"Permettre à toutes les catégories de familles d'élever des enfants est une garantie d'équilibre"

François Bayrou était l'invité de Patrick Cohen, dans la matinale de France Inter, jeudi 12 janvier.

Patrick Cohen : Bonjour François Bayrou !

François Bayrou : Bonjour.

PC : Nous sommes quasiment à cent jours du premier tour pour reprendre une expression qui n’est pas de moi. Vous la sentez bien cette campagne ?

FB : En tout cas, elle se met en place. C’est désormais clair pour la plupart des électeurs. Et puis les problèmes qui se portent aux Français sont si importants et si lourds que je suis sûr que ce sera une campagne sur le fond, parce que je pense…

PC : Ce sera… Pour l’instant, pas tout à fait

FB : Ce sera une campagne sur le fond et je pense que c’est inévitable et que c’est absolument indispensable que les Français se posent la question même de leur avenir et c’est à cette question qu’ils répondront au mois d’avril et au mois de mai.

PC : On va parler du fond, mais quelques mots sur le climat. On ne va pas y passer l’interview ni même la matinée : les attaques de l’UMP contre le candidat du PS, Bernard Accoyer qui parle de "guerre" en cas d’alternance, Nadine Morane qui qualifie François Hollande d’"homme dangereux"… Ca fait partie du folklore électoral habituel ou ça prend mauvaise tournure ?

FB : Non, ce sont des propos excessifs qui ressemblent aux campagnes électorales dans lesquelles on se distribue les coups comme dans une mêlée ouverte au rugby. Ca n’a aucun intérêt.

PC : Aucun intérêt, donc on n’ira pas plus loin. Toujours sur les conditions de cette campagne : le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a annoncé hier qu’il suspendait les nominations importantes jusqu’à la présidentielle. On a pensé spontanément à la Caisse des Dépôts : Augustin de Romanet est donné partant, il devait être remplacé par Xavier Musca, le secrétaire général de l’Elysée. C’était une rumeur, ça ne se fera pas. Des réactions ?

FB : Cette décision fait prendre de graves risques à la Caisse des dépôts et consignations et donc à la France. On est dans une période particulièrement grave. Pour ceux qui nous écoute, il faut rappeler que la Caisse des dépôts et consignations est l’organisme qui depuis 180 ans, depuis 1816, je crois, gère l’épargne des Français pour éviter que cette épargne disparaisse. Elle gère l’épargne des Français en particulier l’épargne du livret A. Or, cet organisme est placé devant trois questions qui sont vraiment menaçantes et graves :
    •    la première question est l’état de Dexia dont tout le monde sait qu’il y a menaces, dérives, sujets de préoccupation extrêmement graves.
    •    La deuxième question est l’alliance qui avait été faite avec Veolia autour d’un organisme de transport qui s’appelle Transdev
    •    La troisième question est le refinancement des collectivités locales dont tout le monde sait qu’elles sont aujourd’hui placées dans une situation terriblement inquiétante : elle ne trouve plus à emprunter même si elles peuvent rembourser.
Ce sont donc trois questions essentielles…

PC : Et sur ces questions, la direction actuelle de la Caisse des dépôts ne peut pas répondre ?

FB : Eh bien, non, parce que la direction actuelle de la Caisse des dépôts s’arrêtera de manière inéluctable le 7 mars et donc laisser un organisme aussi important sans direction pendant des mois, jusqu’au mois de juillet au moins, ce n’est pas sérieux, c’est grave et c’est faire prendre des risques, parce qu’évidemment, la personne qui assurera l’intérim n’aura pas la même autorité qu’un directeur général nommé. Il y a quelque chose d’extrêmement lourd dans cette décision et il y a une conception et je m’arrêterai là qui est pour moi dangereuse et inacceptable, c’est qu’au fond ça signifie qu’il faut que ce genre de personnalités de responsabilités économiques soient un ami du pouvoir quelque soit le pouvoir.

PC : Bah, non, François Bayrou ! Si la nomination avait été actée, vous auriez été le premier à dénoncer une nomination partisane !

