"Si vous n’êtes pas en capacité de convaincre votre propre gouvernement que cette réforme est nécessaire, c’est qu’il y a un problème de méthode."

Invitée de la matinale sur Public Sénat/Sud Radio, Marielle de Sarnez est revenue ce matin sur le Brexit, la jungle de Calais, la réforme du code du travail...

Bonjour et bienvenue. Bonne matinale d’infos à nos côtés, c’est celle de Public Sénat et de Sud Radio, avec la participation de la presse quotidienne régionale. Aujourd’hui notre invitée, c’est Marielle de Sarnez. Bonjour.

Bonjour.

Vous êtes Vice-Présidente du MoDem et député européen.

Européenne même.

Européenne, absolument, vous avez raison. Pour vous interviewer à mes côtés : Louis Morin de Sud Radio et Gilles Leclerc de Public Sénat.

Marielle de Sarnez, députée européenne, La réforme du code du travail, tel que l’avant-projet El Khomri existe, la voteriez-vous ? Et est-ce possible au fond de réformer ce pays ?

D’abord est ce que cette réforme est nécessaire ? Oui, nous nous disons depuis très longtemps avec François Bayrou qu’il faut simplifier le Code du Travail, qu’il faut mettre plus de souplesse. Cela est absolument une évidence. Apres, la réforme est possible mais je crois qu'il ne faut pas s'y prendre de la manière dont s’y prend le gouvernement. C’est à dire qu’au niveau et de la méthode et du calendrier, il y a quelque chose qui ne va pas.

D’abord, au niveau du calendrier, ce n’est pas une réforme que vous faites à la fin du mandat. Parce que cette réforme, si hypothétiquement elle passe, les conséquences ne s’y feront sentir que dans un an et demi ou deux ans.

Si vous prenez l’Italie. Matteo Renzi a fait cette réforme du marché du travail dès qu’il est arrivé.  Et donc, aujourd’hui, on a une Italie qui va mieux, parce qu’il a fait cela la première année de son arrivée.

Deuxièmement : il y a un problème de méthode. On voit bien qu’il y a une sorte de cafouillage bizarre. On apprend qu’il y a un avant projet de loi, en lisant les journaux le matin. Il y aura peut-être le 49.3. Ensuite, la ministre qui a dit 49.3, dit « Ce n’est pas souhaitable » parce que le Président de la République, visiblement, lui a tapé sur le bout des doigts. On entend des ministres  poids lourd du gouvernement quand même - Ségolène Royal, Jean-Marc Ayrault, Marisol Touraine - qui disent « Ce texte ne va pas, il va falloir le rééquilibrer ». C’est quand même problématique. Si, vous n’êtes pas en capacité de convaincre votre propre gouvernement que cette réforme est nécessaire, c’est qu’il y a un problème de méthode.

Marielle de Sarnez, si on oublie un peu la méthode, ou la couleur de ce gouvernement, quand on regarde le fond du texte…

Moi, je ne m’arrête pas à la couleur.

D’accord, mais par exemple : sur le temps de travail, ce qui est indiqué dans cet avant projet pour l’instant c’est quelque chose qui vous convient. On pourrait par exemple travailler jusqu'à 46h, éventuellement par semaine, s’il y a accord d’entreprise. Le référendum dans les entreprises, la façon de contourner d’une façon ou d’une autre les 35 heures, ce sont plutôt des choses qui vous vont. Vous pourriez presque voter cela.

Je ne sais pas. D’abord, je n’ai pas lu le texte. Peut-être, vous le connaissez mieux que moi. J’attends que cela passe en conseil des ministres pour le lire. J'attends de voir ce que vont donner les débats au Parlement. Quand vous voyez le premier secrétaire du Parti Socialiste qui dit : « Ca ne va pas », je ne sais pas du tout ce qui va ressortir de cette loi. Deuxièmement est-ce qu’elle est bien écrite, est-ce qu’elle est bien inspiré sur tous les points ? Nous verrons … Si cela donne le sentiment qu’il y a comme une espèce de régression, et que c’est mauvais pour les salariés …

Par exemple pouvoir licencier ou embaucher plus facilement…

Il faut plus de souplesse. Vous savez très bien qu’il faut plus de souplesse. Il faut surtout, pout toutes les petites et moyennes entreprises qui pourraient embaucher dans le pays, un cadre juridique qui soit stable. C’est à dire qu’on ne change pas les règles tous les jours.

