Portrait : Laurence Vichnievsky

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Laurence Vichnievsky, conseillère régionale en Auvergne-Rhône-Alpes, nous fait part de son expérience en tant que femme politique et magistrate. Très engagée, elle nous décrit avec passion sa vision de la société : justice, écologie, système politique etc.

Vous êtes conseillère régionale en Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2015. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous engager au service de cette région ?

Mes origines familiales, mon attachement à cette terre des volcans où j’ai passé une grande partie de mon enfance et qui constitue mes racines.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours politique ? Quel regard portez-vous sur notre système politique actuel ? Le clivage gauche/droite à la française a-t-il encore un sens en 2016 ? Selon vous, quelle place et quel rôle le centre doit-il jouer?

J’ai toujours pensé qu’il y avait un intérêt général qui transcendait les intérêts particuliers et qu’il fallait œuvrer pour le servir. Je n’aime pas les extrémismes, parce qu’ils sont toujours fondés sur l’intolérance, le refus de la différence, finalement la négation de l’autre. Mes engagements politiques, le rocardisme, l’écologie, le Modem, en dépit de leurs différences, s’inscrivent tous dans ce même espace de pensée.

Concernant l’actuel système politique de la France, hérité des institutions de 1958, je crois que l’on est arrivé à la fin d’un cycle. Si l’on conjugue les effets de l’élection du président de la République au suffrage universel (1962), de l’instauration du quinquennat (2000), de l’inversion du calendrier électoral (2001) et du scrutin majoritaire pour l’élection des députés, on aboutit à un système qui hypertrophie les pouvoirs du président de la République, comme nulle part ailleurs dans les grandes démocraties, et qui confère à un seul parti, ne représentant souvent pas plus de 25 % de l’électorat, l’essentiel de la représentation nationale. Même en ne se plaçant que du point de vue de l’efficacité, les résultats sont de moins en moins probants : le mandat de François Hollande en est la triste illustration.

Il faut changer ce système. N’étant pas favorable à un grand chambardement, je pense qu’il faudrait au moins modifier notre scrutin législatif, en y introduisant une part significative – un tiers des sièges de l’Assemblée nationale – de proportionnelle. Moins pour permettre une représentation équitable des différentes forces politiques, ce qui en soi serait déjà très légitime, que pour aboutir à la constitution de gouvernements de coalition, comme dans la plupart des pays européens. Cela aurait l’avantage d’élargir la base populaire des différents gouvernements et de renforcer le poids de la représentation nationale face au président de la République.

Concernant le clivage gauche/droite, on assiste depuis une trentaine d’années à un double phénomène : d’une part, l’atténuation des différences entre les politiques économiques menées par les sociaux-démocrates et par les conservateurs, d’autre part, une tendance lourde des citoyens à demander plus de sécurité, plus d’autorité. Cela conduit à une nette droitisation de la société dans son ensemble et, en conséquence, de la classe politique.

Le centre a longtemps été en France l’aile sociale et européenne de la coalition de centre-droit. Aujourd’hui, les politiques sociales sont remises en cause par la mondialisation de l’économie et une vague d’euroscepticisme balaie le Vieux Continent. Le centre doit rester fidèle à ses valeurs tout en s’adaptant à cette nouvelle donne. Son projet doit aujourd’hui mettre l’accent sur la défense de l’Etat de droit, quand les dérapages sur cette question se multiplient dans les formations politiques de gauche et de droite, et, pourquoi pas, devenir le pôle de ralliement d’une écologie pragmatique, quand nos compatriotes se montrent de plus en plus sensibles à la défense de l’environnement sans toutefois se reconnaître dans les dérives gauchisantes des représentants officiels de l’écologie.

Vous êtes vice-présidente de la commission « affaires culturelles » au sein de votre région, quels sont vos grands projets afin de promouvoir la culture au sein de votre région ?

Ma réponse ne sera sans doute pas à la hauteur de la question mais le grand projet est de maintenir le soutien de la région dans ses différents secteurs d’intervention avec moins d’argent puisque tous les budgets ont été diminués de manière à réduire l’endettement et la dépense publique. Dans cette optique, il faut rationnaliser et simplifier les circuits de subventionnement, supprimer les doublons, je pense à un certain nombre de structures satellites intermédiaires qui rendent illisible l’action de la région et coûtent très cher en fonctionnement. Simplifier les circuits ne veut pas dire renoncer aux missions : je n’imagine pas, par exemple, que l’action du FRAC d’Auvergne qui permet notamment de sensibiliser tous les territoires de son périmètre à l’art contemporain en faisant tourner sa collection, puisse être compromise par nos efforts budgétaires. Mais il faudra faire des choix dans les structures et les projets et je suis prête à les assumer. 

Avez-vous un autre grand projet qui vous tient à cœur et que souhaiteriez défendre à l’échelon régional ?

