"Livrer des armes aux rebelles syriens représente un très grand risque"

Au micro d'Europe 1, vendredi, François Bayrou a appelé "à la prudence et à la réflexion" au sujet du projet de livraisons d'armes de la France et de la Grande-Bretagne aux rebelles syriens. Il a également critiqué le "degré de liaison et d'intimité" entre les dirigeants français et le Qatar, pays "lié aux mouvements fondamentalistes".

Jean-Pierre Elkabbach - Après deux ans de guerre civile en Syrie, le président Hollande, soutenu par David Cameron, a demandé à Bruxelles la levée de l'embargo sur l'envoi d'armes à l'opposition syrienne. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ? 

François Bayrou - Je suis très interrogatif sur cette position. Je sais bien être minoritaire puisque, pour simplifier, l'UMP et le PS sont sur la même position. Mais je trouve qu'il y a là un très grand risque de pris. 


Ça veut dire que vous êtes contre ? 

Laissez moi expliquer ! Ce sont des sujets suffisamment graves pour qu'on essaye d'avoir le minimum de réflexion nécessaire. Nous allons nous lancer dans l'escalade et la surenchère des livraisons d'armes. Nous aurons en face la Russie et l'Iran, qui vont livrer encore plus d'armes au régime, sans retenue et nous allons les justifier dans leur livraison. Deuxièmement, la question est : à qui livrons-nous des armes ? Il y a des gens très bien dans l'opposition syrienne, mais il y a aussi - on le sait - des mouvements fondamentalistes. Nous avons vu en Libye ce que faisaient les livraisons d'armes et le fait que cela se répande dans toute la région, dans tout le Sahel et que nous ayons ensuite à les affronter. Troisièmement, cette décision ne prend pas en compte le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une guerre d'un dictateur contre un peuple. Il y a cette dimension, mais il y a aussi celle d'une guerre intercommunautaire, des communautés ethniques et liées à la religion. Le fait que la France s'engage ainsi mais que les autres pays européens, en dehors de la Grande-Bretagne, disent "Attention, il y a un risque très important", doit nous amener à réfléchir beaucoup plus qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant. J'appelle donc à la prudence, à la retenue et à la réflexion. 


François Hollande et Laurent Fabius n'excluent pas que la France souveraine, y aille seule. 

La France est un pays qui a cette chance de pouvoir prendre des décisions, comme nous l'avons vu au Mali. J'ai soutenu cette opération et je pense qu'elle était justifiée. Nous n'avons pu le faire que parce que nous avions la souveraineté, y compris militaire, et les moyens élémentaires nous permettant de décider d'intervenir d'une heure à l'autre. 


Vous dites donc que si nous luttons déjà contre les djihadistes au Mali, ce n'est pas la peine de leur donner des armes en Syrie ? 

Vous avez traduit en termes plus clairs et vigoureux, ce que j'avais dit en posant la question : à qui livre-t-on les armes ? 


D'autant plus, François Bayrou, que les rebelles sont régulièrement alimentés en armes par l'Arabie Saoudite, le Qatar et leurs différents alliés ? 

Exactement. En ce moment, en France, est en train de se révéler un degré de liaison, d’intimité, entre les dirigeants - actuels et passés - et un État étranger, qui est le Qatar. Le Qatar a sa propre stratégie et ses propres relations. Nous savons bien qu'il est lié aux mouvements fondamentalistes et qu'il s'installe en Europe et en France. Les dirigeants français, actuels et passés, devraient prendre un degré d'indépendance à l'égard d'influences réelles et très fortes. 


Vous trouvez qu'on ménage trop le Qatar ? 

Le Qatar est très riche. Parce qu'ils sont riches, on dit : "Nous devons dérouler le tapis rouge, dans toutes les dimensions : le sport, les courses de chevaux, mais aussi l'armement, l'entrée dans de très grandes entreprises stratégiques françaises". Le mur de verre qui devrait exister entre la vie politique française et un pays étranger doit être respecté. 


Barack Obama va se rendre en Israël dans quelques temps. Il vient d'annoncer à la télévision israélienne que dans un an l'Iran aurait l'arme nucléaire et que d'ici là toutes les options sont sur la table, y compris militaires. 

Vous voyez à quel point nous sommes dans un monde dangereux. Dans ce monde dangereux, il est important de ne pas baisser la garde et de ne pas être engagé, y compris contre son gré, dans des démarches qu'on pourrait regretter. 


François Hollande va présider mardi et à la fin du mois, deux conseils de Défense. Est-ce que la Défense peut échapper aux coupes prévues par Bercy, puisqu'on dit que personne ne doit échapper aux économies ? 

La responsabilité du président de la République sur ce sujet n'est pas facile. Je n'ai pas l'intention de traiter cela d'un trait de plume. Mais on vient de voir au Mali qu'une partie très importante du statut de la France, de sa puissance et du fait qu'elle est respectée, vient de ce que nous avons les moyens de l'intervention militaire quand il le faut. Nous devons donc sauvegarder les moyens qui sont ceux des armées françaises, pour des interventions de ce type. C'est une précaution nécessaire ! J'entendais ce matin que, si nous faisions un certain nombre de coupes, nous ne pourrions plus faire des opérations comme celle au Mali. Or, c'est cette intervention qui, ces derniers mois, a donné à la France un statut différent. 


Le président socialiste de la commission de la Défense au Sénat, Jean-Louis Carrère, disait hier "La patrie est en danger". Sans aller jusque là, vous montrez vous aussi que vous êtes préoccupé. Peut-être qu'il y a des économies à faire, sauf si le gouvernement indien se met à acheter des Rafales pour 3 milliards d'euros... 

Mais nous ne pouvons vendre les Rafales pour 3 milliards d'euros que parce que l'armée française a été la première à en commander ! 


Vous aviez préféré François Hollande. Est-ce qu'il est en train de réussir ? 

Pour l'instant, il est dans une très grave difficulté, parce que les Français ne voient pas clairement quelles sont les décisions de la politique qu'il va suivre. C'est cette clarification qui est nécessaire. 


Vous avez approuvé quelques décisions, d'autres mesures vous les critiquez. Le président de la République envisage de légiférer par ordonnance, de manière technique et exceptionnelle. La France est bloquée. Est-ce une clé contre les blocages ? La mode récente était de dénoncer la dictature de l'urgence. Aujourd'hui, si François Hollande accepte d'accélérer son rythme, est-ce qu'il faut le critiquer et le condamner pour autant ? 

S'il accélère le rythme sur les sujets techniques - le labyrinthe des normes, la simplification nécessaire des textes - il n'y a rien à dire sur ce sujet. Vous voyez bien que l'État, en France, est bloqué et bloquant. Il n'arrive même pas à respecter les décisions qu'il prend. La simplification des normes est nécessaire ! 


Avec l'élection d'un pape argentin, est-ce que le centre du monde est en train de basculer ? 

Le centre du monde est moins européen qu'il ne l'était. Mais la vocation de l'Église est d'être universelle. Il y a dans l'Amérique Latine, en Afrique, en Asie, beaucoup d'hommes et de femmes qui mettent de l'espoir dans cette élection. Et en Europe aussi ! 


Un pape qui choisit un modèle sobre de voiture, qui s'arrêter pour payer son hôtel, c'est un pape qui va sans doute abattre les murailles du faste et du protocole. Ce sont des signes qui parlent pour vous ? 

Oui. Ce sont des signes qui parlent. Il y a une volonté de simplicité, qui existe aussi dans le nom de François d'Assise qu'il a pris.

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