Il y a un article qui est au cœur de la polémique dans cet avant projet de loi : c’est l’article 30bis qui permet de licencier plus facilement en cas de difficultés économique pour une entreprise. Cela vous choque?

Je pense qu’en cas de difficultés économiques, il faut de la souplesse. Il y avait déjà une première loi, qui était la Loi Sapin, sur le maintien de l’emploi. Je pense qu’il faut aller dans cette direction là. Mais il y a énormément de choses dans ce projet de loi. Moi je vous dis : l’inspiration d’une réforme du Code du Travail, c’est nécessaire de réformer le Code du Travail. Ma question, mon obsession de c’est de réussir la réforme. Et quand cela part de cette façon là, quand c'est géré de cette façon la, j’ai une forme de scepticisme. Vous avez même la CFDT qui est contre, ce qui veut dire qu’il n’y a pas eu la moindre concertation - on va dire intelligente, coopérative - avec des acteurs qui sont plutôt ouverts. Et cela est inquiétant.

Quand on a trois millions sept cents mille chômeurs, que le Président de la République décrète l’État d’urgence sur l’emploi, et ce que même si il reste un an, il fallait quand même que ce temps reste utile ?

Il faut tout faire, mais il faut que tout soit dans une cohérence avec une vision globale et générale. Là on a le sentiment comme ça, qu’il y a des choses qui viennent s’empiler et s’additionner. S’il y avait une vision claire, de la manière dont on aurait pu aider, soutenir les entreprises, l’économie depuis le début du quinquennat, on n’en serait pas là.

C’est la méthode Valls que vous mettez en cause ?

Je comprends Valls, c’est un réformateur. C’est ce qu’il veut laisser au fond, comme image dans l’histoire. Si on veut réformer, il faut qu’on y mette une souplesse dans la manière de faire.

A propos de souplesse si on change un peu de chapitres sur les réfugiés, le démantèlement de Calais, tel qu’il se projette. Est-ce que d’abord, sur le fond, est-ce qu’il faut faire cela ? Et comment faut-il le faire ? Le Ministre de l’Intérieur a dit : on va faire cela par la persuasion et non pas de façon brutale, c’est la bonne méthode ?

Il a raison. J’espère que cela se vérifiera dans la journée, mais oui bien sur qu’il faut faire cela par la persuasion. Est-ce qu’on peut laisser les migrants, les réfugiés dans l’état d’insalubrité, dans ce campement, dans cette jungle ? Non. Vous avez vu, vous connaissez cette jungle. Il n'y a pas un camp de réfugiés dans le monde où les conditions de vies soient dégradées à ce point. Bien sur, il faut des conditions de vies dignes, c’est une question humanitaire qui se pose. Il faut faire cela, non pas par la force mais bien évidemment par la persuasion. Cela a été fait sur Grande-Synthe. Sur Grande-Synthe, il y avait un bidon-ville, on n’en a pas beaucoup parlé, mais c’est l’exemple de quelque chose qui a marché. Il y avait un bidonville avec des conditions de vies déplorables. Médecins Sans Frontières a construit un camp de tentes, au moins où les conditions humanitaires sont correctes, et le changement c’est fait.

Il y a eu un ultimatum, il expire ce soir 20h, pour qu’une partie des réfugiés partent du camp. Est-ce que là aussi vous regrettez une méthode un peut trop brutale?

Je pense qu'il faut que cette jungle, effectivement, se transforme, c’est à dire que les gens qui sont dans cette jungle puissent aller dans des camps avec des conditions de vies décentes. Je pense que ce ne sont pas les ultimatums qui fonctionnent, dans ces cas là, il faut faire confiance aux associations. Il faut que tout le monde entende qu’il y a une volonté de mettre à fin à cette jungle. Mais il ne faut pas qu’elle aille se reconstituer ailleurs dans la ville plus loin, comme cela s’est déjà fait dans le passé. Il faut vraiment trouver une solution d’accueil qui soit humanitaire et pérenne.

Deuxièmement : il faut régler la question sur le fond. Et régler la question sur le fond, cela passe par une discussion qui doit se réouvrir avec la Grande-Bretagne.

Les accords du Touquet n'étaient pas de bons accords - ceux qui ont été signés par Nicolas Sarkozy. Vous ne pouvez pas considérer que tous les réfugiés qui sont là – peut-être demandeurs d’asile, ou migrants économiques - relèvent uniquement de la responsabilité de la France. Ils doivent relever aussi de la responsabilité de la Grande-Bretagne.

