"Tout cela est du temps perdu à détricoter l'UE alors qu'elle devrait répondre aux grands défis à nos portes"

Marielle de Sarnez, Vice-Présidente du MoDem, Députée européenne, a partagé ses opinions, au micro de Ruth Elkrief sur BFMTV, sur les thèmes du Brexit et de la réforme du droit du Travail.

Bonsoir Marielle de Sarnez. Vous êtes Vice-Présidente du Modem, députée européenne, conseillère de Paris donc très proche de François Bayrou, très intéressée évidemment par les questions européennes - on va en parler - c’est compliqué et on voit bien que la question de la sortie de la Grande Bretagne est vraiment en jeu. Mais d’abord cette question intérieure sur le code du travail : la réforme Elkhomri qui agite plutôt la gauche. Vous qui êtes au centre, vous devez applaudir cette réforme non? 

Je pense que quand on veut vraiment réformer on ne s’y prend pas de cette façon là. Regardez la manière dont ils s’y sont pris : on découvre un matin dans un journal l’avant projet de loi. La ministre dit d’ailleurs « J’irai au 49.3 ».

Elle vient de dire le contraire ce soir.

Oui parce que - sous entendu – « Je n’aurais pas de majorité ». Tout ceci n’est pas sérieux, n’est pas raisonnable. Ce sont des grands sujets et des grandes questions, sur lesquels il faut de la pédagogie, sur lesquels il faut que s’exprime une vision globale. Que veut-on faire ? Quels sont les objectifs ? Il faut parler aux Français, en leur disant et en leur expliquant, je pense, si on veut vraiment réformer, et c’est évidemment nécessaire. Nous ne cessons de dire, avec François Bayrou que oui, il faut simplifier le Code du travail, que oui bien sur il faut de la souplesse, et que cela sera bon pour tout le monde. Mais si vous faites les choses de cette façon là, un peu brutale, avec un peu d’amateurisme, moi, je ne suis pas du tout sûre que cela va déboucher sur quelque chose de positif. 

Vous pensez que c’est un échec annoncé ? 

Je vois les crispations de la gauche. Je vois cette pétition qui circule avec plus de 200 000 signatures. Je vois une forme de raidissement de Manuel Valls. Je vois que même des syndicats réformistes - la CFDT - n’ont pas été associés, puisqu’ils sont plutôt opposé alors qu’ils devraient être normalement dans le chemin de la réforme. Tout ceci est assez inquiétant. 

Vous, vous êtes dans le XIXème ou dans le XXIème siècle ? Vous pourriez soutenir ? Le XXIème c’est Myriam Elkhomri, Emmanuel Macron et lui ? C’était nous les modernes. 

Moi je suis dans mon siècle et je pense que Manuel Valls y est aussi. Mais dans notre siècle, quand on essaye de réformer on prend le temps. On essaye d’avoir une intelligence collective, on essaye d’avoir de la pédagogie. 

Si vous étiez députée, vous ne la voteriez pas cette réforme? 

Je n’en sais rien. Vous savez quel texte va arriver à l’Assemblée Nationale ? Vous savez quel texte va arriver au vote ? Vous savez, moi, j’ai vécu la loi Macron pendant un an. J’aurais été députée - je suis parlementaire européenne - j’aurais été à l’Assemble Nationale, je dis depuis le premier jour que je l’aurais votée. Puis ensuite, j’ai vu que les choses se défaisaient, se détricotaient. Moi, je ne sais absolument pas dans quel état le texte va arriver. Quand vous voyez le premier secrétaire du Parti socialiste, qui dit : « Ecoutez, ça ne va pas du tout ». Quand vous voyez des ministres s’exprimer, Jean Marc Ayrault, Ségolène Royal, Marisol Touraine, au lieu de dire leur solidarité avec Manuel Valls, ils disent : « Il faudrait rééquilibrer tout cela, attention il faut rééquilibrer le contenu du texte ». Ils critiquent un peu sur le fond, ils critiquent un peu sur la forme. Je vous dis juste que c’est mal parti et c’est dommage ! Moi je suis quelqu’un de constructif. Je préférerais évidemment qu’on assouplisse les choses qu’on aille vers plus de souplesse quand c’est nécessaire pour les PME pour les entreprises, pour les salariés. 

Marielle de Sarnez, pour clore ce chapitre, la logique c’est qu’avec un projet comme ça, dans le fond, c’est une forme d’appel aux centristes, aux députés centristes qui sont à l’Assemblée nationale, et globalement aux centristes. 

