Marielle de Sarnez, invitée de l'émission "Internationales" sur TV5 Monde et RFI

Nous vous invitons à revoir Marielle de Sarnez, présidente de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, et première vice-présidente du Mouvement Démocrate, dans l'émission "Internationales", proposée par TV5 Monde et RFI avec Le Monde, ce dimanche 21 octobre.

Bonjour Marielle de Sarnez.

Bonjour.

Merci d’avoir accepté notre invitation. Ce clin d’œil, ce montage rappelle cette proximité entre Valéry Giscard d'Estaing et Emmanuel Macron. 

Oui, je le prends comme un clin d’œil puisque j’ai été giscardienne. J’ai soutenu Giscard dans sa campagne de 1974 et j’ai soutenu Emmanuel Macron. Il y a évidemment une concordance, une aspiration commue entre les deux hommes. Valéry Giscard d'Estaing voulait rassembler 2 Français sur 3. Et au fond, ce qu’essaie de faire Emmanuel Macron, c’est exactement la même chose. Donc, c’est un clin d’œil qui me fait plaisir. Mais au delà de ça, on aurait pu – et c’est pourquoi au fond, il y a toujours une permanence dans l’État Français : on aurait pu mettre Jacques Chirac, et d’autres président de la République, on aurait eu à peu près l’utilisation des mêmes termes même si moi j’ai été heureuse d’aller de Valéry Giscard d'Estaing à Emmanuel Macron. Mais c’est vrai, qu’il y  a une permanence, dans les vœux en particulier, de l’État Français et ce n’est pas si mal…

Savez-vous ce que pense Emmanuel Macron de ce parallèle qui est fait avec Valéry Giscard d'Estaing ?

Je ne sais pas. Je pense qu’il ressent bien qu’il y a quelque chose qui ressemble…

… en dehors de la jeunesse ? 

Vous savez, à l’époque, Valéry Giscard d'Estaing, c’était absolument incroyable. Vous passiez d’un monde en noir et blanc, on va dire, qui était le monde gaulliste – même si le général de Gaulle était grand et formidable -  à un monde en couleurs. C’était une modernisation accélérée. 

Et avec Emmanuel Macron, c’est quel passage ?

Enfin, nous avons l‘émergence – en tout cas, je vais me battre pour que ce soit durable – d’un pôle central qui sort de cette espèce de bipolarisation d’une gauche contre une droite, d’une droite contre une gauche, qui, à mon sens, n’a pas fait de bien au pays pendant 30 années, qui a empêché le pays de s’adapter, de bouger, d’évoluer, de réformer, de changer en profondeur. Donc Emmanuel Macron est à ce rendez-vous là bien sûr. 

Cette échéance à venir, le 26 mai, les élections européennes,  ça va avoir une valeur de test national pour Emmanuel Macron. Comment faire pour que tous les enjeux proprement européens ne passent pas à la trappe une fois de plus ? 

Cela va avoir valeur de test européen parce que la question qui va être posée, c’est : «  Est-ce que l’Europe a un avenir ?  Et quel avenir ? Ou on continue dans le délitement européen. Je pense que ce sont des élections  fondamentales, cruciales et essentielles. Soit l’Europe décide d’exister, de s’unir de peser – le monde a besoin d’une Europe forte et nos valeurs ont besoin d’être défendues - soit on continue le lent délitement qui ira jusqu’à une mort certaine. Donc c’est un enjeu historique et il faut expliquer aux Français en quoi cet enjeu est historique, en quoi la France a une opportunité au fond d’être à l’initiative pendant cette échéance européenne. Nous avons un président de la République de convictions européennes, à l’initiative européenne, dans un moment où quand vous faites le tour des leaders ou dirigeants dans les pays qui nous entourent en Europe, ceux-ci se sont confrontés à des difficultés lourdes.  Ce qui veut dire que la responsabilité de la France est immense et que c’est un rendez-vous qu’on ne doit pas manquer. 

Comment vous jugez d’ailleurs l’action européenne d’Emmanuel Macron depuis un an et demi ? Il y a eu beaucoup de discours, d’offres, de propositions, mais le résultat paraît assez fragile. Quel est votre avis là-dessus ? 

Il a avancé bien sûr. On va prendre un certain nombre des dossiers comme les travailleurs détachés : chaque fois qu’on peut avancer vers plus de convergence fiscale, sociale, chaque fois qu’on peut avancer on le fait. Évidemment qu’on ne fait pas l’Europe tout seul. C’est absolument évident et il faut des alliés. C’est compliqué quand certains pays ont des difficultés avec les libertés fondamentales, et en même temps, nous sommes obligés d’avancer ensemble et d’apporter les réponses aux inquiétudes aux angoisses de nos concitoyens.

Comment fait-on pour intéresser, mobiliser l’électorat français sur les échéances européennes car vous le savez, le débat franco-français prend toujours le dessus et l’Europe aujourd’hui n’est pas incarnée ?

