Laïcité : "La loi protège la foi et l'absence de foi. Et la foi ne fait pas la loi."

François Bayrou était l'invité d'Yves Calvi ce matin sur RTL. Le président du Mouvement Démocrate a répondu aux questions du journaliste sur la parution du livre de François Hollande, mais également sur le discours d'Emmanuel Macron devant les évêques de France, et a donné sa définition de la laïcité.

 

Yves Calvi : Bonjour François Bayrou. 

François Bayrou : Bonjour.

Yves Calvi : Vous êtes président du MoDem et maire de Pau. Merci d’être avec nous, ce matin, pour commenter l’actualité politique sur RTL. François Hollande publie donc aujourd'hui ses « Leçons du Pouvoir », 407 pages, pour défendre son bilan, c'est chez Stock... et en partie égratigner Emmanuel Macron. Vous allez lire ce livre, François Bayrou ?

François Bayrou : Oui. Mais comme je lis les livres politiques en général... Vous voyez bien, il y a quelque chose dans l'exercice qui n'est pas facile, une « auto-défense » ou « auto-promotion » qui n'est pas le plus facile en politique.

Yves Calvi : Ca n'a pas l'air de vous passionner si je ressens le premier ton de votre réponse !

François Bayrou : Donner des leçons si près de la sortie du pouvoir alors que l'on a rencontré des difficultés d'incompréhension et que peut-être on a pas su accomplir les promesses qu'on avait présentées aux Français n'est pas un exercice facile. Mais je n'ai aucune envie de polémiquer avec François Hollande : tout ceci appartient à notre histoire récente et il faut y réfléchir.

Yves Calvi : Il s'agit de comprendre pourquoi il ressent le besoin de nous transmettre ce qu'il appelle ses « leçons du pouvoir », et comment vous, en tant que responsable politique français important, vous y réagissez ?

François Bayrou : Et bien je lirai le livre et vous répondrai après.

Yves Calvi : Du président de la République actuel, il fait un portrait porté à l'autoritarisme, à une certaine arrogance, et à la séduction. Est-ce le portrait de l'homme avec qui vous avez noué une alliance à l'élection présidentielle et dont vous avez été le ministre et garde des Sceaux ?

François Bayrou : Non. Ce n'est pas ce que je ressens, mais chacun à son approche. Ce que je ressens quand je vois Emmanuel Macron, c'est d'abord un homme qui est à la hauteur de la fonction, qui exprime ou qui sait exprimer des attentes profondes, parfois même inconscientes, de la société française, qui le fait avec un style qui est original et fort. Et à le voir réfléchir et essayer de se forger une conviction, choisir ses axes, je vois quelqu'un qui n'est prisonnier d'aucun moule, ni influence. C'est un homme profondément libre dont nous avions besoin, qui n'hésite pas à changer les choses, à poser les problèmes les plus brûlants de la société française, sans les éviter ni les éluder. Et de ce point de vue là, il y a une différence en effet.

Yves Calvi : Je cite à nouveau François Hollande à la lumière de votre réponse, Emmanuel Macron n'est pas arrivé à la présidence du pays par « effraction » mais qu'il sent plutôt les convulsions et les besoins de changements de la société française ?

François Bayrou : Oui, je pense qu'il est arrivé au pouvoir parce qu'il a répondu à une attente profonde de la société française, qui était une attente, il est vrai, de changement qui aie du sens et qui réponde à des aspirations profondes et des valeurs de la société.

Yves Calvi : Puisque nous parlons de valeurs, je rappelle que vous avez toujours été un catholique assumé, mais aussi un fervent défenseur de la laïcité dans notre pays. Pensez-vous que le président de la République, dans son adresse aux évêques de France et aux catholiques de France, est allé trop loin dans son propos ?

François Bayrou :  Non, je pense qu'il a été profondément juste. Il y a un mot qui est ambigu, c'est celui de « lien »  abimé entre l'Eglise et l'Etat. Parce que cela voudrait dire que l'un est lié à l'autre. Or ce n'est pas le cas. Je pense que ce qu'il a voulu dire est « relation et dialogue ». Et c'est vrai que ceux-ci, ces dernières années, et peut-être par une évolution profonde de la société, ont été blessés des deux côtés : les chrétiens ont cru que la société actuelle était contre eux et leurs valeurs. Et c'est très difficile de réparer avec des mots justes cette blessure-là. C'est vrai que l'Etat a pu croire que l'Eglise, à certains moments, devenait un parti politique comme les autres ou avait des messages politiques comme les autres. Or, la laïcité ce n'est pas ça. La laïcité, qui est la chose la plus profonde que nous ayons à défendre et à porter, c'est : la loi protège la foi et l'absence de foi - croire ou ne pas croire - et la foi ne fait pas la loi. Nous sommes dans un pays dans lequel ce n'est pas parce qu'un groupe de croyants partage une conviction que pour autant il doit l'imposer aux autres : la laïcité, c'est exactement ça, ce point de rencontre.