Cela aurait mérité qu’ils préparent un peu mieux les choses. J’ai l’impression qu’on revit ce que François Hollande a fait sur la double nationalité : il prend une idée, qui n’est pas spécialement de son camp mais finalement cela ne se finit pas forcément bien. Et je trouve cela dommage. Parce que c’est du gâchis. On a besoin de réformer le Code du Travail. On a besoin de mettre de la souplesse. On a besoin de tout faire pour au fond stabiliser le cadre dans lequel nos entreprises agissent et pour faire en sorte que l’on créé de l’emplois. On parle aujourd’hui des règles du chômage mais ce qu’il faut c’est évidemment créer de l’emploi. On a besoin d’une bonne direction politique pour les salariés, pour ceux qui n’ont pas d’emplois, on a besoin d’une meilleure formation.

Et ce n’est pas le cas ? 

Non. On a besoin d’une cohérence globale, générale. Je regrette que cela soit embrouillé, je ne vois pas de vision globale dans tout ça. 

L’Europe ne va pas très bien non plus…

C’est la même chose : manque de vision. Cela devient répétitif mais c’est vrai. 

Il y a eu cet accord vendredi soir, un accord entre l’Union Européenne et les anglais…

Oui, on ne sait pas très bien entre qui. Entre les chefs d’Etats quasiment à titre individuel parce qu’on ne va pas refaire le traité. Déjà, tout cela sur l’angle juridique est compliqué.  

Mais concrètement, vous, cet accord trouvé vendredi soir, vous le condamnez? 

Ce que je condamne, ce n’est pas cela. Ce que je condamne, c’est que les chefs d’États et de gouvernement ce sont mis dans la position de répondre au fond à une forme de chantage de David Cameron qui était de dire : écoutez, soit on change les choses, soit je m’en vais. 

La vérité c’est que la Grande-Bretagne est un grand peuple, un grand pays, je souhaite qu’ils restent dans l’Union européenne. Mais, je n’aime pas les marchandages entre amis. Je pense que ce n’est pas comme cela que l’on fait l’Europe. Je pense que ce n’est pas comme cela qu’on donne l’envie, même aux Britanniques, de rester dans l’Union Européenne. Vous vous rendez compte que les chefs d’États et de gouvernement ont discuté près de trente heures ensemble, et qu’au même moment Alep est bombardé, qu’il y a des milliers de réfugiés sur les routes, que les Turcs menacent d’aller au sol contre les Kurdes, que la situation est explosive, que les réfugiés continuent de quitter la Turquie pour rejoindre les îles grecques. 

Mais, Marielle de Sarnez, peut-être que David Cameron parle de cela aussi? 

Peut être qu’il remet en question un fonctionnement de l’Europe qui est chaotique?

La seule façon, pour moi, de faire en sorte que les peuples retrouvent confiance en l’Europe, c’est que l’Europe se fasse et non passe se défasse. Et là on a défait l’Europe pendant trois jours. On a redonné des exemptions, des dérogations, un statut spécial qu’avait déjà la Grande Bretagne. La question est d’apporter des réponses. Ils auraient du décider d’un accord de gardes-côtes ou de gardes frontières. 

Il fallait laisser partir la Grande Bretagne ? 

Non, il fallait dire à la Grande Bretagne : « Nous souhaitons que vous restiez mais si vous restez c’est parce que nous avons ensemble quelque chose à faire ». 

Ensemble, nous avons quelque chose à faire. C’est parce que, ensemble, nous allons retrouver - au fond - une souveraineté : répondre aux grands défis du monde. Et c’est cela qui manque aux chefs d’Etats et de gouvernement, aujourd’hui, c’est une vision.

Boris Johnson, le maire de Londres, hier, a apporté son soutien aux partisans de la sortie de la Grande-Bretagne. Il a évoqué l’idée d’un autre référendum qui lui permettrait de négocier un nouvel accord avec l’Union européenne, et David Cameron, devant la Chambre des communes, cet après-midi, a dit « Non, c’est définitif ».

Vous voyez bien que l’on est dans la plus grande des confusions, vous voyez bien que tout cela est du temps perdu à détricoter une Union européenne alors que l’Europe devrait être là et répondre aux questions qui se posent. Jamais on n’a eu des défis aussi lourds, probablement. Jamais l’Union européenne de son histoire, depuis qu’elle existe, n’a affronté des défis aussi lourds.