Vous avez raison. Je crois que trop longtemps le débat a été confiné. On a exclu les peuples du dessein et du destin européen. Vous savez, les pères fondateurs de l’Europe disaient : « C’est tellement compliqué qu’il faut que ce soit une affaire d’experts. » Je pense exactement l’inverse. Je pense qu’on ne fera pas l’Europe sans les peuples, ce qui veut dire qu’il faut rendre aux peuples leur place dans ce destin européen, redessiner une démocratie européenne dans laquelle ils aient le pouvoir de dire ce qu’ils veulent et vérifier ensuite que cela se passe de cette façon. Et puis l’Europe, ce n’est pas seulement un marché, une zone de libre échange, ce n’est pas seulement que ça. C’est d’abord une civilisation, une identité, des valeurs, et je crois que ces questions d’identité, il faudra les mettre au cœur de la campagne. 

Emmanuel Macron dit : il faut mettre d’un côté les progressistes et d’un autre côté les populistes, mais est-ce que l’Europe, ça peut se résumer qu’à un duel entre ces deux forces ? 

Je vois bien pourquoi il le fait. Je trouve qu’effectivement il faut rappeler que nous sommes attachés à l’Etat de droit et aux valeurs fondamentales qui sont, quand même, le socle de l’Union. On va parler du monde dans quelques instants, mais, enfin, qui ne voit que les régimes autoritaires menacent partout dans le monde entier et qu’au fond, la question des contre-pouvoirs peut être mise de côté par les uns ou par les autres, y compris au sein de l’Union européenne. Qui aurait imaginé cela il y a quelques années ? Donc je pense que c’est un positionnement - pour un temps - qui est un bon positionnement et qui dit les choses sur les valeurs. Si vous me demandez s’il faut faire la campagne européenne sur ce positionnement, je crois qu’il faudra l’élargir, qu’il faudra s’adresser à l’ensemble des Français en leur disant - au fond, aux Français qui croient en l’Europe et à ceux qui n’y croient pas, aux Français qui sont persuadés que tout va bien et aux Français qui doutent - : c’est à eux qu’il faudra parler en prenant en compte ce qu’ils attendent de l’Europe ; et ce qu’ils attendent de l’Europe, ce seront des réponses très précises : comment demain sera-t-on mieux protégé ? Comment conserverons-nous notre modèle social ? En tout cas ce sont des questions pour les Français. Comment va-t-on enfin vers la convergence sociale en Europe ? Comment traiterons-nous des questions par exemple migratoires, qui sont des questions au cœur des préoccupations de nos concitoyens ?

Mais est-ce que vous êtes favorable pour un mouvement En Marche au niveau européen ? 

Je ne le dirai pas de cette façon-là. 

Non ?

Je pense que la France a un rôle historique dans la question du rendez-vous européen de 2019, que nous avons la chance d’avoir un jeune président profondément européen qui sera a à l’initiative, que c’est un rendez-vous donc pour l’histoire de l’ensemble de l’Europe. Evidemment, il faudra des alliés, il faudra au fond que se crée au Parlement européen un grand pôle central démocrate pour faire l’Europe des 5 années qui viennent. C’est cela le souhait que j’ai, et après je vais vous dire que ce n’est pas une question d’étiquette, je suis militante d’un parti politique. 

Vous êtes Vice-Présidente du MoDem. 

Ce n’est pas une question d’étiquette, ce n’est pas une question partisane ce que l’on va vivre là, c’est une question du rassemblement le plus large possible pour cette Europe, et - on va parler du monde dans quelques secondes - je veux dire que selon que l’Europe existera ou pas, l’équilibre du monde ne sera pas le même dans les décennies qui viennent.

Juste, à bien vous entendre, j’ai le sentiment que vous trouvez que le clivage Macron contre Viktor Orbán– puisque c’est de lui dont il s’agit, celui qui  représente l’axe souverainiste, le Premier ministre hongrois, très nationaliste et très europhobe dans une certaine mesure – ce clivage vous le trouvez finalement trop réducteur ? 

Je le trouve tout à fait pertinent sur tout ce qui est Etat de droit, libertés fondamentales. Cela, je pense qu’il faut le rappeler matin midi et soir. Peut-être conditionner les aides, les fonds structurels, c’est en tout les cas une des questions qui doivent être posées. En revanche je pense que sur toutes les questions, migratoires par exemple – même s’il y a des opinions différentes…

Vous trouvez  qu’Orbán pose les mêmes questions ?  

Vous parlez d’Orbán, je veux par exemple aller sur Salvini et l’Italie, on ne pourra pas avoir une feuille de route européenne sur la question migratoire sans le faire avec l’Italie évidemment, l’un des pays d’accueil - avec la Grèce, les plus importants - donc nous sommes obligés de travailler ensemble et nous sommes obligés ensemble d’apporter des réponses au peuple européen. 

Donc vous craigniez qu’Emmanuel Macron, avec cette stratégie du clivage…

Je ne crains rien parce que j’ai exactement dit que j’ai trouvé que ce clivage, qu’il pose aujourd’hui, était pour moi pertinent, mais que dans un 2etemps quand s’ouvrira le temps de la campagne il faudra s’adresser à l’ensemble de nos compatriotes.  

Donc vous trouvez que c’est une bonne chose finalement d’engager cette campagne sur la question migratoire par exemple, qui est quand même l’agenda mis en avant par les nationalistes. C’est eux tout de même qui choisissent de mettre cette question-là en amont devant toutes les autres. 

