"Le Président de la République a une mission prioritaire, celle de ne pas diviser les Français"

François Bayrou, président du MoDem et maire de Pau, était l'invité de Caroline Roux ce soir sur France 5 dans l'émission "C politique". Réponses aux attaques de Nicolas Sarkozy, redressement de la France, aéroport Notre-Dame-des-Landes, remaniement ministériel, crise financière mondiale, rôle du centre dans le paysage politique français... Revivez ici les temps forts de l'entretien !

Pour revoir l'émission, suivez ce lien.

Réponse aux attaques de Nicolas Sarkozy

"Contrairement aux apparences, ce n'est évidemment pas moi qui suis visé par les attaques de Nicolas Sarkozy. Celui qui est visé est Alain Juppé. Comme Nicolas Sarkozy n'arrive pas à accrocher Alain Juppé par quelque angle que ce soit, alors évidemment il cherche à trouver un allié. Cette attitude est un peu agressive, elle correspond à la manière de Nicolas Sarkozy. C'est la raison pour laquelle j'ai voté contre lui : je pense qu'un Président de la République a une mission prioritaire, celle de ne pas diviser les Français et de les rassembler pour répondre aux problèmes du pays. Cette attitude agressive l'amène à dire des bêtises plus grosses que lui. Il dit que j'ai voté à gauche en 2002. Il suffit de regarder les visages amusés des politologues : en 2002, il n'y avait pas de candidat de gauche au deuxième tour et il aurait été surprenant que je vote à gauche au premier parce que j'étais moi-même candidat." 

Redressement du pays

"Peut-on redresser le pays en organisant sa division ? Est-ce que le redressement de la France passe par une coupure plus brutale que celle qui existe aujourd'hui ou bien est-ce qu'au contraire - ce qui est ma thèse et ma vision - le redressement de la France exige que se rassemblent des gens même différents ? Ce n'est pas une mise en garde, mais si j'étais Nicolas Sarkozy je réfléchirais au fait qu'il y a beaucoup de Français qui sont très contents qu'Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et moi nous nous entendions sans égoïsme, sans pense à soi-même d'abord, en pensant simplement à ce que nous pourrions faire ensemble ! Le fond de la question est : est-ce que l'on essaie de faire des rassemblements larges au premier tour entre gens qui partagent une vision et une manière d'être ? Je pense que ce rassemblement est mieux pour la France ! Je vais vous donner une démonstration chiffrée : si Nicolas Sarkozy se présente, c'est 21 pour lui et 13 pour moi. Deux questions simples : comment peut-on être élu avec un socle électoral aussi étroit au premier tour ? Et à supposer que l'on soit élu, comment gouverne-t-on après pour entraîner le pays vers les réformes dont il a besoin ?"

Référendum local au sujet de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes

"Je n'ai jamais été favorable à Notre-Dame-des-Landes. J'ai toujours pensé que c'était inutile et du gaspillage. Demander aux gens leur avis pouvait être une bonne idée. Mais on s'aperçoit que rien n'est défini, rien n'est bouclé. On ne sait pas qui on va faire voter ! On ne sait pas à quelle loi correspond ce "référendum". Tout cela nous promet des mois et des mois d'enlisement, de bagarres, sans que l'on n'arrive à trouver une direction. Je suis très inquiet sur l'évolution de cette affaire. Je ne sais pas bien où veut en venir François Hollande. J'ai l'impression qu'en dernière minute, il a essayé de trouver une rustine pour que la chambre à air qu'il voulait mettre dans son pneu tienne quelques jours de plus."

Remaniement ministériel

"C'est un remaniement affligeant. Quand vous croisez les amis de François Hollande, ils ont l'air complètement anéantis parce qu'ils ont l'impression que c'est la fin de l'histoire, que le quinquennat est terminé. On a entendu le Président de la République dire "je ne fais pas de calculs". Or, dans les éléments qui permettent de penser que ce remaniement est affligeant, il y a le fait qu'il est justement uniquement basé sur des calculs ! Intégrer certains parce qu'il faut détruire les Verts, ou bien faire en sorte que Jean-Marc Ayrault qui était l'ennemi de Manuel Valls revienne alors qu'il avait dit pis que pendre dans les semaines qui précèdent, prendre tous ceux qui ont condamné l'action du gouvernement... Cela peut paraître habile, moi je crois que c'est maladroit. Je crois qu'au bout du compte, tout le monde voit bien les arrière-pensées. C'est tellement transparent ! Avant Manuel Valls disait "la force d'un gouvernement est sa cohérence". Il le disait même le poing fermé pour montrer que c'était une équipe. Or, on a un gouvernement dont la ligne directrice est l'incohérence avec des décisions annoncées qui sont ni faites ni à faire. J'ai l'impression que tout ceci sent la fin d'un cycle, la fin d'une histoire de la gauche."