La Grande Bretagne doit prendre sa part?

Mais bien sur. Quand vous avez des mineurs, comme les mineurs isolés dans le camp de Calais, qui ont des familles en Grande-Bretagne. La moindre des choses serait qu’ils puissent rejoindre leurs familles. Quand vous avez des demandeurs d’asile avérés, des gens qui fuient des régimes, des situations de guerre, là aussi il faut que la Grande Bretagne en coopération avec les autorités françaises prennent cela en compte.

À propos de la Grande-Bretagne, du Brexit et du référendum annoncé le 23 Juin prochain, est-ce que la France doit aider Cameron le Premier ministre pour arrimer la Grande-Bretagne à l’Europe ? Est-ce que vous êtes très inquiète ?

Moi je suis très inquiète parce que je trouve que Cameron a joué à l’apprenti sorcier, a ouvert la boîte de Pandore. Moi je ne sais absolument ce qui peut sortir du référendum britannique.

Vous avez dit petits arrangements entre amis à propos de l’accord de Bruxelles. C’est un peu sévère, non?

Non, ceux sont des petits arrangements entre amis. Vous vous rendez compte que les chefs d'état et de gouvernement ce sont retrouvés, ont discuté pendant près de trente heures ensemble, au même moment Alep est bombardé, au même moment des flux de réfugiés continuent de quitter la Syrie, au même moment des bateaux quittent la Turquie pour la côte grecque tous les jours.

Vous ne croyez pas qu'il y a des décisions urgentissimes à prendre, que l’Europe doit manifester une volonté au moins de prendre en compte tous ce qui se passe à nos portes ? Et non, pendant ce temps là, on discute d’un statut spécial de la Grande-Bretagne. Un statut spécial, entre vous et moi, que la Grande-Bretagne a d’ors et déjà depuis très longtemps. Je serai très heureuse que la Grande-Bretagne que j’aime et que je respecte, reste dans l’Union Européenne, mais une Union Européenne qui avance. Dans une Union Européenne qui fait, et non pas une Union Européenne qui défait et est à la carte.

Vous craignez la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne ? Le 23 Juin prochain les britanniques sont appelés à voter pour un référendum et il y a déjà le maire de Londres,  Boris Johnson, qui s'est prononcé pour la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne.

Quand je vous dis que Cameron a joué à l'apprenti sorcier. Je ne sais absolument pas ce qui peut sa passer dans quatre mois. Je crois que tout peut se passer, c’est assez ouvert. Je souhaite que la Grande-Bretagne reste mais qu’elle dans un projet européen politique.  Si les anglais ne veulent l’Europe que pour aller faire du commerce. Ce n’est pas cela le projet politique Européen. Le projet politique Européen c’est d’essayer d’apporter une réponse ensemble aux défis qui sont là à nos portes.

Vous côtoyez les députés européens britanniques, comment vous les sentez en ce moment ?

Une grande partie des députés de UKIP sont pour la sortie, les conservateurs sont divisés. Mais c’est parce qu’il y a une division dans son parti que David Cameron a inventé cette histoire de référendum.

Six ministres sont contre sa position.

David Cameron prend des risques pour son pays.

On dit que Boris Johnson voudrait devenir Premier Ministre et ce serait la raison pour laquelle il se serait opposé.

Oui, tout cela est une affaire interne au Parti Conservateur. Tout cela n’est pas raisonnable.

Marielle de Sarnez, on va passer à la politique française, intérieure…

Tout ce dont on vient de parler, c’était de la politique française aussi.

Bruno Lemaire est candidat aujourd’hui, on a envie de vous demander : et le Centre dans tout cela ? Il est totalement dispersé.

Il n’est pas dispersé…

Jean-Pierre Raffarin est avec Alain Juppé, Hervé Morin n’adhère pas à ce que veut Jean-Christophe Lagarde, François Bayrou à sa propre stratégie. On a l’impression que le Centre est partout donc nulle part, et pourtant une élection présidentielle se jouera au Centre.

J'aime beaucoup Jean Pierre Raffarin mais Jean-Pierre est dans tous les cas pour le moment dans le mouvement des Républicains, dans l’ancienne UMP et contre quoi, avec François Bayrou, nous étions contre.

