"Le Parlement, aujourd’hui, est le reflet de toutes les insuffisances de la démocratie française"

François Bayrou a pointé du doigt ce soir sur i>Télé le fonctionnement du Parlement français. "Je pense que la réforme du Parlement s’impose : il faut qu’il y ait moins de parlementaires et que les procédures soient redéfinies" a plaidé le président du MoDem. "Le Parlement doit être le reflet exact de ce que la nation pense et attend" a-t-il ajouté.

Merci d’être avec nous Monsieur Bayrou.

Bonjour.

Vous êtes président du MoDem et bien sûr maire de Pau. Le vote vient d’avoir lieu sur la révision constitutionnelle, ça passe, 317 voix pour, 199 voix contre. C’est une victoire ce soir pour le Président et le Premier ministre Monsieur Bayrou ?

Franchement qu‘un texte soit adopté par la majorité quand il est présenté par le gouvernement et qu’il a le soutien de la moitié de l’opposition, ce n’est pas une surprise. Mais maintenant vient l’étape ultérieure. Et ça ne va pas être facile puisque comme vous le savez, une modification dans la Constitution doit être adoptée dans les mêmes termes par le Sénat et l’Assemblée nationale. Sur cela, il me semble qu’on n’est pas prêt d’y arriver puisqu'on entend dire que le Sénat va réécrire le texte, en prenant les propos qui avaient été ceux du Président de la République, devant le Congrès, et ça risque de faire débat. Si le texte de François Hollande est adopté au Sénat, évidemment il faut repartir à l’Assemblée et ça peut durer éternellement parce que c’est un des cas où le vote de l’Assemblée ne l’emporte pas sur le vote du Sénat. Donc, on est très loin du Congrès de Versailles et encore plus loin de la majorité des trois cinquièmes au Congrès de Versailles.

Ce n’est donc pas pour vous une victoire pour François Hollande et Manuel Valls ?

C’est un résultat attendu mais qui ne préjuge pas de l’issue de ce débat.

Est-ce que c'est une victoire pour Nicolas Sarkozy qui avait plaidé auprès de ses troupes, hier matin encore, pour que l’on vote cette révision de la Constitution ?

Écoutez, pour moi en tout cas, je trouve que cette décision qui touche à la nationalité n’offense aucun de nos principes. Moi je trouve que c’est un geste de légitime défense de la Nation. Le terrorisme ça veut dire beaucoup de morts, beaucoup de blessures, des centaines de familles qui sont à jamais frappées. Et la Nation dit 'écoutez, vous ne pouvez pas rester dans notre sein si vous faites ce genre de choses'. Alors on aurait pu imaginer des déchéances de droits civils, sociaux, tout cela est discutable. Mais, pour moi, en tout cas, ce geste qui consiste à dire 'on ne fait pas n’importe quoi contre la France quand on est Français' - quelle que soit la manière dont la nationalité a été acquise, par naturalisation, ou par naissance - est d’une certaine manière une marque de volonté nationale, de vivre-ensemble. Si l’on n’a pas des repères communs, alors à quoi sert-il de former une nation ?

Donc c’est une victoire pour Nicolas Sarkozy qui avait exhorté ses troupes à voter ?

Je ne l’analyse pas de cette manière, heureusement il y a des sujets qui échappent à la question de défaite-victoire.

Est-ce que la primaire de la droite ne s’est déjà pas immiscée dans ce débat de la révision de la Constitution ?

Probablement oui. Mais elle va s’immiscer dans toutes les questions qui viennent. Chacun essayera de prendre une position par rapport à l’autre.

Vous comprenez la position d’Alain Juppé et de François Fillon qui disent 'on est d’accord, mais on ne vote pas parce que ceci, parce que là' ? Est-ce compréhensible pour les électeurs Monsieur Bayrou, ou pas ?

Moi j’aime bien les choses tranchées mais ils sont très préoccupés - et on le comprend - par l’évolution de cette mécanique électorale dont on voit aux États Unis aujourd’hui qu’elle donne des résultats qui probablement ne sont pas en phase avec les plus modérés des deux camps.

La primaire n’est-elle pas un outil qui est favorable à la modération ?

Je pense que la primaire est un outil qui est favorable à la surenchère. Quand vous voyez Trump triompher comme ce matin dans la primaire du New Hampshire et que vous voyez Bernie Sanders écraser Hillary Clinton, vous voyez bien que ce sont les noyaux durs des deux camps qui pèsent le plus lourds. Ce sont aussi les plus agressifs, les plus sectaires. Le risque de la primaire pour moi est là. Alors simplement peut-être faut-il espérer qu’elle tournera mieux en France qu’elle ne tourne à l’heure actuelle aux États-Unis.

