"Le mot centre veut dire que la vie politique ne peut pas se résumer à un camp contre l'autre"

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Invité ce matin de l'émission les "Matins de France Culture", François Bayrou a commenté l'actualité du jour. Entre l'affaire des écoutes des présidents, le rachat de Bouygues Telecom, ou sa récompense "Marianne d'Or", le président du MoDem est surtout revenu sur son positionnement concernant les Républicains et leur primaire.

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Première question François Bayrou sur ce qui secoue la presse de ce matin : les unes, notamment avec Libération et Mediapart : les présidents français, au moins trois, sont écoutés de très près par les Américains et on y apprend de nombreuses choses que théoriquement on aurait dû garder secrètes. Cela vous émeut ? Cela vous scandalise ?

Qui autour de cette table a pensé que les présidents français n’étaient pas écoutés, ou que les responsables publics n’étaient pas écoutés ? La NSA et d’ailleurs sans doute d’autres réseaux de renseignement ont en effet les moyens technologiques aujourd’hui d’entrer dans les réseaux téléphoniques, dans les réseaux internet, et donc de savoir à peu près ce qui se pense et ce qui se dit. Alors c’est grave, mais ce n’est pas surprenant.

Cela induit que l’on se méfie de ce que l’on dit sur un portable ? Ou bien est-ce que vous êtes libre de ce que vous dites quand vous téléphonez à quelqu’un ?

Je n’ai jamais très bien compris ce que l’on pouvait écouter quand l’on était dans une conversation téléphonique. Vous savez, Gandhi, que j’ai beaucoup aimé dans ma jeunesse – non pas que ma jeunesse fut contemporaine de Gandhi mais j’ai beaucoup aimé travailler sur la figure de Gandhi – était terriblement espionné par les espions britanniques puisqu’il voulait en fait faire sauter l’Empire, ce à quoi il est arrivé en rendant l’Inde indépendante. Il était poursuivi par une nuée d’espions. Chaque matin, quand il sortait dans le couloir devant sa chambre, il disait « les espions s’il vous plait, veuillez entrer je vais vous expliquer ce que je vais faire ». Et il donnait aux espions en avance la feuille de route de son action jusqu’à la liberté de l’Inde. Il me semble que des responsables politiques solides et construits, nous savons déjà ce qu’ils veulent faire et où ils vont, du moins quand ils le savent eux-mêmes ! Nous savons bien quels chemins ils vont suivre. Et puis je me mets à la place de ces pauvres gens de la NSA qui doivent écouter des centaines de milliers de personnes… Alors on dit qu’il y a des mots-clés dans l’exploitation des informations… Je pense qu’il y a deux sortes de choses : les choses que l’on ne veut pas que l’on sache alors on ne les dit pas, et les choses pour lesquelles nous sommes indifférents alors il n’est pas grave qu’on les dise. En tout cas dans ce que j’ai lu il n’y avait vraiment rien de très surprenant.

Cela dit parfois, ça doit les faire rire quand ils entendent que Nicolas Sarkozy se proclame comme le seul et unique qui pourrait sortir la planète de la crise financière…

L’amusement des renseignements américains n’était pas le seul amusement sur la planète.

Bouygues a dit non à Patrick Drahi. On a dit que de toute façon, quoi qu’il arrive, Bouygues et SFR feraient ce qu’ils voudraient, que la puissance publique n’avait pas grand chose à faire dans cette histoire, que l’on ne savait pas bien au fond s’il fallait qu’il y ait un monopole resserré des opérateurs téléphoniques en France. Avez-vous un avis ?

Il est du devoir de l’État d’y veiller, il y a des autorités de la concurrence pour empêcher qu’il y ait des ententes et que ces ententes nuisent au développement du secteur et aux consommateurs qui paient. Pour le reste, ce sont des entreprises privées, elles échangent.

Il y a une chose qui m'a frappé. J'ai écouté les commentaires, tout le monde dit « peut-être ils veulent faire monter les enchères », mais peut-être aussi le chef d'entreprise aime-t'il son entreprise. Il peut arriver que quand on a construit quelque chose, qu'on aime son entreprise, on n'a pas envie de la voir tomber entre les mains de quelqu'un d'autre. C'est un facteur humain, tout n'est pas financier dans la vie, les intérêts financiers ne sont pas tout et il m'a semblé, moi, dans cette prise de position, qu'il pouvait y avoir un facteur humain.