Je pense que la question sociale et économique est question première probablement pour nos concitoyens et nos compatriotes : dans leur avenir économique, de l’avenir de la croissance, du type de croissance, la durabilité de cette croissance, de notre modèle social, de tout cela, je pense que ces questions là sont absolument centrales pour nos concitoyens. Je ne veux pas ne pas voir qu’il y a aussi des questions effectivement qui touchent à la question migratoire, il faudra bien que l’Europe à un moment ou à un autre ait une vraie feuille de route sur cette question-là et c’est bien de le regarder en face. 

Qu’est-ce que vous préconisez avec M. Salvini ? Ce qui se passe en ce moment, les Français refoulent des gens du côté italien de la frontière, Salvini décide de déployer la police à la frontière. 

Je pense que sur  cette question migratoire, il faut avoir le regard large, d’abord il faut redire à ceux qui nous écoutent et nous entendent que c’est une question mondiale, qu’il n’y a pas que la France ou que l’Europe qui sont concernées par cette question, qu’il y a des dizaines de millions de personnes qui sont des déplacés dans le monde aujourd’hui. Que cette question concerne plus encore par exemple le continent africain, qu’elle concerne plus encore la migration qu’on appelle Sud-Sud c’est à dire du sud vers le sud dans des pays du Sud, que nous, nous ne sommes finalement concernés que par une petite part. Alors ensuite nous pouvons dérouler, je ne suis pas sûre que nous ayons le temps maintenant ; mais au fond il faut recentrer le droit d’asile sur ce qu’il doit être. 

Il faut apaiser les esprits. 

Oui, il faut apaiser les esprits. Il faut regarder les choses en face et il faut des grands principes. On a besoin d’un droit d’asile qui fonctionne. Il ne peut fonctionner que s’il est recentré sur ce qu’il est censé protéger et traiter, c’est-à-dire les réfugiés, et le droit d’asile ne doit pas devenir une manière, au fond, de demander un visa pour l’Union européenne, donc il faut recentrer le droit d’asile, il faut avoir une cohérence des politiques européennes. Aujourd’hui, vous n’avez pas les mêmes temps d’attente quand vous faites une demande en France, en Allemagne, dans les pays du Nord de l’Europe, le projet de loi Collomb avait dit « Il faut arriver à six mois », il faut arriver à six mois et peut-être moins, ne serait-ce que pour des raisons humaines. Nous n’avons pas le même taux de reconnaissance : quand un Afghan demande la protection dans un pays, il y a un pourcentage qui va jusqu’à 80% dans un pays et 30% dans un autre pays qui est pourtant ouvert et protecteur des droits de l’homme qui est la Suède. On a un problème de taux de reconnaissance. On a un problème des déboutés du droit d’asile. Quand vous avez des déboutés du droit d’asile dans un pays, ils reviennent dans un autre pays redemander l’asile. Je pense qu’il faudra harmoniser le droit d’asile européen. Nous y allons, c’est la volonté française, c’est la vision d’Emmanuel Macron et je crois que nous devrions, on n’a pas le temps de parler de l’Afrique, changer notre regard sur notre relation avec l’Afrique, avoir un vrai partenariat avec l’Afrique et ouvrir aussi le débat sur – je suis persuadée qu’on devra ouvrir le débat – sur la migration économique en Europe. On n’ose pas l’ouvrir, on ne parle que de l’asile, mais à la vérité il faudra qu’on traite cette question, avec ce qu’on appelle les visas multiples, ce que certains pays ont réussi à faire, c’est-à-dire la possibilité de permettre des allers et des retours, y compris pour la migration économique.

Juste une question de solidarité vis-à-vis de l’Italie et de ces pays de premier accueil…

Mais évidemment, c’est une question de solidarité envers l’Europe, mais cette solidarité sera d’autant mieux exercée que nous aurons une politique commune. C’est vraiment, je pense, simplement du bon sens que de le dire, c’est-à-dire qu’on décide ensemble quelles sont les politiques et vers quelles politiques nous allons.

Dernière question sur les élections européennes. C’est très difficile de comprendre aujourd’hui comment fonctionnent les partis européens. Vous avez cette question avec le PPE, qui est donc le Parti populaire européen qui regroupe la droite européenne.

Qui regroupait les droites européennes.

Oui, et dans lequel vous avez aussi bien Angela Merkel que Viktor Orban, aujourd’hui, et les Républicains français. Qu’est-ce qu’il faut comprendre ? Est-ce que… D’abord il avait été question d’exclure Orban, aujourd’hui il n’en est plus question.

Alors, je vais vous répondre, mais je ne suis pas militante et adhérente du PPE.

Je le sais bien.

Et je l’ai même quitté, quand le PPE s’est élargi aux conservateurs britanniques et à Forza Italia, parce que je trouvais que ça dénaturait le projet européen. Ce que je vois, alors comme observatrice du PPE, je pense qu’il vont rester – alors pour l’instant il n’y a ni sanction ni exclusion – mais on a le sentiment qu’ils veulent rester ensemble parce que leur politique c’est, au fond, la loi du plus grand nombre, et donc pour être le plus puissants possible, ils veulent rester ensemble, même au prix de contorsions des uns ou des autres, parce qu’on a bien vu

C’est très difficile, pour les électeurs, de s’y retrouver. Il y a une question sur la Tchéquie.

Non, non, c’est… Peut-être, sur les familles politiques : on voit bien qu’Emmanuel Macron aimerait bien s’associer avec les libéraux, dont le MoDem fait partie au niveau européen… 

Non, non non… Allez-y, posez votre question, mais ce n’est pas tout à fait cela.

