"Le sectarisme partisan est le contraire de l’amour du pays"

Invité de Guillaume Durand au micro de Radio Classique et LCI ce matin, François Bayrou a insisté sur la nécessité de rassembler les citoyens afin qu'ils partagent une idée commune de l'avenir du pays.

Guillaume Durand - François Hollande avait un statut, est-ce qu’il a une stature depuis un mois ?

François Bayrou - En tout cas, il a montré dans les événements qu’il avait fait face avec la dimension nécessaire aux impératifs tragiques du moment. C’est indiscutablement un acquis.

Est-ce un acquis pour lui ou un acquis pour le climat politique général dans le pays ?

Je pense les deux. Je suis minoritaire quand je dis cela. Tous les observateurs disent « c’était un moment, c’était médiatique ». Je pense pour ma part que beaucoup de Français ont eu le sentiment dans cette période qu’ils avaient quelque chose à défendre, que nous n’étions pas un peuple comme les autres ou un peuple qui se résume simplement à une collection de personnes et de communautés qui vivent ensemble. On a mesuré dans ces moments tragiques que la France c’était quelque chose.

Vous voulez dire que ce n’est pas simplement une courbe du chômage, des problèmes économiques, mais aussi Malraux, Camus…

Oui, et même plus simplement l’idée que nous défendons ici des droits, une liberté, des choses qui nous rendent d’une certaine manière rebelle à l’égard de tous ceux qui voudraient nous soumettre.

Grande question concernant le chômage : tout le monde a remarqué durant cette conférence de presse qu’effectivement il a beaucoup parlé de politique étrangère, il va à Minsk cet après-midi – Guillaume Tabard a dit tout à l’heure qu’il ferait des annonces concernant la dissuasion nucléaire – mais enfin la situation économique est tragique. Je ne voudrais prendre qu’un seul exemple : l’histoire du boulanger près de Dax. Ce monsieur a une vingtaine de personnes, il est meilleur ouvrier de France, il travaille 7 jours sur 7 et il se fait condamner par l’inspection du travail qui lui ordonne de fermer. Est-ce que ce n’est pas l’exemple typique du délire français cela ?

On est dans quelque chose qui est inacceptable. Au fond, qu’est-ce que les Français veulent ? Ils veulent que bien sûr le dimanche ne soit pas un jour comme les autres et ils ont raison, et en même temps ils veulent qu’on laisse travailler ceux qui ont envie de travailler. Alors davantage les petits que les très gros. Vous voyez ce que je veux dire : ce n’est pas l’ouverture des grandes surfaces le dimanche que les gens attendent mais au contraire je crois que beaucoup d’entre eux la redoutent. Ce qu’ils veulent et ce qu’ils aiment c’est qu’un artisan, un commerçant…

Mais les boulangers travaillent toujours depuis des années le dimanche matin. La question c’est quelqu’un qui veut travailler sept jours par semaine parce qu’il a 25 salariés donc les salariés tournent et tout d’un coup c’est l’inspection du travail qui lui dit « stop, on arrête » et il est condamné !

Il y a très souvent des abus de cet ordre et j’emploie bien le mot « abus ». On a l’impression que la volonté de créer, la volonté de vivre, la volonté de faire naître des emplois nouveaux ou peut-être des richesses nouvelles est mal vue en France, sanctionnée, et qu’il y a une perpétuelle suspicion, un doute inquisitorial sur ceux qui travaillent. Il suffirait de laisser cela agir pour qu’une grande partie des potentialités françaises, de ses moyens de ses richesses intellectuelles tout d’un coup recréent de l’emploi.

Est-ce que François Hollande est une sorte de schizophrène qui ne voudrait pas voir la situation économique du pays ? Parce qu’à droite, tout le monde lui tire dessus en expliquant que finalement rien n’a changé. Je cite depuis quelques matins les dernières statistiques Eurostat : nous sommes 28 dans l’Union européenne, il y a 24 pays dont le chômage baisse, la France non !