Après, peut-être suis-je trop idéaliste.

Oui, attendons quand même de voir comment les enchères monteront François Bayrou.

Et puis, l'endettement de l'entreprise est aussi naturellement une question.

Il faut rappeler que nous recevons une Marianne d'Or tout de même ce matin ! Vous-êtes l'un des 24 lauréats des Mariannes d'Or qui récompensent les meilleurs élus locaux. Qu'avez-vous fait pour cela ?

Ce qu'ont voulu distinguer les Mariannes d'Or, ce sont les décisions de réorganisation de la gestion que nous avons prise et qui, je crois, mérite en effet d'être soulignée et mise en valeur puisque je suis parti de l'idée simple que l'on aurait de toute façon - quoi qu'on veuille et quoi qu'on dise - à vivre cette période où l'argent public va devenir de plus en plus rare et donc l'objectif que j'ai fixé c'est qu'avec moins d'argent public on fasse plus et mieux au service des gens.

Qu'avez-vous fait pour cela ?

C'est très simple. On a réorganisé complètement notre administration. Il y avait, quand je suis arrivé, pour 2500 fonctionnaires, un directeur général, 5 directeurs généraux adjoints et près de 60 services de centre de décisions. Il n'y a plus que deux directeurs généraux adjoints et 22 services, c'est à dire que nous avons divisé par plus de deux les centres de décisions, ce qui permet de mutualiser les services et ainsi de faire beaucoup plus en diminuant les impôts. Diminuer les impôts dans une grande ville dans la période où nous sommes – vous avez vu les augmentations très fortes qui ont été réalisées dans un très grand nombre de grandes villes (Lille, Toulouse et même Bordeaux) – m'a semblé être le but à atteindre. Essayer autant que possible de diminuer un peu chaque année. C'est aussi un signe envoyé au contribuable.

On va revenir sur cet accord UDI-Républicains apparemment trouvé hier ; même si il reste quelques zones d'ombre. Accord auquel vous n'avez pas participé aux négociations, vous nous le confirmez ?

Oui.

Dans les termes officiels de cet accord, on nous dit du côté des Républicains et de l'UDI, qu'il est prévu que des candidats MoDem puissent être associés aux listes communes pour les régionales mais sur quota de l'UDI. C'est envisageable pour vous ?

Si on veut. Quelle est notre marque de fabrique ? Notre marque de fabrique c'est que nous avons choisi d'être libre et indépendant. On a payé le prix qu'il fallait pour être libre et indépendant, et ce n'était pas un prix léger. Cette liberté nous avons bien l'intention de l'exercer. Je n'ignore rien du caractère contraignant, sauvage, de la règle électorale qui fait qu'en France il est très difficile d'être sans alliés. Je n'ignore rien de cela. A condition que les alliés vous les choisissiez. A condition que vous considériez que la personne avec qui vous allez vous allier - vous êtes libre d'une adhésion ou pas – présente des convergences sur le fond et permette des garanties, notamment que la place qui vous est faite soit une place respectable. Autrement, soit vous renoncez en disant pourquoi, soit vous présentez un choix aux électeurs et les électeurs choisissent. Autrement dit – j'ai vous savez, avec de nombreux responsables des débats sur le fond depuis longtemps sur ce que c'est que le centre – que veut dire le mot centre ? Le mot centre veut dire que la vie politique ne peut pas se résumer à un camp contre l'autre. C'est cela que ça veut dire. Egalement, que vous êtes capable de défendre le pluralisme et capable de dire « il y a une autre approche que celle que l'on veut vous imposer, il y a d'autres thèmes que ceux auxquels on veut vous forcer », et de vous faire entendre sur ce point. Vous faire entendre soit en discutant et en créant une alliance, soit au contraire en allant devant les électeurs. C'est exactement la situation dans laquelle nous sommes. Très différente est l'idée du centre qui considère qu'il doit systématiquement être allié à un camp. Qu'il est prisonnier d'une alliance préalable qui fait que quel que soient ses idées, il est obligé de se soumettre à son puissant voisin. Comme vous l'avez compris, je n'appartiens pas à cette deuxième culture.

