"Nous avons décidé de mener le combat pour la France si souvent déçue !"

Dans un discours résolument optimiste clôturant l’université de rentrée, François Bayrou a mis en garde contre la division systématique des responsables politiques, une « attitude antinationale », et affirmé que « tolérance et compréhension mutuelle » sont des composantes de la grandeur de la France.

Seul le prononcé fait foi.

Je voudrais tout de suite vous dire à quel point je suis heureux de ces trois jours, de la remarquable qualité des débats, des tables rondes, des intervenants qui nous ont fait l’amitié de venir nous voir, de la hauteur de vue de ce qui a été discuté, dialogué, réfléchi entre nous. Nous avons montré que, avec des gens que nous estimons et qui nous estime je crois, nous pouvons réfléchir avant de proposer, avant de parler, et avant d’agir. J’ai été très frappé comme vous je pense par la remarquable cohésion de l’équipe que nous formons ensemble. De l’équipe de dirigeants, que nous nous sommes donnés. Cohésion, amitié, solidarité, c’est avec cela que l’on mène des batailles. Il y a des forces plus importantes mais elles sont totalement divisées. Et nous, nous avons la chance d’être liés profondément par une volonté commune et une cohésion entre ses dirigeants et chacun de ceux qui forment le mouvement. Vous êtes venus souvent de loin, en prenant sur votre temps, en assumant votre part du coût de cette université de rentrée. Je crois que c’est un exemple remarquable, et si vous demande de marquer par vos applaudissements cette volonté, cet exemple civique. Cela n’est pas un exemple politique, c’est un exemple civique de citoyen.

Les autres se divisent et nous, nous formons un bloc. Je voulais vous dire que j’ai une très grande gratitude à l’égard de ceux qui forment avec et autour de moi cette équipe. Je voulais dire un grand merci aux vice-présidents Jacqueline Gourault, Jean-Marie Vanlerenberghe, Yann Wehrling, et Nathalie Griesbeck, toute la gratitude que j’ai pour eux ; à Marc Fesneau, secrétaire général, Jean-Jacques Jégou, notre trésorier. Permettez-moi d’y ajouter ceux qui ont décidé de nous rejoindre et que j’accueille ici pour leur première manifestation, leur première université de rentrée. Ils sont là aux premiers rangs : Laurence Vichnievsky, Leïla Aïchi, Jean-Jacques Aillagon, et Michel Mercier. Je salue Jean-Jacques Lasserre, sénateur des Pyrénées-Atlantiques. Je salue les maires, Geneviève Darrieussecq, maire de Mont de Marsan, Bruno Joncour, maire de Saint-Brieuc et je veux saluer tous ceux qui sont bénévoles et qui viennent en particulier de la fédération du Morbihan, de la fédération du Finistère, et des fédérations bretonnes que je suis heureux de retrouver.

Nous avons à affronter une situation qui est d’une gravité jamais vécue par les Français depuis très longtemps. C’est la première fois aussi que les Français se rendent compte et expriment leur inquiétude sur la gravité de la situation du pays. Je n’ai jamais croisé autant de concitoyens qui me disent : « Monsieur Bayrou, on est avec vous mais on n’aimerait pas être à votre place. » Ils ont le sentiment que les élus sont confrontés à une tâche qui est un Himalaya. Je crois que c’est parce qu’on a laissé s’accumuler des échecs dont ceux que nous avons examinés aux tables rondes, à cette tribune, à savoir : l’école dont on ne cesse de perturber la vie, sans jamais concentrer les efforts sur sa mission et sur les femmes et hommes qui la font. On ne cesse de leur rendre le travail plus compliqué et leur image de plus en plus dégradée.

Le chômage : l’Unedic a annoncé hier que le chômage allait remonter l’année prochaine, qu’on aurait cette année plusieurs dizaines de milliers de chômeurs en plus. Voilà pour « l’inversion de la courbe » qu’on nous promettait !

La croissance : il a été aussi annoncé hier qu’au deuxième trimestre, la croissance française était négative. On l’avait prévue nulle. En réalité, elle a reculé alors qu’on nous disait que la croissance était de retour. Voilà pour le résultat que nous avons sous les yeux. Des pans entiers de notre outil de production qui lambeau après lambeau s’en vont, captés par d’autres et quittent le pays, le commerce extérieur en grande difficulté… Pour les déficits, je veux répéter devant vous cette promesse du président de la République François Hollande : c’était de revenir au-dessous de 3 % en 2013 et être à l’équilibre en 2017. En 2017, non seulement on ne sera pas à l’équilibre, mais on ne sera pas redescendus au-dessous des 3 %. La dette a continué à s’accumuler jusqu’à effleurer les 100% du PIB. Ces promesses-là étaient fallacieuses. Elles étaient des illusions. Elles ont été des mensonges. Et le mensonge mérite sanction. Il n’est donc pas étonnant que cette situation du pays se manifeste dans l’aggravation de l’extrémisme, et que gagne dans les esprits le sentiment de désarroi du pays.

Plus grave encore, la situation européenne. Et je vous assure que je dis ça le cœur serré. C’est la première fois de ma vie civique que j’ai un sentiment de menace brûlant à l’égard de cette œuvre de la construction européenne. Je vois ce qui se passe, ce qui se prépare. Je vois le gouffre qui se creuse entre l’Allemagne et la France, au moment où le Brexit devrait donner à la France une responsabilité éminente dans la reconstruction de l’Europe. Le grand écart tous les jours plus béant entre l’Allemagne et la France, la menace sur l’euro. Et si l’euro est menacé, l’Europe n’y résistera pas. 