FB : Excusez-moi, si vous relisez les déclarations qui sont les miennes, j’ai toujours dit au contraire qu’il fallait que l’exercice de la responsabilité du Président de la République aille jusqu’au bout. On n’a pas besoin d’amis du pouvoir dans les responsabilités essentielles de l’Etat. Ce qu’il faut au contraire, c’est des compétences et des personnalités qui puissent dire : "je ne suis pas d’accord avec vous" quand le pouvoir exécutif demande quelque chose. C’est d’ailleurs la vocation de la Caisse des Dépôts et Consignations qui a été faite pour résister à l’Etat, pas pour appliquer servilement les demandes de l’Etat, donc c’est une demande dangereuse, inquiétante, donc je demande au chef de l’Etat de bien réfléchir au fait de laisser un organisme aussi important pour les Français sans direction pendant six mois.

PC : Je voudrais qu’on parle de fiscalité, François Bayrou, parce que ce débat agite la campagne aujourd'hui. La modulation du quotient familial : vous avez joint votre voix aux critiques de l’UMP. Pourtant, est-ce qu'il n'y a pas là dans ces aides qui profitent aux familles les plus riches, matière à une fiscalité plus redistributive.

FB : Oui, bien, je trouve que dans cette décision qui a d'ailleurs été avancée puis retirée comme ça se passe à peu près tous les jours dans cette période, je vous dis qu'on porte atteinte à un des principes les plus importants de ce qu'à été la politique familiale de la France depuis la guerre. C'est la seule politique que nous ayons dans tout le paysage national qui marche et n'est remise en cause par personne. C'est ce qui donne à la France la capacité d'être le pays le plus jeune de l'Europe alors que tous les autres autour d'elle vont être vieux. Quel est le principe?...

PC : Est-ce que c'est la politique familiale en général ou le quotient familial en particulier?

FB : Non, c'est la politique familiale en général avec un principe qui est qu'on décide d'apporter de l'aide aux familles qui choisissent d'élever des enfants avec cette idée simple que, lorsqu'on fait le choix d'élever des enfants, on ne perde pas trop en niveau de vie, par rapport au même niveau social de familles semblables au revenu du même ordre. On sait qu'on perd un peu…

PC : Mais vous trouvez normal que plus le revenu des familles est élevé, plus l'aide de l'Etat est importante?

FB : Non, d'abord, ça n'est pas exact, parce qu'en France, les familles du bas de l'échelle des revenus sont celles qui sont le plus aidées dans tous les pays semblables aux nôtres. Il y a des aides qui sont très importantes. Je pense qu'il est…

PC : Là on ne parle pas du quotient familial. Je vous livre deux chiffres François Bayrou tirés d'un papier des Echos : un enfant apporte 269€ par an à un ménage gagnant deux fois le SMIC et 2200€, presque deux fois plus à un ménage gagnant 15 fois le SMIC. C'est ce que le PUIS propose de moduler.

FB : Demandez aux associations familiales ce qu'elles en pensent et elles vous diront une chose simple, c'est que pour qu'il y ait de l'équilibre dans un pays comme le nôtre, il est nécessaire qu'élèvent des enfants toutes les familles, celles qui ont des difficultés et c'est naturel qu'on les aide et celles qui, au contraire, sont par exemple des familles de cadres, de journalistes ou d'enseignants. Je trouve tout à fait normal qu'il y ait le souhait de cet équilibre et je trouve tout à fait grave qu'on remette en cause, je suis persuadé qu'au bout du compte, d'ailleurs, ça ne se fera pas, en ciblant deux catégories de famille : la première, les classes moyennes et la deuxième, les familles nombreuses et je trouve qu'aider les familles nombreuses et les familles des classes moyennes par des avantages fiscaux, au fond, c'est le pacte français qui avait été décidé après la guerre, après le Conseil National de la Résistance et je trouve qu'il était fondé : il a donné des résultats qui sont des résultats très bons. Il n'y a pas de raison de sanctionner ceux qui choisissent d'élever des enfants, je pense que c'est un bienfait pour tout le monde.

PC : Pour fixer les choses et les esprits des auditeurs : supprimez le quotient familial, ce qui n'est pas la proposition du PS, ça toucherait les familles des ménages dont les revenus sont au-delà de 4200€ mensuels, pour préciser les choses.

