"L’incompréhension que le gouvernement a manifestée à l’égard de l’école est comme une provocation"

Le président du Mouvement Démocrate, François Bayrou, a affirmé ce mercredi au micro de Radio Classique et Paris Première que l'alternance en 2017 devait être "le signal de départ de la suppression de la réforme du collège".

Guillaume Durand - Bonjour François Bayrou.

François Bayrou - Bonjour.

On a l’impression que François Hollande est un peu hors-sol.

En tout cas, la posture qu’il a choisie ne peut que rencontrer le scepticisme, d’abord ironique et puis après fâché des Français. Quand vous pensez que le thème de la réunion électorale de lundi était « ça va mieux à l’école », que vous êtes enseignant, que vous voyez toutes les difficultés qui sont très lourdes et qui ne tiennent pas seulement aux postes... L’incompréhension que le gouvernement a manifestée à l’égard de l’école, de tous ceux qui la font, de tous ceux qui la portent et de tous ceux qui y subissent des échecs, c’est comme une provocation. Pour beaucoup d’entre eux, c’est comme une gifle.

Ce qui est assez bizarre, c’est que dans le magazine Society, Manuel Valls qui est toujours pugnace avait l’air de dire aussi qu’un certain nombre d’erreurs avaient été faites. Là, rien ne figurait dans cette réunion du théâtre du Rond-Point pour commémorer les 80 ans du Front populaire, pas la moindre parenthèse, pas la moindre manière de considérer que les choses ont été ratées. Il a quand même une nature particulière ce garçon !

Moi, je ne suis pas un adepte de la confession publique et de la contrition à perpétuité. La question que vous posez ne porte non pas sur un discours mais sur l’ignorance de la réalité. En effet, le nombre d’incidents, d’échecs, de situations insupportables que les Français voient sous leurs yeux et vivent dans leur vie est quelque chose d’extraordinairement frappant et même d’extraordinairement choquant. Moi, je ne crois pas du tout qu’une campagne aussi « méthode Couet » puisse avoir la moindre chance de convaincre les Français.

Est-ce que vous pensez que François Hollande sera au second tour ?

Je pense depuis longtemps que François Hollande a perdu le crédit qui lui a été fait pour ces cinq années et donc ses chances de réélection, parce qu’il a refusé ou il n’a pas su assumer la fonction de Président de la République qui devait être la sienne, c’est-à-dire de quelqu’un qui montre le chemin, qui est en phase avec le peuple qui l’a élu et qui dessine un horizon. Il s’est dérobé perpétuellement à ce devoir pour une raison que tout le monde voit bien : il ne fallait pas fâcher une partie de sa majorité. Or, un Président de la République ne doit pas vivre avec l’idée d’une majorité. Ce n’est pas son travail mais celui du Premier ministre. Le Président de la République doit vivre avec l’idée d’un peuple tout entier, réuni, pas d’un peuple coupé entre majorité et opposition, entre droite et gauche et à l’intérieur de la gauche entre une certaine gauche et une autre.

Laurent Berger qui a soutenu en partie le projet de loi El Khomri est quand même très critique ce matin dans Le Figaro, il parle des désordres dans la rue. Il y a encore des manifestations avec des interpellations et des blessés parmi les forces de l’ordre. Il dit qu’il n’y a absolument aucun cap, que l’on n’explique pas aux Français exactement où l’on va, ni sur le plan économique ni sur le plan politique. C’est quand même le réquisitoire le plus violent d’une sorte d’allié idéologique de la gauche !

Il y a une chose qui est extraordinairement frappante : cette loi El Khomri est emblématique de la dernière partie du mandat. Cette loi, si importante, dans laquelle le gouvernement joue sa crédibilité et peut-être sa survie, le Président de la République n’en a jamais dit un mot devant les Français. C’est une loi très importante - en tout cas dans sa première mouture, dans les intentions qui étaient les siennes - puisque c’était une loi qui affirmait que l’assouplissement du droit du travail était une condition pour que les emplois se créent. François Hollande n’assume pas sa ligne politique. C‘est pourquoi il va se trouver dans de très graves difficultés. 

Est-ce que vous pensez que le 49-3 est l’arrière-pensée de Manuel Valls ? C’est ce que dit un ancien conseiller de Myriam El Khomri ce matin dans les journaux. 

Ce n’est pas une arrière-pensée, c’est une nécessité. Sauf à aller de recul en recul, ce qui n’est jamais impossible, ils ne trouveront pas de majorité pour ce texte. Les décomptes qui ont été faits, y compris par le rapporteur, sont incroyablement pessimistes puisqu’il manque plusieurs dizaines de voix. On va tout droit vers un accident parlementaire qui peut s’achever en effet par un 49-3.

Ce matin, un sondage Elabe montre que trois quarts des Français sont contre cette loi dans l’état actuel des choses. Si on la passe en force avec trois quarts des Français qui sont contre la situation sociale, je ne vois pas comment elle pourrait s’améliorer…

Mais la situation sociale ne s’améliore pas, c’est un plan de communication - d’ailleurs sans substance - qui consiste à multiplier les affirmations autour de ce mantra qui dit « ça va mieux ». Ça ne va pas mieux, les Français le savent et plus on leur dit que ça va mieux quand ils voient que ce n’est pas le cas, plus cela les fâche. 

