"Repousser le non-cumul des mandats à 2017 serait une escroquerie civique"

Jean-Jacques Bourdin - Dans le dernier baromètre du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, la défiance des Français envers la politique atteint des niveaux records. Comme tous les autres politiques, vous êtes responsable de cela ?

François Bayrou - Pas comme tous les autres. Pardonnez-moi de faire une singularité, avec toute la modestie nécessaire de quelqu'un qui sait les difficultés. Pourquoi les Français ont ce sentiment ? Parce que depuis des années, des lustres et des décennies, à chaque campagne électorale on leur raconte des histoires. À chaque campagne, on leur fait des promesses mirifiques, mirobolantes. Ces promesses là, dès l'instant qu'on entre dans la réalité, les gens s'aperçoivent que non seulement elles ne sont pas respectées, mais bien souvent c'est une action politique contraire à celle qui avait été annoncée qui est faite.

"PRENDRE LES FRANÇAIS AU SÉRIEUX, C'EST LEUR DIRE LA VÉRITÉ COMME ELLE EST"

Cette fois-ci, comme les autres fois, il y a une espèce de décalage absolu entre ce qui avait été suggéré, fredonné, et la réalité. La chanson à la présidentielle était : "Votez pour nous et le changement interviendra, il n'y aura plus les mêmes comportements, il suffit de changer les gouvernants pour que tout s'arrange, que de nouveau on crée des postes, que les allocations reviennent et que les allocations soient là". Il y a une responsabilité qui fait que le désenchantement, la colère très souvent, sont grands. Or, mon engagement politique, depuis plus de dix ans, c'est de dire la vérité aux Français comme elle est. C'est de les prendre suffisamment au sérieux pour que eux, comme citoyens, sachent où nous en sommes et puissent adhérer consciemment à l'effort général et à la stratégie qu'il faut mener pour que la France redevienne ce qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être.

Parmi les questions que se posent les Français et les promesses faites, il y a le non cumul des mandats. Est-ce que vous y êtes-vous favorable ?

Je suis favorable au non-cumul des mandats et je demande qu'il s'applique dès 2014. Si on nous lanterne une fois de plus, en annonçant que c'est en 2017, cela revient à dire "cause toujours tu m'intéresses" ! Si c'était en 2017 que cette disposition, que les Français attendent et qu'on leur a promis sur tous les tons, se produisait, alors il y aurait escroquerie civique. De la même manière, François Hollande s'est engagé explicitement à mettre de la proportionnelle dans les élections législatives, pour que tous les courants d'opinions soient représentés.

"LES FRANÇAIS DOIVENT REDEVENIR LES PATRONS DU SYSTÈME POLITIQUE"

Si vous prenez des gens qui ne sont pas d'accord sur le fond, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et moi : sur les élections de 2007 et de 2012, nous avons fait ensemble 40 pour cent des voix, sans représentation à l'Assemblée nationale. De quel droit ? Qui sont les gens qui décident que des courants, qui réunissent plusieurs millions de Français, n'ont pas le droit d'être représentés au sein de nos institutions ? La voix de ces Français là n'existe pas ? Regardez, vous êtes électeur de gauche à Neuilly, votre voix ne sert à rien, jamais. Vous êtes électeur de droite ou du centre à Saint-Denis, votre voix ne sert à rien, jamais. Il est temps que la voix des citoyens soit respectée, quelles que soient leurs orientations. Ce sont eux les patrons du système et il faut leur reconnaître cette dignité et cette responsabilité.

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