À Bratislava, il y avait un sommet des dirigeants européens. Dans un château, comme toujours, comme s’ils ne pouvaient pas se réunir dans quelques lieux qui paraissent plus proches des peuples. Même les journalistes avaient du mal à approcher ce château fermé. On s’est réuni pour ne rien dire comme toujours, pour ne rien conclure. J’ai été heureux qu’au moins un homme, Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, ose leur dire que leurs félicitations croisées, congratulations étaient un mensonge à la face des peuples, que non seulement on n’avait pas avancé mais reculé à Bratislava. Je trouve important qu’il y ait enfin des gens qui croient en l’Europe et qui s’intéressent à ce qu’elle devrait être et à ce qu’elle devrait faire. J’ai aimé que Matteo Renzi le fasse. Voilà notre responsabilité. C’est la nôtre car nous sommes le cœur du grand courant du centre français. Il n’y a qu’un centre à mes yeux. Certes, il y a des organisations différentes, et je trouve naturellement que la nôtre est faite en métal le mieux forgé. Je ne rejette personne, je tiens le même message que le premier jour de mon engagement dans cette famille politique qui réunit les démocrates-chrétiens et d’autres plus laïcs qui sont plus libéraux. Ils ont tous leur place. Je dis constamment une seule chose, le centre peut être le grand courant de la vie politique française à condition qu’il accepte les deux disciplines nécessaires : l’unité et l’indépendance. C’est un courant dont l’équilibre, la volonté et la modération sont nécessaires au moment où tout le monde perd la boussole dans la vie politique française. Ce sont aussi les effets désastreux de la primaire qui a libéré et ouvert le temps des illusions et de l’hystérisation. Pour capter des voix, ils sont prêts à promettre dans tous les domaines, avec le carnet de chèque ouvert pour des chèques en blanc à qui voudra. C’est le comble du comble que ce soit la droite qui annonce qu’elle ne tiendra pas les disciplines qu’elle a elle-même contribué à instaurer et qu’elle s’est engagée la main sur le cœur à respecter, en matière de déficit par exemple. Ceci n’est pas acceptable.

Si par hasard il arrivait que ceux qui s’apprêtent à s’affranchir à ce point des disciplines que la réalité impose à tous, s'ils arrivaient au pouvoir, ils ne pourraient évidemment pas faire ce qu'ils annoncent parce que cela voudrait dire à l'instant la fin de la construction européenne et la perte définitive du crédit de la France, et ceci personne – surtout pas nous – ne pourrait l'accepter. Mais il y a plus grave encore. Pour capter les voix, on va toujours plus loin dans l’utilisation et l’excitation des passions les plus primaires. Tout ce qui fermente dans l’inconscient des peuples malheureux, on le flatte, on le chauffe, on l’allume pour le cas où cela ne brûlerait pas naturellement tout seul. Quand on propose à un peuple de s’exciter sur des sujets qu'on croyait appartenir au passé : l’origine, les ancêtres, un faux « roman national », les religions, le «ici, c’est chez nous et pas chez vous», c’est signe de mauvais temps. Et je voudrais vous demander de réfléchir à ceci : jamais dans l’histoire, jamais où que ce soit, cette volonté d’hystériser les passions n’a porté volonté, force, apaisement, concorde ni réunion des peuples pourtant nécessaire pour avancer. Cela a toujours été des malheurs et nous ne voulons pas que l'on engage la France dans la voie de ces malheurs-là ! 

Nous n'avons aucune leçon à recevoir sur l'amour de la France, sur le patriotisme et sur l'identité de notre pays. Notre pays, nous en connaissons et j'en connais, les villes, l'Histoire et les terroirs. J’aime en écrire et en parler. J'aime ce pays et ceux qui le font de passion charnelle. J'en connais les paysages. J'administre une ville qui est magnifique et j'aime toutes les villes. Cette France que j'aime, que je connais, que je sers et dont j'aime à parler, elle n’a pas besoin de l’hystérie de l’identité.

Elle n'a jamais été aussi grande que dans la tolérance et la compréhension mutuelle. La France n’a jamais été aussi magnifique qu'au moment de la signature de l’Édit de Nantes par mon ami Henri IV qui instaurait pour la première fois dans l'Histoire la paix et la tolérance entre religions différentes, entre catholiques et protestants. Et la France n'a jamais été aussi malheureuse et frappée de malédictions, 87 ans plus tard, qu'au moment où Louis XIV, dans un moment d'entrainement et de folie collective a décidé de la révocation de l'Édit de Nantes. Tout le monde à l’époque applaudissait cette décision, la majorité du peuple et les corps influents, et ce fut pourtant le début du malheur national et un appauvrissement sans précédent qui conduisit au bout du compte à la révolution et au renversement de ceux qui avaient pris cette décision !

Ceux qui sont fidèles à la France, à l’héritage national et au patriotisme, sont ceux qui veulent la tolérance et la compréhension mutuelle ! Ceux qui lui sont infidèles sont ceux qui plaident la division du peuple, le rejet et le bannissement ! Ce qui est vrai pour la France est vrai pour tous les pays du monde. Regardez ce qu'il se passe aux Etats-Unis à cet instant. Les Etats-Unis sont à nouveau déchirés par les conflits raciaux, par la guerre et les affrontements autour de la couleur de la peau. Il y a des gens qui flattent cela. En sont-ils plus forts ou moins forts ? Parce qu'il y en a qui plaident la division du pays. J'affirme que ce n'est pas un plus pour un pays c'est un moins. Ceux qui veulent le diviser veulent en fait le faire reculer. Et ceux qui font flamber ces conflits, qui les attisent, qui y reviennent sans cesse, ceux-là ne servent pas leur pays ils le desservent ! La division systématique, c’est une attitude antinationale !

