"On continue de nommer les proches, les copains, au contraire de toutes les règles promises"

Invité ce mercredi de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC, François Bayrou est revenu sur les erreurs commises par François Hollande depuis le début de son quinquennat.

François Bayrou est notre invité ce matin. Bonjour. François Hollande reconnaît qu’il a commis une erreur dans les premières semaines de son quinquennat. « J’aurais dû garder l’augmentation de la TVA décidée par Nicolas Sarkozy pour boucler le budget qu’il nous avait laissé ». Un politique qui fait son mea culpa, c’est rare, non ?

Si François Hollande n’avait commis qu’une seule erreur, nous ne serions pas dans la situation où nous sommes aujourd’hui. Je rappelle que cette affaire de l’augmentation de la TVA a été non pas une erreur accidentelle mais un des points principaux de campagne électorale de François Hollande. Mais pour moi les erreurs sont beaucoup plus larges : on peut citer le fait que l’on n’ait pas changé la manière de gouverner le pays, que l’on n’ait pas changé la manière dont l’Élysée, au lieu d’être au-dessus des partis est en réalité partisane, que l’on n’ait pas changé – au contraire de tous les engagements pris – les règles de la vie politique française... Vous vous souvenez que François Hollande avait dit « je ferai une loi électorale juste qui permettra à tout le monde d’avoir une représentation », et il n’a rien touché ! Nous pourrions citer aussi le fait que l’on continue à nommer des proches, des copains, au contraire de toutes les règles que l’on avait promises, jurées, crachées, annoncées que l’on respecterait… Tout cela, ce sont des erreurs aussi graves.

C’est donc pour vous une déception totale. Vous avez voté pour lui, sans enthousiasme, vous nous l’avez dit déjà. La déception est-elle totale aujourd’hui, trois ans après ?

C’est simple : est-ce que j’approuve la manière dont la France est gouvernée ? Non. Est-ce que je suis dans l’opposition ? Oui. Je suis dans l’opposition pour des raisons de fond. Je vais en donner une qui est terrible pour le pays, c’est la manière dont on a choisi de gouverner l’Éducation nationale : par le nivellement par le bas, en faisant en sorte que ce qui était le moyen pour un grand nombre d’élèves issus de milieux sociaux défavorisés de progresser, d’apprendre des choses qu’ils n’auraient pas rencontrées autrement, de s’ouvrir des chemins qui leur étaient interdits, soient rayés d’un trait de plume. J’espère beaucoup que la prochaine alternance reviendra sur ce choix. En tout cas je suis de ceux qui n’ont pas trouvé dans la manière de gouverner le pays de François Hollande le respect des engagements pris. Et tout cela explique le retard que nous subissons, la manière dont la France vit et est perçue aujourd’hui et l’incapacité dans laquelle elle est de résoudre ses propres problèmes.

François Hollande est donc responsable à vos yeux, Mais les hommes politiques sont aussi responsables.

Oui.

Tous !

C’est une manière rapide de dire les choses.

Vous l’entendez dans la bouche des Français qui ne vous croient plus. Je le répète à chaque fois que je vois un homme politique.

Je ne fais pas de promesses à votre micro, il n’y a donc pas de raisons de me croire. Mais je veux situer mon action et la vision qui est la mienne. Ma vision se situe entièrement dans la volonté d’un changement profond, d’une rupture avec la manière dont la France est gouvernée depuis trente ans. Pourquoi ? C’est très simple. Vous dites que les Français ne s’y retrouvent plus. Faisons une addition. Je prends le dernier sondage d’intentions de vote aux présidentielles qui est sorti dimanche : le Front national est à 25 ou 26 % des voix, mes électeurs 11 ou 12 % des voix, Jean-Luc Mélenchon 9 ou 10 % des voix. Si vous additionnez 10, 12 et 25, vous avez près de 50% des électeurs français qui n’ont aucune représentation, dont la voix n’est pas entendue ! Le droit que vous avez comme électeur, et que devrait avoir chacun de ceux qui nous écoutent d’être représenté, quand la décision se discute ou se prend, est élémentaire ! Quelle est la légitimité de ceux qui décident que 50 % des Français n’ont pas de représentation ?