FB : Bien. 4200€ mensuels, ça n'est pas pour moi privilège.

PC : D'accord.

FB : 4200 € mensuels, c'est deux salaires d'instituteurs, professeurs des écoles ou de cadres ou de contremaîtres dans une entreprise ou de responsables dans des services de production. Ca n'est pas privilège.

PC : D'accord. En vous écoutant tout de même François Bayrou et ma question est délibérément provocante, je me dis : "ce débat, cette question fiscale, est-ce que ce n'est pas un bon marqueur du clivage gauche-droite entre ceux qui veulent redistribuer et ceux qui ne veulent pas dont vous faites partie apparemment?"

FB : Vous vous trompez complètement. Je suis au contraire de ceux qui pensent qu'il faut faire en sorte que les privilèges soient plus sollicités pour être solidaire. Par exemple, je suis pour la création de deux tranches d'impôt supplémentaire sur le revenu qui serait l'une à 45% et l'autre à 50%. Vous voyez bien que c'est là, alors, je ne sais pas si c'est un marqueur, c'est en tout cas une affirmation de ce qu'il faut que l'impôt soit un signe de solidarité. Je ne suis pas du tout pour la suppression de l'Impôt Sur la Fortune. Je suis au contraire pour le remodeler pour qu'il participe à la solidarité du pays. Mais je ne pense pas que ça doivent se faire en attaquant les familles qui ont des enfants.

[pause : revue de presse de Bruno Duvic entre autres sur la suppression de l'épreuve de Culture Générale au concours d'entrée de Sciences Po Paris]

Patrick Cohen : Je vous voyais trépigner pendant la revue de presse. Vous aviez envie de commenter quelques sujets d'actualité traités par Bruno Duvic?

François Bayrou : Je veux dire quelque chose d'assez simple : la culture générale, c'est l'éducation. Imaginer qu'il puisse y avoir éducation sans culture générale, c'est se tromper de vocation et d'inspiration. La culture générale, c'est ce qui vous donne une boussole pour le monde et prétendre, comme on le fait aujourd'hui, vider trop souvent l'éducation de cette culture générale qui est la seule chose qui vous donnera un viatique pour la vie. Par exemple, pour vous retrouver dans Internet : Internet c'est formidable, mais c'est une jungle. Les informations sont toutes présentées à profusion mais ces informations sont dans le désordre. Pour y mettre de l'ordre, il faut bien que vous sachiez : 1. Ce que les mots veulent dire, 2. Dans quelle partie de l'histoire, c'est-à-dire du temps, vous vous trouvez, 3. Dans quelle partie du monde vous vous trouvez, que vous ayez une petite idée de ce que les idées ont été, les pratiques, les mœurs et les personnes qui ont fait l'histoire et tout ceci, c'est de la culture générale et donc inventer ou prétendre inventer ou croire inventer une société dans laquelle une culture générale serait un signe pour les élites, c'est scandaleux. C'est proprement une condescendance sociale, parce que ça veut dire que la culture générale sera réservée aux enfants de ceux qui en ont déjà. Or, la fonction de l'école devrait être précisément de la mettre à disposition de ceux qui ne l'ont pas. C'est ainsi que regarder comme conservateur l'idée qu'on puisse faire de la culture générale le socle même de l'éducation, c'est être au contraire furieusement du côté de la domination totale de quelques uns.

PC : François Bayrou, avant d'aller au standard et d'entendre les auditeurs qui ont des questions à vous poser : deux questions que je pose régulièrement à nos invités en ce début d'année sur le bilan du quinquennat Sarkozy : d'abord l'action, la mesure la plus critiquable à vos yeux de ces cinq années écoulées?

FB : L'action la plus critiquable, c'est la première, c'est le bouclier fiscal, c'est l'idée qu'on va arranger la fiscalité pour que ceux qui ont les plus gros avantages soient le plus mis à l'abri de la contribution.

PC : On ne sort pas du débat fiscal et on va y revenir dans un instant. Et dans la colonne "actif", la mesure, l'action, la politique que vous voudriez sauver ou que vous pourriez défendre?