Yves Calvi : Donc vous comprenez et vous soutenez son invite aux catholiques français, notamment lorsqu'il leur dit « engagez-vous pour la politique en France et en Europe » ? 

François Bayrou : J'ai entendu cette réflexion exactement en écho au discours admirable prononcé en hommage au Colonel Beltrame. Deux échos de la même conviction : la société, un pays, une nation, la France, l'Europe... ne se limitent pas à des enjeux matérialistes. Ca compte, mais il y a un horizon qui va au-delà de cela. J'ai trouvé très bien que le président de la République dise en s'adressant à l'Eglise : « Nous allons cheminer ensemble ». On aura pas toujours les mêmes options, les mêmes choix, mais au fond c'est de ce dialogue-là que naitra un pays plus rassemblé. Et je n'oublie pas qu'en s'adressant aux catholiques, il s'adressait aussi naturellement à d'autres convictions religieuses. Et l'inquiétude religieuse dans la société où nous sommes compte beaucoup.

Yves Calvi : En l'occurrence, il l'a dit aux catholiques. Mais nous allons tourner une page si vous voulez bien : certaines de nos universités sont bloquées. Vous avez été ministre de l'Education nationale, faut-il débloquer ces facultés, et le mécontentement que vous voyez poindre chez certains de nos étudiants vous inquiète t-il ?

François Bayrou : Non. J'ai vu les déclarations, les prises de positions... Honnêtement, qui peut défendre le « tirage au sort » pour entrer dans une université qui soit adulte et aimant l'éducation, l'équité et la justice ? Qui peut dire que le « tirage au sort » est plus juste que la vérification des acquis ?

Yves Calvi : Les militants disent : « On en veut pas de sélection sous aucune forme», c'est le même terme depuis trente ans d'ailleurs, à chaque réforme.

François Bayrou : Oh, c'est le même terme depuis plus de cinquante ans, si vous remontez dans le temps. Je prends un exemple simple : à l'Université de Pau, il y a 1000 candidatures pour 60 places en STAPS. Comment fait-on ? On tire au sort ? Quelqu'un va t-il dire : « Mesdames et Messieurs, le progrès, c'est le tirage au sort » ? Moi je ne peux pas participer à ça. Il faut essayer de donner sa chance à chacun et en même temps respecter une certaine justice. Moi en tout cas, je ne sens pas de la justesse dans la défense du tirage au sort.

Yves Calvi : Emmanuel Macron a t-il trahi sa promesse de campagne sur la réforme des institutions, notamment sur la proportionnelle ?

François Bayrou : J'entends ici ou là qu'il aurait fait une promesse précise sur la dose de proportionnelle, ce n'est pas vrai : nous avions un seul accord qui était que désormais il y aurait du pluralisme dans les institutions. Et cela va être le cas. Après, est-ce que le chiffre qui a été arrêté par le gouvernement est équitable et équilibré ? Je ne le crois pas. 15% cela fait 60 sièges sur plus de 400, et donc comme les « grosses écuries » en prendront 35 ou 40, il restera 20 sièges à se partager entre les « minoritaires » : c'est dérisoire, ça n'a pas de sens. Je pense que le débat doit faire progresser ce chiffre vers le haut. 

Yves Calvi : Il ne vous a pas trahi ?

François Bayrou : Non, car jamais il n'y a eu d'engagement chiffré. En revanche, j'entendais hier soir François Hollande dire qu'il était contre la proportionnelle alors qu'il suffit de reprendre sa fameuse litanie « moi, Président », pour entendre qu'il était dit explicitement : « moi, Président, j'introduirai la proportionnelle ». Ca, c'était une trahison. Mais surtout, ce que je n'apprécie pas dans le texte présenté et qui est le contraire de la promesse qui avait été faite, c'est que le cumul des mandats dans le temps – au bout de trois mandats, vous changer parce que si vous n’avez pas fait en 18 ans, ce que vous aviez à faire, il est peu probable que vous le ferez après - cette promesse-là est complètement piétinée, c'est burlesque, même : on vous dit qu'on va le faire mais ça s'appliquera entre 2032 et 2037. Franchement, il y a de quoi éclater de rire pour écarter ce genre de manipulation.

Un dernier mort sur Notre-Dame-des-Landes : Il ne peut y avoir en France de zone de non-droit dans lesquelles, lorsqu'il y a une intervention des forces de l'ordre conformément à la loi, il faille y avoir des guerres de tranchées, des explosions multiples pour faire respecter la loi. Il n'est pas possible que l'opinion publique française, les démocrates français, les républicains français, ne peuvent accepter de zone de non-droit en banlieue ni dans les ZAD. 

Yves Calvi : Merci d’être venu nous voir ce matin.

 

 

 

 

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