Oui, revoir entièrement le système de la formation professionnelle des élus. Nous avons des personnes ressources de qualité, que ce soit au sein des services ou des élus eux-mêmes. Il serait tout à fait envisageable d’assurer cette formation en interne, ce qui permettrait de dégager des sommes folles que j’affecterais bien au festival du court métrage de Clermont Ferrand ou à l’Opéra de Lyon….

Selon vous, « comme le juge, l'élu sert l'intérêt commun », quelle est justement votre vision de la politique ? Est-ce simplement une profession comme une autre, comme celle de juge, magistrat etc ? Où est-ce autre chose, un engagement citoyen qui ressort plutôt du « don de soi » pour la communauté ? Concrètement, que pensez-vous de la professionnalisation de la politique ?

Parler du « don de soi » pour décrire l’engagement des hommes politiques peut paraître aux antipodes de l’image, très dégradée, que s’en font les Français aujourd’hui.

Il faudrait déjà mettre fin au cumul des mandats, en interdisant notamment à tout parlementaire ou ministre de détenir un mandat local. Pour y parvenir, un référendum sera sans doute nécessaire car les parlementaires ne devraient pas être facilement disposés à renoncer à leurs privilèges.

Il serait bon aussi que la représentation nationale ne soit plus principalement confiée à des professionnels de la politique, qui n’ont jamais vécu que de leurs mandats ou des salaires que leur ont versés leurs partis, mais à des femmes et des hommes issus de la société civile. La promotion Voltaire, pas plus qu’aucune autre du reste, ne devrait avoir vocation à gouverner la France.

Vous aviez déclaré : « Après vingt ans d'exercice de la profession de magistrat, dont l'une des fonctions consiste à faire respecter une certaine égalité devant la loi, force est de constater qu'il vaut mieux être riche et puissant face à la machine judiciaire que pauvre et faible». Selon vous, quelles sont les grandes réformes à engager afin d’endiguer ce phénomène de justice à deux vitesses ?

Je n’ai pas de recette miracle. Dans une société inégalitaire, l’accès à la justice comme l’accès à l’éducation ou à la santé est inégalitaire : il serait hypocrite de faire semblant de croire que l’égalité des droits pallie l’inégalité des conditions.

Pour essayer toutefois de répondre à votre question, je crois qu’en matière de justice pénale, il faut préserver le juge d’instruction. La procédure accusatoire se révèle très inégalitaire.

Il faut aussi, dans la mesure du possible, simplifier le droit. En matière sociale par exemple, j’observe que les employeurs les plus sanctionnés ne sont pas les grandes entreprises mais les PME-TPE, qui n’ont ni les moyens de disposer d’un service juridique, ni le temps de maîtriser toute la complexité du code du travail.

Une initiation aux fondamentaux du droit dès le collège me semblerait par ailleurs très utile. 

Lorsque des hommes politiques vous assènent que « le juge n'a pas la légitimité de l'élection populaire », vous répondez : « Ma légitimité c'est la loi». Quel est votre regard sur l’indépendance de la justice face au politique en France ?

Depuis la réforme de la justice par Michel Debré en 1958, les juges ont lutté, non sans succès, pour leur indépendance. J’y ai pris ma part. Aujourd’hui, la situation n’est pas si mauvaise. Le maillon faible est le parquet, encore trop dépendant du ministre de la justice. Un alignement des conditions de nomination des magistrats du parquet sur celles des magistrats du siège est réclamé par tous. Je souhaite qu’une révision constitutionnelle intervienne dès 2017 en ce sens.

Sans qu’il soit opportun de créer un procureur général de la Nation, le procureur général près la Cour de cassation pourrait se voir attribuer des pouvoirs d’animation et de coordination des procureurs généraux près les cours d’appel. La tutelle quotidienne de la Chancellerie sur les parquets en serait sans doute allégée.

Plus généralement, au niveau national, quel est le grand sujet qui vous donne envie de vous mobiliser ? Aujourd’hui, l’écologie reste toujours votre grande préoccupation?

Par goût personnel, c’est la culture, bien que je n’aie pas de prétention à l’expertise en ce domaine.

L’écologie reste bien sûr pour moi une préoccupation majeure. Depuis 1972 et la publication du rapport Meadows, nous ne pouvons pas ignorer qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible. L'homme est en train de mettre gravement en péril non pas la planète mais ses propres conditions de survie sur la planète.

La lutte contre le changement climatique, la préservation des forêts, des océans et de la biodiversité sont parmi les grands enjeux mondiaux du XXIe siècle. En France, une politique active en faveur de l’environnement passe par l’isolation des bâtiments, la réduction de la consommation des énergies fossiles, la protection de l’agriculture biologique, le soutien aux circuits courts de production et de distribution, la préservation de la qualité de l’air et de l’eau des rivières.

Ces politiques seront-elles, comme aujourd’hui, sacrifiées aux contraintes de la productivité, de la compétitivité et de la globalisation ? C’est un danger qu’il ne faut pas sous-estimer. Mon engagement au Modem représente aussi l’espoir que demain, l’écologie sera prise en compte.

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