L’identité assumée, l'identité européenne, l'identité nationale, l'identité régionale qu'on essaie d'effacer sont des plus ! Mais l'’obsession de l’identité devient un handicap et une menace pour ceux qui s’y livrent. Et c’est aussi une ruse ! Pourquoi ? Parce que pendant qu’on renvoie les Français aux Gaulois, et les Gabonais au Gabon, on ne parle pas des vrais sujets de la société où nous vivons, de celle que nous voulons, du travail, des salaires, de l’école, de l’université, de la pauvreté et de la richesse, des inégalités qui augmentent, de la démocratie bancale et du découragement du pays. En détournant l’attention des citoyens de la vraie vie, en réalité, on les abuse et on les trompe. C'est une autre forme d’opium des peuples.

Il se trouve que pour nous c’est la vraie vie qui importe ! Et c’est la vraie crise de la France. Alors j'emploie cette expression de crise de la France et j'évite la crise globale dont on parle, car devant vous je dis et j'affirme qu’il s’agit bien d’une crise spécifique à la France, pas d’une crise générale dont la France serait une victime collatérale. Ceci est très important. C’est une ligne de clivage. Une partie de ceux qui participent au débat renvoient constamment les problèmes de la France à des responsabilités extérieures : c'est la faute de la globalisation, c’est la faute de l’Europe, c’est la faute de la mondialisation, c’est la faute de l’Allemagne.  

Je sais très bien, bien sûr, qu’il y a des intérêts divergents mais aucun des problèmes centraux qui sont ceux de notre pays aujourd’hui, aucun ne dépend de causes qui soient extérieures aux choix que nous avons - nous Français – fait ! Aucun ! Ce n’est la faute de personne si notre éducation nationale est dans le marasme et si les enseignants se sentent trahis et si les élèves le sont réellement. Ce n’est la faute de personne si nous avons été incapables de maitriser le déficit malgré nos promesses et nos engagements et si nous avons accumulé cette dette immense qui approche désormais les 100% du PIB. Ce n’est la faute de personne si deux chocs fiscaux successifs et de même ampleur, l’un sous Nicolas Sarkozy, l’autre sous François Hollande, ont plongé les Français dans la morosité. Ce n’est la faute de personne si notre marché du travail nous condamne à un chômage qui nous mine alors que d’autres pays européens ont atteint le plein emploi. Ce n’est la faute de personne si la situation des entreprises et des entrepreneurs est inconfortable et si les salariés chez nous sont si souvent des travailleurs pauvres. Ce n’est la faute de personne si notre situation intérieure affaiblit notre influence européenne. Tout cela, toutes ces faiblesses, aucune d’entre elles n’est la conséquence de choix extérieurs ou européens. Elles proviennent exclusivement de nos choix nationaux. Elles sont la responsabilité de nos dirigeants, et donc, indirectement du peuple qui les a choisis parce qu’on lui a donné de mauvaises institutions qui le conduisent sur le mauvais chemin. Comme le disait le Général de Gaulle, aussi bien que d’autres comme Jean Monnet par exemple, ce sont les institutions qui font que le peuple peut prendre les bonnes décisions ou qu’au contraire on le conduit inéluctablement vers les plus mauvaises.

Dans nos institutions, il y a deux éléments principaux. Le premier c’est la fonction présidentielle. Le Président de la République est élu au suffrage universel pour lui permettre de se situer - c’était la volonté du Général du Gaulle exprimée dès le discours de Bayeux – au- dessus des partis et des camps en ne considérant que l’intérêt national. Cette fonction présidentielle a été ramenée, par la faiblesse des hommes, et l’esprit de division, au niveau des partis, et les présidents, c’est une faute immense, sont devenus hommes de clans et des manipulateurs de courants ! C’est une trahison de l’esprit des institutions !

Et le gouvernement, au lieu d’être un gouvernement de pleine existence, de pleine légitimité, au lieu de conduire la politique du pays - c’est l’article 20 de la Constitution - au lieu de pouvoir rassembler des majorités d’idées, a été réduit au rôle d’exécutant des décisions prises à l’Élysée sous le contrôle d’un Parlement qui est évidemment aujourd’hui abandonné aux partis. Or la fonction gouvernementale ne requiert pas des collaborateurs et des exécutants : elle demande au contraire des responsables de plein exercice, capables de penser, de vouloir, de dialoguer, de réunir et de convaincre.

La fonction présidentielle, il faut lui rendre sa hauteur de vue. Le Gouvernement, il faut lui rendre sa légitimité. Et le parlement, il faut le réhabiliter pour qu’il existe de nouveau dans la vie publique en France ! À quoi sert le Parlement aujourd’hui ? Il est devenu un théâtre d’ombres. Bien sûr, les parlementaires sont trop nombreux, nous sommes les premiers à l’avoir affirmé, et à avoir proposé un plan précis pour en réduire le nombre, pas seulement pour faire des économies, mais pour donner plus de poids à la voix de ceux qui le forment. Mais surtout, la crise du Parlement vient de ce qu’il n’a plus de légitimité.

Et la meilleure illustration, je pense en particulier à l’Assemblée nationale, en a été apportée par l’adoption de la loi dite El-Khomri. Cette loi, présentée à grand son de trompe comme une des plus importantes du quinquennat, a été adoptée… sans même que l’Assemblée nationale n’ait eu à l’examiner en séance ! Je ne dis pas la voter, je dis à l’examiner ! Je ne rejette pas systématiquement l’utilisation de l’article 49-3. Il peut arriver que cette arme de gouvernement soit utile en cas de conflit de majorité. Mais le 49-3, normalement, cela concerne le vote, ça ne concerne pas le débat ! Cela ne concerne pas l’examen du texte ! Cela n’interdit pas aux représentants du peuple d’avoir à se pencher en détail sur les dispositions qu’on lui soumet ! Que le Gouvernement en arrive à considérer qu’on peut non seulement court-circuiter le vote, mais supprimer le débat, c’est la preuve par l’absurde du déclassement du Parlement qui l’a ainsi confirmé. Et c’est l’écho exact de la perte de crédibilité du Parlement auprès des Français.