Cela veut dire que la vie politique française est noyautée par deux partis ?

Oui.

Et par deux hommes, François Hollande et Nicolas Sarkozy ?

Non, je ne dis pas deux hommes, je dis deux appareils. On a en France un monopole du pouvoir qui est exercé par deux appareils politiques qui ne se renouvellent pas et qui ne permettent pas d’entendre le pays. Or, la promesse explicite de François Hollande – je me situe uniquement sur le plan des promesses pour juger des actions – était qu’on allait changer cela. La promesse explicite de François Hollande était que le copinage comme mode de gouvernement était terminé, que les ruses que l’on pouvait avoir avec le suffrage universel était fini. Je prends un micro-exemple : aujourd’hui je crois, un député socialiste va prendre la tête d’une filiale d’EDF alors qu’il a été le porteur pendant tous les débats sur l’énergie des amendements qu’EDF proposait ! Il s’est fait le porte-parole d’EDF et il est « récompensé » par une responsabilité très importante et très bien rémunérée, simplement par le fait du prince. Et le principe absolu démocratique qui fait que quand quelqu’un est nommé, on organise une élection pour que les électeurs puissent s’exprimer sur sa succession, ce principe est chaque jour détourné, et on nomme des gens en soi-disant missions pour qu’il n’y ait pas d’élections.

Est-ce immoral ?

C’est scandaleux ! Il est anormal qu’un parlementaire qui a été le porte-parole d’un lobby se retrouve ensuite nommé dans une responsabilité d’entreprise très importante par ce même lobby. C’est insupportable ! Et le gouvernement dit « oui, c’est très bien », « Amen »… C’est le contraire ! Je ne me prononce même pas sur le plan moral, c’est le contraire de ce qu’ils avaient promis, c’est le contraire de ce qu’ils avaient dit.

Si François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen sont les trois principaux candidats à trois mois de l’élection présidentielle, que faites-vous ?

Je reviendrai vous voir.

Serez-vous candidat ?

C’est la responsabilité de celui qui porte un courant politique puissant et désorganisé. Si vous prenez les cinq ou six courants principaux du pays, le centre pèse lourd.

Parce que vous l’avez divisé lorsque vous avez choisi François Hollande.

Pas du tout, au contraire. Le choix qui était le mien était un choix qui donnait à cette famille politique son indépendance, c’est le moins que l’on puisse dire ! Il faut que cette famille soit unie et indépendante. Il ne faut pas qu’elle dépende d’une autre famille politique.

Donc serez-vous candidat si on retrouve ces trois-là ?

Je n’ai aucune intention de prononcer ce genre de phrase parce que je ne veux pas faire susciter ce genre de débat. Mais il est très clair que pour moi, je ne peux pas envisager que ne se retrouvent sur la table de vote que des bulletins dont je pense qu’ils constituent chacun d’entre eux une impasse. Je ne peux pas comme citoyen, comme responsable politique et nous sommes des millions de Français à considérer cela. C’est pourquoi je dis que je soutiens d’autres choix, par exemple je serais heureux qu’Alain Juppé puisse être sélectionné par son camp parce qu’il représente une sagesse ou, en tout cas, une approche différente qui permettrait de sortir de cette impasse d’affrontements dans laquelle le pays s’enfonce.

Vous croyez qu’aujourd’hui Alain Juppé a plus de chances qu’il y a six mois d’être le candidat des Républicains ?

Je ne suis pas membre de ce parti et je n’ai pas l’intention de le devenir.

Cela dit, si vous êtes candidat, avec François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, on reprendra les mêmes, cinq ans après. Est-ce cela le renouvellement de la classe politique en France, François Bayrou ? 

La question du renouvellement est celle des attitudes et des idées. Le fait qu’il y ait des gens qui aient acquis une certaine expérience, il en faut, je vous jure, pour être Président de la République. C’est la même chose pour vous, si je vous disais « Jean-Jacques Bourdin, c’est la 17e saison que vous vous retrouvez derrière le micro ».

La seule différence est que moi je n’exerce aucun pouvoir. Je ne demande pas à entrer en politique et je ne demande pas l’élection.

Jean-Jacques Bourdin, pourquoi y a-t-il beaucoup de Français qui vous aiment, qui sont attentifs à ce que vous dites ?