Cela ne paraît pas si simple que cela, en fait, de réussir une OPA amicale sur les libéraux démocrates au Parlement européen ?

Je crois qu’il ne faut faire aucune OPA sur personne. Ces affaires ne sont pas les affaires des partis, ce sont des questions historiques, c’est ce que je disais. Après, évidemment, il faudra une expression commune, au sein du Parlement européen, de tous ceux qui se retrouvent dans ce pôle central, large on va dire, de la vie politique européenne et qui souhaitent renouveler la vie politique européenne, parce qu’on a une vie politique européenne qui est d’un classicisme abyssal depuis des décennies, avec les deux mêmes formations, alternativement ou ensemble, au fond, qui dirigent l’Union européenne, il faut le dire aussi à ceux qui nous regardent. Et donc, essayer de changer tout ça – les conservateurs d’un côté, les socialistes de l’autre, pour aller vite – essayer de changer tout ça, ça doit faire partie de la volonté que nous portons si nous voulons changer l’Europe. Nous le ferons en alliance avec un certain nombre de familles, vous avez parlé de la famille libérale, dont je ne fais pas partie. C’est une famille qui existe, il y a une famille démocrate que nous animons avec François Bayrou et Francesco Rutelli, il y aura une famille des progressistes, il y en aura d’autres, je veux dire, ne mettons pas de point ou de stop à l’arrivée des uns ou des autres. Au plus le pôle central sera large, au plus et au mieux on pourra réformer l’Europe.

Alors, poursuivons cet entretien avec ce qui s’est passé hier à Londres. Alors, plus de, les chiffres divergent, mais en tout cas plus de 700000 ou un demi-million de personnes ont manifesté hier à Londres, des europhiles, des gens favorables à l’Europe, et toutes ces personnes demandaient un référendum sur l’accord ou l’absence d’accord avec l’Union européenne après l’échec de la réunion de Bruxelles, cette semaine, sur le Brexit. Comment est-ce que vous voyez ces initiatives, est-ce que, pour vous, les gens manifestent en Angleterre cet attachement à l’Europe et est-ce qu’on peut aboutir à la fin de ce Brexit, est-ce qu’on peut avoir un exit du Brexit ou c’est de la science fiction ?

Moi, je pense depuis le premier jour que tout cela – je l’ai pensé depuis le premier jour - serait très difficile et très compliqué. Je n’ai pas fait partie des gens qui ont applaudi le départ de la Grande-Bretagne, il y a plus de deux ans maintenant, en disant « Ah, enfin ils partent, on va pouvoir faire des choses », non, ça m’a d’abord toujours rendue assez triste que les Britanniques quittent notre Union européenne, et j’ai considéré que c’était un échec pour l’Union europénne, et j’a toujours pensé que la séparation serait compliquée et difficile. Eh bien, on le voit, vous voyez, quand on voit aujourd’hui, par exemple, sur quoi butent les relations et le départ de la Grande-Bretagne, les frontières… ça bute sur une question : l’intégrité irlandaise, l’intégrité des accords de paix passés en 1998 qui interdisent, en quelques sorte, qu’on refasse une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. C’est la question sur laquelle aujourd’hui, grosso modo, le Brexit bute. Cette question, il n’y en a pas eu un mot au moment de la campagne que Cameron avait lancée, et au moment du référendum. C’est vous dire à quel point on a été dans une espèce d’opération de politique politicienne, sur un certain ressentiment à l’égard de citoyens, par exemple, de pays de l’Est qui venaient en Grande-Bretagne, etc., avec probablement un certain nombre de raisons de ressentiment à l’égard d’eux, entre guillemets, à Bruxelles. Mais toutes les questions cruciales qui sont maintenant à trancher, qui sont sur la table aujourd’hui, elles n’étaient pas et elles n’ont pas été débattues. Et donc, c’est vous dire la distance entre la réalité historique de ce que nous sommes en train de vivre et cette campagne qui avait lieu en ces temps-là.

C’est pour cela que vous trouvez qu’un deuxième vote, sur un éventuel accord à l’amiable, serait souhaitable ?

Je ne vais pas m’avancer. Je prends bonne note que cette question monte en Grande-Bretagne et qu’il y a – il y avait 700000 personnes – c’est absolument considérable, qui ne demandent pas à revoter sur le Brexit, je veux bien le dire à ceux qui nous regardent, qui demandent juste, au fond, à ce que le peuple britannique ait son mot à dire sur l’accord final. Cette question concerne les Britanniques. Mais je le regarde, et je vois comme vous que de plus en plus de Britanniques sont engagés vers cette proposition.

Quelques questions sur la politique intérieure française. Il y a eu un remaniement du gouvernement français. C’est un gouvernement taillé sur mesure pour les élections européennes, tel qu’il a été constitué, on entend beaucoup cela, avec notamment le ministre de la Culture qui vient du parti centre droit Agir, le MoDem qui est revenu en force dans ce gouvernement, Modem dont vous êtes vice-présidente.

Écoutez, moi je trouve que c’est un très beau gouvernement, alors je ne vais en dire que du bien.

J’imagine.

Je trouve que les arrivants : Marc, qui passe là (montrant l’écran), est excellent, on a vu Jacqueline Gourault, il y a quelques minutes, et je vois qu’il y a…

Qui a donc un grand ministère des Territoires.