Et comment pourrait-il en être autrement ? Le Parlement, censé représenter tous les Français, ou du moins les grands courants du pays, n’en représente plus aujourd’hui qu’une minorité : seuls les appareils des deux partis, tous deux minoritaires, et leurs satellites, sont représentés. 95 % au moins des sièges sont tenus par  les représentants désignés par ces appareils de parti qui ne représentent même plus ensemble 40 % des citoyens. Si vous additionnez ces courants - ce ne sont pas les mêmes, certains sont enthousiasmants et d’autres que je réprouve - si vous additionnez l’extrême gauche, l’extrême droite, le centre indépendant et la plupart des écologistes, cela représente plus de 60 % des Français. Et Ceux-là ont zéro siège au Parlement tandis que ceux qui ne représentent que 40 % ont 95% des sièges au Parlement ! Ceci est une anomalie démocratique ! Si vous additionnez l’extrême gauche, l’extrême droite, le centre indépendant et la plupart des écologistes, cela représente plus de 60 % des Français. Ceux-là ont zéro siège au Parlement tandis que ceux qui ne représentent que 40 % ont 95 % des sièges du Parlement. Ceci est une anomalie démocratique. C’est un très grand sujet. Je ne prétends pas que tous les citoyens puissent en faire le tour et on arrive à un degré d’injustice où ils vont se rendre compte de l’absurdité du système. Notre démocratie est pour cette raison en situation d’urgence vitale. Si l’on en a conscience et si on veut la réanimer, il faut rendre sa représentativité à la représentation nationale, il faut que tous les grands courants du pays - en tout cas ceux qui atteignent le seuil d’un million d’électeurs, ce n’est pas tout à fait rien, c’est de l’ordre de 5 % des voix - soient représentés et que leur voix se fasse entendre.

Mes chers amis, je dis cela même et d’abord peut-être pour des courants que j'ai combattus toute ma vie et que je combattrai encore. Mais je le dis sans ambages : je préfère les combattre à visage découvert plutôt que de les voir cheminer souterrainement sans rien dire et profiter à bon compte d’une rente d’opposants universels. Ce que nous devons défendre est la représentation de tous. Après on peut ouvrir si l’on veut une discussion sur la question majoritaire, on peut tout à fait - si l’on a la conviction qu’il faut une majorité à tout prix - comme aux élections municipales ou régionales attribuer au courant qui arrive en tête une prime qui garantit le nombre de sièges nécessaires à la majorité absolue. Permettez-moi de dire en passant que l’on peut décider facilement d’une prime mais pas facilement décider à qui ira la prime. Si vous donnez une prime au courant arrivé en tête, il peut se faire que vous donniez la majorité à des courants qui à juste titre sont pour vous une question démocratique profonde. On a vu dans d’autres pays où ce genre de choses pouvait conduire. Donc c’est en pensant à ce risque, qu’on ne doit pas écarter, que l’Allemagne a choisi son mode de scrutin, auquel les démocrates allemands ont réfléchi pendant 10 ans sous la dictature nazie. Des universitaires, des juristes, tous ceux qui refusaient dans l’ombre de s’abaisser devant la dictature, ont passé 10 ans pendant la guerre à réfléchir à ce que les institutions pouvaient être pour écarter ce danger. Ils ont choisi ce mode de scrutin uninominal, qui corrige le résultat des circonscriptions en équilibrant tous les courants du pays. Ainsi, les représentants de ces diverses familles démocratiques peuvent faire barrage au plus grand risque s’il advient. C’est ce que les démocrates allemands ont choisi et j’encourage à ce que l’on y réfléchisse parce que, que je sache, depuis cette époque ils n’en ont jamais changé. Et cependant, l’Allemagne est gouvernée, j’ose dire qu’elle est mieux gouvernée que la France ne l’est : quand il faut une coalition, on la discute, on la négocie puis on la réalise, et le pays avance. Je considère qu’il y a pour la France un exemple que nous devrions méditer. 

Ainsi, si l’on entre dans cette réflexion et dans cette détermination, nos institutions peuvent être refondées sans avoir besoin de bouleverser nos textes ni même de changer de Constitution, car la loi électorale n’est pas du tout dans la Constitution. On a vécu sous la Ve République et certains parmi nous y ont été élus. On a vécu une loi électorale proportionnelle que François Mitterrand avait installée et qui n’a d’ailleurs pas empêché la France d’être gouvernée entre 1986 et 1988. Mais si nous devons refonder notre pratique des institutions, j’accepterai volontiers qu’on le fasse par référendum devant les Français et que l’on donne plus de solennité à la réforme ainsi appelée de nos vœux. Si on rétablit le Parlement dans sa légitimité, alors apparaîtra une réhabilitation du Gouvernement puisque c’est lui qui composera sa majorité. L’Assemblée la fera naître, la réunira et sera capable de faire voter des majorités d’idées quand il le faut. Le Parlement sera un Parlement en charge - puisqu’il sera responsable - et il aura la responsabilité de le faire : choisir en commun. Et se présentera immédiatement, dans la minute, un Président de la République contraint de retrouver sa mission de long terme, de voir loin, de s’occuper de l’essentiel puisque lui ne sera pas au contact du Parlement et qu’il aura besoin d’un gouvernement sérieux et utile pour conduire la politique dont il aura fixé les orientations. Au demeurant, il lui reste le référendum, il lui reste la possibilité de s’opposer à quelques textes que ce soit qu’il trouverait mauvais et il lui reste le droit de dissolution. Donc il n’y a aucun risque qu’on revoit les errements qui étaient ceux  de la IVe République. L’élection du Président de la République au suffrage universel équilibre à jamais nos institutions, permet de leur donner un cap et de conduire le pays vers les chemins nécessaires. 