Si jamais ce n’est pas le cas, ce ne sera pas bon pour votre ami Alain Juppé que vous soutenez ?

J’espère bien. En tout cas ce que montrent les enquêtes d’opinion aujourd’hui c’est qu’il touche une partie de plus en plus large de l’opinion. Je crois qu’il la touche aussi par cet équilibre qu’il incarne et qu’on voit dans ses prises de position et dans ses propos.

Revenons aux fractures au sein du camp socialiste, au sein même du gouvernement. On a vu aujourd’hui sur i>Télé Emmanuel Macron prendre ses distances avec ce texte de déchéance de nationalité en disant ce n’est pas une priorité pour les Français.

Il prend ses distances sur beaucoup de sujets.

Il a encore se place au gouvernement Emmanuel Macron?

Écoutez ce n’est pas à moi d’en juger. Je ne sais pas exactement ce qu’il pense. Vous savez le contact direct avec l’opinion impose qu’on ait vérifié la vision de chacun. Sur ce point-là, Monsieur Macron a prononcé une phrase en disant « ce n’est pas en expulsant ceux qui font le mal que l’on exclut le mal ». Moi je ne suis pas tout à fait de cet avis. Je ne peux pas parler de ces sujets comme le font un certain nombre de gens sous la forme de protection des droits des assaillants terroristes. Ce n’est pas ces droits là qu’il faut protéger. Ce qu’il faut protéger ce sont les droits de ces centaines de jeunes garçons, jeunes filles, d’hommes et de femmes, qui ont été déchiquetés et dont les familles pleurent. Moi ce sont ces droits là qui m’intéressent. Philosophiquement, je comprends que l'on ait des débats, de la réflexion juridique. Mais, dans la réalité humaine, qu’un pays ne se laisse pas faire, je trouve que c’est une nécessité.

Laurent Fabius a quitté aujourd’hui le gouvernement, c’était son dernier conseil des ministres, est-ce que vous le créditez d’un bon bilan comme ministre des affaires étrangères ?

Comme tous les bilans, il y a du pour et du contre. Le travail qu’il a fait pour la COP 21 est un bon travail. J’ai été moins convaincu par son travail, en tout cas ses affirmations sur la Syrie. J’ai trouvé que c’était moins juste comme position et ne correspondant pas aux positions qui étaient les positions traditionnelles de la France. Mais c’est en même temps quelqu’un qui a de la stature et de ce point de vue, il faut l’en créditer.

Est-ce que vous êtes d’accord quand il dit comme ce matin 'le Parlement est le cœur battant de la démocratie' ? Comment cela résonne-t-il à vos oreilles ?

Pas bien. Je comprends très bien que quand on quitte une Assemblée dans laquelle on a siégé pendant des dizaines d’années, sur les bancs des parlementaires ou sur les bancs du gouvernement, on dise un mot charmant. Mais le Parlement, aujourd’hui, pour moi est plutôt le reflet de toutes les insuffisances de la démocratie française. D’abord parce qu’il faut mesurer qu’il y a la moitié des Français qui n’y sont pas représentés, qui n’ont pas de porte-parole. Si vous prenez l’extrême-gauche, l’extrême-droite et le centre, indépendamment, ils ont tellement peu d’élus qu’ils n’ont pas de groupe et pas de représentation alors qu’ils représentent pourtant la moitié des Français. Et puis les procédures qui sont suivies, la manière dont tout ça est organisé…

Vous avez été choqué, lundi soir, sur l’état d’urgence, qu’il y ait 441 députés absents par exemple ?

C’est à cela que je faisais allusion. Vous vous rendez compte, on compte un texte autour duquel il y a eu un débat énorme, présenté par le Président de la République lui-même, écrit par le gouvernement, et il y a 441 députés sur 577 qui sont absents. Est-ce une démocratie qui marche bien ? Peut-on dire que c’est le cœur battant de la démocratie avec les grandes ronflantes que nous utilisons souvent dans le monde politique ? Je trouve cela tout à fait erroné, je pense que la réforme du Parlement s’impose, qu’il y ait moins de parlementaires. Il faut aussi que les procédures soient redéfinies et que l’on puisse se retrouver avec un parlement qui soit le reflet exact de ce que la Nation pense et attend.

