"L’Europe est ce qui nous permet d’affronter ensemble les grands problèmes de la planète"

François Bayrou était, ce matin, l'invité d'Olivier Mazerolle sur RTL. Le président du MoDem a défendu avec conviction l'Union Européenne : "l'Europe n'est pas l'effacement des nations, c'est le ciment des nations d'un même continent qui a déjà connu trop de conflits".

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Est-ce que vous êtes de ceux qui espèrent que le Brexit sera une chance pour relancer l’Europe et trouvez-vous que les chefs d’État et de gouvernement sont à la hauteur?

Le Brexit est une chance de clarification. Vous savez au fond depuis le début de l’Union Européenne, depuis quarante ans, il y a deux visions qui s’affrontent et les britanniques qui viennent de choisir de sortir étaient les porteurs de la première vision. La première vision est : l’Europe est un marché. La responsabilité première de ceux qui ont la charge de l’Union Européenne est de permettre au marché de fonctionner le plus librement possible et c’est pourquoi on fait des règlements, des normes pour dire ce que doit être le moteur des tondeuses à gazon, le bruit des aspirateurs. Ce ne sont pas des choses méprisables comme on croit mais vous voyez bien que ceux sont des choses secondaires. 

La deuxième vision, dont la France était la porteuse, est : l’Europe est ce qui nous permet d’affronter ensemble les grands problèmes de la planète. Qu’est-ce qui se passe au Moyen-Orient ? Comment fais-t-on pour équilibrer les grands ensembles comme la Chine, qui par exemple veulent se protéger pour leurs intérêts comme les États-Unis, comment équilibre-t-on cela ? 

Est-ce que vous avez le sentiment que depuis que les anglais ont dit on s’en va, cette seconde vision, celle d’une Europe politique qui peut peser sur la marche des affaires du monde, est partagée par d’autres pays que la France toute seule ?

Je pense en tout cas que le poids s’est équilibré. C’est à dire que la deuxième vision était isolée. Je ne suis même pas sûr que les dirigeants français de ces dernières années avaient exactement cette vision à l’esprit mais ça s’est équilibré à l’intérieur de l’Union Européenne. Cependant, il ne faut pas se dissimuler qu’il y a beaucoup de pays qui continuent à entretenir cette première vision. 

Madame Merkel, vous la situez où, parce que c’est elle le pivot aujourd’hui ?

Un peu moins. Angela Merkel est chancelière de la République Fédérale d’Allemagne, elle était le pivot parce qu’elle pouvait jouer entre français et anglais. Je crois qu’une part de la vision un peu sombre qu’elle a aujourd’hui est que, évidemment les anglais étant partis, on ne peut plus avoir ce jeu de bascule, que de toute éternité, historiquement l’Allemagne apprécie. L’obligation désormais pour le Chancelier allemand c’est d’avoir un partenaire français puissant. La question est de savoir s'il y a un partenaire français puissant ? S'il y a à la tête de la France - qui est redevenue un puissance centrale - une vision, une volonté de l’exprimer.

Et alors ?

Pour l’instant, et sur les 4 années que nous venons de vivre, le moins que l’on puisse dire, sans faire de polémique inutile, c’est il n’y a pas eu cette vision.

Mais il y a eu le barrage allemand, parce que Madame Merkel c'est l’austérité, on l’a vu au sujet de la Grèce, tous les migrants ont le droit de venir en Europe …

C’est parce que la France n’existait pas à la hauteur où elle devait exister que Madame Merkel a joué un jeu solitaire et en effet pas bien venu quand elle décide toute seule du volume de réfugiés qu’elle va accueillir, quand elle va toute seule négocier avec le Président Turc.

D’ailleurs, au passage, un mot d’Istanbul et du sentiment de tristesse et de solidarité que l’on doit avoir entre nous tous, pays qui sommes menacés par ces attentats horribles. Il y a plusieurs dizaines de morts à l’aéroport d’Istanbul et beaucoup de blessés, donc une pensée pour eux. Je reprends : quand Angela Merkel va toute seule négocier avec le président turc, elle ne fait pas oeuvre européenne. De ce point de vue, si la France est absente, si la France est dans son coin, si la France est reléguée en divisions qui comptent moins et bien à coup sûr l’Allemagne prend du poids et joue pour ses propres intérêts. 