C’est tout à fait vrai. Ce qui était frappant pendant la conférence de presse de François Hollande, outre ses positions qui sont justes je crois en politique étrangère, c’est que pour le reste il a décidé de ne plus rien changer. Comme si la loi Macron était la fin de la réforme... Et puis du point de vue de nos institutions, de la manière dont nous vivons notre vie politique - qui Dieu sait est catastrophique - il a décidé de ne plus rien changer non plus ! Dire « je ne changerai que si j’obtiens un consensus absolu » est une manière détournée de dire que l’on ne changera plus rien…

Il y a des choses absolument essentielles qui vont un jour se retourner contre la démocratie française : la volonté ou le refus de voir des courants différents de notre pays être représentés dans notre vie publique et notamment au Parlement, le fait que l’on écarte de la représentation un très grand nombre de Français, l’extrême-droite, l’extrême-gauche et le centre, ce qui fait plus de 50 % des citoyens. Cela est au bout du compte une menace sur la manière dont nous vivons notre vie publique.

La politique économique de François Hollande est-elle un échec complet ?

Je ne dirais pas cela. Je pense que les 15 dernières années de la vie politique française ont été une incapacité à rendre au pays sa nécessaire liberté et sa nécessaire simplicité.

Donc ce n’est pas François Hollande, c’est Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ?

Oui. Ce sont 15 années - et c’est la raison pour laquelle j’ai si souvent marqué des positions différentes - où on a été incapable de changer et même incapable de nommer les choses qu’il fallait changer !

En 2004, le chômage, pendant 8-9 mois, a été stabilisé et même commençait à redescendre.

C’était le cas à la fin des années 90 et au début des années 2000. Et puis cela à recommencer à fléchir, de même qu’a fléchit notre commerce extérieur, parce que nous avons un commerce extérieur qui n’a cessé de se dégrader. Et, contrairement aux apparences, il se dégrade encore.

Pourquoi François Hollande ne fait-il rien ? Parce qu’il n’est pas idiot.

Je vais vous dire deux choses. La première, c’est que l’on n’ose pas faire ; et la deuxième c’est que l’on ne voit pas bien ce qu’il faudrait faire.

Simplifier le marché du travail, flexibilité, diminution de la pression fiscale sur les entreprises…

Traiter la question du contrat de travail, la question d’un droit social, d’un droit du travail qui est un labyrinthe.

Mais tout le monde le dit.

En tout cas, faisons-le. Cessons de le dire et faisons-le. Cela sera le meilleur service à rendre au pays et à tous ceux qui veulent le faire vivre.

Question : est-ce que vous avez sauté sur votre chaise quand vous avez vu Alain Juppé, au Conseil national de l’UMP, se faire huer quand il a prononcé un mot qui vous tient à cœur : « MoDem » ?

Oui, il s’est fait huer en prononçant le nom de « MoDem », il s’est fait aussi huer quand il a prononcé le nom ou le mot de « déçu de Hollande », parce que le sectarisme, l’esprit partisan, cela est un des plus hauts degrés de la bêtise.

Donc vous dites ce matin que l’UMP est une secte ? L’UMP, telle qu’elle existe actuellement est une secte ?

Non.

C’est vous qui avez employé le mot de « sectarisme ».

J’essaie de choisir mes mots. J’ai parlé de sectarisme militant : l’esprit partisan qui considère qu’il n’y a qu’une seule chose qui compte c’est son étiquette.

Je ne comprends pas très bien. Eux, ils vous traitent de traître, et vous, vous dites « Non, je ne veux pas les traiter de sectaires ».

Je n’ai pas l’intention de rentrer dans le duel des insultes. Ce n’est pas que je ne saurais pas.

Ils vous insultent de facto puisqu’ils vous huent.

Oui, ce n’est pas non plus que parfois je n’aurais pas envie. Je pense que c’est mauvais. Je pense que ce n’est pas la bonne attitude. Je vais vous dire ce qu’ils ne supportent pas.

Qui ? Nicolas Sarkozy ?