Il y a évidemment un remaniement qui s’annonce pour demain, le Président de la République va s’adresser à la Nation demain soir lors d’une intervention télévisée, quel gouvernement et pour quoi faire ? Quelle politique ? On parle de Jean-Marc Ayrault qui rentrerait, il a voté pour aujourd’hui, cela n’a échappé à personne.

Il a voté pour alors qu’il avait dit que c’était scandaleux. Ce sont les jeux habituels, qu’est-ce que cela va changer ?  À mon avis rien. Le gouvernement est en place depuis quatre ans, tout le monde voit les faiblesses. Je pense qu’il y avait des orientations à prendre pour faire beaucoup mieux mais il fallait les prendre beaucoup plus tôt. Est-ce que vous croyez que dans la dernière ligne droite d’un quinquennat on va pouvoir prendre des décisions, choisir des orientations qui vont changer la vie du pays ? Je ne le crois pas. Ce sont des jeux de tendance, on va scruter avec un microscope et voir ce que les écologistes vont faire. Tout cela n’est pas à la hauteur de la situation. Ce que je crains c’est qu’il n’y ait pas de changement sur le fond. On verra les noms qui sortiront du chapeau. Je crois qu’au point où nous en sommes, quatre ans après, il n’y a plus de changement sur le fond possible.

Le retour possible de Jean-Marc Ayrault, ce serait la faiblesse de qui ? De Manuel Valls ou de François Hollande ?

C’est l’usure du pouvoir. Tout le monde voit bien que la gauche, la majorité au pouvoir est prise dans une guerre interne dont elle ne sortira pas. Ce n’est pas seulement une guerre d’ambition, de compétition des personnalités, c’est une guerre d’idées, sur le fond même, sur la pensée. Il me semble qu’il faudra beaucoup d’années à la gauche pour sortir de l’accident qu’elle est en train de vivre. Je pense que ce qui est en train de se produire va briser assez profondément à la fois l’unité de ce camp et la vision pour l’avenir et ils n’en sortiront pas de si tôt. Je pense que l'on est entré dans un nouveau cycle qui va durer des années.

Si je suis votre raisonnement, la gauche est brisée, la droite se livre à une guerre fratricide, il y a la voie pour un candidat centriste et votre candidature à vous François Bayrou pour 2017 y réfléchissez-vous ? Vous n’avez toujours pas pris de décision ?

J’ai toujours réfléchi à l’avenir du pays et je ne me suis jamais laissé distraire de ce qu’était très important pour moi. Je l’ai dit avec certitude, si comme nous l’évoquions, Alain Juppé gagne la primaire de ce camp alors je le soutiendrai. Je serai avec lui et si je peux l’aider à la gagner je serai heureux de le faire. Je crois que c’est quelqu’un qui apporte une vision, qui est différente de la vision clanique qu’un certain nombre de candidats ont portée.

Et si ce n’est pas lui ?

Et si ce n’est pas lui, je serai libre du choix que j’aurai à faire. Et je souhaite que le pari qu’il a fait en s’engageant dans la primaire, qui n’était pas tout à fait mon sentiment comme vous l’imaginez, soit un pari gagnant parce que je pense que tous nous aurions à en vivre les bénéfices.

Un dernier mot sur le rapport de la Cour des Comptes qui a été publié aujourd’hui, qui recense plusieurs exemples de mauvaises gestions publiques, évidemment sur le déficit public, c’est un de vos chevaux de bataille, l’échec du contrat de génération, le coup de la fraude dans les transports… À quoi sert-elle la Cour des Comptes ? Elle fait des rapports annuels qui ne sont suivis par personne !

Tous les ans, sur les plateaux vous me posez la question à juste titre. Je pense qu’une des améliorations du système, ce serait qu’on rende plus efficace, efficient, les préconisations que fait la Cour des Comptes. Il me semble qu’à partir d’un moment, lorsqu’a été constatée une dérive, il faut qu’elle soit corrigée sans que l’on puisse s’y opposer sauf à présenter des remarques pertinentes qui changent les choses. C’est agaçant que, pour vous et pour tous les citoyens français, chaque année il y ait des remarques assez souvent fondées et que rien ne se passe et que rien ne change. De ce point de vue, je pense que la Cour des Comptes pourrait être mise en situation de faire un travail plus efficace.

Merci François Bayrou pour votre venue sur le plateau d’i>Télé !

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par