Il y a des élections l’an prochain dans ces deux pays, en France et en Allemagne. On voit que du côté de François Hollande, on porte beaucoup d’intérêt à ce que disent les socialistes allemands qui sont contre Angela Merkel. Angela Merkel reçoit Nicolas Sarkozy et est peut-être tentée aussi de s’entendre plus aussi avec la droite française qu’avec la gauche française.
 
Il faut avoir une chose à l’esprit : l’élection présidentielle de 2017 sera, comme le scrutin du Brexit en Angleterre, un moment-clé de l’histoire contemporaine de l’Union européenne. Ce sera LE moment dans lequel la France, grand pays et futur grand pays de l’Union européenne, va dire quelle est sa vision. C’est pourquoi en effet le débat européen va être évidemment au centre de la réflexion du pays, des débats, des confrontations, peut-être des affrontements qui vont avoir lieu autour de cette idée. Il y a des moments clés pour les peuples et le moment de l’élection présidentielle de 2017 va être un de ces moments. Pas seulement pour cette question de l’Union Européenne mais pour la manière dont nous allons vivre ensemble, et la manière dont nous voyons notre avenir.
 

Comment cette élection doit se dérouler pour que le Président français élu, sorti des urnes, puisse avoir un impact et une influence forte sur l’avenir de l’Europe ?

Une chose toute simple, c’est le moment des hommes d’État, c’est le moment des gens qui ne passent pas leur temps à ruser et à faire du slalom entre les différents piquets pour que l’on ne sache pas ce qu’ils pensent ou bien qui choisissent d’aller à tous les coups dans le sens de l’opinion et vers ce qui flatte les gens. C’est un moment où on a besoin de gens qui aient une vision, qui puissent l’exprimer en tenant compte de cette double nécessité : la première, nous sommes une nation et nous voulons le rester, l’Europe ce n’est pas fait pour effacer les nations, l’Europe est faite pour les souder et faire qu’ils puissent ensemble affronter l’avenir. La deuxième nécessité est qu’il puisse exprimer qu’il a un soutien populaire, du corps électoral assez large, pour que cette vision française soit une vision portée par le peuple français.

Dites-moi si je me trompe, j’ai l’impression que le Brexit vous donne envie d’entrer en scelle et d’exprimer ce que vous venez de dire ?

Je vais répéter ce que je dis depuis le début…

Oui mais il y a eu le Brexit entre temps…

Oui mais pour autant ma vision des choses reste intacte. Il y a des moments où les peuples ont besoin de rassemblement. Nous vivons un moment comme celui-là. Si à l’issue de la primaire, à laquelle vous savez que je n’apporte pas beaucoup de confiance et de crédit, si Alain Juppé, qui est capable de rassembler, gagne son pari, alors je l’aiderai. Je ferai ce qu’il faut pour l’aider, mais si jamais ce n’est pas le cas, alors je ferai ce qu’il faut.

Le Brexit n’a pas changé votre façon de penser ?

Je change assez peu d’attitude car j’essaie d’avoir des convictions stables au travers du temps. Nous vivons ce moment politique, vous le savez, vous le voyez tous les jours à votre micro, où les gens passent leur temps à changer d’avis, d’attitude, or on a besoin de stabilité. On a besoin de gens qui, en tenant compte des circonstances et en ayant une capacité d’adaptation, sachent à peu près où ils veulent aller et où ils veulent entrainer le pays qui leur a fait confiance.

If it’s not Juppé, it’s Bayrou !

Vous voyez que vous parlez anglais (rire).

Est-ce que ça vous choque, vous qui êtes croyant et catholique, qu’une association proche de l’extrême droite et de l’intégrisme religieux, que Civitas ait pu obtenir son agrément et puisse devenir un parti politique.

Je suis croyant et même pratiquant et je suis absolument opposé à l’idée qu’on mélange religion et politique. Ecoutez, franchement, nous passons notre temps à pointer du regard l’islamisme, à dire qu’il y a là quelque chose de profondément déstabilisateur. Que peut-on dire à ces gens qui s’égarent dans cette voie-là, si chez nous, nous nous mettons à faire la même chose et à dire que la vie politique est commandée par la religion. Ce n’est pas mon point de vue et je me battrai contre comme citoyen attaché à la laïcité et comme croyant attaché au fait que la foi est une démarche personnelle et qui ne doit pas être mélangée avec la loi.  

Merci infiniment François Bayrou.

Merci à vous.

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