Vous nous dites que l'UDI n'est pas libre et indépendante, mais avaient-ils le choix pour exister ? Parce que le but c'est quand même de remporter des élections ?

L'attitude qui consiste à dire jamais nous ne nous allierons pas et après au contraire, signer le document que l'on vous présente, est bien entendu une attitude décevante pour ceux qui vous ont fait confiance, qui vous ont écouté et qui vous ont cru. C'est cela la question. Moi je ne jette pas la pierre, si on pense qu’il faut s’allier, mais ce qui est difficile c’est de dire « jamais ! Croix de bois de fer si je mens je vais en enfer. » Et vous verrez, jusqu’au bout nous tiendrons bon, ce n’est pas négociable. Et puis c’est négocié. Alors évidemment les électeurs sont un tout petit peu déçus, déroutés s’ils vous ont fait confiance.

Mais entre vous et Nicolas Sarkozy, qu’est-ce qu’il y a de négociable ou de non négociable François Bayrou ?

Ben on ne parle pas de Nicolas Sarkozy là, on parle des régionales, tout le monde a en tête l’idée que Nicolas Sarkozy et moi nous n’avons pas tout à fait, exactement, au millimètre près la même idée de la France et de l’engagement politique, non pas pour des raisons d’antipathie personnelle comme ce que l’on croit assez souvent, mais simplement parce que je ne reconnais pas ce que je crois être l’avenir d’une société, la manière dont on vit ensemble, l’engagement politique dans les choix d’attitudes personnels que fait Nicolas Sarkozy, c’est là qu’est notre divergence, j’ai même écrit, vous savez une théorie il y a quelques temps sur cette question qui s’appelait « abus de pouvoir », et donc j’ai des divergences avec Nicolas Sarkozy. Est-ce que tous ceux qui serrent la maint de Nicolas Sarkozy sont mes ennemis ? Non, bien sûr que non, il y a des gens tout à fait respectables et estimables qui se reconnaissent dans ce courant politique de l’UMP et donc voilà je suis libre de mon jugement, de mon discernement, et de mes choix, et cette liberté je continuerai à la défendre. Je ne fait pas de « rodomontade », je ne dis pas « jamais au grand jamais », mais je suis libre de mes choix parce que j’essaye de représenter une sensibilité politique.

Justement pour Nicolas Sarkozy vous avez annoncé pour la primaire de 2016, la primaire à droite, que vous souteniez Alain Juppé contre Nicolas Sarkozy, pour autant, vous aviez déclaré que vous ne voteriez pas pour les primaires, et donc que vous ne voteriez pas pour votre champion, en l’occurrence Alain Juppé. Comment peut-on expliquer ça ? C’est contradictoire non ?

Non ce n’est pas contradictoire, c’est très simple. Un, je pense que Alain Juppé est le mieux placé des gens qui veulent à la fois la réforme et le rassemblement du pays aujourd’hui. Et donc je le dis. J’ai essayé de convaincre Alain Juppé de ne pas aller dans le mécanisme de la primaire, je n’y suis pas arrivé. En tout cas il a fait un autre choix et je comprends ses raisons, ce ne sont pas les miennes. Qu’est-ce que je reproche au mécanisme de la primaire ? Deux choses : vous allez reconnaître là le principe que j’évoquais à l’instant. La primaire cela signifie que vous êtes dans l’un des deux camps, que un camp de gauche organise sa primaire de gauche, un camp dit de droite, et vous êtes obligé de vous ranger dans un des deux camps. Cela me dérange, je ne vois pas la France comme ça, je crois au pluralisme, je ne me reconnais pas dans cette scission organisée de camps et de clans. Deuxièmement, si un responsable politique comme moi va participer à une primaire, cela signifie à l’avance qu’il respectera le résultat, qu’il est lié par avance au résultat de la primaire, et comme vous l’avez compris, je ne veux pas être lié, je ne veux pas être dans un camp systématique, et je ne veux pas être lié à un résultat donc je ne serai pas moi-même le décideur. Et c’est pour cela, à titre personnel, j’ai beaucoup d’amis qui iront participer, parce qu’ils y voient l’occasion de soutenir, je connais même des personnalités de gauche qui disent qu’elles iront voter à la primaire. Mais pour moi en tout cas je ne peux pas accepter l’idée qu’on se lie les mains à l’avance.

 

 

 

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