Oui, et bien depuis qu’elle a ce grand ministère des Territoires, on a vu la semaine dernière, au fond, le dialogue repartir avec les associations  d’élus et le pouvoir exécutif. Le président de la République les a reçues, le Premier ministre les a reçues, et on voit bien la volonté de Jacqueline Gourault de, au fond, regarder les problèmes les uns après les autres et d’y apporter des réponses. Donc, j’en suis très heureuse. C’est un gouvernement qui est un bon gouvernement, qui est au travail.

Le Président du MoDem, François Bayrou, avait exprimé quelques doutes sur l’action du Président de la République l’été dernier. Les doutes sont effacés ?

Je ne crois pas que François Bayrou se soit exprimé de façon-là, je crois qu’il a dit une chose ; nous disons une chose depuis un certain temps, c’est que le président de la République s’exprime, ce que d’ailleurs, il a fait. Et c’est ce qu’il doit continuer de faire. Nous ne cessions de le dire, alors que sa dernière intervention datait du mois de mai. Le président de la République, il doit être en permanence en proximité avec les Français. Il doit leur expliquer le sens de l’action, là où nous allons, quelle est la vision, quel est le cap, quelles sont les difficultés, parce que bien sûr il y a des difficultés quand on gouverne, on est confronté à un monde de difficultés. Mais le rôle du président, c’est d’expliquer, porter la vision, rassembler, et unir. 

Quand vous dites « il doit s’exprimer », mais on lui a beaucoup reproché ce que lui appelle son « parler vrai », il a d’ailleurs dit que ça pouvait poser quelques soucis dans une allocution télévisuelle. Est-ce que c’est juste un problème de forme, ou c’est aussi un problème de fond ? Diffusion d’extraits choisis.

Il faut qu’il parle différemment aux Français, Emmanuel Macron ?

Je crois qu’il a lui-même reconnu que certains propos avaient pu choquer. Je trouve ça très bien quand un président de la République a cette lucidité-là. Je crois qu’un président de la République, c’est deux choses à la fois, en même temps : c’est une forme de verticalité du pouvoir, qui est absolument nécessaire, on a besoin d’avoir un président de la République qui soit respecté en France, en Europe, et dans le monde, et il l’est, je peux vous le dire, pour voyager énormément, le nom d’Emmanuel Macron est connu dans tous les pays dans lesquels je vais. C’est absolument incroyable la manière dont la France est aujourd’hui regardée depuis l’étranger. Elle est regardée avec des yeux qui sont plus que bienveillants. Il y a donc une verticalité du pouvoir qui est nécessaire, qu’il ne faut jamais abandonner. Et il y a en même temps une nécessité d’empathie et de proximité. 

Il en a manqué ?

Il a dit lui-même que dans sa façon de parler, qui est peut-être trop cash par moments, ça a pu choquer, et il en tiendra compte. Et je trouve ça bien qu’il le dise. J’ai connu beaucoup de présidents de la République, et je ne citerai pas de noms, qui n’avaient pas cette capacité de regarder ce qui n’allait pas bien, de se remettre en question, et de faire cet exercice de lucidité y compris sur eux-mêmes. Donc moi je trouve que c’est très bien. 

Quand il parle comme ça Emmanuel Macron, ce n’est que de la forme ? Ce n’est pas, après tout, du fond ? 

Est-ce qu’aujourd’hui en matière sociale, malgré toutes les dépenses françaises, malgré la dépense publique française qui est extrêmement importante, est-ce qu’on fait formidablement bien ? Est-ce que chaque Française et chaque Français bénéficiant d’aides sociales ou d’une assistance sociale est à un moment absolument satisfait, retrouve une place, retrouve un parcours, retrouve une chance ? La vérité est que non. Bien sûr, qu’il faut re-regarder cette question, re-penser cette question, et probablement revoir à un moment nos politiques sociales.

Je voudrais vous interroger sur la possibilité pour une opposition en France d’exister aujourd’hui. Notamment votre réaction sur ce qu’il s’est passé ces derniers temps avec Jean-Luc Mélenchon, les perquisitions, et toute une frange de la population qui estime, à tort ou à raison, avoir des difficultés à exister parce que le parti de Marine Le Pen a ses propres difficultés judiciaires, celui de la France Insoumise aussi, est-ce que le climat n’est pas un peu inquiétant ?