Ou qui me détestent mais ce n’est pas grave.

Pourquoi ? Parce que vous avez avec le temps acquis une certaine expérience, une certaine liberté que peut-être de jeunes confrères n’auraient pas avant longtemps. Donc cette question de renouvellement n’est pas une question de renouvellement des têtes de pipe, c’est une question de renouvellement des attitudes et des idées et la position politique que je défends et que je porte au nom de ce grand courant politique - qui doit peser pour l’avenir du pays - est une question de renouvellement complet de la manière dont on gouverne le pays, pas dans les folies extrémistes mais, au contraire, dans un certain équilibre et une vision de l’avenir.

Alors, justement, les migrants et réfugiés, on va voir quel équilibre vous proposez, François Bayrou. Angela Merkel appelle l’Europe à un sursaut commun de solidarité. Aujourd’hui, on manque de solidarité en Europe ?

On manque de solidarité, on manque de responsabilité. Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que cette question dramatique : 70 jeunes hommes et femmes trouvés morts dans un camion de soif, chez nous.

En Autriche, sur un parking d’autoroute.

Il y a des milliers de personnes qui, tous les jours, passent et meurent dans la mer et on laisse faire cela ? On ne dit rien, et Angela Merkel a parfaitement raison de dire que ceci est une question de vie ou de mort pour l’Europe et que nous ne pouvons régler aucune de ces questions tout seuls. Un pays tout seul ne peut pas le faire, vous voyez bien à quel point nous avons du mal à la frontière italienne, à la frontière anglaise… La question est celle-ci - vous l’avez d’ailleurs esquissée - : il y a deux sortes de réfugiés et on met sous le même terme des réfugiés qui fuient la guerre dans leur pays parce que l’on va les tuer et pour cela il existe des accords internationaux qui obligent à s’en occuper ; et des réfugiés économiques dont la situation n’est pas beaucoup enviable mais qui, d’une certaine manière, ne sont pas menacés dans leur vie immédiatement. Il arrive que ces deux sortes se recouvrent.

Très bien, alors comment faire la différence ? Où la faire ? En ouvrant des camps d’accueil, des centres d’accueil qui permettraient d’opérer une sélection entre les réfugiés, en Italie, en Grèce, je ne sais pas, dans les pays où arrivent les migrants ?

En traitant la question de l’asile politique le plus près possible de la source, en la traitant vite. Il fallait jusqu’à maintenant des années, en France, pour pouvoir répondre à cette question « Oui ou non avez-vous droit à l’asile ». Jean-Claude Juncker – le président de la Commission européenne – a fait une proposition que je trouve juste, c’est de limiter le nombre, de circonscrire, d'écrire les pays où, en effet, cette question de l’asile politique se pose, où la vie des gens est menacée pour des raisons de guerre politique. De ce point de vue là, cela doit être traité très tôt. Deuxièmement, il faut qu’ils soient – quand ils sont sur le sol français – traités humainement. La maire de Calais dit des choses bouleversantes et qu’il faut entendre, c'est une personne de terrain. Elle dit « Mais vous ne pouvez pas les laisser dans cette sauvagerie – on disait « jungle » autrefois –, cette espèce de camp improvisé sans aucune salubrité, sans les moyens d’hygiène ».

Mais un camp va être construit à Calais.

Manuel Valls a dit « On va construire un camp de tente pour les accueillir », il a raison. Et il faut dire qu’il a raison.

Et est-ce que, à Pau, vous accueillez des réfugiés ?

Beaucoup, par dizaines. Tout cela se fait de manière équilibrée.

Ou des demandeurs d’asile ?

Bien sûr, on le fait. Il y a des quartiers avec des dizaines de nationalités et notamment des réfugiés. Je faisais, hier, la rentrée des écoles à Pau et dans des écoles de quartier j’ai évidemment rencontré des enfants de réfugiés.

François Bayrou, Alain Juppé vient de dire sur France Inter « Schengen ne fonctionne pas », êtes-vous d’accord ? Schengen ne fonctionne-t-il pas ?

Oui, et c’est ce que dit Angela Merkel.

Et Alain Juppé dit aussi : « Nous allons provoquer un appel d’air si on accueille plus de migrants, plus de réfugiés ».