Crise financière mondiale

"Je n'ai jamais pensé que la crise était finie, alors que mes collègues, d'un bord et de l'autre, pensaient que la reprise et la croissance étaient là de nouveau et que l'on s'était tiré très bien de la crise de 2008. Que se passe-t-il exactement ? Ce que j'aperçois est un renversement de la situation de la Chine. 1.300.000.000 habitants étaient jusqu'à maintenant '"l'usine du monde". Et puis, parce que les arbres ne montent pas jusq'au ciel, leur modèle a changé, ils ont augmenté les salaires et la Chine se trouve tout d'un coup devant une très grande difficulté. Cette dernière a une conséquence immédiate : la chute des matières premières. Comme vous le savez, il y avait au moins cinq zones dans le monde que l'on appalait les BRICS. Cette immense zone du monde qui était en surgissement allait tout emporter. Pourquoi ? Parce que ces pays avaient les matières premières ! Or, la chute des matières premières entraîne la chute des BRICS. Tout d'un coup on s'aperçoit que les banques ont dans leurs réserves énormément de placements fragilisés, ne serait-ce que par la chute du prix du pétrole. Je pense que c'est un bouleversement de long terme."

SMIC

"Je refuse la baisse du SMIC mais, on peut imaginer que pour ces salaires là, les charges soient tellement conduites à zéro ou presque que le coût pour l’entreprise soit plus faible. En général, je refuse la baisse des salaires. Pourquoi? Parce que la baisse des salaires c’est entrer dans processus déflationniste dont on ne se sortira pas. Mais, ce que je recommande, c’est de toucher au contrat de travail, au code du travail et qu’on arrive à traiter cette question qui est la peur des créateurs d’emplois de ne pas pouvoir mettre un terme au contrat de travail quand ça va mal. Je crois que la fiscalité n’est pas adaptée et notamment à ceux qui créent des richesses. "

RSA

"Conditionner le RSA à des heures de bénévolat ne me choque pas, et plus encore à des heures de services. Que l’on puisse avoir la possibilité de créer des services qui n’existent pas dans la société française, en donnant non pas le RSA mais un peu plus. Par exemple, je suis choqué dans les aéroports et dans les gares qu’il n’y ait pas de personnes pour aider les personnes à mobilité réduite. Je suis pour que le A de RSA ait une vraie signification et que l’on favorise l’activité. Un des problèmes les plus lourds que nous ayons c’est qu’il y a des personnes qui ne sortent pas du chômage car ils vont perdre des tas d’allocations, d’aides aux transports, d’aides pour la cantine, qui font qu’en travaillant ils vont recevoir moins que si ils ne travaillaient pas. "

Réforme du collège 

"Je suis un de ces enseignants qui lutte contre cette réforme et demande son abrogation, lorsqu’un nouveau gouvernement sera élu. Je suis certain que l’éducation sera un des grands sujets de la campagne présidentielle. Je suis moi pour que l’éducation demeure nationale. C’est à dire que si vous faites une formation en 5ème à Pau, vous puissiez rentrer en 4ème à Strasbourg en étant certains que vous ayez suivi le même cursus. Autrement, il y aura des classes pour les plus chanceux et ceux qui le sont moins. "

Centre

"Je me bats tous les jours pour défendre et promouvoir l’idée d’un centre qui ait une vision différente et qui soit indépendant. La difficulté est que la loi électorale oblige si l’on veut des élus à se ranger à passer sous les fourches caudines d’un des deux grands partis. Je suis persuadé que les partis vont devoir changer de formes. Je suis même persuadé qu’un des enjeux du moment que l’on vit c’est que le pouvoir soit enlevé aux mécanismes de partis."

"Pour moi, le centre est nécessaire en France. Qu’il y ait une force indépendante au centre est une nécessité pour que la politique soit différente, mieux équilibrée, que l’on puisse discuter et qu’il y ait plusieurs propositions. Les deux conditions pour que le centre existe, c’est qu’il s’unisse et cela viendra, je vous le dis. Je vois tous les éléments se mettre en place pour que les intérêts bêtement partisans et d’appareil s’effacent. La deuxième condition est l’indépendance. Si le centre apparaît comme certaines personnes voudraient qu’il soit, comme une succursale de la droite, il ne peut pas exister. Je respecte beaucoup les gens de droite et de gauche. Il faut toutes ces sensibilités dans le pays. Mais que l’on veuille réduire la République à deux clans, Les Républicains et le Parti Socialiste, cela est un crime contre ce que nous sommes. Il y a 6 forces politiques en France : l’extrême gauche, le Parti Socialiste, les écologistes, le centre, Les Républicains et l’extrême droite. Il faut qu’elles aient chacune leur place. »