Pourquoi je parlais du rôle du président de la République il y a une seconde ? Je crois que le président de la République est le président de tous les Français. Je ne crois pas que le président de la République soit le président juste de ceux qui ont voté pour lui au premier et au deuxième tour, si vous me demandez vraiment ce que je pense. Je crois que l’ensemble des courants – vous dites l’opposition, mais il y a des oppositions, et à vrai dire moi je n’aime pas trop le terme d’opposition, à la vérité des sensibilités différentes, et c’est bien ! C’est bien qu’elles s’expriment, et c’est même vital pour la démocratie qu’elles s’expriment. Je préside une commission des Affaires étrangères qui est très large, il y a 73 députés, de toutes sensibilités, eh bien nous arrivons à trouver, quand ce sont des enjeux qui engagent la France, quand il y a une responsabilité pour la France, on arrive à trouver des chemins de convergence. Il y a des oppositions, et c’est bien, chacun a le droit de penser librement dans notre pays et heureusement. Est-ce qu’il y a besoin de contre-pouvoirs ? Oui, vitalement. Est-ce qu’il y a assez de contre-pouvoirs en France ? Ma réponse est non, il n’y a pas assez de contre-pouvoirs. Par exemple on a un parlement qui n’est pas assez fort. Je viens du Parlement européen, je vous garantis qu’au Parlement européen – ce n’est pas exactement la même chose, je ne peux pas comparer car il n’y a pas de gouvernement élu, c’est la Commission – mais en tout cas il y a ce qu’on appelle la co-décision, qui fait que pas une décision ne peut être prise sans l’accord du Parlement européen. Ce n’est absolument pas le cas en France. Et moi, chaque fois que je vois des responsables, des ministres, le président, ou le Premier ministre, je plaide pour dire qu’un exécutif fort a besoin d’un parlement fort. C’est absolument vital. Donc oui, on a besoin de davantage de contre-pouvoirs en France. Une démocratie ne peut vivre durablement que s’il y a des contre-pouvoirs forts. 

Alors qu’Emmanuel Macron a des problèmes de popularité, suite à une rentrée assez chaotique, il y en a un qui a l’air de s’en tirer plutôt bien, c’est Edouard Philippe, le Premier ministre. Comment expliquez-vous ce décrochage dans les études d’opinion ? Et qu’est-ce que ça peut entraîner comme développement politique ultérieur ? Parce que de fait, l’homme fort actuellement, c’est plutôt le Premier ministre.

Je crois que c’est plutôt le président de la République et le Premier ministre qui sont tous les deux à la tâche. Le Premier ministre a eu un moment de difficulté, il ne faut pas le nier, ce qu’on a appelé l’« affaire Benalla », ça a été une affaire qui a fait beaucoup de bruit, peut-être plus de bruit qu’elle n’aurait dû faire, mais il n’empêche que ça n’a pas été un bon moment. Donc j’invite à ce que cette page – et je crois que c’est ce que le président de la République a fait – cette page, elle devait être tournée. C’est ce qu’il a fait avec ce nouveau gouvernement et avec ce qu’il a dit et ce qu’il a proclamé devant les Français quand il s’est exprimé. On a un Premier ministre qui est au travail, et je trouve que les deux sont extrêmement complémentaires. C’est vrai, peut-être que le président a été très première ligne dans cette séquence, qui n’était pas une très bonne séquence. Eh bien, écoutez, c’est important peut-être de reprendre un peu de hauteur, et pour moi c’est ça le rôle du président.

Qu’est-ce que vous pensez de la comparaison que font certains entre ce qui s’est passé en Italie, et ce qui pourrait éventuellement se passer en France, si les extrêmes se regroupent d’une façon ou d’une autre ?  Parce que la Ligue et le Mouvement 5 étoiles en Italie, c’était loin d’être évident. Est-ce que la France peut prêter le flanc à ce genre de manœuvres ?

Je crois une chose : je vous parlais des élections européennes qui sont pour moi historiques, tous les jours je suis obsédée par une chose, c’est que cette élection d’Emmanuel Macron, qui a été quelque chose complètement nouveau, cette politique nouvelle, cette rupture avec des pratiques anciennes de faire de la politique en France avec ces partis droite-gauche, je plaide pour que tout ceci soit durable. Parce que nous avons une obligation de réussite. Nous avons interdiction d’échouer. 

Vous craignez un scénario à l’italienne, en fait ?

Pourquoi je dis que nous avons obligation de réussite, nous avons interdiction d’échouer ? Parce que si on échoue, il peut se passer n’importe quoi derrière. Au fond, aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative républicaine. Il y a éventuellement ce qui se passe dans d’autres pays comme l’Italie. Je ferai tout, de toutes mes forces, pour éviter ça à mon pays, mais il ne s’agit pas simplement de montrer du doigt, et de dire « ceux-là ne sont pas bien, ceux-là ne pensent pas bien » ; je ne crois pas ça. Il s’agit, nous, de répondre aux questions des peuples, et de répondre précisément à leurs attentes. Et si les démocrates ne sont pas foutus de répondre aux attentes, aux inquiétudes, aux préoccupations de nos concitoyens, de nos compatriotes, eh bien ce sont les régimes autoritaires qui le feront. Et moi je n’en veux pas.

Il nous reste une quinzaine de minutes pour aborder les questions internationales et d’actualité internationale. Une dernière question sur la politique en France. Ce qui s’est passé avec Jean-Luc Mélenchon, concernant cette enquête sur les assistants européens, votre propre parti, vous-mêmes êtres concernés par cette enquête-là. Avez-vous réagi à la réaction de Jean-Luc Mélenchon ?

Je pense que c’est très simple : les partis politiques sont des justiciables comme les autres. Les partis politiques ne sont pas au-dessus de la loi, et ils ont à apporter les preuves qu’on leur demande.  

Allons sur l’actualité internationale, aujourd’hui très tournée vers l’Arabie Saoudite, déjà vers la Turquie, avec la mort de ce journaliste, Jamal Khashoggi. Il a été assassiné dans l’ambassade saoudienne à Istanbul en Turquie. La France a un peu tardé à réagir. Hier, il y a eu quelques mots d’Emmanuel Macron. Le ministre des Affaires étrangères a condamné ce meurtre, et a demandé une enquête exhaustive. Il y en a d’autres, les ONG, Amnesty International qui demandent à ce que ce soit les Nations Unies qui mènent une enquête, vous y êtes favorable ?

