haut degré de la bêtise.

Ah, cela pourrait être un sujet de philo ce matin pour le BAC.

Et si je pouvais ne pas entrer dans le plus gros degré de la bêtise, je préfèrerai.

Merci beaucoup François Bayrou.

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