Le Centre dans l’opinion publique, c’est François Bayrou, vous voyez dans les sondages, dans l’opinion publique. Si vous leur demandez qui représente le Centre c’est François Bayrou…

…Ou Emmanuel Macron

Emmanuel Macron, il représente une frange de la gauche qui est intéressante, qui est ouverte, qui est progressiste.

C’est un centriste?

Non, moi je n’estampille personne. Mais est-ce qu’il va falloir pour redresser le pays, pour relever tous les défis que nous aurons à relever dans deux ans des rassemblements larges ? La réponse est oui.  Est ce qu'on va s'en sortir en s’affrontant blocs contre blocs comme on fait depuis trente ans avec des blocs, une droite qui est à 20%, une gauche qui est à 20%, tout cela arbitré par le Front ?  La réponse est non.

Vous êtes plus proche d’Emmanuel Macron que de Nicolas Sarkozy? 

Je dis que des personnalités de gauche ouverte, sociale-démocrate, devraient pouvoir dans deux ans évidemment,  se mettre d’accord avec des objectifs de progrès économiques.

Il ferait un bon ministre d'Alain Juppé ou de François Bayrou?

Ce n’est pas comme cela que je vois les choses. Mais si vous me demandez est-ce qu’il va falloir des rassemblements plus larges pour réussir à redresser le pays. Je vous réponds oui.

Vous vous êtes déclarée très sceptique sur cette primaire de la droite et du centre ? François Bayrou se prépare t-il à aller à la présidentielle.

François Bayrou fait quelque chose qui n’a jamais été fait. C'est un homme politique de premier plan qui a la confiance des français, mais qui a décidé, parce que c’est d’intérêt général, de soutenir quelqu’un qui n’est pas de sa famille politique et qui est Alain Juppé. Parce que nous pensons qu’Alain Juppé est d’abord quelqu'un de respectable, d’estimable qui a le sens de l’État, à l’évidence, et qui a l’attitude de rassemblement nécessaire pour que cela marche, pour que la présidentielle soit utile. Donc, il décide de soutenir Alain Juppé, je trouve que c’est assez rare pour mériter d’être salué.

Le soutenir si jamais Alain Juppé gagne la primaire ?

Nous soutiendrons Alain Juppé. Nous sommes quelques uns qui regarderont comment se profile la primaire et nous pourrons y prendre notre part pour aider en cela. Mais je trouve que c’est intéressant, avec Alain Juppé nous pourrons faire des rassemblements plus larges.

Sur Bruno Lemaire, quel est votre regard ? Il incarne le renouvellement ? Il va se déclarer aujourd’hui pour cette primaire.

Si vous me demandez, j’aime bien les uns et les autres.

Huitième candidat des républicains.

Si vous me demandez de commenter, de dire ce que je pense de chacun des dix, ou douze ou quinze candidats à la primaire, on va y passer l’émission.

Il y a une inspiration au renouvellement, on voit bien qu’il joue cette carte là. La carte plus jeune.

Je pense que s’il y a une primaire c’est au fond pour arbitrer entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Au fond, ceux sont les deux grands favoris de la primaire et de ce point de vue là, je suis beaucoup plus proche d’Alain Juppé.

Votre coeur incline plutôt pour Hillary Clinton ou Bernie Sanders?

(rire) Je ne suis pas favorable aux primaires et quand on voit ce que cela donne avec Donald Trump en tête, on peut s’inquiéter sur le fait que c’est le noyau dur qui s’impose. Mais, je crois que je préfère Hillary Clinton.

Je trouve que ce n’est pas la culture française, c’est une culture américaine, c’est dans les textes fondamentaux américains. On est en train, au fond, d'exporter cette culture américaine chez nous, avec un quinquennat qui va se réduire totalement. Dès que vous êtes à deux ans et demie, on commence déjà à préparer les primaires, c’est une question que doit se poser la démocratie française me semble t-il.

Dernière question : L’avant projet de loi El Khomri, la loi Macron, la déchéance de Nationalité pour les terroristes : la gauche est elle plus efficace pour appliquer son programme.

La déchéance de nationalité ce n’est pas encore fait, vous le savez, nous sommes actuellement au Sénat.

On peut avoir des idées comme cela, la gauche peut dire je prends les idées de la droite pour faire ce qu’on appelle de la triangulation. C’est intéressant mais si après cela ne rentre pas dans les faits, cela entraîne du désordre, du chaos. Dans les moments difficiles dans lesquelles nous sommes, les citoyens attendent des choses qui se fassent, pas des mots, des actes.

Merci Marielle De Sarnez.

 

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