"Pluralisme ou bipartisme, un enjeu pour l'avenir", avec Gérard Grunberg et François Bayrou

Le 3e "Rendez-vous de la démocratie" s'est tenu le mardi 15 janvier sur le thème "Bipartisme ou pluralisme, un enjeu pour l'avenir", autour de Gérard Grunberg et de François Bayrou. La synthèse écrite sera disponible dans les prochains jours.

La synthèse des étudiants du MoDem Sciences-Po : 

Mardi 15 janvier, dans le cadre des « Rendez-vous de la Démocratie » organisés chaque mois par le Mouvement Démocrate, Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CNRS et au Centre d’études européennes de Sciences-Po, s’est exprimé sur le thème « Pluralisme ou bipartisme, un enjeu pour l’avenir ». M. Grunberg se dit convaincu depuis 1974 que la logique de la Ve République conduit inéluctablement au bipartisme. Cependant, si les élections de 2012, dans un contexte de crise extraordinaire, ont accentué de façon spectaculaire cette tendance au bipartisme, M. Grunberg reconnait qu’elles en ont aussi révélé les graves défauts. En conséquence, il s’est progressivement rallié à l’idée de mettre en place un mode de scrutin proportionnel intégral. 

M. Grunberg rappelle que le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, avec deux candidats lors de ce deuxième tour, est fait pour tuer le Centre, celui-ci se retrouvant en position de faiblesse face aux deux forces dominantes de la Ve République que sont la Gauche et le Gaullisme. Pour survivre, le Centre doit s’associer à l’une ou l’autre de ces forces. M. Grunberg ajoute que le Parti socialiste est sans doute celui qui s’est le mieux adapté à ce système, malgré son souhait affiché de faire évoluer le système politique vers plus de représentativité. Avec Mitterrand, le PS a fait le choix du présidentialisme. 

Il y a donc monopolisation du pouvoir par les deux partis dominants même si d’autres partis demeurent significatifs dans le paysage politique français. Gérard Grunberg parle de « bipartisme imparfait ». M. Grunberg rappelle aussi que les élections législatives suivent de près les élections présidentielles. Pour prendre le pouvoir, les partis doivent donc impérativement remporter ce cycle électoral à 4 tours. Gérard Grunberg a défendu le bipartisme car celui-ci permettait, selon lui, la stabilité gouvernementale. Mais ce système présente de sérieux problèmes de représentation, puisque le parti parvenu au pouvoir avec une majorité parlementaire ne représente en réalité qu’une minorité de Français. 