Je sais très bien que tout le monde ne partage pas encore totalement notre avis sur le sujet, mais je veux vous dire que je sais que tout le monde y réfléchit. Sur notre gauche, au gouvernement, et sur notre droite, tout le monde y réfléchit. Et je sais avec certitude, avec une certitude encore plus grande, que la réalité et que les événements vont imposer une telle évolution qui ne sera pas autre chose que la re-légitimation des citoyens dans le débat public. Parce qu’il est proprement insupportable que la voix des citoyens, s’ils ne font pas le choix des partis du monopole du pouvoir, ne serve à rien. À quoi sert une voix de gauche à Neuilly sur Seine ? Si vous êtes sincèrement convaincus que vous allez voter à gauche dans cette commune de France, vous pouvez aller à toutes les élections, votre voix ne sert jamais à rien. Et à quoi sert une voix du centre ou de droite à Saint-Denis ? Vous pouvez vous lever tôt, vous pouvez aller à toutes les élections, 9 fois sur 10 et 95 fois sur 100 votre voix ne sert à rien. Et si vous êtes écologistes, ou d’autres sensibilités, à quoi votre voix sert-elle dans toutes les élections habituelles au scrutin majoritaire ? À rien. Vous êtes réduit au rôle de témoin muet. Moi, je veux que chacun des citoyens français ait non seulement le sentiment mais la certitude que son choix sera pris au sérieux et qu’il pourra peser sur le destin du pays. Assurément beaucoup ne sont pas encore convaincus de cette idée. Je sais qu’Alain Juppé n’est pas absolument acquis à cette idée, j’ai eu des heures et des heures de discussion avec lui sur ce sujet. Mais je sais que si nous sommes en confiance et alignés auprès d’un Président de la République nouveau - et de bonne foi - nous pourrons défendre notre conviction et je n’ai pas de doutes que les événements la feront avancer. 

Cela m’entraine à vous dire un mot du soutien que nous avons exprimé et que j’ai exprimé le premier à Alain Juppé. Ce soutien n’est pas si fréquent dans le monde politique, entre responsables appartenant à des courants différents, disposant d’un socle de confiance dans le pays important. D’habitude, la règle est plus généralement l’égoïsme que l’altruisme. Je suis content que nous puissions montrer que cette règle ne vaut pas pour nous et que nous acceptons dans la vie politique un haut degré de désintéressement et d’abnégation quand l’intérêt général du pays est en jeu. Alors je suis spécialement heureux ce week-end d’avoir apporté ce soutien à Alain Juppé. Je trouve qu’il a fait dans Le Monde une interview de très grande qualité sur des sujets brûlants et qu’il a courageusement choisi de prendre le contrepied du glissement généralisé dans lequel on voulait entrainer le débat public en France. Quand il a dit « Si vous continuez, en fait, vous risquez de nous conduire à la guerre civile », et « On est en train de devenir fou », je considère qu’il a dit quelque chose de très important pour l’avenir du pays. Cela m’a réjoui parce que cela a justifié et légitimé le choix que nous avons décidé de lui apporter.

Cette question qui se résume en deux mots est centrale : unité du pays ou division du pays. C’est depuis l’écriture qu’on sait cette vérité de fond : « Toute demeure divisée contre elle-même périra ». On sait cela de la sagesse immémoriale des souks, et je n’ai pas de doute que même ceux qui alimentent ces foyers le savent, mais ils le font pour une seule raison : c’est qu’ils y voient des intérêts électoraux, c’est parce qu’ils pensent qu’en alimentant ces foyers et bien ils vont se faire des masses de soutiens qui vont leur permettre de passer l’obstacle électoral de cette primaire. Et bien je suis heureux qu’Alain Juppé ait montré qu’il était un homme de volonté, qu’il était un homme de parole, qu’il était solide et responsable et qu’il était un homme d’honneur. Je trouve que ces quatre qualités méritent que nous manifestions, apportions et renforcions le soutien que nous avions décidé de lui apporter. Tout le monde sait, et c’est le moins que l’on puisse dire, que je n’ai pas une grande confiance dans le mécanisme de ces primaires. Tout le monde le sait et je ne m’en cache pas. Mais si grâce à nous - ce que montrent les enquêtes d’opinion-, c’est que c’est dans l’électorat du centre au sens large et dans l’électorat du MoDem en particulier que se situe le plus fort soutien qu’Alain Juppé peut espérer dans les mois qui viennent, qu’il existe la chance qui peut être saisie de porter à l’Elysée un homme de concorde, de volonté et de confiance.  Alors nous aurons fait ce que nous devions. 

C’est une chance sans précédent de changer la vie politique du pays, de réunir des forces jusque-là éparses, de faire renaître en même temps le grand courant du centre français. Car j’en ai la conviction, tous ceux qui appartiennent à ce grand courant du centre, et qui l’aiment, tous ceux-là vont soutenir Alain Juppé. C’est un ferment d’unité pour le pays, et pour la famille du centre que nous avons la mission de reconstruire.