Est-ce que vous considérez qu’Alain Juppé - c’est le point de vue par exemple d’un politique et sondeur Gaël Sliman - a d’ores et déjà gagné la primaire parce que son avance est trop considérable pour que même une entrée en campagne tonitruante de Nicolas Sarkozy puisse lui permettre de remonter ?

Guillaume Durand, je peux me tromper mais ceux qui disent que les élections sont jouées à l’avance n’en ont jamais vécu de l’intérieur. Alain Juppé a une avance mais cette avance est une avance qui peut être remise en question au fur et à mesure que l'on avance. Ce n'est pas joué d'avance. Il va lui revenir de porter et d'alimenter l'espoir que beaucoup de français mettent en lui, dont moi.

Justement, ¾ des français sont contre la loi travail dans son aspect actuel, n'est-ce pas un problème pour la droite et le centre qui voulaient toiletter le code du travail et qui voulaient mettre une part de libéralisme dans la société française pour rattraper nos voisins, et de se rendre compte que finalement les français sont tout à fait hostiles à tout cela?

C'est par ce que l'on ne leur parle pas et par ce que l'on ne fait pas la pédagogie des orientations que l'on prend, on ne les défend pas! Il n'y a pas de leadership! On ne s'adresse pas au peuple des citoyens qui sont les premiers concernés par ce qu'il va se passer.

A propos de la loi, j'approuve que l'on puisse créer des discussions à l'intérieur de l'entreprise et que ces discussions puissent changer la manière dont on travail, cela est une bonne chose. Cependant, je suis radicalement opposé à deux orientations: la première c'est la surtaxe des CDD, je rappelle qu’aujourd’hui il a près de 90% des contrats de travail qui sont signés en CDD, si on croit que par ce qu'on les surtaxe, les entreprises vont créer des CDI, cela prouve qu'il y a une partie de la gauche qui n'a pas les yeux en face des trous du point de vue du travail! Ils ne ressentent pas les choix de l'entreprise. Je trouve que cette mesure est anti-économique et anti-emploi. Ma deuxième opposition concerne le fait que l'on baisse ce que rapporte les heures supplémentaires. Je pense que l'on doit payer le travail. L'idée selon laquelle on va faire en sorte qu'une heure supplémentaire ne rapporte pas aux salariés est une idée que je combats!

Nicolas Sarkozy rigolerait en vous entendant défendre les heures supplémentaires...

C'est peut être par ce que vous n'avez pas suivi les campagnes nombreuses que nous avons faites sur ce sujet. Si il y a un point sur lequel j'ai été plutôt proche de Nicolas Sarkozy c'est sur celui des heures supplémentaires. Ma seule différence est que je propose que l'on en abaisse le coût en amputant la prime sur les charges que les heures supplémentaires paient. 

Revenons sur les propos assez durs, qui touchent aussi les français, d'Emmanuel Macron à l'égard du salaire de Carlos Ghosn, il est en train de le menacer de légiférer. Faut-il faire une loi sur les rémunérations des grands patrons du service public?

Je ne sais pas s'il faut faire une loi mais quand un salaire devient indécent et outrepasse la limite qui devrait être celle du bon sens et au fond de la décence que l'on doit dans une période de crise, je trouve cela choquant. Je rappelle que l'assemblée générale des actionnaires a refusé cette augmentation de salaire et que naturellement c'est le conseil d'administration au siège - qui sont pour la plupart des gens que l'on a choisi- qui est allé dans le sens de cette augmentation. Je trouve cela extrêmement choquant et tous les Français qui nous écoutent sont choqués et tous ceux qui s'y opposent ont raison.

La dernière question concerne l'éducation car je sais qu'il s'agit d'un sujet qui vous tient à cœur. Tout à l'heure, vous expliquiez «le champs de ruine qu'est l'éducation nationale». Quel est le problème majeur qui est posé car François Hollande et Najat Valaud-Belkacem trouvent que ça va beaucoup mieux? Pouvez-vous nous donner un exemple?

Beaucoup d'enseignants nous écoutent et je vous assure qu'en vous entendant ils font des bonds parce que la situation s'est profondément dégradée et les enseignants ont le sentiment que l'on se moque d'eux. La réforme du collège est une atteinte profonde à leur métier et à ce qu'ils sont. Il y a là un enjeu majeur de l'avenir, l'alternance doit être le signal de départ de la suppression de la réforme du collège, d'une reconstruction à partir de la base de ce que doit être l’Éducation nationale. Ce qui doit se passer dans les classes est avant tout une transmission de connaissances et un soutien à l'épanouissement des élèves. L'important est la transmission de connaissances, il faut que l'on ait le sentiment qu'à l'école on reçoit quelque chose et que lorsqu'on est enseignant on donne quelque chose. Il faut sortir de ces foutaises que sont les soi-disant enseignements pluridisciplinaires à l'intérieur desquels on suggère qu'il faille étudier pendant 3 mois l'électrocution de Claude François... 

Il y ont renoncé...

Oui, ils y ont renoncé mais vous voyez bien que tout va dans ce sens, au lieu d'avoir des enseignements solides on a un chewing-gum, du chewing-gum à plusieurs. Et bien ce n'est pas mâcher du chewing-gum à plusieurs qui peut faire avancer l’Éducation Nationale!

Merci François Bayrou.

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