FB : Il y en a beaucoup j'espère. Je pense que, par exemple l'idée de faire pour un temps au moins des micro-entreprises, la possibilité pour quelqu'un qui a envie de se lancer de faire des micro- ou auto-entreprises, je trouve, si c'est pour un temps donné, parce qu'il faut ensuite que ça rejoigne ensuite le droit commun, parce qu'autrement ça fait trop de déséquilibres et de disparités, mais je trouve en tout cas que ça c'était bien. Mais, il y en a sûrement d'autres, il ne faut pas être caricatural.

PC : Non, mais, je vous en ai demandé d'en choisir une, donc c'est votre choix. Au standard de France Inter, Mireille nous appelle de Seine-et-Marne. Bonjour Mireille.

Mireille : Oui, bonjour France Inter, bonjour Monsieur Bayrou.

FB : Bonjour.

M : Votre candidature est très intéressante. Néanmoins, je vous avoue que le ralliement de M. Dassier dont la seule motivation, selon le journal Le Monde, est de faire battre la gauche me pose problème.

FB : Vous avez raison cette formulation… [rires]

M : Où donc vous situez-vous clairement en social et en économie? Merci.

FB : Merci beaucoup. 1. Il y a des gens qui me rejoignent et qui disent : "je vous rejoins parce que vous êtes le seul à pouvoir battre Nicolas Sarkozy à coup sûr et à rassembler des voix d'un bord et de l'autre". Bon. Je leur réponds : "Excusez-moi, aujourd'hui, Nicolas Sarkozy n'est même plus la question principale de l'élection présidentielle française." La question principale est : "comment on va sortir la France de la situation où elle se trouve?". Et ceux qui viennent en disant : "vous êtes le seul à pouvoir battre François Hollande ou la gauche", de la même manière, je leur dis : "excusez-moi, mais ce n'est pas la question principale…

PC : Mais pour beaucoup d'électeurs, ça se pose en ces termes-là, vous le savez, François Bayrou.

FB : Non, non, non. Vous vous trompez complètement et je vais vous donner la preuve que vous vous trompez. Vous savez que je défends cette idée : il n'est pas possible de sortir la France de la situation dans laquelle elle se trouve si on n'a pas une démarche, un esprit d'union national comme on l'a connu dans les temps les plus difficiles du pays : on l'a connu en 58, on l'a connu au moment du Conseil National de la Résistance que tout le monde célèbre aujourd'hui. Je voudrais qu'on se souvienne que le Conseil National de la Résistance était une union nationale : il y avait des gens de droite, il y avait beaucoup de gens du centre et il y avait des gens plutôt à gauche, beaucoup aussi.

PC : dans des circonstances exceptionnelles…

FB : Mais vous ne trouvez pas qu'on est dans des situations exceptionnelles, Patrick Cohen? Eh bien, moi je vous dis : "nous sommes dans des situations exceptionnelles". Cette démarche-là, démarche d'union nationale, elle va s'imposer dans notre pays. Il n'y a pas moyen de réussir autrement et donc ceux qui croient que l'ennemi, c'est la droite ou l'ennemi, c'est la gauche à mon sens se trompent et je vous donne une preuve que je vous avais promise : il y a une enquête d'opinion qui est sortie en décembre sur cette idée de l'union nationale. Il y a 55% des Français qui disent qu'ils pensent que c'est indispensable et ceux qui disent "non, je préférerais un gouvernement purement de droite" ou "je préférerais un gouvernement purement de gauche" additionnés les deux, droite + gauche, ne sont que 35%. Il y a une évolution très profonde des esprits et quand vous dites : "il y a beaucoup d'électeurs pour qui au fond c'est la question", je crois qu'il faut faire évoluer les  esprits. En tout cas, moi j'aspire à cela, parce que sans ça, on ne posera jamais les bonnes questions et on n'apportera surtout pas les bonnes réponses qui vont demander une majorité plus large que les majorités que nous avons sous les yeux.

PC : D'autres questions au standard : Arnaud qui nous appelle de Vendée. Bonjour!

Arnaud : Oui, bonjour, vous m'entendez bien?

