"Nous devons restaurer les relations humaines, que les gens se parlent à nouveau"

Sur le plateau du Grand Journal de Canal+, Jean Lassalle a témoigné de la marche à la rencontre des Français qu'il mène depuis sept mois. Pour lui, les citoyens "ont d'abord besoin d'écoute".

Le Grand Journal - 5.000 km en 192 jours, ça va les courbatures ? 

Jean Lassalle - Oui, c'était au début, maintenant de ce côté là tout va bien. 

Elle va durer combien de temps cette marche ?

Il ne faut pas que je le sache moi-même, sinon je vais bloquer là dessus.

Mais ça ne finira jamais ? 

Si, tout finit par finir (rires).

Vous pouvez aller partout, vous verrez toujours les mêmes choses : des gens désespérés, des gens au chômage, des gens qui n'y croient plus. Vous avez déjà tout vu. 

Non, justement. Je rencontre tous les jours des gens différents, des gens qui veulent y croire et qui s'accrochent, mais qui ne savent pas comment, par quel bout le prendre....

Pourquoi avoir pris la décision d'aller à la rencontre des Français ? Vous avez l'impression que les gens sont très déconnectés des politiques ? 

J'ai la chance ou la malchance de faire de la politique depuis très longtemps. Je vous assure que depuis trois ou quatre ans, j'entendais des mots et des expressions que je n'avais jamais entendus tout au long de ma carrière. Pas forcément dans ma région, car elle est un petit peu préservée, il y a un peu plus d'emplois, nous n'avons pas été trop touchés, mais dans mon pays.

Quels mots ? 

"Ça va péter", la condamnation terrible sur notre attitude de politiques, contre les médias nationaux qui sont aussi souvent pris à partie... 

C'est une incapacité à résoudre les problèmes de l'emploi, la désindustrialisation, la perte des services publics... Mais tout cela on le sait. Ce qu'on ne sait pas c'est quoi faire pour remédier à tout cela. Vous l'apprenez vous, en marchant ? 

Je ne peux pas être prétentieux. Si en 5.000 km et 7 mois de marche j'avais compris, je ne serais pas là.

Mais à quoi ça sert alors ? 

C'est un acte de résistance à un système qui s'est imposé à nous, nous l'avons peut-être un peu aidé, et qui aujourd'hui brise nos vies, jusqu'à l'intime, jusqu'à l'individuel. J'ai peut-être un peu plus de chance de faire sauter le verrou en partant à la rencontre de la France, de voir aussi les paysages, de voir ce qu'il en est, de voir où vivent les hommes et les femmes, qu'en restant chez moi. C'est une idée qui s'est incrustée dans ma tête. J'aurais préféré qu'elle se soit incrustée dans la tête d'un adversaire, parce que ça l'aurait occupé quelques temps. Je n'ai pas pu faire autrement. J'avais le sentiment d'être en délit de fuite en ne le faisant pas. Ça faisait trente que je n'avais pas marché et je n'en avais aucune envie. Je n'en avais pas besoin non plus, car je venais de gagner une élection dont vous savez qu'elle était difficile. 

Que faites-vous de ce capital que vous accumulez ? Que dites-vous à vos amis politiques ? 

Je suis monté le 20 juin à Paris pour faire une note à M. le président de la République. J'ai rencontré M. Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, pendant cinquante minutes. Je lui ai dit : j'imagine que nous avons les moyens de mesurer l'évolution de l'opinion et des sentiments les plus profonds des Français, parce que je suis abasourdi par ce que j'entends, abasourdi et inquiet.

C'était en juin dernier... Et depuis ? 

Ça ne s'est pas amélioré. J'ai le sentiment qu'il y a un cran qui a sauté depuis quelques temps et sur lequel ça dérape. Je le vois dans mes entretiens avec les gens. Ils sont calmes car je ne les coupe jamais, mais je vois l'expression d'une violence rare qui se dessine. Ils ont besoin de parler.

Le Front national monte, on le dit, on le sent, vous le constatez ? 

Oui. Le Front national monte parce que beaucoup de compatriotes demandent le vote blanc et disent qu'ils ne l'auront pas. Ils aimeraient, ils voudraient voter blanc, mais ils ne peuvent pas le faire, donc ils disent qu'ils voteront pour le Front. Ce que je n'avais jamais entendu, c'est l'assumer. Des Maires me reçoivent avec leur écharpe tricolore et me disent : "Nous n'y croyons plus."

Qui pourrait répondre aujourd'hui aux problèmes des Français ? 

Je n'entends pas beaucoup de mal de François Hollande, aussi curieux que cela puisse paraître. Par contre, il y a des éléments qui touchent beaucoup les Français. Le premier, c'est quand il est sifflé. Déjà, le 14 juillet, alors que nous n'en avions pas beaucoup parlé, ça les avait frappé. Depuis maintenant quelques jours, ils me disent qu'il est indigne qu'il ait été sifflé le 11 novembre. Et cinq minutes après ils me disent : "Au fond, si j'y avais été, je l'aurais sifflé aussi". Vous voyez comme quoi il est assez difficile de savoir. Je crois que le problème, ce n'est pas la personnalité, mais plusieurs interrogations que nous n'osons pas exprimer et que je ressens très fortement. D'abord, est-ce que nous sommes toujours "une France" ? Ou est-ce que nous n'utilisons le mot France que pour dire "France-Ukraine" ? Car même le président ne dit plus "Françaises, Français", mais "chers compatriotes". Est-ce que nous nous assumons encore comme un pays ? Et de qui dépendons-nous ? Est-ce que nous sommes Européens ? Est-ce que nous sommes mondiaux ? Avec qui ? Quelle est notre communauté de destin ? La deuxième question qui vient très souvent, c'est la dette. Qu'est-ce que c'est que cette dette ? Ils me disent : "Vous avez mis le pays à sac, vous voyez dans quel état est l'industrie, l'agriculture agonise, il n'y a pas un fils de paysan sur dix qui va reprendre l'exploitation même dans les zones céréalières, on ne parle même pas des services publics, des artisans et des commerçants... Et comment voulez-vous rembourser alors qu'on ne produit plus ? Comment voulez-vous exporter alors qu'on ne fabrique plus ?"

Vous consignez les témoignages des Français que vous rencontrez dans des cahiers de l'espoir. C'est un peu dans l'esprit des Cahiers de doléances de 1789. Que voulez-vous en faire ? 

Nous n'allons pas faire de révolution, il y en a déjà eu une de faite, ni ramener la guillotine, car on ne sait pas sur la tête de qui elle peut tomber. Je pense qu'il y a un changement de monde très important, qui a peut-être commencé avec la chute du mur de Berlin, dans lequel nous sommes très impliqués. Je crois que ce dont aurait besoin nos concitoyens, c'est d'abord d'écoute. C'est comme quelqu'un dans la famille qui aurait le cœur brisé parce qu'il a eu une mauvaise réflexion de son fils, et qui aurait besoin de parler. S'il parlait, il serait prêt et disponible de nouveau. Il y aurait beaucoup d'espoir si nous arrivions à injecter de l'ingénierie de relation humaine, pour que les gens se parlent de nouveau.

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