Je suis tout à fait favorable à ce que ce soit les Nations Unies. Cet acte est abominable, il est éminemment condamnable, éminemment inacceptable, et oui je suis sensible au monde des ONG. Mais vous savez, pour qu’il y ait une enquête indépendante des Nations Unies qui puisse aboutir, qui puisse se faire, il faut l’accord de toutes les parties. Oui, formons le vœu que toutes les parties se mettent d’accord pour accepter une enquête indépendante.

N’êtes-vous pas troublée par le jeu des États-Unis ? Donald Trump a été d’un cynisme absolument hallucinant. Il est allé jusqu’à justifier finalement le meurtre presque par accident, par des tueurs voyous, hors de contrôle…

Ce n’est pas ma lecture. Ce n’est d’ailleurs pas la lecture d’un certain nombre de responsables politiques. Ce n’est pas la lecture de l’Union européenne. Ce n’est pas la lecture de la France. De ce point de vue-là, M. Trump a une lecture qui me semble un peu isolée et assez loin de la vérité des faits.

Vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, Emmanuel Macron a eu l’occasion d’expliquer à quel point ce pays était important au niveau stratégique pour la France ; est-ce que vous pensez que la France peut adopter une position plus ferme comme celle d’Angela Merkel, et de considérer, non seulement à cause de l’affaire Khashoggi, mais aussi de l’affaire des bombardements au Yémen, est-ce qu’il est éventuellement possible à un moment donné de reconsidérer les ventes d’armes à ce pays ?

Il y a beaucoup de sujets dans votre question. Il faut qu’on s’arrête deux minutes. Pourquoi est-ce que les Occidentaux, d’une manière générale, ont des partenariats stratégiques avec l’Arabie Saoudite ? C’est pour une raison simple : il vaut mieux avoir de la stabilité, dans un contexte régional extrêmement difficile, et il vaut mieux avoir de la stabilité dans nos relations dans ce pays et dans cet environnement régional. Cela, c’est le premier point. Ce n’est pas parce qu’on est partenaires, ce n’est pas parce qu’il y a un partenariat stratégique, qu’on ne peut pas dire les choses, qu’on ne peut pas avoir des exigences. Je vous ai dit, au niveau de l’enquête, ce que je crois.

Après, il y a la question du Yémen. Moi je pense que s’il y a bien un moment, avec ce qui s’est passé, et ce qui peut affaiblir en partie l’Arabie Saoudite, que nous devrions nous, un certain nombre de puissances, remettre la pression pour que cesse la guerre du Yémen, pour que cesse cette guerre qui a démarré il y a trois ans – tout le monde pensait, à l’époque, je parle des parties prenantes, que ça durerait un mois – trois ans après, nous avons des morts, une catastrophe humanitaire, un drame économique total, des questions de choléra, des questions de santé, d’acheminement des vivres, d’acheminement du fioul, une population qui est dans un état d’attente et de demande humanitaire et de protection extrêmement important. Moi je dis, profitons peut-être de ce moment-là pour relancer les accords de paix, et mettre un terme à cette guerre abominable du Yémen. 

Madame de Sarnez, on parle du Yémen parce que l’Arabie Saoudite est engagée militairement au Yémen. Vous dites qu’il faut de la stabilité dans la région. Pensez-vous que le prince héritier Mohamed Ben Salman est un facteur de stabilité dans cette région, quand on voit ce qui s’est passé avec le Premier ministre libanais Hariri ? Avec ce qui se passe là, aujourd’hui tous les regards se tournent vers le prince héritier dans cette affaire de journaliste assassiné à Istanbul. Donc est-il un facteur de stabilité ?

Je ne veux pas avoir de jugement, sur les personnes, mais des jugements sur les politiques, moi j’ai beaucoup d’interrogations, il y a eu toute une campagne sur la conduite des femmes, mais j’ai une interrogation sur les droits de l’Homme en Arabie Saoudite. Et je ne suis pas la seule. De ce point de vue-là, je trouve que l’ambassadrice du Canada a dit des choses extrêmement justes. On a toujours la loi du tutorat, etc. On ne va pas aller sur toutes ces questions-là, mais ces questions qui concernent les femmes en Arabie Saoudite, il faut que ça change, il faut que ça évolue. Là, on a au fond une espèce de montée en puissance d’une espèce de remise en cause, avec l’affaire de Jamal Khashoggi. C’est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter, que la communauté internationale ne peut pas accepter. C’est quelque chose qui bafoue les droits humains. C’est quelque chose qui bafoue le droit international. 

Vous pensez que ça va forcément aller plus loin, ou est-ce qu’on pourrait voir les Turcs, qui sont en train de donner des informations au compte-goutte, s’arranger d’une façon ou d’une autre avec Riyad, et finalement que rien ne se passe ?

Je suis pour que la vérité sorte, et toute la vérité. Pour que tous ceux qui ont commis ces abominations soient punis. Et je suis pour que cela se fasse dans la plus grande transparence. Mais c’est quelque chose que doit demander l’ensemble de la communauté internationale.

