"Le ton de ce livre est optimiste, la France est un pays qui a envie de vivre"

Quand les débats électoraux se perdent en innombrables mesures technocratiques, François Bayrou a présenté ce mercredi 1er février - jour de la parution de son nouveau livre "Résolution française" - une vision, un cap pour la France au micro de BFM TV / RMC.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Selon vous, est-il possible que François Fillon soit obligé de se retirer ?

C’est une possibilité. Tout le monde en parle dans son camp et autour de lui. Le plus grave, dans cette affaire, c’est ce que ressentent les Français, les citoyens, les auditeurs pour vous. Ce sentiment de voir un monde dans lequel il y a des privilèges d’un côté et des sacrifices de l’autre. Toujours plus de sacrifices, toujours plus de privilèges. Je l’explique dans mon livre. 

Résolution française, c’est le titre votre livre qui paraît aux Éditions de l’Observatoire aujourd’hui.

La France est un pays qui a besoin d’équité. Peut-être qu’il y a d’autres pays dans le mode qui acceptent qu’il y ait des différences de classes très importantes. La France est un pays dans lequel nous avons besoin d’être assurés que la loi qui s’applique aux uns est la même loi qui s’applique aux autres. Or, il y a des années et des années que les Français ressentent à juste titre que ce n’est pas comme cela que ça se passe.

Est-ce que vous êtes surpris par tout ce qui arrive à François Fillon aujourd’hui ?

Oui.

Pourquoi oui ?

Je connais François Fillon et jamais je n’avais soupçonné qu’il ait des pratiques de cet ordre. Jamais. J’avais le sentiment que c’était un élu de province qui avait en même temps un engagement national. Je n’avais jamais imaginé que cela s’accompagne, se double de ces organisations.

De ces organisations, c’est-à-dire ? Lui, parle de « calomnies », d’ « opérations très professionnelles » pour le pousser à ne pas être candidat en avril prochain. Vous pensez qu’il est victime de calomnies ?

Chaque fois qu’il y a des calomnies de cet ordre, on entend les mêmes phrases. Je ne veux pas du tout accabler, ce n’est pas ma responsabilité. Ici, ce qui trouble, ce sont les faits et ce sont les sommes.

Les faits vous troublent ?

Oui, bien sûr.

Le soupçon s’est installé chez vous ?

Depuis le premier jour de ces affirmations, il y a des questions qui n’ont pas reçu de réponse. Vous le savez bien, y compris à votre micro. Oui, de ce point de vue, je suis comme les Français, j’ai un sentiment de très grande interrogation. Mais je voudrais qu’on aille un peu plus loin. La question n’est pas seulement un cas particulier.

Enfin, c’est quand même le cas du celui qui est considéré comme le favori à la présidentielle, choisi par la droite et le centre...

Les primaires sont un poison. Je l’ai dit à votre micro dix fois et je le maintiens devant vous. Les primaires n’ont pas la vérité de l’élection présidentielle. L’élection présidentielle, avec ce qu’elle oblige, ce qu’elle apporte de lumière sur ceux qui se présentent, comme implacable vérification de ce qu’ils sont, oblige à dépasser les camps. Vous dîtes « son camp l'a choisi »…

Je n’aime pas le mot « camp ».

Moi, j’utilise le mot « camp ».

C’était le défenseur de la probité, François Fillon.

Oui, c’est justement ce qui est pour les gens troublant. Les primaires – on vient de les vivre à gauche et à droite - au lieu de dégager des candidats ou des présidentiables qui s’adressent à l’ensemble de la France, sélectionnent au contraire des candidats qui ne s’adressent qu’à une partie de la France, qu’à un camp, qui vont chercher toujours les noyaux durs et qui emploient les expressions, qui utilisent les idées les plus exagérées pour que le camp se regroupe autour d’eux. C’est le contraire de l’élection présidentielle. Ce que l’élection présidentielle devrait apporter aux Français – c’est ce pour quoi je plaide dans ce livre – c’est un président garant, qui apporte la garantie de fiabilité, de loyauté et de l’unité du pays. Un homme ou une femme qui s’adresse et qui porte la voix de l’ensemble des Français, qui leur garantit par son intervention que tout est loyal, que le débat qu’ils ont devant eux est un débat loyal.

Est-ce que vous êtes en train de me dresser le portrait de François Bayrou ? Vous êtes le garant de l’unité, loyal ? Il n’y a pas d’affaires qui traînent derrière vous ?

Je n’en ai pas et s’il y en avait, vous le sauriez ! 

Est-ce que l’affaire Fillon vous incite à vous engager dans la bataille présidentielle ?

