"Au MoDem, nous avons décidé de regarder les mesures pour ce qu'elles sont et non pas par qui elles sont portées"

Fadila Mehal, conseillère Paris UDI-Modem, présidente d'honneur des Mariannes de la Diversité, et présidente de la commission culture de Paris était l'invitée ce midi de Sud Radio, l'occasion pour elle de décrypter l'actualité du jour.

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Fadila Mehal vous croyez à une exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front National ?

 Je n’y crois pas du tout : il a été le fondateur très symbolique en 1972 de ce grand parti, grand par le nombre. Il y a une volonté de dédiaboliser bien évidemment ce parti par sa fille donc il y a une rupture générationnelle évidente.

Mais moi j’ai été étonnée et en même temps affolée de voir la manière dont il s’était exprimé le 1er mai, où il a été applaudit par l’ensemble des spectateurs, nouvelles et anciennes générations.  Cela veut dire que les idées qu’il préconise, pour lesquelles il a été parfois condamné (fascination pétainiste, question du détail, toutes les provocations qu’il a faites), aujourd’hui le placent dans une position qui fait qu’il a du mal à quitter, on le voit bien, la scène et en même temps ça lui est tellement nuisible que ce sera difficile pour eux de trouver une porte de sortie honorable.

Mais je pense que tout ce qu’on a écrit sur la dédiabolisation pour moi, n’est pas réel, puisqu’on l’a vu ces acclamations par la foule le 1er mai montrent bien que ses idées sont encore très présentes au sein de ce parti 

S’il était exclu se tairait-il pour autant ?

Je crois qu’il a un pouvoir de nuisance qui est terrifiant, et qu’il est malgré tout très apprécié par le peuple militant du front national et qu’ils préféreront une sanction cosmétique. Lui-même donnera sans doute des signes comme il les a donnés en abandonnant la candidature à la présidence de PACA, en la laissant à sa petite fille.

Finalement les choses sont plus profondes que ça et il me semble que son départ définitif ouvrirait une brèche très importante au sein même des militants du front national.

Un FN sans Jean-Marie Le Pen pourrait-il grimper plus haut dans les urnes ?

Moi en tout cas je pense qu’ils sont bien hauts, il sont déjà près de 25 % à être aux portes du pouvoir : Jean-Marie Le Pen n’était là que pour donner sa force tutélaire, en réalité le parti ne lui appartient déjà plus. La différence entre le père et la fille c’est que lui ne voulait pas le pouvoir d’une certaine façon, tandis qu'elle le veut, et elle crée les conditions avec des élus, avec un programme et ce sera la seule différence, mais en tout cas ils sont arrivés, je l‘espère, à leur point culminant.

Le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis a dit ce matin que ce qui s’était passé le 1er mai à Paris c’est un concentré de ce qui se passerait si le FN arrivait au pouvoir. Exagère-t-il ?

Non, mais je crois plus gravement, au-delà des personnes, que les idées de Jean-Marie Le Pen ont avancées partout dans la société, on le voit bien avec des partis qui se disent républicains, avec certains aujourd’hui, qui se félicitent qu’il n’y ait plus d’opposants à eux, je pense à Mr Estrosi notamment, puisqu’ils ont repris d’une certaine façon toutes leurs idées donc la grande victoire de la dynastie Le Pen c’est d’avoir lepenisé la société française en quelque sorte, c’est quelque chose qui va bien au-delà du parti lui-même.

On parlait déjà du FN tout à l’heure sur Sud Radio et du fait que les nouveaux électeurs qui rejoignent le Front National le font pour sa position sur l’immigration mais aussi pour sa vision de la société française, il y a une partie de vote protestataire mais aussi cet aveu de la part des électeurs : Marine Le Pen, au moins elle on comprend ce qu’elle dit ?

Elle dit les choses très franchement. C’est vrai que beaucoup d’élus devraient adopter non pas les idées et les thèmes de Marine mais devraient dire le plus concrètement possible les choses. En ce qui nous concerne, au MoDem nous avons toujours dit les choses assez clairement au point d’avoir été souvent mis à l’écart et souvent ostracisés, on a toujours dit qu’une idée il fallait qu’elle soit juste, et c’est vrai que dire les choses c’est déjà la moitié de la résolution des problèmes.

Après ca ne suffit pas, parce que c’est vrai qu’elle dit des choses mais fait le contraire, je prends pour exemple leur grand dada qui a été, pendant un moment très important, de lutter contre l’exode fiscale, contre la financiarisation et on voit bien que aujourd’hui son père est rattrapé par ses lingots d’or en Suisse, près de 2 millions d’euros, donc cela crée un sacré discrédit quand on ne fait pas ce qu’on dit, parce que je remarque que c’est aussi une des critiques faites à l’encontre des hommes politiques.