PC : Oui, très bien.

A : Oui, très bien, donc bonjour à tous, bonjour à M. Bayrou. J'appelais pour deux choses : tout d'abord un petit rappel à la réalité pour M. Bayrou qui citait 4200€ comme le salaire de deux enseignants. Donc, un exemple très simple : moi, je suis enseignant, directeur d'un établissement scolaire. J'ai deux enfants donc supplément familial inclus avec dix années d'ancienneté, je touche 2000€ par mois. Ma femme est dans le même métier que moi avec un peu plus d'ancienneté, mais ayant une moins grande direction d'école. Elle en gagne 1800, donc on est loin des 4200€ par mois, M. Bayrou, donc voilà, simplement pour vous rappeler ça. Ensuite, concernant le supplément familial et la réforme du supplément familial, j'ai l'exemple concret, moi, d'une amie dont le père est chef d'entreprise et a plusieurs enfants et qui a utilisé les allocations familiales pour s'offrir une résidence secondaire en bord de mer en revendiquant clairement qu'il n'en avait pas besoin. Donc quand on arrive à de telles aberrations, est-ce qu'il ne serait pas justement pertinent de donner un peu moins à ceux qui en ont le plus et un peu plus à ceux qui en ont le moins?

FB : Monsieur, je vais vous répondre. 1. Je vous donne acte de votre salaire : 2000€ au lieu des 2100 que j'évoquais, parce que 4100, c'est deux fois 2100, donc on n'est pas très loin.

PC : Mais on n'y est pas.

FB : Oui, bon. Et donc voyons simplement que ce ne sont pas des riches qui ont deux salaires de 2100€ par mois. Ce n'est pas vrai. Ce sont des classes moyennes qui ont souvent des difficultés à vivre et les cibler comme on est en train de le faire, ca me paraît dangereux pour l'unité du pays. Croire que la politique, ce soit uniquement "s'intéresser aux uns et cibler les autres", pour moi en tout cas, ce n'est pas du tout mon approche. Ca c'est le premier point. Deuxièmement, si vous voulez, et vous en avez le droit comme citoyen et si vous êtes élu comme législateur, comme majorité nouvelle, si vous voulez mettre de l'équité fiscale faites-le par les impôts, ne le faites pas en ciblant les familles avec enfants. Les familles avec enfant, pour moi, c'est la richesse du pays. Alors vous voyez comme insidieusement, les deux camps dressent les Français les uns contre les autres. Un camp dresse les Français contre des profiteurs qui seraient avec des minimas sociaux qui seraient maintenus chez eux sans rien faire et constamment on jette de l'huile sur le feu pour faire flamber ce sentiment-là. L'autre camp dresse les Français maintenant contre ceux qui gagnent 4200€ par mois.

PC : Non, non! Ce chiffre résulte d'études de projection de suppression de quotient familial, ce qui n'est pas la mesure évoquée par François Hollande.

FB : Permettez-moi de vous dire que vous avez-vous-même, je ne vous en fais pas procès, présenter les choses de sorte que quelqu'un qui est en train de vous écouter, il pense que le privilège commence à 4200€. Je nie cette affaire, je nie cela, je nie qu'il faille dresser les Français les uns contre les autres. C'est une conception de l'action publique que je considère moi comme mal inspirée.

Thomas Legrand : C'est une question de principe ou il y aurait un niveau beaucoup plus haut où les gens qui auraient trois ou quatre enfants mais qui gagneraient, je ne sais pas moi, 10 000€ par mois tout cumulé, pourraient voir leur quotient familial diminuer. C'est sur le principe ou c'est sur le niveau?

FB : Le principe que je défends, c'est qu'il ne faut pas faire de discrimination sociale pour ce qui est des familles qui élèvent des enfants. Il y a des idées qu'on peut avoir. Je ne trouve pas absurde la réflexion sur la fiscalisation des aides, par exemple. Je ne trouve pas absurde qu'on ait devant soi, qu'on fasse masse de tout ce qu'on reçoit et qu'on puisse regarder de quelle manière, en effet, les revenus sont distribués. Mais la discrimination qu'on est subtilement en train d'introduire, qui consiste à faire que le privilège soit qu'on descende à deux salaires et un peu plus de deux SMIC, je trouve que ce n'est pas juste et que ce n'est pas bien.