Le livre qui paraît aujourd’hui, je l’ai écrit depuis plusieurs mois, car je sentais qu’il y avait une absence d’idées dans cette élection présidentielle, une absence de projet. Vous voyez bien que les projets qui sortent, l’un très à droite, l’autre très à gauche, ne correspondent pas à l’attente des Français. Entre les deux, il n’y avait pas de projet jusqu’à maintenant. Je pose un projet sur la table. Ce projet est en particulier une réflexion sur ce qu’est le président de la République dans nos institutions et ce qu’il devrait être : l’homme qui garantit aux citoyens que ce qu’on leur dit est vrai, que les débats sont loyaux, que rien ne se passe derrière le rideau, que tout ou l’essentiel des débats est devant eux.

À travers ce livre et les idées que vous développez, les Français vous diront « oui » ou « non ».

Vous savez, personne ne dit totalement oui ou totalement non. C’est un projet que je porterai dans les débats futurs, qui manquent cruellement de projets. 

Personne ne peut imaginer que vous ne serez pas candidat à la présidentielle.

Le maître de la décision – pardonnez-moi de vous le dire – c’est moi. Je suis maître de ma décision et aussi maître du temps. Je pense qu’il est très important que les choses se décantent. Si vous prenez le paysage politique il y a huit ou dix jours, ce paysage politique n’est plus le même que ce qu’il est aujourd’hui. Vous en êtes le premier observateur.

Est-ce que cette affaire Pénélope Fillon modifie votre choix ?

Elle modifie le paysage, oui. Elle peut influer sur le choix que je ferai. Je ne choisis pas en fonction de mes goûts. Mes goûts seraient plutôt d’entrer dans la bataille.

Vous adorez cela, c’est votre vie !

Ce n’est pas ma vie… J’ai une vie, heureusement ! Comme il m’est arrivé de le dire, à la quatrième fois, quand des candidats se sont présentés, c’est toujours là qu’ils ont fait le meilleur score. Je dis cela avec un sourire, quand on regarde le passé. Mais je ne choisis pas en fonction de mes goûts. Je choisis en fonction de l’idée que je me fais du souci du pays aujourd’hui, qui est immense. Vous le savez bien. Vous êtes enseveli sous les appels depuis des jours et des jours de gens qui disent : « Je travaille et je gagne 1.400 euros par mois ou 1.180 euros par mois ». Comment est-ce possible qu’il y ait non seulement des disparités mais des injustices de cet ordre ? Deuxièmement, je crois que l’on peut s’en sortir. Le ton du livre – les observateurs qui l’ont lu le disent – est optimiste, parce que je crois que c’est un pays qui a envie de vivre, des gens qui ont des qualités, des forces, des capacités, de l’enthousiasme et qui se trouvent aujourd’hui écrasés ou empêchés par une vie politique et un État qui les bloquent.

Vous n’avez pas encore pris votre décision. Vous l’annoncerez quand ?

Si je l’avais prise, je vous le dirais. Je pense que la dissimulation et la ruse sont mauvaises conseillères. Je prendrai ma décision à la mi-février. Je n’ai pas arrêté la date. Je ne l’ai pas encore arrêtée ni choisie. Je crois que l’authenticité des propos est la meilleure défense. 

Vous ne vous reconnaissez pas dans le projet de François Fillon. Il est brutal, vous l’avez dit. Pourriez-vous le soutenir s’il était candidat ?

Il y a des semaines que j’ai dit à François Fillon : « si le projet est à prendre ou à laisser, je réponds que je le laisse ». Je ne partage pas ce projet, pas seulement en raison des péripéties récentes, mais parce que ce projet depuis le début est déséquilibré en ce qu’il frappe et est punitif pour ceux qui sont en bas de la pyramide : ceux qui ont des petits salaires, des petites retraites, à qui l’on va infliger deux points de TVA en plus. On baisse leur pouvoir d’achat. Dans ce projet, on met fin aux 35 heures donc on met fin aux heures supplémentaires. C’est ça la vérité. On baisse donc le revenu du travail. On ajoute de la TVA et dans le même temps, on dit « je supprime l’ISF ». Je ne sais pas si vous voyez le choc. Cette différence de traitement entre ceux qui sont les plus privilégiés et les autres, c’est choquant ! Je sais bien que probablement des aménagements à l’ISF devraient être faits pour que l’investissement dans l’appareil productif – ce que je propose dans le livre – soit protégé ou incité. Mais vous voyez bien que ce n’est pas la même  chose. Par exemple, quand on dit aux fonctionnaires : « On va vous faire travailler 10 % de plus, mais on ne vous paiera pas plus, sauf des tranches que nous négocierons », on ne donne pas aux Français le sentiment que les sacrifices seront partagés par tous et les avantages seront partagés entre tous. Or, c’est un pays qui a besoin d’avoir ce projet social au cœur de la vision qu’il se fait de son avenir.