Si c’était l’autre option qui l’emportait, ceux qui préfèrent la division et l’affrontement national, alors je vous le dis : nous ne laisserons pas les Français et la France condamnés à ne pouvoir choisir qu’entre des impasses, qu’entre des échecs. Le Président sortant, c’est une impasse. Le Président précédent, c’est une impasse. L’extrême-droite, c’est pire encore. Nous ne lâcherons rien de nos raisons de choisir l’unité de la France, le drapeau de la volonté nationale, de la réunion du pays pour résoudre ses problèmes, le drapeau de l’idéal européen, en tout état de cause, je vous l’affirme et je m’y engage, nous ne serons pas absent de cette élection. La tâche est immense. Permettez-moi d’en aborder trois chapitres principaux.

Le premier chapitre est l’éducation. S’il y a un sujet sur lequel j’ai le sentiment d’avoir été trahi, beaucoup plus que les affaires politiques, économiques, c’est ce que l’on a fait à l’éducation nationale. L’homme est trahi, le père de famille est trahi. Je vous assure que ce désarroi que j’exprime, tous les enseignants le ressentent. Ils ont tous la rage au cœur et moi aussi. J’ai la rage au cœur devant ce qu’on fait à l’éducation nationale. Partout où il restait un peu d’ordre, on a mis le désordre, on a obligé les enseignants à suivre des consignes absurdes, à faire de la pluridisciplinarité artificielle alors que les élèves ont tellement besoin de structures solides et simples pour aborder le savoir. On fait tout cela au nom d’une idéologie minoritaire et ringarde, d’un pédagogisme partout dépassé. C’est terrible. C’est le métier le plus exaltant, et aussi le plus difficile du monde, et au lieu de soutenir les enseignants et de leur laisser faire leur métier en conscience, on les ballade de réunion en réunion, d’injonction en injonction, et ils savent bien eux, que rien de tout cela ne marchera, que c’est une apparence, une illusion, une bulle de savon, du pipo, qu’on les trompe et les humilie en les emmenant dans une voie contre leur gré, contre leur expérience et contre leurs convictions. Ils n’osent même plus le dire !

Le choix du nivellement par le bas est un choix antisocial. Ce n’est pas un choix social. Tous ceux qui sont nos petits frères et nos semblables qui viennent de milieux sociaux non favorisés ni par les relations, ni par les moyens financiers et culturels, s’il n’y avait pas eu l’école pour les porter au plus haut, ils n’auraient pas pu, ni moi, ni vous, ni les autres. C’est parce que l’école a été exigeante qu’elle a été généreuse. Je plaide pour que l’on fixe des objectifs qui soient des objectifs ambitieux et que l’on fasse confiance à ceux qui ont la charge de faire avancer les enfants ensemble. Si l’on m’avait dit que ce serait un gouvernement dit de gauche qui rayerait d’un trait de plume les humanités !

Une des plus belles missions des enseignants est de faire échapper les élèves à la fatalité du manque de confiance en eux. C’est une grandeur, une noblesse et c’est là qu’il faut les soutenir. Je suis pour le partage des expériences, que ceux qui ont trouvé un chemin le montrent aux autres. C’est une pollinisation croisée des expériences et des savoir-faire, on doit évidemment se servir de toutes les technologies nouvelles. Bien sûr que les ressources numériques sont absolument vitales au moins pour le partage des expériences et pour la formation des élèves à condition qu’on leur fournisse la culture générale.

Il faut se concentrer sur le plus jeune âge, et parmi les élèves de maternelle et de primaire on voit très tôt ceux qui rencontrent de lourdes difficultés, sociales, culturelles, familiales, médicales ou psychologiques. Tout se voit, tout se voit très tôt, à l’âge où l’on peut corriger, remédier, cicatriser. Au CP et même avant. C’est en amont que tout se joue. Il n’y a pas de réformes plus importantes de l’école que de lui donner l’objectif et les moyens de se concentrer sur le plus jeune âge, à l’âge où cette action-là peut être utile et sauver des centaines de milliers de vies.

Je crois que parmi les faiblesses de la société dans laquelle nous vivons il y a le sentiment de la fatalité du creusement des inégalités. La France est un pays dont l’unité et la lutte contre les injustices font partie de son ADN. La lutte contre les inégalités, le salaire direct. Et donc quand on essaye de nous expliquer que l’on ne peut pas éviter ce creusement des inégalités et concentrer une partie des réformes sur l’abaissement de ceux qui sont en bas de la pyramide, je ne peux pas l’entendre.

Par exemple, j’ai combattu la loi Macron et la loi El Khomri, sur le fait qu’elles considéraient comme d’intérêt national d’abaisser le revenu des heures supplémentaires et pour les travailleurs du dimanche d’abaisser l’indemnité du travail le dimanche. C’est honteux ! Lorsqu’il y a la possibilité d’apporter un revenu supplémentaire direct aux salariés, il ne faut pas l’abaisser mais au contraire le défendre. J’entends bien qu’il y a un problème de coût du travail mais on confond le revenu du travail et le coût du travail. Je considère que l’heure supplémentaire mérite une rémunération supplémentaire. Il faut l’imputer sur les charges sociales, il faut alléger les charges sociales sur les heures supplémentaires. Si une entreprise paye 25% de plus l’heure supplémentaire alors il faut baisser d’autant les charges sur cette heure-là. La réflexion sur le salaire direct passe forcément par des réflexions sur l’organisation de la sécurité sociale. Nous ne pouvons pas continuer à avoir à ce point un découragement du travail en bas de l’échelle. C’est un sujet d’intérêt national.