Mais elle ne marche pas. Vous voyez bien, cela ne marche pas.

Nous avons des chefs d’Etat et de gouvernement qui ne décident pas d’agir. On a - au fond - une crise de la prise de décisions, ils ne décident pas.

Ils décident chacun de leur côté. Angela Merkel décide d’accueillir des migrants, puis François Hollande décide ceci, puis les Polonais décident cela, les Anglais décident ceci.

Elle a décidé d’accueillir des réfugiés mais est-ce que l’Europe doit accueillir des réfugiés ? La réponse est oui. Les gens qui fuient la Syrie sont des gens comme vous, comme moi, qui - au bout de 4 années, 5 années de guerre - sont obligés de partir pour retrouver une perspective d’avenir. Si l’Europe ne prend pas sa part, évidemment qu’elle doit prendre sa part - on ne peut pas accueillir tout le monde - mais bien sûr que l’Europe doit accueillir des réfugiés syriens et pas seulement l’Europe, bien sûr que les autres pays du monde aussi - et ils ne le font pas - doivent accueillir les réfugiés syriens. Simplement, il aurait fallu le faire de façon - on va dire - organisée et pas de façon un peu improvisée et trop chaotique. Cela doit s’organiser, bien sûr.

On va écouter Florian Philippot, il était l’invité de BFMTV ce matin, et pour lui, évidemment, l’accord trouvé - arraché - par David Cameron est un bon exemple à suivre :

Il faut tourner la page et on le fait par un processus démocratique qu’on devrait imiter et que nous proposons, nous au Front national, pour la France, parce que c’est cela qui m’intéresse depuis très longtemps. - Vous demandez un référendum semblable ? - Evidemment, nous demandons exactement la même procédure et nous l’avions même imaginé avant Monsieur Cameron. 

Mais demain vous allez avoir surtout la Pologne, des pays de l’Est qui vont dire : « Nous, au fait, on voudrait une dérogation à cela et puis à cela, parce que, quand même, on préfère décider dans notre coin plutôt que d’être ensemble ». Si on n’avance pas ensemble, on s’affaiblit, on ne peut pas faire face aux problèmes qui sont les problèmes du monde chacun séparément chez soi. C’est cela la grande question de l’Europe.

Est-ce que, en France, aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de gens qui entendent ce discours ? 

Il y a un paradoxe : c’est que, en fait, il y a pleins de gens qui critiquent le fonctionnement - parce que l’on peut critiquer le fonctionnement de l’Union européenne, moi-même sur les chefs de gouvernement je critique - et en même temps- c’est un paradoxe - il n’y a jamais eu autant d’attentes que l’Europe prenne des décisions. Donc c’est cela la question : pour prendre des décisions, il faut une vision, il faut exprimer une volonté politique, il faut savoir où l’on va et là, je peux vous dire qu’en fait, on manque sacrément de ce que l’on appelait avant le moteur franco-allemand. Il n’y a plus de moteur franco-allemand.

C’est la faute de qui ? Des Allemands ? Des Français ? C’est qui ?

La France a une grande part de responsabilité. Les chefs d’Etat qui se sont succédés depuis un certain temps en France n’ont pas porté ni incarné de vision européenne et quand la France n’incarne pas de vision européenne, il y a quelque chose qui manque à l’Europe pour avancer.

Demain, il y aura peut-être, en partie en tout cas, le début de l’évacuation de la zone sud de la lande de Calais, donc une partie du camp des migrants, des réfugiés. Est-ce que c’est une bonne chose ?

Ecoutez, ce camp est une honte. En France, aujourd’hui, il n’y a pas un camp de réfugiés dans le monde qui soit dans cet état-là. Les camps du Haut-Commissariat aux réfugiés c’est autre chose. Donc est-ce qu’il faut des conditions décentes ? La réponse est oui. 

Donc il faut évacuer. 

Non, il faut prendre le temps de le faire. On a  fait la même chose sur Grande-Synthe, vous savez, avant c’était un bidonville absolument ignoble. MSF, en particulier, a reconstruit un camp qui est aux normes - on va dire - assuré d’accueil des réfugiés. Et cela s’est fait sans aucun problème, donc, moi, je demande au gouvernement que cela se fasse dans les mêmes conditions, et que cela se fasse humainement et correctement.

C’est effectivement ce que promet, ce soir, Bernard Cazeneuve, mais il y a aussi une limite de temps.