 Soutien à Alain Juppé 

« J’ai dit que si Alain Juppé était choisi je l’aiderai et je l’aiderai à être choisi si je le peux par ce que je pense qu’il y a là la seule chance d’un changement de la pratique politique que nous ayons. Je soutiens Alain Juppé tout d’abord par ce que je l’aime bien, par ce que je le connais et que j’ai confiance en lui. Et je le soutiens par ce que, selon moi, il est le mieux placé de tous ceux qui veulent faire changer la pratique politique. Je ne dis pas que l’on a les mêmes idées sur tout, je ne dis pas qu’il adhère à tout ce que je pense et peut être que la réciproque est vraie aussi. Mais au moment de l’élection présidentielle, on vote davantage pour un homme ou une femme que pour un programme. On vote davantage pour une personnalité que pour une liste de mesures.  On choisit celui qui va avoir la responsabilité de choisir notre destin à tous, ensemble. Et de ce point de vue là, j’ai confiance en lui. Il peut nous aider à changer la manière actuelle, stupide et absurde, qui conduit à une impasse par ce que il s’agit constamment de jeux de clans contre clans.

J’aurais pu ne penser qu’à moi et jouer ma propre carte, or j’ai choisi une autre attitude. Beaucoup de personnes en France pensent que c’est mieux si on peut avoir ce désintéressement là.

Si on peut saisir cette occasion de faire qu’après 2017 les choses soient différentes, que l’on puisse parler différemment, que la politique ne soit pas perpétuellement des injures, que, en effet, la famille du centre puisse se reconstituer - et même plus largement des gens qui sont aujourd’hui en désarrois par ce qu’ils étaient plutôt à gauche, et que la gauche les a trahis - que tous ceux-là puissent travailler ensemble, alors je trouverai que c’est extrêmement positif pour notre pays. »

Crise des migrants en Europe 

« La situation dans laquelle nous sommes ne peut pas durer. L’horreur d’un dépotoir où l’on met des hommes, des femmes, des enfants, n’est pas digne de l’humanité. On a les moyens de construire des abris qui seront des abris qui peuvent recevoir des gens. Vous savez maintenant on fait des conteneurs habitables. C’est une solution de transition. Mais vous savez la question est : pourquoi sommes-nous obligés de faire le travail à la place des anglais ? Les anglais qui veulent quitter l’Europe, en tout cas qui veulent changer les règles de l’Europe et qui refusent d’être dans Schengen. D’ailleurs, si j’avais été aux responsabilités, j’aurais été beaucoup plus intransigeant que le gouvernement ne l’a été sur la demande de monsieur Cameron de revoir les règles de l’Europe. Je pense que l'on s’est mis dans une très mauvaise situation. On aurait du dire : vous voulez partir? D’accord, partez ! Et, ils ne seraient pas partis par ce que le monde des affaires, et d’autres, l’auraient empêché de partir. Ma position n’aurait pas été la même s’ils avaient dit : nous restons mais nous voulons traiter de certaines questions. Ce n’est pas la même chose que de dire : pliez ou nous partons ! Cela est impossible à accepter, c’est un combat qui dure depuis longtemps, très profond, entre ceux qui veulent une Europe digne de ce nom, politique qui puisse faire des choix et décider et ceux qui veulent que l’Europe soit seulement un marché.

Le drame des migrants est le suivant : nos dirigeants français et d’autres n’ont pas voulu faire et dire ce qu’il fallait. Il y a une faillite car ils ne veulent pas, tous, que l’Europe existe et ils ont accepté au fond, tous, que l’Europe soit chacun pour soi et dans le chacun pour soi on découvre l’absolue impuissance. Qu’est ce que vous voulez faire contre des vagues migratoires de cette ampleur, contre tous ces gens qui, à Alep, sont en train de se faire bombarder et qui essayent vainement de rêver à un refuge en Turquie ? Tout cela, c’est la sanction de l’imprévoyance et de l’absence de vision. Des dirigeants français dignes de ce nom doivent porter un message qui soit une direction, que l’on sache où l’on va.  François Hollande a fait une intervention de 40 minutes, il n’a pas prononcé le mot Europe et n’a pas traité du sujet européen. Alors que nous sommes précisément au moment où nous ramassons en pleine figure toutes les conséquences de cette insuffisance. Je trouve que le fait que nous nous retrouvions dans une situation comme celle-là est à pleurer! »

 

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