Syrie: "Il existe des sanctions internationales pour punir l'usage d'armes chimiques"

François Bayrou a appelé à privilégier "la Cour pénale internationale et la gamme très importante de sanctions existantes" à une intervention militaire en Syrie, lundi soir sur Arte.

Arte (28') - Vous avez adressé dimanche une lettre ouverte au Président de la République sur la Syrie. Dans le savoir-vivre épistolaire, lorsqu'on envoie une lettre, le destinataire accuse réception. François Hollande vous a-t-il répondu ?

François Bayrou - Non, mais une lettre ouverte, c'est comme une tribune. J'imagine qu'il l'a lu. Il n'ignorait déjà pas les positions qui étaient les miennes.

Dans cette lettre ouverte, vous faites part de quantité d'inquiétudes quant à ce qu'il se passera si une intervention militaire en Syrie était entreprise par la France. Vous ouvrez cette lette en stipulant qu'il est impensable de ne pas consulter le Parlement sur une décision aussi importante, sauf s'il y a urgence. Est-ce que cela veut dire que vous considérez qu'il n'y a pas urgence ? 

Il faut voir ce que urgence signifie. Au Mali, il y avait urgence en terme d'heures, j'allais presque dire en terme de minutes. C'est pourquoi la Constitution française est écrite. Elle a été prévue pour qu'il y ait, en cas d'urgence, une liberté d'action du Président de la République, qui est chef des armées, avec obligation de venir après devant le Parlement pour expliquer ce qu'il a fait. Ici, nous ne sommes pas du tout dans le même cas. Ce n'est pas avant le 9 septembre, que le Congrès américain délibérera. Nous avons devant nous une plage de temps.

Mais il n'y a pas urgence depuis deux ans ? 

C'est parce qu'on mélange des problèmes qui méritent d'être distingués. Premièrement, les images que l'on voit sont épouvantables...

Vous croyez qu'il y a crime contre l'humanité ?

Des gens qui tuent des enfants avec des gaz, ça mérite que l'opinion internationale dise non, s'exprime et pèse sur les choses. Mais on ne sait pas aujourd'hui qui l'a fait. Pour l'instant, il n'y a que des affirmations. Qu'il y ait des gaz chimiques, oui, assurément. Pourquoi les a-t-on utilisées, le jour où les inspecteurs de l'ONU arrivent, contre les civils ? On imagine qu'il y a des interrogations qui se posent sur les responsabilités. Les réponses n'ont pas été apportées. Il peut y avoir manipulation d'officiers qui utilisent ça. Il y a, pour punir ce genre d'actes, des règles internationales. Il y a la Cour pénale internationale de La Haye et une gamme très importante de sanctions. Nous pouvons faire quelque chose avec les principaux pays du monde qui ont les moyens d'une intervention, sur les plans politique et économique, sur le plan des armes...

Vous croyez vraiment que Bachar Al-Assad va être traîné à La Haye ?

Si Bachar Al-Assad a fait cela, il mérite d'être traîné. Je veux attirer votre attention sur ceci : l'action qui est prévue, elle se fait contre l'avis de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie, de l'OTAN et même contre l'avis de la Ligue Arabe...

Ce n'est pas tout à fait juste, un certain nombre de pays arabes...

Non, soyons précis. J'ai lu la délibération de la Ligue Arabe, qui dit : "Pas d'intervention sous cette forme mais des mesures dissuasives". Au fond, c'est à peu près la position que je défends. Pourquoi ? Parce que c'est la Syrie, parce que c'est la France, parce qu'au moment de la deuxième guerre d'Irak Jacques Chirac avait dit avec sagesse : "Nous ne pouvons pas nous engager sous cette forme, parce que nous allons créer une situation que nous ne maîtriserons plus après". Où en sommes-nous en Irak aujourd'hui ? 

Vous avez dit : il n'y a pas de preuve en Syrie, qu'un camp plutôt qu'un autre ait utilisé ces armes chimiques. Croyez-vous vraiment que s'il y avait une possibilité de prouver que ce sont les rebelles, le régime ne se serait pas jeté sur l'occasion pour discréditer l'opposition auprès de la communauté internationale ?

Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit exactement la même chose que ce que David Cameron, qui n'est pas suspect de sympathie, a dit devant le Parlement britannique : nous n'avons pas de preuve absolue que c'est eux qui ont utilisé ces armes chimiques. Il peut y avoir des manipulations à l'intérieur même du régime, des armées...

Mais cela changerait quoi ?

Cette intervention ne peut avoir qu'un but : mettre le régime à genoux, favoriser la victoire des rebelles... qui sont aujourd'hui à 90%, dit-on, dominés par les fondamentalistes ! Ceci est une responsabilité qui mérite d'être réfléchie et qui est très lourde pour la France. La Syrie a été une responsabilité historique de la France. Le Liban, voisin et intime, est toujours une responsabilité historique de la France, parce que nous y avons des soldats Français de la FINUL sur le terrain. Ce serait un changement total de la diplomatie française.

Ne pas agir face à l'usage de gaz chimique, n'est-ce pas la porte à ce que tous les dictateurs utilisent ce type de gaz ?

Sûrement pas. L'action de la France doit être continue dans cette affaire. Mais l'intervention directe, militaire, de la France en Syrie, pour ouvrir la porte du pouvoir aux fondamentalistes, est une responsabilité très lourde que je ne voudrais pas voir la France prendre. C'est un changement complet. La France est le pays qui écoute et entend tout le monde, et qui fait en sorte que tout le monde réussisse. Qui va être victime des fondamentalistes ? Les minorités chiites et chrétiennes. Les églises d'Orient, à l'unanimité, disent : s'il-vous-plait, ne faites pas n'importe quoi dans cette affaire. 

D'une certaine façon, vous épousez le point de vue de ceux qui soutiennent Bachar Al-Assad, qu'ils voient comme le défenseur des minorités... 

Ce n'est absolument pas vraie. J'ai été le seul homme politique à m'opposer à la venue de Bachar Al-Assad lorsqu'en 2008, Nicolas Sarkozy l'a invité à présider le défilé du 14 juillet.

Dimanche, Harlem Désir a dénoncé "l'esprit munichois" de ceux qui sont réticents à l'intervention en Syrie. Vous vous sentez visés ? Êtes-vous munichois, François Bayrou ?

Ce sont des propos qui déconsidèrent leur auteur, d'abord parce que dans un débat national où des décisions si lourdes doivent se prendre, on ne devrait pas utiliser des mots de cet ordre. Munich, c'était un gouvernement de gauche et la seule famille politique qui unanimement s'est opposée à ces accords, c'était la mienne. Ce jour là, vous aviez un jeune éditorialiste, qui s'appelait Georges Bidault et qui écrivait une phrase très importante : "Lorsqu'il s'agit de dire non, le meilleur moment, c'est le premier". J'invite à ne pas employer n'importe quel mot et, si possible, à feuilleter les livres d'Histoire.

Ce sera le mot de la fin et votre conclusion. Merci de nous avoir accordé cet entretien...

Et vous voyez bien de quoi il s'agit, en une phrase ? Il s'agit de la responsabilité de la France dans une des régions les plus tragiquement dangereuses de la planète, au moment où couve une guerre séculaire entre les Chiites et les Sunnites, et pour éviter que les fondamentalistes islamistes n'occupent les responsabilités des États de toute cette zone.

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