L'après 13 novembre nous fera-t-il consommer autrement ?

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Dans une tribune accordée au Huffington Post, le député européen Robert Rochefort s'interroge sur les éventuels changements de comportements du consommateur qui pourraient faire suite aux attentats du 13 janvier.

"Nous ne saurons qu'en début janvier si les attentats à Paris ont impacté les achats de Noël ou si un rattrapage aura lieu dans les tous derniers jours comme cela s'est déjà produit. Mais au-delà des fêtes - cette période bien particulière où les achats sont au service de la famille et du cercle amical - que constaterons-nous de plus durable ? Y aura-t-il des changements de comportements qui résulteront du drame vécu par la Nation le vendredi 13 novembre ? Il n'existe évidemment aucune référence comparable dans l'Histoire récente. S'il fallait néanmoins chercher une situation qui s'en rapprocherait - au regard de la question posée et uniquement pour cela - je retiendrais la 1ère guerre du Golfe, il y a presque 25 ans.

Le 17 janvier 1991, les forces des pays dits de "la coalition" répliquent à l'agression irakienne sur le Koweit en déclenchant l'opération "tempête du désert". Les Français sont sur le terrain et l'on craint des pertes humaines importantes. Pendant 3 mois - le temps des hostilités - la France vit dans un état d'anxiété pour ses soldats doublé de la peur d'attentats meurtriers sur le territoire national.

Une famille sur deux a stocké des aliments mais seulement une sur trente l'a reconnu dans les enquêtes. Samedi 14 novembre dernier dans certains supermarchés, on manquait de denrées, mais c'était la conséquence de la fermeture exceptionnelle de nombreux marchés...

Début 1991, la fréquentation des restaurants et des salles de spectacles chute fortement, ainsi que les déplacements touristiques, surtout lorsqu'ils sont lointains. Par ailleurs, on a vu émerger un sentiment de culpabilité : comment penser à s'amuser dans des temps aussi tristes ? Aujourd'hui, comme dans un appel à la résistance, c'est le contraire qui se proclame. Comment réagira-t-on dans quelques semaines, si doivent s'intensifier les engagements militaires en Syrie et perdurer à un haut niveau la crainte du terrorisme.

Pour l'économie de la consommation, ce qui eut le plus de conséquences à l'époque est sans conteste le report massif pendant plusieurs mois de l'achat de biens durables et la baisse de fréquentation dans les grands centres commerciaux. Il n'existe pas alors de e-commerce et la vente sur catalogues ne peut guère compenser ces achats qui ne se font pas dans les magasins. La situation est désormais bien différente, la crise actuelle boostera la vente en ligne sans pour autant -je le pense- tout compenser.

Il y a un quart de siècle, une fois la guerre terminée, tout laissait penser que les effets sur la consommation ne seraient pas durables, voire même que l'on constaterait un rattrapage. Il n'en a rien été. La consommation est restée atone de nombreux mois après la fin du conflit. En réalité, la guerre du Golfe a permis, en créant un choc et une rupture, un changement des comportements sous-jacents qui va s'épanouir durant la décennie suivante. Il se caractérise par une certaine lassitude à l'égard d'une consommation superficielle, hyper-individualiste et artificielle qui avait marquée les années 1980 et par la préférence accordée au retour de valeurs sûres et plus traditionnelles comme la santé, le terroir ou la famille (s'il fallait une image pensons à la voiture qui incarne cette période: l'Espace de Renault). Cela durera jusqu'au début du virage numérique au cap du changement de millénaire.

Peux-t-on envisager une transposition de ce raisonnement à la période actuelle ? Comme il y a 25 ans, un modèle s'épuise, celui du gaspillage et de l'hyper consommation. La prise de conscience écologique se répand peu à peu et des aspirations différentes arrivent. Elles s'appellent économies collaborative, circulaire ou encore de la fonctionnalité. Elles privilégient l'usage des choses à leur possession, l'achat d'occasion (et donc la revente), la durabilité, le recyclage, la mutualisation lorsque cela est possible, la production locale ou régionale. Cette fois-ci, les emblèmes en sont : Au bon coin, BlaBlaCar, Airbnb, Uber... Bien sûr, l'objectif est de dépenser mieux et si possible moins. Mais pas seulement, il s'agit aussi de retrouver des valeurs de "partage". C'est la "share economy". Alors que l'on cherche désespérément le retour de la confiance, elle s'exprime naturellement par les échanges interpersonnels d'expériences voire d'expertises sur internet. Ce sont les jeunes qui portent ces tendances et ce sont eux les plus touchés par le 13 novembre.

Les valeurs de la République sont à redécouvrir et probablement à refonder. Pour ré-enchanter la société, elles ne peuvent rester abstraites. Elles doivent s'incarner à nouveau, c'est-à-dire prendre chair dans les échanges entre les personnes, bien-sûr dans la sphère de la citoyenneté, mais aussi sur le théâtre des échanges de la vie quotidienne tellement plus concrets.

Il y a des évènements que l'on ne choisit pas mais qui forcent à l'accélération des choses. On ne se remet des drames collectifs que par un regain d'unité et de solidarité, ce qui n'empêche pas bien entendu la fermeté dans la réplique et la protection nationale. S'il est vrai que plus rien ne sera tout à fait comme avant, alors peut-être prendrons-nous plus vite ce virage d'une économie plus incarnée, plus fraternelle avec un consommateur qui devient parfois producteur de services pour d'autres? Reste à en accompagner la pleine éclosion. Cela pourrait être l'un des travaux pratiques issus de la COP21."

Robert Rochefort

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