Est-il possible que vous rejoigniez Emmanuel Macron ?

« Rejoindre » est un mot que je n’emploie pas souvent. J’ai un problème avec Emmanuel Macron et je suis sûr que vous avez le même. À la date où nous sommes, le 1er février, je ne sais pas bien qui il est, quel est son projet. Il vient encore d’en reporter l’annonce de plusieurs semaines. Je ne sais pas avec qui il veut gouverner. Je ne sais pas quel est son positionnement. Je reconnais bien ces mouvements de foule qui sont les siens aujourd’hui, j’ai vécu la même aventure, au même moment, dans les mêmes salles et avec les mêmes chiffres il y a quelques années. Je sais bien qu’une partie des électeurs qui sont sensibles à ce que je dis sont aussi attirés par ce mouvement, mais  je ne sais pas quel type de président de la République on propose aux Français. Peut-être que les jours qui viennent nous permettront d’éclaircir toutes ces choses. Je l’ai dit souvent, dans la période récente au fond, il y a une grande question : est-ce que la France peut être forte dans la compétition du monde – on vient encore d’annoncer ce matin des chiffres très importants – et en même temps porter un projet juste ? L’hypercapitalisme mondial, vous savez bien ce qu’il est : toujours plus aux uns. Il y a huit personnes dans le monde dont les biens représentent autant que ceux de la moitié de l’humanité. Le 1 % les plus avantagés a autant que les 99 autres %. Vous voyez bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Or, il en va de la vocation, de l’âme de la France, de ce que nous portons au plus profond, de porter un autre modèle. Cet autre modèle, c’est une des questions principales de l’élection présidentielle. On a envie d’avoir une société dans laquelle on reconnaisse des valeurs.

C’est ce que vous écrivez dans votre livre. Est-ce que votre heure présidentielle est venue ?

Mon heure est venue depuis longtemps, si vous me permettez de le dire ! Voulez-vous accepter que bien sûr, c’est une question qui me préoccupe, mais que ce n’est pas la question principale. Si je pensais que cela passe principalement par moi, à la première personne, « je », je vous le dirais. Dans la période où nous sommes, où il se passe tellement de choses, je n’ai jamais vu un chaos aussi grave. 

Même dans le monde.

Vous vous rendez compte qu'avec D. Trump, on ne sait pas où cela va finir, cette histoire.

Êtes-vous inquiet ?

Oui. Trump-Poutine, prenez ce binôme ! Vous ajoutez ce qui se passe en Turquie, avec Monsieur Erdogan. Vous ajoutez le Brexit. Et vous vous dites : là nous avons besoin de raison, de force, de solidité et de gens qui voient un horizon, pas seulement une excitation. D. Trump a nommé cette nuit un juge à la Cour Suprême qui est le plus conservateur et réactionnaire qui soit. C’est le contraire de l’idée que je me fais d’un président. Un président ne cherche pas à avantager un camp, mais il cherche à réunir son pays autour de solidités et de respect mutuels. C’est exactement pour cela que cette élection présidentielle a une très grande importance car il s’agit de la définition de ce que nous pouvons faire avec nos enfants. Pas avec la bataille des partis. Pas avec l’idée qu’on va d’un seul coup faire en sorte que les catégories sociales… Non ! Quelque chose qui puisse nous réunir et nous entraîner. Réunir et entraîner, pour moi, sont les deux verbes importants dans la séquence qui s’ouvre.

Une « unité nationale », vous insistez beaucoup dans votre livre, et un « gouvernement d’unité nationale ».

Je pense que c’est dans cette nouvelle forme de gouverner que se trouve une partie de la solution des problèmes du pays. On vient d’apprendre qu’à nouveau le commerce extérieur se dégrade en France. Comment ce pays qui sait fabriquer des fusées, des avions, des hélicoptères, qui a une industrie chimique puissante, qui est fort en mathématiques est-il incapable de nous proposer quelque chose qui nous fasse exister dans les dangers de la compétition du monde ?

J’ai un tweet d’un auditeur qui dit « le centre est pris par Macron ».

Acceptons que ça, c’est de la politique politicienne. Le centre, ce n’est pas un territoire à conquérir. C’est un projet, quelque chose qu’on croit, quelque chose qu’on partage, qui a des racines, qui vient de loin et qui je crois, ira loin.

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