"Le budget européen devra être au service d’une Europe plus politique et plus démocratique."

Retrouvez l'intervention de Marielle de Sarnez, ce lundi 23 octobre 2017, lors du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, en session de l’Assemblée nationale.

"Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Monsieur le Président de la commission des Finances,

Madame la Présidente de la commission des Affaires européennes,

Monsieur le Rapporteur général,

Messieurs les Rapporteurs,

Mes chers Collègues,

 

Nous examinons aujourd’hui le montant du financement de la France à l’Union européenne pour l’année 2018. C’est un exercice, très contraint, très encadré, puisqu’il s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, qui court de 2014 à 2020.

La commission des affaires étrangères a donné, à une large majorité, un avis favorable sur ce prélèvement, et je tiens à remercier Maurice Leroy, notre rapporteur, pour son rapport très éclairant et qui ouvre des pistes de réflexion très fécondes pour l’avenir.

Ce feu vert c’est évidemment et avant tout un oui à l’Europe et aux actions mises en œuvre par les institutions européennes afin de soutenir l’investissement dans la recherche et l’économie du savoir, afin de défendre une agriculture de qualité, de répondre à des défis nouveaux comme la crise migratoire et le terrorisme, et de renforcer la cohésion territoriale, ce qui explique d’ailleurs la montée en charge du budget 2018.

Autant de domaines où le bon niveau pour agir est aussi le niveau européen. Le budget européen pour l’année prochaine, d’un montant global de 145 milliards en crédits de paiement, et dont je rappelle la ventilation à grands traits : 55,4 milliards pour les fonds structurels et d’investissement ; 59,6 milliards pour les agriculteurs et le développement rural ; le reste étant affecté à la recherche, au programme Erasmus +, au développement durable, au défi migratoire, à la politique de sécurité ainsi qu’à l’aide nécessaire accordée par l’Europe aux pays de première ligne des conflits du Proche-Orient, ce budget donc répond globalement à cette nécessité d’agir au bon niveau. Notre feu vert, c’est un feu vert pour tout cela, mais c’est également un feu vert, que nous souhaitons exigeant pour l’avenir.

Ce budget européen, nous voulons, nous parlementaires, nous Assemblée, en être un des acteurs. Et c’est bien cela qu’il convient de changer sur le fond. En changeant le calendrier, en changeant de méthode, et en repensant profondément, comme vous l’avez dit monsieur le rapporteur spécial, l’exercice.

Cet exercice, il convient de le repenser d’abord à court terme. Au printemps prochain, la Commission européenne présentera un projet de budget pour 2019. C’est à ce moment-là qu’il faudra nous en saisir, et en débattre de manière approfondie. Ce premier travail exploratoire, de fond, qui sera, je le souhaite, suivi de recommandations de notre Parlement, devrait à mon avis se faire avec la commission des finances et les commissions concernées dans les domaines où l’Europe est attendue. Ce sera aussi l’occasion d’un premier échange de vues avec le Gouvernement, qui je l’espère, pourra ainsi porter les exigences de notre Parlement lors du débat budgétaire au Conseil européen.

Prendre le temps du débat, se fixer plusieurs rendez-vous sur l’année, permettra de mieux exercer notre droit de regard, de contrôle, d’évaluation et d’appréciation, comme le font la plupart des parlements de nos voisins européens sur ce même sujet.

Ce sera une manière de retrouver avec le débat européen une intimité.

Et de peser sur les choix stratégiques qui doivent être faits par l’Europe, en notre nom.

Notre exercice doit également être repensé sur le long terme.

Le Brexit va avoir pour effet de diminuer de 12 à 15 milliards le budget européen. Il sera effectif en 2019, année durant laquelle le prochain cadre financier pluriannuel sera négocié. C’est donc une double opportunité qui se présente, que nous devons saisir pour refonder, transformer le budget européen. De ce point de vue le Brexit peut être une chance.