La question de l’appel d’air est une question sérieuse.

Êtes-vous d’accord avec lui ou pas sur l’appel d’air ? Je ne le sens pas tellement.

Si si, la question de l’appel d’air ou du nombre de réfugiés est une question sérieuse parce qu’il ne sert à rien d’ignorer – ou de faire semblant d’ignorer – que l’on intègre ou l’on traite facilement quand le nombre n’est pas très important mais qu'on ne peut plus traiter et encore moins intégrer lorsqu’il y a un déséquilibre créé par le nombre. Le pourcentage de réfugiés présents dans une communauté humaine - ou de personnes venant de l’extérieur – est un élément essentiel pour leur intégration. Donc il a raison de dire cela. Mais la France, comme l’Allemagne, comme aucun des pays européens, ne peut ignorer qu’il y a des gens qui meurent en rampant vers nous et que ces gens-là – quand ils relèvent de la persécution – on doit leur donner un sort qui soit légitime.

Et fermer les frontières comme le répète Marine Le Pen ou d’autres, est-ce une illusion ?

Quels sont les pays qui sont arrivés à fermer les frontières ? On va prendre le pays le plus puissant du monde. Vous avez entendu comme moi qu’aux Etats-Unis, pendant des années, on a dit « On va construire un mur au Mexique ». Sur quoi Donald Trump fait-il sa campagne électorale ? Il dit : « Je vais construire un mur au Mexique », cela veut dire que le mur n’existe pas. On peut contrôler, réguler, combattre, et pour combattre il faut combattre à la source. Et pour cela, il faut avoir, un jour, le courage ou la force d’intervenir - les pays au sein des Nations Unies – pour remettre le minimum d’ordre qui permet de vivre dans un certain nombre où nous avons mis le chaos. Nous avons mis le chaos.

Est-ce que vous êtes favorable à une intervention militaire au sol, en Syrie ? Contre Daech ? En Irak ?

Peut-être faudra-t-il y arriver, sans doute que cette question se pose. On ne peut pas laisser un furoncle se développer à ce point qui est destructeur. Vous venez de voir tout ce qui vient de se passer en termes d’exactions qui portent atteinte au minimum de respect des gens et des choses de la civilisation.

Donc envoyer des troupes au sol, dites-vous oui ?

Je dis, envoyer des troupes est une question qui se pose et je suis sûr…

Et qui doit être posée ?

Qui doit être posée et pas à un seul pays, la France. Cela ne peut être qu’une question posée à l’ensemble de pays que nous formons nous, Union européenne, peut-être l’Union africaine, sans doute et sans aucune doute les Nations Unies. C’est sous cette forme que nous pouvons intervenir, ce sont des dizaines de milliers de combattants d’un côté et de l’autre, cela ne paraît pas au-dessus des forces humaines mais, un jour, en tout cas, il faudra que cette question soit posée de manière ouverte.

Dernière chose, deux questions très vite. Il existe des menus végétariens dans les écoles de Pau, y êtes-vous favorable ?

C’est nous qui les avons mis en place. Pourquoi des menus végétariens ? Parce que cela respecte les préférences, les choix - qui parfois sont des choix de prescriptions religieuses et parfois alimentaires – sans séparer les gens en catégorie religieuse. Ce n’est pas des menus musulmans, des menus juifs, des menus catholiques... Tout le monde peut avoir accès à un menu végétarien. Vous savez bien – je l'ai déjà dit à votre micro – la laïcité n’est pas dans l’assiette des enfants. Les catholiques français ont tous les vendredis pendant des décennies – et encore beaucoup d’entre eux aujourd’hui – plutôt mangé du poisson que de la viande. Est-ce que cela aurait été la laïcité d’obliger ces enfants à manger de la viande ? Non. Et bien il faut respecter cela sans séparer les gens dans des religions différentes. C’est pourquoi, à Pau, en effet, il y a l’offre d’un menu végétarien tous les jours à tous les enfants quelles que soient les raisons – alimentaires, médicales, religieuses – et personne ne peut trouver à redire à ce choix-là, parce que ce n’est pas un choix de séparation, c’est un choix de respect.

Merci François Bayrou. 

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