M. Grunberg se demande si un scrutin proportionnel intégral ne serait pas une meilleure solution. La crise économique dont souffrent la France et l’Europe est durable et d’autant plus difficile à gérer par un pouvoir qui a donc besoin d’un surcroît de légitimité. Par ailleurs, la notion de clivage gauche-droite a perdu une grande part de sa substance. Ce clivage est percuté perpendiculairement par un clivage Europe/Nation. Les partis modérés sont pris dans l’engrenage de la construction européenne, de la zone euro. Le pacte de stabilité négocié par Sarkozy a été signé par Hollande, quoi que ce dernier ait pu en dire. Le leadership en Europe est clairement allemand et les dirigeants français, de droite comme de gauche, ne peuvent que s’y résoudre. Le système d’alliances exclusivement à droite ou à gauche ne peut plus tenir dans ce contexte, qui plus est avec un Front National puissant. Un gouvernement qui repose sur 25 pour cent des suffrages exprimés (15 à 20 pour cent des Français) ne peut pas tenir à moins de mentir, mais « mentir avant c’est souffrir après ». M. Grunberg considère donc qu’il vaudrait mieux mettre en place la proportionnelle intégrale. Il y a évidemment des arguments contre mais ceux-ci sont moins valables qu’auparavant selon Gérard Grunberg. On dit, tout d’abord, que la proportionnelle favorise les extrêmes et il est vrai que ce mode de scrutin permettrait l’entrée d’un nombre important de députés des extrêmes à l’Assemblée. Ce problème n’est cependant pas insurmontable, les grands partis ne vont pas disparaitre et peuvent s’allier avec d’autres forces politiques que leurs alliés traditionnels. Dans d’autres pays on voit des coalitions de gouvernement qui fonctionnent. On dit ensuite que la bipolarisation ne repose pas seulement sur des divergences économiques mais sur un clivage plus profond qui a produit des idéologies, des partis. Ce à quoi M. Grunberg répond que le clivage droite-gauche ne veut plus dire grand-chose aux yeux de beaucoup de personnes. Or ceux qui aimeraient exprimer d’autres idées ne le peuvent pas dans un tel système. De plus, le système bipartisan oblige les partis à faire des alliances inconsistantes avec la politique qu’ils vont mener par la suite. On met également en avant l’absence de tradition du compromis en France, la vie politique française étant au contraire caractérisée par l’affrontement depuis 1789. C’est oublier les quelques moments fondamentaux de l’histoire de la France contemporaine où un rapprochement des Centres a permis de consolider la République. Ce fut le cas en 1875 où le rapprochement des libéraux de gauche et de droite permis l’élaboration des Lois constitutionnelles instaurant le régime parlementaire de la IIIe République, ainsi qu’en 1947 où le rapprochement des Centres permis à la IVe République de s’installer. La dernière critique met en garde contre un changement de scrutin qui remettrait radicalement en cause la Ve République. M. Grunberg considère cette question du régime politique comme la plus compliquée. Il estime que le bicéphalisme exécutif est une erreur car il créé une incertitude sur l’identité du capitaine. Si la proportionnelle intégrale était mise en place, le président se retrouverait sans doute contrait à une forme de cohabitation, le Premier ministre devenant le chef d’une majorité parlementaire constituée à partir d’une coalition de partis. 

A l’issue de cet exposé, François Bayrou a pris la parole, parlant à propos du système politique français tel qu’il est aujourd’hui, d’une « escroquerie intellectuelle » qui empêche d’agir dans le sens de l’intérêt national. Pour M. Bayrou, on ne peut mener la politique nécessaire, sur laquelle beaucoup s’accorde d’ailleurs, quand les blocs dominants sont tirés par leurs noyaux durs. Par ailleurs, les discours prononcés pendant les campagnes électorales sont souvent mensongers et donc discrédités une fois au pouvoir, la majorité perdant en conséquence le soutien de ses alliés déçus par l’action menée. M. Bayrou s’est ensuite attristé du manque de vie de l’Assemblée nationale : « Depuis quand n’avez-vous pas entendu un beau discours ? ». Raison à cela, selon M. Bayrou, le pluralisme nécessaire aux débats a été exclu de l’Assemblée. Le Front National, le Front de Gauche et le Modem ont recueilli environ 40 pour cent des suffrages aux dernières élections présidentielles mais leurs députés ne représentent qu’1 pour cent des sièges de l’Assemblée… M. Bayrou considère que mettre en place un scrutin à la proportionnelle intégrale pourrait résoudre le problème en obligeant les partis à s’entendre pour gouverner. Tenant compte des risques d’impossibilité de trouver une majorité, il propose aussi une solution de compromis qui introduirait une dose de proportionnelle de 25 pour cent, suffisante pour assurer la représentation des partis minoritaires sans menacer la capacité de l’exécutif à gouverner à partir d’une majorité claire. 

Le public a ensuite pu s’exprimer. Alors qu’une personne de l’assistance déplorait l’impossibilité en France de faire émerger une troisième voie, François Bayrou lui a répondu en citant Jules César qui, dans son ouvrage sur La Guerre des Gaules, remarquait que les villages gaulois étaient toujours divisés en trois partis… Le président du Modem considère que la situation politique actuelle, avec ces deux fractures au sein des deux blocs, conduira inévitablement à une refondation, les grandes familles politiques traditionnelles françaises, dont le Centre, devant apprendre à dialoguer pour prendre le chemin des réformes nécessaires, dans le cadre de la construction européenne. 

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