La France exporte des armes en Arabie Saoudite. Vous, vous organisez des auditions à l’Assemblée nationale sur la problématique, notamment des exportations françaises à destination des pays belligérants engagés au Yémen. Plusieurs ONG demandent une commission d’enquête, autour de ces exportations, est-ce que vous y êtes favorables ?

C’est simple, les commissions d’enquête, ce sont les présidents de groupes qui peuvent les demander. Il faut que les ONG demandent aux présidents des groupes, et il y en a un paquet à l’Assemblée, il y en a même un de plus depuis la semaine dernière. Donc on est passés à 8 groupes. Soit le groupe majoritaire, soit les autres groupes, c’est eux qui ont la possibilité de mettre en place des commissions d’enquête. Notre commission des Affaires étrangères a quant à elle la possibilité de mettre un place une mission d’information, c’est ce que nous allons faire, c’est ce que nous avons décidé de faire, sur le contrôle des armes. Un mot sur la question des armes. La France vend et exporte des armes. Je veux dire deux choses de ce point de vue-là : 1/ si nous n’exportions pas d’armes, nous ne pourrions pas financer notre propre défense, et notre propre capacité à avoir une industrie de défense, car les seules commandes nationales ne suffiraient pas à la financer. C’est pour ça qu’il faut toujours remettre les choses dans leur perspective. 2/ il y a des textes. Il y a des textes de l’ONU, de l’Europe, qui mettent un certain nombre de stops à la vente des armes, et qui conditionnent les ventes d’armes au respect d’un certain nombre de principes. Nous devons respecter ces textes. Ces textes sont respectés en France. Il y a une commission interministérielle, qui fait son travail, avec la secrétaire générale de la Défense nationale, cela remonte les arbitrages au Premier ministre ; la France fait ce travail. Est-ce que le parlement est associé à tout ça ? Il l’est davantage aujourd’hui qu’hier. Il reçoit désormais un rapport annuel sur les exportations des armes. Est-ce qu’il est aussi bien associé que les pays européens qui nous entourent ? La réponse est non. Il y a des pays qui font mieux que nous. L’Allemagne fait mieux que nous. Il y a des pays dans lesquels l’information est plus régulière. Elle n’est pas seulement annuelle. Il y a des parlements dans lesquels il y a des délégations ad hoc, avec une possibilité de secret défense pour les parlementaires qui y siègent, plus au fait de ce qui se passe. Et je pense pour ma part que la France peut aller plus loin. Cela va dans le même sens que quand je vous parlais il y a quelques minutes du rôle du parlement ; on doit aussi pouvoir renforcer le rôle du parlement sur cette question-là. On aura une mission d’information sur les pouvoirs du parlement de faire en sorte d’avoir le maximum de transparence et de contrôle pour vérifier que les textes internationaux et européens qui s’appliquent à notre exportation d’armes soient respectés. 

D’accord, donc de manière générale, quel que soit le pays concerné.

Exactement.

Parce qu’il y a aussi l’Égypte, plus récemment, qui a été pointée du doigt. On aurait vendu des armes à l’Égypte, qui ont finalement servi à réprimer des manifestants plutôt qu’à lutter contre le terrorisme.

Toutes ces questions-là. On me dit que ce ne sont pas les armes françaises qui ont servi à réprimer les manifestants, mais je ne veux pas rentrer là-dedans. Je ne suis pas une spécialiste des questions de défense, mais en tous les cas, le parlement devra à mon sens pouvoir faire davantage et être en mesure de pouvoir dire à nos concitoyens que oui, nous effectuons un contrôle qui est probablement maintenant plus efficace et plus transparent.

Question sur la Russie et les États-Unis, avec l’annonce par Donald Trump qu’il allait se retirer de ce traité signé en 1987 entre Reagan et Gorbatchev, et qui interdisait les armes nucléaires de moyenne portée.

C’est un traité de plus, dont Trump se retire. Une décision de plus, on ne va pas toutes les énumérer parce qu’on n’a pas le temps, mais de l’accord de Paris jusqu’à aujourd’hui, où Trump fait cavalier seul. On ne peut pas construire un ordre mondial, si on a la première puissance mondiale qui fait cavalier seul sur tous les sujets. Sur les sujets de grande ampleur comme la question du désarmement nucléaire, qui est une immense question, ou sur la question du climat. 

Les Britanniques incriminent les Russes en disant que ce sont eux qui ont les premiers violé l’accord… 

Oui, ensuite on va avoir cette guerre-là, de communication. La responsabilité, au fond, d’homes et de femmes politiques, ça n’est jamais d’exacerber les tensions. Ça doit toujours essayer de faire baisser les tensions. La responsabilité des hommes et femmes politiques, quels que soient leur rôle et leurs missions, c’est de participer à un nouvel ordre du monde. Et c’est donc apaiser les tensions, et ne pas les exacerber. Et c’est ce que j’attends des États-Unis. Les États-Unis, c’est un formidable peuple, un immense peuple, et il a, au fond, sa partie à jouer dans l’équilibre futur du monde. Mais pour revenir sur la question européenne, je sais que si l’Europe n’existe pas demain, si elle n’est pas forte, si elle n’est pas unie, si elle n’est pas politique, l’équilibre du monde ne sera pas le même. 

C’est sur ces mots d’apaisement et d’Europe que s’achève cet entretien. Merci beaucoup Marielle de Sarnez d’avoir accepté notre invitation et répondu à nos questions.




 

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