PC : Alors, toujours dans ce débat fiscal, je voudrais savoir comment et pour, François Bayrou, sur la TVA sociale telle qu'elle est évoquée en ce moment par le gouvernement, on en est actuellement au stade de piste, vous êtes passé d'une position "ouverte" telle que vous l'exprimiez dans votre livre Etat d'urgence au refus, à l'opposition que vous avez exprimé ces derniers jours.

FB : Dans mon livre, j'ai dit que j'étais réservé à l'égard de cette idée, c'était une manière…

PC : Ouvert.

FB : Réservé. Vous trouverez. J'explique que j'ai autour de moi…

PC : "Je ne sais pas avec certitude si c'est par la TVA ou par la CSG qu'il convient de passer pour faire en sorte qu'on allège les charges des entreprises".

FB : Mais, si vous lisez…

PC : p.98

FB : Si vous lisez un peu autour et puis tout ce que j'ai dit à cette époque, vous allez lire les réserves.

PC : J'ai lu le contexte.

FB : Bon. J'ai expliqué clairement. J'ai autour de moi…

PC : L'un de vos proches, Jean Arthuis, plaide pour la TVA sociale.

FB : J'ai autour de moi beaucoup de gens, vous avez dit la clef, j'ai autour de mois beaucoup de gens qui plaident ou plaidaient pour la TVA sociale. Alors, 1. Il faut expliquer à ceux qui nous écoutent, parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont retenu l'idée que TVA sociale, ça voulait dire qu'on allait mettre une TVA particulière sur les importations. Cette idée, beaucoup de gens le croit y compris dans des cercles qu'on croirait informer. Il est important de dire que c'est une TVA qui serait… à laquelle seraient soumis tous les produits, y compris naturellement les 80%, mettons, de produits fabriqués en France. Et donc, tout d'un coup, j'entends ceux qui nous écoutent dire "Ah, mais je n'avais pas compris ça du tout!". Deuxièmement, le raisonnement que j'ai fait…

PC : François Bayrou arrive à entendre nos auditeurs, c'est…

FB : C'est bien, c'est très bien.

PC : J'aimerais bien qu'on en entende en vrai un dernier là.

FB : Attendez.

PC : Dites.

FB : Dernier point. Si l'on voulait baisser massivement les charges sociales ou de manière importante, de manière à ce que ça ait une vraie influence sur l'emploi, alors, il faudrait mettre, ce que le patronat demande, cinq points de TVA. Eh bien, je vous dis que passer la TVA à 24%, ça veut dire que vous faites payer cette mesure par les salariés. Alors, vous êtes salarié, vous avez moins de pouvoir d'achat. C'est "travailler autant pour gagner moins". Vous faites payer les retraités et vous faites payer les chômeurs. Est-ce que c'est juste? Et vous faites payer…

PC : Vous, vous proposez deux points de plus…

FB : Excusez-moi, non, pour le budget, pour…

PC : Oui, pour le budget, pour renflouer les caisses de l'Etat.

FB : Pour le déficit, ce n'est pas la même chose.

PC : D'accord.

FB : Et donc, je dis qu'il y a là une mesure dangereuse parce qu'évidemment cela veut dire que l'argent de celui qui a des revenus très importants qui est épargné, celui-là ne participe pas à la solidarité. Voilà pourquoi, je suis très réticent à l'égard de la TVA sociale.

PC : Sylvie nous appelle de Toulouse, bonjour Sylvie.
Sylvie : Oui, bonjour. Bonjour Patrick Cohen, bonjour M. Bayrou. Je voulais poser une question à M. Bayrou, c'est-à-dire, est-ce qu'il voudrait bien nous donner sa position claire en cas d'arrivée au troisième tour… au troisième tour… en troisième place au premier tour des présidentielles de 2012, qu'il nous dise s'il donnerait des consignes de vote, de report de vote ou pas.

FB : Madame, ma position est claire est que je compte bien être présent au deuxième tour.

