"Lorsqu’il y a une offre politique nouvelle sérieuse sur la table, le Front national peut baisser"

Marielle de Sarnez, député européenne, était ce lundi l’invité de Frédéric Rivière sur RFI. Pour la vice-présidente du MoDem, la montée du Front national n’est pas une fatalité. Quand il y a une offre politique nouvelle, explique-t-elle, le FN peut baisser.

Bonjour Marielle de Sarnez.

Bonjour.

Le contrat pour la vente de 2 navires de guerre a été officiellement signé samedi au Caire entre le Premier ministre Manuel Valls et le Président égyptien, al-Sissi. Je rappelle qu’il s’agit ici des 2 Mistral que la France avait finalement refusés de vendre à la Russie. Est-ce que c’est mieux de les vendre à l’Égypte ?

C’est mieux de les vendre à l’Égypte que de ne pas les vendre du tout, et je crois que l’on va récupérer à peu près l’argent qui était en cause. Après, si vous me demandez « Est-ce qu’il faut avoir des relations avec la Russie en ce moment avec ce qu’il se passe en Syrie », je vous réponds : oui. Oui, il faut avoir des relations avec la Russie. Oui, je ne vois aucune perspective politique possible, d’issue à ce conflit terrible en Syrie – et d’ailleurs en Irak – sans mettre autour de la table l’ensemble des puissances régionales et la Russie fait partie des puissances qui, évidemment, doivent se placer autour de la table.

La France a tort de se fâcher avec la Russie ?

On a eu raison de dire à la Russie « Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi en Crimée et en Ukraine », dont acte. Mais, en même temps, on ne règlera pas, on ne trouvera pas d’issue de crise sans la Russie en Syrie.

Et a-t-on raison d’être très proche de l’Égypte également ?

Écoutez, oui, je pense que l’Égypte doit être un pôle. Alors, pour le moment, c’est compliqué, le gouvernement n’est pas le gouvernement idéal que nous, démocrates, souhaiterions. C’est cependant un pôle de stabilité dans une région qui est sacrément déstabilisée, quand vous voyez ce qu’il se passe en Syrie, en Irak, de l’autre côté jusqu’en Libye, et c’est mieux d’avoir un pôle de stabilité que l’inverse.

Alors, justement, quand on voit ce qu’il se passe en Turquie aussi – un attentat qui a fait une centaine de morts ce week-end - vous êtes inquiète de l’évolution de la situation dans ce pays ?

D’abord, c’est l’abomination, l’horreur, tous ces jeunes qui étaient venus pour célébrer la paix - je trouve que c’est terrible - et qui ont trouvé la mort. J’ai vraiment une pensée pour eux parce que je trouve que c’est abominable. Ensuite, qui est à l’origine de cela ? Est-ce qu’on le saura un jour ? Est-ce qu’il y aura réellement des enquêtes ? Je souhaite vraiment que toute la clarté, la vérité soit faite sur cette abomination. En même temps, on voit bien qu’il y a un climat de tension en Turquie. Est-ce que le gouvernement participe de la montée de ces tensions ? Peut-être est-ce possible. Je crois qu’il faut que le dialogue reprenne entre le parti politique qui représente les Kurdes et le gouvernement, il faut que cet esprit là progresse.

L’Europe a-t-elle fait une erreur en trainant des pieds pour le processus d’adhésion de la Turquie ?

Peut-être qu’elle a fait une erreur en disant à la Turquie qu’un jour elle pourrait adhérer à l’Union européenne.

Jacques Attali disait ce week-end que le tournant islamiste était la conséquence du fait que les négociations n’aient pas avancé.

C’est absolument faux. Je pense que c’est une thèse que l’on ne peut pas avancer et qui est même dangereuse parce que cela reporterait indirectement sur l’Europe les complications et le « tournant islamiste » de ce qu’il se passe en Turquie. Donc je trouve que, de ce point de vue, Jacques Attali, me semble-t-il, est quelques fois mieux inspiré que cela. Je ne partage pas son avis.

Vous pensez que la Turquie pourra un jour adhérer ?

Oui, bien sûr. L’Europe est encore à faire, elle est encore à faire, elle est à s’intégrer davantage mais sûrement avec un nombre de pays limité. Après il faut que l’on ait une politique de voisinage intelligente, la Turquie fait partie du voisinage européen, il faut que l’on ait une politique avec elle, notamment en matière économique, en matière de sécurité aussi, sur ce on voit bien que la Turquie est un pays – on va dire – avec des comportements politiques pour le moins ambigus, ils ont été ambigus vis  à vis de la guerre en Syrie et vis à vis d’Assad. Vous savez très bien que, à un moment, ils ont joué la déstabilisation donc ils ont renforcé indirectement Daech ou les alliés de Daech. Alors, ils sont enfin investis, en même temps, on voit bien que ceux qui sont investis sur le terrain contre Daech, que sont les Kurdes, cela ne peut pas fonctionner de cette façon-là. Donc, on voit bien qu’il faut que le dialogue reprenne maintenant, rapidement.

