"L'Europe n'est pas l'unique responsable des difficultés rencontrées"

Au lendemain des élections dans plusieurs pays européens, alors que les peuples semblent exprimer un mécontentement contre Bruxelles, François Bayrou, invité de Thomas Sotto sur Europe 1 commente cette actualité.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Après Syriza en Grèce, c’est Podemos qui séduit les espagnols. En Pologne le conservateur Andrzej Duda a gagné la présidentielle, en Grande-Bretagne, Cameron veut organiser un référendum sur la sortie de l’Union, leur point commun à tous, François Bayrou, c’est qu’ils ne veulent plus de l’Europe qu’on leur propose. Quand est-ce que Bruxelles va entendre les messages envoyés par les peuples ?

D’abord Bruxelles c’est nous, il n’y a pas de Bruxelles qui soit éloigné ou qui soit à l’extérieur des gouvernants nationaux, au contraire ce sont les gouvernants nationaux qui font pour essentiels ce qu’est l’Europe, et bien sûr qu’il y a d’importants changements à apporter qui sont des changements de transparence dans un monde qui apparaît terriblement opaque : il n’y a pas un seul d’entre nous qui sache ce qui se discute en ce moment dans les instances européennes.

Mais ce n’est pas nouveau ça François Bayrou ?

Dans les instances européennes ce sont les nôtres, c’est nous, et avec les difficultés que rencontrent les pays, notamment les pays méditerranéens avec la crise qui s’accentue, ou en tout cas avec les difficultés qu’ils rencontrent parce qu’ils se sont trop endettés, comme nous, évidemment, il y a un mouvement de réserve des peuples. Mais ce n’est pas la seule raison pour ce qui se passe en Espagne, c’est aussi une remise en cause du bipartisme comme on dit, c’est-à-dire du fait que depuis plusieurs décennies ce sont les deux mêmes partis, un de droite, un de gauche, ou un réputé de droite, et un réputé de gauche, qui alternent, se renvoient imparablement la balle de l’un à l’autre à chaque fois qu’il y a une alternance.

On voit bien où vous voulez en venir, c’est qu’il y a une troisième voie qui peut être éventuellement celle du MoDem en France, mais justement en ce qui concerne l’Europe est-ce que vous vous êtes inquiet pour l’avenir même de l’Union Européenne, « il faut changer notre rêve européen si nous voulons le sauver », c’est ce qu’a dit la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Vous êtes inquiets vous ?

Je pense qu’il y a une réflexion que l’Europe doit mener sur elle-même, si on ne voit pas qu’il y a quelque chose qui est profondément remis en cause, on ne voit pas la réalité comme elle est. Faire porter à l’Union Européenne la responsabilité des difficultés que les pays rencontrent c’est se tromper absolument de cible, pour une raison très simple, et que l’on voit aujourd’hui en Grèce : lorsqu’un pays est obligé d’emprunter tous les jours pour vivre, il faut qu’il trouve des gens qui lui prêtent. Et si, ceux qui pourraient prêter découvrent, tout à coup, que leur emprunteur pourrait ne pas rembourser, alors évidemment c’est une explosion des taux d’intérêts de la défiance, du manque de confiance, de tout ce qui ruine une économie.

Il y a eu une alternance en Grèce avec Syriza, qui été fondée sur le fait que beaucoup de grecs avaient le sentiment que l’on était infiniment trop durs avec eux, et dans le style, et dans le fond, c’était probablement vrai, mais le fait est qu’il n’y a pas d’autres portes de sortie que de rétablir une confiance, et si jamais on avait, dans ces pays méditerranéens, ou chez nous, la France, des risques qui apparaissaient, alors oui en effet, il y a des risques d’explosion de l’Union Européenne ou de la zone Euro. Ce qui met sur nos épaules, nous, pays européens, une responsabilité immense, parce que l’on ne voit pas jusqu’où irait la réaction en chaine qui ferait sauter cette double appartenance.

L’actualité politique en France c’est aussi la loi sur le dialogue social que les députés doivent examiner à partir d’aujourd’hui. Les discussions entre partenaires sociaux ont échouées, du coup on va passer par la loi, et dans Le Monde du jour, le ministre du travail, François Rebsamen n’exclue pas un recours au 49.3, c’est-à-dire un passage en force, c’est la règle du jeu ou ça vous choque vous ?

D’abord il y a une question de crédibilité de ces affirmations, je vous rappelle que le 49.3, c’est-à-dire le passage en force, le texte adopté sans vote sauf censure, ce 49.3 ne peut être utilisé qu’une seule fois par session, donc cela voudrait dire que ce serait dans une autre session ordinaire que ce genre de question pourrait se poser, ça c’est la première question. La deuxième question c’est le fond du texte, bon comme le ministre l’a dit, ce n’est pas une révolution, il y a des choses qui vont plutôt dans le bon sens, et tout ce qui va dans le bon sens c’est la simplification, c’est-à-dire, le fait que dans les entreprises de moins de 300 salariés, on ne soit plus obligé d’avoir des comités multiples de représentants du personnel pour organiser des questions multiples, mais qu’on puisse en faire un seul, à l’intérieur duquel le dialogue social serait plus facile et plus simple, cela va plutôt dans le bon sens. Est-ce que je puis rappeler que Monsieur Rebsamen avait dit qu’il allait concernant les seuils, lisser ces fameux seuils à 10 et à 50 qui font que les entreprises hésitent à embaucher un salarié de plus, ou plusieurs salariés de plus parce que ça va changer complètement la manière d’être dans l’entreprise, et les relations à l’intérieur de l’entreprise, il l’avait promis, et il ne l’a pas fait, en ça c’est plutôt un manque et un recul. Donc on va voir le débat à la manière dont il va s’organiser et les améliorations qui j’espère pourront être apportées à ce texte.