Ceux qui sifflent et qui font siffler. Qu’est-ce qu’ils ne supportent pas ? Ils ne supportent pas que l’on soit libre. Ils ne supportent pas d’avoir en face de soi, ou à côté de soi, une volonté et une indépendance.

Mettez-vous à sa place, vous l’avez fait perdre. Il considère que vous, et Marine Le Pen, êtes responsables de sa défaite. Il n’a peut-être pas envie de vous applaudir.

Je ne cherche pas l’applaudir ni à être applaudi par lui, et je ne cherche pas non plus à entrer dans des débats polémiques et ridicules. Le responsable de la défaite de Nicolas Sarkozy c’est Nicolas Sarkozy. C’était le cas en 2012, et c’est le cas encore aujourd’hui – les difficultés qui sont les siennes viennent d’une certaine manière de prendre la politique. Cette espèce de volonté d’opposer les gens, de les faire huer et de les faire siffler, c’est une partie de ce que les Français rejettent chez lui, parce que l’on a besoin d’hommes d’Etat – et de femmes d’Etat - pas d’hommes politiques. On a besoin de gens qui - avec un parcours politique qui leur donne une certaine expérience – considèrent que l’idée qu’ils se font de l’intérêt général est plus importante que les intérêts particuliers au nom desquels il y a des intérêts partisans. L’esprit de parti est le contraire de l’amour du pays. Le patriotisme – appelons-le comme l’on veut – nécessite de rassembler les gens, de rassembler ses concitons, de faire que, tout d’un coup, ils aient une idée de l’avenir du pays qu’ils puissent partager. On doit pouvoir dire "Vous, Guillaume Durand, vous avez voté pour François Hollande, et puis un autre a voté Nicolas Sarkozy et un troisième a voté je ne sais qui, François Bayrou ou un autre et ce n’est pas pour autant nous condamner à jamais à ne pas travailler ensemble".

C’est bien gentil votre histoire d’unité, mais vous venez de faire l’anti-portrait d’Alain Juppé, l’homme responsable. C’est toujours celui que vous soutenez ?

Oui, j’ai de l’estime pour Alain Juppé et je ne vois pas pourquoi je le dissimulerais.

Mais l’estime n’est pas le soutien. Vous parlez de cette union et de ce rassemblement, mais enfin, Alain Juppé s’est prononcé clairement contre le Front national, or il y a 30 % des Français qui votent pour lui. Donc vous nous parlez d’une union mais une union moins 30.

Premièrement, oui, je pense que le pays a besoin de personnalités qui l’entrainent et le rassemblent. Les personnalités qui, au contraire, le déchirent et organisent les affrontements en leur sein ne vont pas pour moi dans le bon sens.

Deuxièmement, vous avez parfaitement raison de souligner que le fait que 30 % des Français se trouvent en dehors du jeu est un drame pour le pays. Et c’est la raison pour laquelle je dis qu’il est indispensable – moi qui ai toujours combattu leurs idées ou leurs obsessions – que ceux qui votent pour le Front national soient représentés dans les assemblées. C’est pourquoi un changement de la loi électorale pour obtenir une loi électorale enfin juste est une nécessité.

Mais vous avez dit vous-même que cela n’arriverait pas.

Et bien si cela n’arrivait pas, c’est la responsabilité et une faute de la part de ceux qui devraient le faire et qui s’y sont engagés. Je me permets de vous rappeler que François Hollande s’y est engagé. Cela a été dans ses engagements de campagne électorale.

Mais vous soutiendrez jusqu’au bout Alain Juppé ?

C’est très simple. Oui, je pense qu’il va aller jusqu’au bout. Il a choisi le mécanisme de la primaire, ce n’est pas le choix que j’aurais fait. Il le sait et vous le savez. Et cependant, je pense que c’est quelqu’un qui mérite qu’on le soutienne et avec lequel il ne serait pas difficile pour le courant de pensée que je représente de s’entendre pour que la France change. Voilà exactement les choses.

Merci François Bayrou.  

 

 

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