Il y a au fond deux très grands enjeux pour l’économie française. Le premier est la libération des innombrables contraintes administratives, paperassières, normatives qui s’abattent sur les petites et moyennes entreprises. Ce sont elles qui souffrent le plus. Elles n’ont pas de DRH puissant, de service juridique puissant, elles ne peuvent pas se payer des avocats quand il en faut. Les exigences qu’on leur impose sont toujours croissantes et injustifiées. Les décisions se prennent sans que jamais on ne prenne en compte les contraintes supplémentaires qui vont peser sur l’activité, les responsables et le travail des entreprises. Je considère que cela doit changer et nous en faisons une priorité.

Il faut également prendre conscience que l’innovation c’est l’investissement et que nous avons un problème d’investissement en France. Moi je propose quelque chose de très simple, vous savez que nous avons l’ISF en France, le marché des œuvres d’art en est exonéré. Et bien je considère que l’investissement dans l’appareil productif doit être exonéré à l’égal de l’exonération dont bénéficient les œuvres d’art. C’est cela renforcer le tissu du pays.

Je ne serais pas fidèle à moi-même si je ne disais pas un mot de la situation particulière de l’agriculture. L’agriculture française dans tous ses aspects vit un drame qui est un drame sans précédent de découragement. Je vois les éleveurs baisser les bras. Je vois les exploitations laitières disparaître chez nous. Je vois des céréaliers qui sont eux-mêmes cette année en crise. J’aperçois l’immense angoisse du monde agricole. J’ai le sentiment que c’est une angoisse qui ressemble à l’angoisse des enseignants, parce que personne ne parle en leur nom. Ils ont le sentiment qu’ils ne comptent plus dans le débat d’idées parce qu’ils n’ont plus le nombre pour se faire entendre. Les enseignants ont le sentiment qu’ils ne comptent plus dans le débat public parce qu’on leur prête des opinions qui ne sont pas les leurs et parce qu’ils ne peuvent pas faire grève tous les jours, même si certains essaient. Du point de vue simplement de l’équilibre du revenu du travail, ils ne peuvent pas faire grève. Les agriculteurs ont le sentiment qu’ils n’ont plus de voix publique parce qu’ils ne sont pas assez nombreux. Cela doit nous obliger à reprendre, à partir de la base, la réflexion sur cet immense sujet.

Il y a une piste facile, et une piste difficile. La piste facile, aisée, naturelle, c’est la multiplication des marques de qualité qui peuvent permettre aux producteurs de faire reconnaître leur savoir-faire et leurs efforts. Origine contrôlée, origine protégée, charte de qualité, en même temps tout ce qui est production bio ou assimilé, tout ce qui touche au bien-être animal, tout cela peut faire l’objet de marques particulières. Je suis sûr que les consommateurs attendent d’être certains de la qualité du produit qu’ils peuvent acheter. Ils veulent bien consentir un effort s’ils sont sûrs que le produit qu’on leur donne respecte ce à quoi, de plus en plus nombreux, ils croient. Il y a une première piste : des marques de qualité, des certifications. Cela permet d’améliorer le rendement et de restaurer l’image de l’agriculture. Deuxième piste plus difficile, parce qu’on a abandonné le combat. Ma certitude profonde, comme personne, comme homme, comme citoyen, comme quelqu’un qui a vécu et grandi dans le monde agricole, y compris dans des circonstances tragiques, ma certitude, c’est que la production agricole ne peut pas être abandonnée au marché sans contrôle et sans contraintes. Ma certitude est qu’il faut une régulation des productions agricoles - en raison du caractère stratégique pour notre pays et pour le continent, et en raison de l’obligation dans laquelle nous sommes de maintenir un tissu de producteurs vivants. Il ne faut pas s’intéresser seulement aux produits, le tissu de producteurs compte aussi. On a abandonné les quotas laitiers c’est une erreur et je pense même que c’est une faute. Nous devons conduire cette réflexion sur une nouvelle régulation pour le monde agricole qui permettra d’échapper au désastre et au malheur qui est en train de frapper l’agriculture française.

Je finirai cette liste des chantiers avec le grand, l’immense, sujet européen. L’inquiétude est immense et elle est justifiée. Les citoyens ont le sentiment d’avoir été d’une certaine manière abandonnés par le rêve européen, que le rêve européen ne les concerne plus, et qu’il n’y a plus, trop souvent, que des contraintes européennes. Les institutions portent une part de responsabilité. Je veux dire devant vous que ce que monsieur Barroso a fait, en allant se faire embaucher chez Goldman Sachs, et en révélant les contacts qu’il avait préalablement avec cette banque d’affaires, est une atteinte directe et une blessure portée à la construction européenne qu’il prétendait servir. Vous savez à quel point je me bats pour qu’il y ait un mur de verre, qui est simplement le mur de la décence et du civisme, entre les intérêts privés et l’intérêt public. Et bien les perpétuels allers retours entre l’un et l’autre dont monsieur Barroso vient de donner un exemple, sont une offense aux principes que nous avons à défendre. Alors je sais bien ce qu’on va me dire : « mais les américains font comme ça ! ». C’est précisément parce que les américains font comme ça que je n’ai pas envie que nous ressemblions aux américains et que nous prenions le chemin qu’ils suivent en vivant, comme vous le savez, et comme les élections américaines le montrent tous les jours , une vie politique complètement asservie à ceux qui la financent. Il faut réaffirmer ici que sur aucun des sujets planétaires nous ne pouvons avoir de l’influence si l’Europe n’existe pas. Les grands problèmes des migrations sont impossibles à gérer par un Etat solitaire à l’intérieur de ses frontières ! On n’est même pas capable de fermer les frontières entre la France et la Belgique. Ceux qui prétendent qu’on peut se débrouiller seuls vous mentent ! C’est un leurre ! Il est impossible de gérer des grandes questions d’environnement si nous n’avons pas l’Europe. On ne peut pas traiter de l’Afrique si on est un pays totalement isolé. Le développement ne peut se traiter que si nous sommes un ensemble puissant. Vous croyez que la France aurait pu ouvrir le contentieux qui a été ouvert avec Apple, lui imposant de payer une amende pour des charges fiscales auxquelles cette entreprise avait choisi d’échapper ? Apple nous aurait ri au nez ! Ils ne rient pas au nez de l’Union Européenne ! Ils se débattent, paient des avocats, ils essaient de s’en sortir, mais en vérité ils tombent là sur une construction qui a la capacité de se faire entendre.