Il devrait y en avoir puisqu’il y a plus de 500 amendements qui ont été déposés. Est-ce que vous êtes un républicain François Bayrou ?

Je suis un républicain, vous êtes un républicain, nous sommes des républicains, et c’est pourquoi la question de la captation de ce terme par un seul parti politique, c’est ce que vous voulez me faire dire, est un élément de trouble. Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est qu’hier, le mot républicain était un mot de ralliement, de rassemblement, tous, nous pouvions affirmer au moins que nous étions des républicains, et demain ça va être un nom de parti, c’est-à-dire un nom non plus de rassemblement, mais de division, et de ce point de vue-là je trouve cela regrettable.

Et un républicain comme vous envisage-t-il de concourir pour la primaire, ou êtes-vous toujours le numéro bis d’Alain Juppé ?

Non vous savez je n’ai pas changé d’inquiétude à propos de la primaire. La primaire c’est un mécanisme qui risque de donner un poids trop important au plus dur de chaque camp, et donc pour moi c’est un mécanisme qui, en plus oblige à être d’un camp ou de l’autre alors que au contraire toute ma vie politique c’est d’expliquer que il n’est pas vrai soit divisé en deux camps. Et donc dans dix-huit mois, sauf tremblement de terre, non, en effet, je n’ai pas l’intention pour ma part, beaucoup de mes amis ont l’intention de voter, d’aller essayer de peser dans le sens qu’ils souhaitent, mais pour ma part en tout cas je n’ai pas ce sentiment.

Vous n’irez pas voter vous ?

Non.

Visiblement Nicolas Sarkozy a réussi à apaiser son parti, on sait que vous n’êtes pas les meilleurs amis du monde, vous pensez qu’il a vraiment changé ou ce sont des fariboles tout ça ?

Non je n’emploie pas vraiment le mot de faribole mais des hommes politiques qui disent qu’ils ont changé, on en a beaucoup entendu, on a peu souvent constaté que c’était la réalité. Je pense que la question principale pour un homme publique, pour un homme d’état aujourd’hui en France, c’est : est-ce que vous avez une vision différente pour l’avenir de ce qui a été fait dans les décennies précédentes ? Cela c’est une question essentielle, principale. Vous voyez bien que les peuples, partout, ont besoin qu’on trouve une approche qui leur permette à la fois de reprendre leur destin en main, et d’être équilibrés. La deuxième question, si vous avez une approche différente, c’est est-ce que vous avez l’intention de rassembler, ou, au contraire, d’être un responsable diviseur ? Et moi je préfère les gens qui ont une approche différente et qui préfèrent rassembler, en tout cas c’est cela la ligne politique qui me paraît indispensable pour le pays aujourd’hui.

J’ai une dernière question concernant la réforme du collège. Vous avez été le premier, François Bayrou, a appelé à une manifestation nationale concernant la réforme du collège, et ce juste après la publication du décret la semaine dernière, c’est pour quand cette manifestation ? Est-ce que ça tient toujours ou est-ce le gouvernement a gagné cette bataille est tout le monde est passé à autre chose ?

Vous voyez bien ce que le gouvernement cherche. Le gouvernement cherche la résignation, il sait très bien que beaucoup de gens sont en désaccord, il a lu, comme vous, les prises de positions différentes des grands intellectuels français, et pas des « pseudo-intellectuels » comme l’a dit la ministre.

Et il a gagné cette bataille de la résignation ?

Et donc c’est ça que le gouvernement cherche. Les vacances arrivent dans un mois, et donc moi je pense au contraire qu’il faut choisir la mobilisation, il faut que tous ceux qui voient un mauvais coup grave pour l’avenir des enfants dans cette réforme, il faut que tous ceux-là se rencontrent, prennent contact entre eux, travaillent entre eux.

Vous avez vu quelque chose de très important ce week-end, le président de la plus importante fédération de parents d’élèves de gauche, la FCPE avait pris faits et causes pour la réforme et fait inédit, qui ne s’était jamais passé auparavant dans cette fédération, il a été écarté de cette fonction, probablement parce qu’il y a beaucoup de parents d’élèves qui, comme ces enseignants, intellectuels ou responsables y voient une attente à une des choses les plus précieuses que nous avons.

Et donc on voit dans votre esprit que ce n’est pas fini, merci en tout cas d’avoir été avec nous ce matin.

 

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