La refondation de l’Europe à laquelle le Président de la République nous invite devra s’appuyer sur un budget qui ne soit pas l’objet de marchandages liés à la question lancinante des rabais. Ce poison du « juste retour » c’est le contraire de l’esprit de la construction européenne à savoir la solidarité et la convergence de nos économies. Elle a favorisé le décollage économique de bon nombre de pays de l’Union, ce qui a permis de créer le plus grand espace économique du monde. Ne l’oublions jamais.

Nous avons besoin d’un budget « redimensionné » - j’emprunte sciemment l’expression du rapporteur général, que je trouve juste - pour une Europe refondée dans la ligne inspirée par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne. Un budget dynamique, tourné vers l’avenir, qui puisse s’appuyer sur de nouvelles ressources propres. Plusieurs propositions sont sur la table, qui émanent notamment du groupe Monti et de la Commission européenne : achat de droits à polluer, taxe financière, taxe carbone aux frontières de l’Union, impôt sur les sociétés pour viser une convergence fiscale dont nous avons tant besoin. Il me semble en tout cas que ces nouvelles ressources doivent être le corollaire d’une nouvelle ambition pour l’Europe dans les domaines de l’harmonisation fiscale et sociale, et de la construction d’un espace de développement durable exemplaire. Ces propositions doivent être débattues largement, au-delà des cercles restreints actuels. C’est un débat pour les citoyens et c’est un débat pour la représentation nationale.

Nous avons aussi besoin d’un budget européen qui soit en cohérence démocratique avec le mandat de la Commission européenne et le renouvellement du Parlement européen. Or le temps du cadre financier pluriannuel sur sept ans, adopté avant les élections, ne correspond absolument pas au temps de la démocratie européenne. Là encore une réflexion s’impose.

Nous avons enfin besoin d’un budget européen plus lisible pour les citoyens et plus réactif pour agir en cas d’urgence. Un budget lisible c’est un budget qui se fixe des objectifs à atteindre avec des moyens pour y répondre. Un budget lisible c’est un budget où les dépenses sont évaluées, et peuvent ainsi évoluer au service d’une meilleure efficacité. Cette culture de l’évaluation qui imprègne désormais tous les pays de l’Union européenne doit s’imposer aux institutions européennes à commencer par la Commission.

Un budget réactif c’est un budget autonome qui permette à l’Union d’agir sans attendre. C’est un budget qui évite de se retrouver dans la situation que décrit Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen, et que je cite : Dès qu'on doit financer quelque chose pour faire face à une crise, on invente des satellites budgétaires, des fonds divers et variés, et l'on peine à obtenir des Etats qu'ils les abondent largement. C’est dire en peu de mots la nécessité du changement profond que nous avons besoin d’opérer pour que l’Europe soit au rendez-vous des ambitions que nous avons mises en elle.

Une Europe qui se préoccupe des grands enjeux, une Europe qui protège, qui crée, qui investit dans l’avenir, une Europe pour des temps de concurrences dures avec les nouvelles grandes puissances commerciales, une Europe qui relève le défi du réchauffement climatique, une Europe qui réponde avec le plus haut niveau d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme.

Une Europe enfin qui aille plus loin en matière économique et sociale. Nous soutenons l’idée que les pays qui ont en commun une même monnaie, doivent être à l’avant garde en matière d’intégration économique et sociale, en gardant la porte ouverte à ceux qui ont vocation à les rejoindre, et qu’ils devront pouvoir demain se doter d’instruments nouveaux pour retrouver de l’efficacité dans l’action collective.

Mes chers Collègues, le budget européen que nous voulons pour demain devra être au service d’une Europe plus politique et plus démocratique, pour que les citoyens se réapproprient enfin cette belle idée d’Union européenne.

C’est notre responsabilité, c’est la responsabilité de notre Parlement : participer à la fondation d’un espace démocratique européen dans lequel nos concitoyens auront enfin toute leur place.

 

Je vous remercie."

 

 


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