Moi je crois qu’il faut faire attention à ne pas faire trop de démagogie, en faisant du simplisme, en essayant de couper la réalité, de la rendre parfois caricaturale, on voit bien que les propositions qui sont faites par le clan Le Pen sont de cet ordre là. Je crois qu’il faut dire des choses simples, je sais que au MoDem quand nous avons mené la campagne présidentielle, quand on a parlé de la moralisation de la vie publique, ça voulait dire des choses. François Bayrou quand il a parlé de la proportionnelle, du cumul des mandats, idem quand on a voulu porter, repris par beaucoup par la suite, le thème de la production en France, des choses simples que les français ont compris la preuve : les scores que nous avons eu à ce moment là étaient importants.

Je pense qu’il ne faut pas simplement parler mais aussi mettre en équation ses paroles par son attitude, ses exemplarités, sinon la crédibilité et la défiance nous guettent et sont au rendez-vous.

Cet après-midi,  Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira vont présenter un rapport sur les dysfonctionnements et les responsabilités entre la justice et l’éducation nationale, suite aux affaires de pédophilie signalées à Villefontaine et à Rennes. Parmi les mesures envisagées on peut citer l’idée d’un signalement systématique dès l’ouverture d’une enquête, dès le moindre soupçon. Quelles mesures attendez-vous pour lutter contre la pédophilie à l’école ?

Pour lutter contre la pédophilie c’est une question très complexe, parce qu’il faut en effet se doter d’un arsenal pour guetter les comportements qui peuvent être criminels. Par contre, ce que j’attends beaucoup de cette loi c’est qu’il y ait une complémentarité, une équation entre les parquets et l’éducation nationale, il n’est pas normal que les enseignants condamnés puissent continuer à exercer un métier qui les met en très grande proximité avec les enfants, ce n’est pas convenable.

Sur les signalements, tout ce qui va permettre de signaler ces risques de façon préventive et le plus en amont sont les bienvenus.

Il faut tenir compte du fait que les ministres ont réagi assez vite. Je ne défends pas systématiquement le gouvernement mais en l’occurrence devant ce dysfonctionnement ils sont en train de le réformer. Et le fait, je pense, dans cette proposition de loi, de dire que systématiquement tous les délits constatés par le parquet seront automatiquement divulgués au niveau de l’éducation nationale, c’est un grand pas.

Et je suis désolée qu’il y ait eu ces viols répétés pour que ça n’arrive, mais il faut se méfier aussi des lois de circonstances, il ne faut pas à chaque fois non plus que l’émotion crée des lois. Pour une fois cette loi est utile, elle est la bienvenue et je félicite le fait qu’ils aient pris des responsabilités.

Est-ce que vous croyez à un plus grand contrôle de coordination de la part de l’administration entre justice et éducation nationale ?

 Aujourd’hui, après ces récentes affaires de pédophilie ça a du sens de tirer les responsabilités et de permettre que ce signalement puisse être le plus efficace possible et que au niveau des parquets ils puissent rapidement interférer sur l’éducation nationale pour leur donner des éléments importants.

Nous avons décidé au MoDem de regarder les mesures pour ce qu’elles sont et non pas par qui elles sont portées. Si elles vont dans le bon sens nous les appuyons et si elles ne vont pas dans le bon sens nous les dénonçons et c’est ça qui va permettre de réconcilier les électeurs avec leurs élus.

En ce qui concerne le déplacement de François Hollande au Qatar, qui a officiellement signé la vente ce matin de 24 avions rafales entre Dassault et le Qatar, est-ce qu’on peut dire de lui que c’est un bon commercial pour le rafale ?

Je suis très nuancée, mitigée.

Dans un premier temps, sur le Qatar, François Bayrou a dit qu’il avait une très grande prudence vis-à-vis du pays dont on demande des éclaircissements par rapport à sa relation avec certains mouvements fondamentalistes.

Ensuite, on parle beaucoup des rafales. Evidemment la réelle politique dans un pays en crise comme le notre, veut en effet que on ne va pas lésiner sur six milliards de dollars, mais en même temps j’observe qu’il y aura des grands perdants dans ce contrat, ça a eu un coût. Notamment pour Air France il y a des retombées puisque la compagnie qatari a obtenu d’obtenir de desservir plusieurs points notamment Lyon et Nice en plus de Paris, notamment trois fois par semaine.

Justement sur ce point, François Hollande vient de démentir …

Je prends acte que François Hollande vient de démentir.

Ce qu’on oublie de dire c’est que François Hollande ne va pas simplement au Qatar il va à Ryad,  en Arabie Saoudite pour régler un problème explosif actuellement, vous savez l’Etat qui est en train de déstabiliser actuellement la région c’est le Yémen. C’est ce qui va être un des thèmes majeurs de la réunion qui va se tenir, à laquelle participera le président français autour de l’Arabie Saoudite. Je crois qu’il y aura cinq monarchies sur les six qui seront représentées et on voit bien que le Yémen est aujourd’hui une plaque tournante, importante de déstabilisation en lien avec l’Iran. Ce qu’on oublie de dire beaucoup c’est que aujourd’hui il est en train de se mener une guerre souterraine je dirais même parfois un peu civile entre les chiites et les sunnites. 