Donc l’Europe va mal. Pour beaucoup de raisons ce mal-être est justifié, mais il n’y a rien de possible sans Europe. Or le Brexit, le choix que les Britanniques ont fait de sortir de l’Europe, ouvre à la France un nouveau champ de responsabilités et d’influence. Il faut s’en saisir. Jusqu’alors la chancelière allemande jouait habilement des contradictions entre la Grande-Bretagne et la France. Et elle se glissait alternativement en choisissant un allié parmi les deux autres grandes puissances. Ce temps est fini. Le choix que les Britanniques ont fait de sortir est sans issue. Ce choix-là va imposer d’avoir un équilibre dans le couple franco-allemand. A condition que la France existe et qu’il y ait à la tête de la France un responsable qui ait les idées claires sur l’avenir européen. Si tel est le cas, nous pouvons retrouver l’influence. Il nous faudra travailler à un nouveau pacte de confiance avec l’Allemagne. L’Allemagne est saisie d’inquiétude, en raison de ses épargnants et de l’angoisse qu’ils ont en face des taux d’intérêts désormais négatifs. La France est saisie d’inquiétude en raison de ses chômeurs. Et moi je crois que les chômeurs français ne sont pas les ennemis des épargnants allemands, qu’il faut simplement une compréhension mutuelle entre les deux, pour qu’on puisse essayer à la fois d’avoir une économie revigorée, certains disent une relance, et puis une monnaie qui permette aux épargnants allemands d’être un peu assurés de leur avenir. Nous devons nous-même nous convaincre d’une chose : il n’y a pas de relance possible si c’est une relance nationale française solitaire parce qu’immédiatement nous serions sanctionnés, immédiatement les taux d’intérêts exploseraient, et quand vous êtes assis sur une dette de deux milles milliards d’euros, quand vous êtes assis sur cette dette-là, la moindre explosion des taux d’intérêts vous fait voler en éclats. Nous ne pouvons pas faire une relance nationale solitaire en étant enfermés dans nos frontières. En revanche, on peut très bien envisager une relance européenne, une volonté de tous les pays européens de faire repartir l’activité sur un continent où aujourd’hui la croissance est à 0,3%. On peut envisager et on doit envisager cette relance-là. C’est ce que dit Matteo Renzi. Il a raison de le dire. C’est ce que doivent dire les autorités françaises.

Moi je propose qu’on aille plus loin. La Banque Centrale Européenne n’a qu’une mission, définie par les traités, c’est de veiller à la stabilité de la monnaie. Or la Banque Centrale Américaine a deux missions : la stabilité de la monnaie et le plein emploi. C’est probablement la raison pour laquelle le chômage est à moins de 5% aux États-Unis alors qu’il est à plus de 10% en France, et de beaucoup plus dans l’ensemble de l’Europe. Je propose que la France se batte pour qu’on assigne à la Banque Centrale Européenne l’obligation de s’occuper non seulement de la lutte contre l’inflation, de la stabilité de la monnaie, mais aussi du plein emploi. Si on fait ça on parle à tous les citoyens français et notamment à tous les citoyens chômeurs en France.

On ne peut pas en rester à la pratique des institutions et de la démocratie européenne actuelle. Il n’est pas possible que tous les citoyens européens se sentent à ce point exclus des décisions qui sont prises en leur nom et dont ils ne sont même pas informés. Et donc je me battrai sans cesse et sans relâche pour que l’Union Européenne, dans les décisions qu’elle prend au nom des citoyens, prenne une attitude enfin démocratique dont nous avons besoin pour nous réconcilier avec elle.

J’en arrive à la conclusion et au dernier mot de cette intervention. Notre mission est le retour de la confiance dans notre pays. Je crois que la confiance est la clef du débat public, la clef de l’adhésion des citoyens, la clef du développement, la clef de l’investissement, la clef de l’économie, la clef de l’innovation. C’est la clef qui ouvre toutes les serrures dans un pays. Il se trouve que lorsque le Général De Gaulle est revenu aux affaires en 1958, en quatre ans il a rebâti la confiance du pays. Je suis persuadé que nous pouvons le faire. Il suffit d’identifier les questions et de s’engager pleinement, sans faux semblant, sans masque, sans ruse, dans la résolution de ces questions. On a besoin de femmes et d’hommes publics qui croient à leur mission, qui font passer l’intérêt général avant leur intérêt particulier, qui parlent vrai, qui parlent clair, qui n’ont pas peur du jugement de leurs concitoyens. Et j’en suis sûr, il n’en faudra pas davantage pour que le regard change. Il n’en faudra pas davantage pour que renaisse l’estime des citoyens par rapport à ceux qui les représentent et à qui ils confient la charge de les gouverner. Et c’est l’estime qui ramène la confiance. Et c’est cela notre mission, et c’est cela notre engagement. Voilà notre contrat avec les Français, voilà sur quoi nous avons décidé de mener le combat, et de rendre à la France, si souvent déçue, si souvent trahie, ce dont elle a besoin pour vivre et pour se redresser, son espoir, et sa confiance.

 

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