Et en même temps, je vous dis - on a parlé de la Grande-Bretagne avant - les accords du Touquet sont quelque chose qui compliquent la donne. Les Anglais ne peuvent pas considérer éternellement que tous les gens qui sont là c’est la question pour la France et que ce n’est pas une question pour eux. 

Il y avait l’acteur Judd Law aujourd’hui qui est venu notamment pour parler des mineurs isolés. Il a dit qu’ils doivent rejoindre leur famille.

Il parle des mineurs isolés qui ont de la famille en Grande-Bretagne. Mais la moindre des choses serait que le Royaume-Uni les laisse venir en Grande-Bretagne, c’est évident. Ceux qui parlent anglais, ceux qui ont de la famille en Grande-Bretagne, ceux qui ont des gens qui travaillent, là-bas, de leur famille, bien sûr que les Anglais doivent les accueillir. Mais ils doivent se sentir co-responsables de la situation. Elle n’est pas seulement pour la France, elle l’est aussi pour le Royaume-Uni et là-dessus, on aimerait bien entendre David Cameron.

Nicolas Sarkozy mis en examen, peut-il se présenter à la primaire ? Nadine Morano, par exemple, ou Jean-François Copé disent non. Quel est votre sentiment ? 

Je pense qu’elle fait de la politique, Nadine Morano. Oui, on peut dire cela, de la politique un peu politicienne. Je suis, par définition, par principe, très sceptique sur la primaire. Je soutiens Alain Juppé comme vous le savez, nous soutenons Alain Juppé parce que je pense qu’il a les qualités et qu’il pourra rassembler. Or, il y aura besoin de rassemblement pour relever et redresser le pays - regardez ce qu’il se passe aujourd’hui avec la loi sur le Travail. On est dans une date difficile pour la France et pour l’Europe, donc on aura besoin d’une énergie et d’une énergie de rassemblement. Mais, en même temps, je suis très sceptique sur la primaire. Vous avez tous ces candidates, ces candidats - les candidats dont vous venez de parler -, il ne sont pas candidats en se demandant s’ils feront demain des bons chefs d’Etats ou des bons présidents et présidentes de la République. Ils sont candidats juste pour faire un petit tour et se placer, au fond, pour être Secrétaire d’Etat ou Ministre. Franchement, d’abord ce n’est vraiment pas les institutions de la Ve, ce n’est pas ma façon de voir les choses.

Vous soutenez donc Alain Juppé avec François Bayrou, mais cela veut dire que si jamais il perdait la primaire, François Bayrou serait candidat ?

Je suis quelqu’un de constructif, donc je vais essayer de faire en sorte, là où je suis, modestement, humblement, que ce soit Alain Juppé qui l’emporte.

Donc vous allez travailler sur cette primaire en allant chercher les électeurs pour Alain Juppé, en mobilisant les réseaux sociaux, pour Alain Juppé.

Il y a tout à fait une possibilité pour que je m’implique - plutôt que nous nous impliquions - le moment venu, il n’est pas encore venu le moment, c’est en novembre.

Mais vous serez rentrée dans une forme d’état-major d’Alain Juppé ?

Non, non. Pas dans les formes d’état-major ou de partis, nous ferons cela librement avec l’ADN qui est le notre au Centre et chez les démocrates. Mais je pense que ce qui est important c’est de regarder ce dont le pays a besoin et je pense qu’Alain Juppé peut être l’homme dont le pays a besoin. 

S’il y a un candidat de l’UDI, qui est aussi un centriste ?

C’est l’UDI, ce n’est pas le centre, c’est l’UDI. Très bien, il y aura un candidat de l’UDI à la primaire de l’UMP. Tout le monde voit que c’est une primaire de l’UMP, tout le monde voit bien que c’est une primaire qui a été organisée par Les Républicains - anciennement l’UMP - pour départager, au fond, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Le reste est un peu superfétatoire, on va dire.

Et Bruno Le Maire qui rentre en campagne demain.

Très bien, écoutez, plus ils seront nombreux, plus cela va être probablement intéressant. Mais, plus sérieusement, on voit bien que c’est effectivement entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy que cela va se jouer. Ce sont 2 hommes qui portent des conceptions différentes les unes des autres.

Vous ne m’avez pas dit si un homme mis en examen pouvait se présenter à la primaire ?

Ecoutez, il faut poser la question à Nicolas Sarkozy.

Lui, il a dit oui, ça c’est sûr. Merci Marielle de Sarnez d’être venue sur notre plateau.

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