PC : D'accord. Si j'ai pris cette question au standard, c'est qu'on en a beaucoup du même type François Bayrou. Beaucoup d'auditeurs ont envie de savoir si vous vous prononcerez et pour qui.

FB : Si à cet instant, je disais, Madame, j'entends bien votre inspiration : vous souhaitez que j'aille dans tel camp. A l'instant même, ma candidature n'aurait plus de sens.

PC : Oui, on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.

FB : Pas du tout. Ca n'est pas une ambiguïté, c'est une affirmation certaine qui est celle-ci : la guerre entre le PS et l'UMP a entraîné la France dans l'effondrement dans lequel nous sommes. Je n'ai pas envie de la prolonger, j'ai envie que les citoyens français ait un bulletin de vote pour dire "stop" à cette guerre-là et au contraire nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance dans laquelle, en effet, sur des positions extrêmement claires que je listerai, que j'énoncerai, sur des choix qui auront été consacrés par les Français s'ils m'élisent président de la République, nous constituerons une majorité nouvelle dont le but ne sera pas de faire la guerre de la droite contre la gauche ou de la gauche contre la droite, mais de sortir le pays des difficultés où il se trouve. La démarche d'unité nationale comme je préfère dire ou d'union nationale ou d'esprit d'union nationale, comme certains disent, cette démarche, c'est la démarche même d'un pays en tant de crise quand il doit s'en sortir.

Jean-François Achilli : Très vite, François Bayrou, Philippe Douste-Blazy vous a rejoint parce qu'il dit "l'UMP est trop à droite, mais je reste à droite quelque part" et les UMP dit "c'est une question d'ADN". Vous allez forcément les rejoindre à la fin du film.

PC : Vos derniers soutiens, vos derniers ralliements vous laissent à droite, François Bayrou.

FB : Comme… Ecoutez, il y a eu pendant toute une période des ralliements ou des soutiens, comme je préfère dire, de gauche, beaucoup. Et à l'époque vous disiez "mais enfin, vous n'avez que des gens du centre-gauche qui sont avec vous". Aujourd'hui, il y a des gens du centre-droit et moi je vous dis : arrêtez…

PC : A l'époque, vous écriviez Abus de Pouvoir aussi.

FB : Oui, je n'ai pas retiré une ligne de ce que j'ai écrit et j'aurais voulu que de nombreux responsables politiques dénoncent à cette époque-là, y compris à contre-courant, les dérives qui étaient en train de se produire, ce que j'ai fait et ce qui m'exonère donc aujourd'hui, ce qui me dispense aujourd'hui d'avoir à me justifier sur ce point.

PC : Pas trop de leste à droite donc, parce que vous avez vu à l'UMP, il y a eu des réactions : "François Bayrou, c'est de la famille"...

FB : Non, mais, vous entendez bien…

PC : "il est chez nous"…

JFA : On entend surtout que vous allez tomber de celui du côté qui… qui gagne.

FB : Eh bien, ni l'un… Cette attitude…

JFA : C'est ça qu'on entend…

FB : Mais, oubliez ça.

PC : Bon, on n'en parle plus.

FB : Je vous dis ceci, que ce soit clair entre nous : je ne participe et ne participerai à aucune manœuvre de cet ordre. Si les Français font confiance et je crois de plus en plus, au choix que je leur offre, c'est précisément parce qu'ils savent que je ne suis pris ni dans un réseau ni dans l'autre et que ce dont on a besoin pour que la France retrouve confiance et un projet et une stratégie et qu'on sache où l'on va, c'est précisément de gens qui ne sont pas "lestés" comme vous dites, qui ne sont pas prisonniers comme vous dites des deux Partis Provisionnement Principaux (PPP), des deux Partis Provisionnement Principaux qui nous ont conduits où nous sommes.

JFA : Et vous récupérerez Hervé Morin in fine? Vous lui dites "rejoins-moi"? Question rapide.

FB : Ecoutez, c'est vous qui le voyez plus souvent que moi, posez-lui ce genre de questions.

PC : Non, on ne l'a pas vu depuis un petit moment. D'ailleurs on va y songer. Merci François Bayrou.

 

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