Le Qatar joue un rôle dans cet affrontement qui est en train de se faire et de trouver des solutions pour éviter l’embrasement de la région à travers le Yémen. Tout ce qui va pousser à permettre une pacification, à aider pour que cette partie du monde n’explose pas, notamment avec les soubresauts côté occidental qui vont dans le bon sens. 

Je voulais simplement informer que le président Hollande n’y va pas que pour entendre des rafales, il est préoccupé par la situation de ces pays qui ont des retombées pas seulement sur la France mais sur le monde occidental. Je voulais vous rappeler que le terrorisme aujourd’hui il faut qu’il se regarde à la lecture de ce qui est en train de se passer là-bas et à la guerre ouverte et féroce qui est en train de se dérouler entre les sunnites et les chiites.

En ce qui concerne la plaque en mémoire d’Ilan Halimi retrouvée brisée ce week-end à Bagneux, faut-il, comme le demande Jack Lang, une politique plus radicale pour combattre le racisme et l’antisémitisme en France ?

Oui vous avez raison parce que ce qui s’est passé avec cette plaque est extrêmement grave, ça représentait un symbole de l’ignominie et presque de l’indicible que cette personne, en raison de sa religion ait été retrouvée assassinée et torturée pendant plus de trois semaines, c’est quelque chose qui a profondément marqué les français.

C’est vrai que l’on parle beaucoup de racisme et d’antisémitisme et notamment dans les quartiers populaires, il ne faut pas l’ignorer. Aujourd’hui il y a des surenchères identitaires qui font que certains se considèrent légitimes pour attaquer et nier la religion de l’autre et nous au MoDem nous le condamnons très fermement. Pour autant je crois qu’il ne faut pas simplement passer du stade de la dénonciation à l’action et nous avons été très heureux que le gouvernement nomme un délégué interministériel à cette question. Même si, en ce qui concerne ce plan, que j’ai regardé de très près, on est bien loin des propositions qui pourraient être faites pour éradiquer ce mal.

L’éradication elle passe évidemment par la sanction : rappeler que l’antisémitisme et le racisme est un délit donc il faut une application très stricte de ces peines, et il faut rappeler tout ce travail fait par toutes les institutions et les corps intermédiaires. Aujourd’hui on voit bien que toutes les associations en charge de ces questions-là font de leur mieux mais très honnêtement au niveau des résultats il y a encore beaucoup de chemin.

Et donc aujourd’hui je pense que cela passe par l’éducation de façon massive : il ne suffit pas d’inculquer quelques programmes qui vont dans le sens de la réconciliation ou de la meilleure connaissance des uns ou des autres pour changer les choses : on ne peut plus se satisfaire des dénonciations et des marches qui sont faites.

Cette question est en train d’exploser notre pacte social, notre république, et vous savez il y en a aussi autour de ces faits divers qui sont des faits nationaux, qui s’amusent à instrumentaliser et je pense que c’est très très important dans un pays qui vit une crise, que ces affrontements qui sont accompagnés, intensifiés par des paroles malheureuses, tout cela fait qu’on est dans un contexte où il faudrait plutôt réconcilier. Actuellement tout est fait pour permettre aux voix les plus extrémistes de s’exprimer.

La question de la laïcité est centrale, je suis bien placée pour en parler je suis membre du nouveau observatoire de la laïcité qui vient d’être réanimé et qui est présidé par Olivier Roussel, conseiller d’état et qui dit d’une certain façon, et c’est vrai puisque la lettre de mission donnée par la maire de Paris a été de dire comment on va accompagner les agents du service public pour permettre que cette laïcité s’applique dans tout l’espace public et notamment dans les services municipaux.

C’est très important, parce que la laïcité, il ne faut pas en avoir une image caricaturale, la laïcité c’est la neutralité mais c’est aussi bien la bienveillance par rapport, pas simplement aux religions, mais aussi aux opinions et ce point est très important puisque ça permet de discuter comme on le fait aujourd’hui, dans une période de crise. Cela permet de faire en sorte que nous puissions résoudre ensemble, avec la diversité de nos opinions, que nous puissions dépasser ce climat passionnel, d’affrontement, c’est très important, la laïcité c’est ce bien précieux que nous avons construit dans le sang, il faut le rappeler et qu’il faut que nous puissions dialoguer ensemble que nous puissions accepter que l’on puisse avoir une autre religion qui soit comme une porte ouverte pour découvrir autre chose, une autre spiritualité c’est ça la laïcité. Je suis présidente des Mariannes d’honneurs de la diversité, c’est important de rappeler à quel point pour la religion les femmes sont des marqueurs : la preuve on s’occupe de leurs tenues vestimentaires, on s’occupe de leur corps, de la nudité, vous voyez bien la question posée par ces jupes trop longues et c’est important parce que la laïcité c’est une forme d’émancipation, de liberté pour les femmes.

 

 

 

 

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