Marine Le Pen est convaincue d’être au second tour de l’élection présidentielle de 2017, c’est un scénario qu’elle croit possible, comme de nombreux responsables politiques. Est-ce que vous en faites partie ?

Je vois bien que tout cela tourne beaucoup. Non, je n’en fais pas partie, parce que ce n’est pas ce que je souhaite, d’abord. Au fond, la responsabilité de nous, femmes et hommes politiques, c’est d’essayer peut-être de changer le paysage politique et pas simplement de le prendre tel qu’il est ou tel qu’il évolue. Elle pourrait être là si effectivement par exemple nous avions seulement François Hollande / Nicolas Sarkozy – pour aller vite – c’est-à-dire le match retour de candidats qui, au fond, ne sont pas parmi les candidats les plus plébiscités des Français. Ils sont assez impopulaires dans tous les systèmes d’opinion. Effectivement, Marine Le Pen peut monter. Alors, peut-être il y aura une offre nouvelle, une donne nouvelle. Dans tous les cas, lorsqu’il y a une offre politique nouvelle – on l’a vu par exemple en 2007 – sérieuse sur la table, le Front national peut baisser.

Qui peut représenter cette offre politique nouvelle ?

Vous savez que nous soutenons Alain Juppé.

Il n’est pas très nouveau, Alain Juppé.

Écoutez, je crois qu’il a les qualités, c’est quelqu’un d’estimable, c’est quelqu’un de respectable, c’est quelqu’un qui pourra agir différemment, peut-être, de ses prédécesseurs. Parce que la clé est aussi la suivante : il y a la question de la personnalité et il y a la question de faire enfin en sorte que la présidentielle qui arrive soit une présidentielle utile pour le pays, c’est-à-dire qui permette de faire avancer le pays vers un projet de société avec un certain nombre de réformes à conduire et qui ne sont pas conduites depuis 30 ans. Quand on se demande pourquoi le Front national monte, bien sûr il monte sur la misère de l’emploi, sur la crise économique extrêmement lourde – 6 millions de chômeurs en France, c’est terrible, vous imaginez le nombre de familles qui sont touchées –, sur aussi toute cette mise en scène vis-à-vis de « l’étranger » - ce qui est pour moi quelque chose d’absolument détestable - ; mais ils montent aussi à cause des carences des gouvernements de la France depuis 30 ans. Depuis 30 ans, on voit bien qu’à chaque élection présidentielle c’est la même chose, on a les promesses qui, en général, ne sont pas tenues et on n’a pas d’efficacité dans la chose publique et politique donc il faut faire bouger tout cela.

François Bayrou aimerait bien un rapprochement entre François Fillon et Alain Juppé pour la primaire à droite. C’est, d’une certaine manière, la stratégie de ce qu’on appelait « TSS » à l’époque, c’est à dire le : «  Tout sauf Sarko ».

Non, je ne suis pas d’accord avec cela. Mais, après, on peut regarder si un certain nombre d’éparpillements de candidatures, évidemment, dessert les candidats les plus importants. Donc, Alain Juppé, pour être en bonne position a intérêt d’être le plus rassembleur possible y compris dans son propre parti. Voilà ce qu’a voulu dire François Bayrou.

François Bayrou a oublié, ou a pardonné les propos de François Fillon sur le vote du candidat le moins sectaire en cas de duel PS-FN aux municipales ?

Écoutez, François Fillon a des qualités, il est estimable, il a été Premier ministre de la France pendant 5 ans, c’est quelqu’un avec qui franchement on peut travailler. Après, moi, je n’étais pas d’accord avec sa déclaration ; mais, oui, ce serait bien qu’Alain Juppé rassemble, le plus largement possible au sein de sa propre famille politique. Ce serait un bon signal.

Avant les élections présidentielles, il y a les régionales dans 2 mois. Est-ce que vous craignez le score du Front national ?

Mais moi je n’ai pas à craindre, je n’ai pas à redouter, on a une classe politique qui est comme tétanisée – François Bayrou a dit « comme des lapins pris dans les phares d’une voiture » -.

Il y a les élections précédentes qui l’ont placée.

Oui. Enfin, on a vu aux élections précédentes que les départements qui devaient, soi-disant, basculer n’avaient pas basculé donc peut-être que les régions qui doivent, soi-disant, basculer ne basculeront pas. En tous les cas, je souhaite que es républicains et les démocrates fassent en sorte que ces régions ne basculent pas. Je pense que les réponses du Front national ne seront pas les réponses qui seront bonnes pour le pays et en même temps je vous dis que la classe politique française a une responsabilité en face de cela : il faut qu’elle avance et qu’elle détermine des politiques différentes. On voit bien que, depuis, 30 ans, on est dans une forme d’impuissance, il faut changer tout cela et ce sera la meilleure réponse à apporter.

Merci Marielle de Sarnez, bonne journée.

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