Syrie : "Le but de l'intervention se déplace et devient d'autant plus périlleux"

François Bayrou s'est alarmé, mercredi sur i>télé, que le "discours sur la guerre en Syrie change". François Hollande n'est "plus dans l'avertissement mais dans la participation au renversement d'un régime", sur fond de conflit entre les États-Unis et l'Iran.

i>télé - Est-ce que l'habitant de Denain, qui a interpellé hier François Hollande, a raison sur la Syrie ? N'a-t-on "rien à faire dans cette guerre qui n'est pas la nôtre" ? 

François Bayrou - Ce qui est en train de se préparer, c'est une prise de position et un engagement de la France qui ne correspondent pas à ce que la France a toujours été et veut être, face à un conflit d'une immense complexité.

La France est quand même le pays des Droits de l'Homme... 

Beaucoup de ceux qui ont participé à la réunion de Matignon sont sortis avec le sentiment qu'il n'y avait pas de preuves. 

Les armes, il y en a...

Qu'il y ait des armes, sans aucun doute. Qui s'en est servi ? Toutes les manipulations sont possibles dans une guerre de cet ordre. J'ai, si l'on peut dire, la preuve qu'il n'y a pas de preuves : s'il y avait des preuves, entre les mains des services secrets très puissants de la Grande-Bretagne et des États-Unis, David Cameron les aurait données devant la Chambre des députés. Or, ce qu'il a été obligé d'avouer, c'est qu'il n'avait pas les preuves. Il y a une deuxième chose, subtile, qui est en train de se produire ces dernières heures : le discours sur la guerre change. De ce côté ci d'abord. François Hollande a dit que "tant que le régime de Bachar Al-Assad sera en place", nous ne serons pas en sécurité". Le but de guerre se déplace, ce n'est plus un avertissement, c'est une participation au renversement d'un régime. La question qui se pose, c'est : qui derrière ? 

Vous craignez le fondamentalisme ? 

Ce n'est pas que je le crains, c'est que je vois ce qui se passe dans tous les pays de cette région et que j'entends ce qu'on dit du poids des fondamentalistes dans les insurgés syriens. Le discours a aussi changé aux États-Unis. John Kerry a dit quelque chose de très important : "C'est l'Iran. L'Iran souhaite que nous ne fassions rien". Vous voyez le sens de sa déclaration... 

Les Américains veulent donc nous entraîner dans un conflit avec l'Iran ?

Oui. On entre dans une immense affaire, extrêmement importante et périlleuse. 

Vous l'avez écrit au président de la République. Il vous a répondu ?

Non. Mais il connait mes arguments. Vous voyez bien de quoi il s'agit ? On nous dit qu'il y a une horreur qui a été commise avec des gaz, et c'est vrai. Mais nul n'a la preuve des responsables. Et maintenant s'enclenche, par une mécanique extrêmement lourde de conséquences, une guerre dans laquelle une partie de l'Occident veut s'engager avec l'Iran pour cible ultime. À cette guerre là s'ajoute un autre conflit séculaire, entre les deux sensibilités de l'Islam, les Sunnites (90% de la population) et les Chiites (10%). 

Qu'attendez-vous du débat au Parlement aujourd'hui ?

J'attends que nous ayons le courage d'organiser un vote pour mettre chacun des parlementaires devant ses responsabilités.

Ce n'est pas la Ve République ça...

C'est absolument la Ve République. Lorsque le président Mitterrand, en 1991, a engagé la France dans le premier conflit en Irak...

C'est le seul avec un vote ! Pas en Libye, pas au Mali...

Ne dites pas que c'est le seul cas. Nous avons le devoir de réfléchir à nos institutions et à comment elles fonctionnent. Dans la Constitution de la Ve République, il y a dans l'article 35 la possibilité qui permet au chef de l'État de décider seul, pour prendre en charge l'urgence. Au Mali, c'était une question d'heures. Les insurgés islamistes étaient aux portes de la capitale, où il y avait des milliers de Français.

Plus de 100.000 morts, ce n'est pas une urgence ?

100.000 morts des deux côtés, avec des atrocités des deux côtés. N'essayons pas de nous laisser embarquer sans réflexion dans cette affaire. Le parlement britannique vote, le parlement américain vote, mais pas le parlement français ? 

Ce n'est pas le même principe... 

Attendez, c'est la même règle démocratique ! Quand il y a des décisions très importantes, au moins qu'on mette le parlement français devant ses responsabilités. C'est ce que j'attends. Autrement, il n'y aura que des discours et des paroles, pas des actes et des engagements. Et cela veut dire que le Parlement en France est complètement marginalisé. On vient de faire la réforme des retraites sans le consulter. Là il s'agit de paix et de guerre, il n'a pas le droit de voter. Alors ça sert à quoi, tous ces marbres et ces velours ? 

Et l'Europe, cela sert à quoi ? François Hollande veut réunir les Européens en marge du G20. N'est-ce pas trop tard et trop petit ? 

Non, ce n'est pas trop petit si nous faisons bien les choses. Je reviens sur votre phrase : j'ai entendu ce matin à la radio : "est-ce que la France n'est pas trop isolée ?". Pour moi, ce n'est pas la question. Il est arrivée que la France soit isolée, mais sur des positions justes, comme en 2003 en Irak avec le refus de Jacques Chirac, ou au Mali quand les autres n'ont pas voulu y aller avec nous. Quand la France a des positions justes, elle peut être isolée et elle l'est même assez souvent, car la France jusqu'à maintenant a refusé d'être suiviste. 

Un mot sur le Centre. Est-ce que votre rapprochement avec Jean-Louis Borloo est réel ? Est-ce que vous vous parlez et vous rencontrez ?

Oui, nous nous parlons. Oui, nous nous rencontrons. Oui, je crois que c'est réel. Je vis avec l'idée qu'il faut un centre qui pèse pour équilibrer la vie politique française, qui ait une vision originale, qui ne soit pas le décalque des uns ou des autres. Il faut qu'il soit fort. Pour qu'il soit fort, il faut enfin qu'il soit uni. C'est un incroyable paradoxe : nous pensons la même chose mais nous sommes divisés sur les appareils, alors que les autres sont unis dans les appareils et ne pensent pas la même chose. 

Donc vous êtes dans l'opposition ?

Non, comme vous le voyez, je suis très interrogatif et insatisfait de la manière dont la France est gouvernée depuis dix-huit mois. Mais je ne veux pas que mon pays échoue, je veux qu'il réussisse. Je ne suis pas dans une espèce d'affrontement systématique d'un camp contre l'autre. La guerre des camps est nuisible pour la France, c'est la vision du Centre et c'est dans ce sens là que nous allons. 

Il y a votre pays et il y a votre ville. Serez-vous candidat à Pau puisque la maire sortante ne se représente pas ? 

Je vais vous dire une chose avec certitude, que vous enfoncerez dans votre crâne. Chez nous, en Béarn, chez les Palois, nous n'aimons pas que les informations et les réflexions viennent de Paris. Il y a un sentiment d'indépendance très grand. À Pau, il y a une réflexion à conduire et je la conduis avec beaucoup de gens. Il y a un rassemblement à faire. C'est une ville qui a besoin de changement. Elle est gérée par la même équipe du Parti socialiste depuis quarante-deux ans et aujourd'hui les résultats ne sont pas bons. Mais, il est exclu que je parle dans votre studio, aussi formidable qu'il soit - et le vôtre est très beau - plutôt qu'aux citoyens. Je parle aux citoyens de Pau au milieu d'eux.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par