"La société française est fragile et il n’y a rien de plus simple que de faire flamber les détestations des uns contre les autres"

Le président du MoDem a affirmé hier au micro de Public Sénat que la situation du la France exigeait à sa tête des responsables politiques prudents et avisés, qui puissent servir la paix civile et l'entente dans le pays.

François Bayrou, bonsoir.

Bonsoir.

On rend d’abord hommage si vous le voulez bien à un Béarnais, mieux même, à un Palois, Tony Estanguet, le champion du canoë bien connu et qui porte la candidature de Paris aux JO de 2024 et bien sûr vous le suivez ?

Je le suis. C’est un ami, c’est un de mes proches, et c’est quelqu’un qui joue pour la ville de Pau un rôle très important, et dans la vie sportive française et internationale également. C’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’affection.

Et donc vous partagez son engagement pour la candidature de Paris ?

Oui, s’il juge que c’est jouable, j’ai des souvenirs de déconvenues, je ne suis pas le seul à avoir vécu avec un peu de tristesse ce qui s’est passé lors de candidatures différentes, et j’ajoute que je voudrais que ce soit toute la France qui se retrouve concernée, et pas seulement l’agglomération parisienne.

Bien sûr. Pau a peut-être des atouts à faire valoir pour les épreuves de canoë ?

En particulier, nous avons à Pau comme vous le rappelez un des plus beaux stades du monde en matière d’eaux vives, en kayak et en canoë. Et je trouve que ce serait plus heureux que ce soit toute la France et pas seulement l’agglomération parisienne qui se sente concernée.

Dans l’actualité, il y a la perspective bien sûr d’un accord enfin avec la Grèce, est-ce que vous avez envie de pousser un « ouf » de soulagement ?

Je verrai quand on sera au bout de cet accord. Ce qui est à peu près certain et juste c’est que l’Europe ne pouvait pas s’accomoder sans rien dire d’une fracture, d’un éclatement, d’un accident qui aurait eu des conséquences négatives sur l’ensemble de l’union et de l’euro. Alors je reprends cette phrase parce qu’elle n’est pas évidente pour tout le monde. Il y a beaucoup de gens qui disaient « écoutez laissez sortir les grecs, et puis il ne se passera rien ». C’est une thèse que l'on a beaucoup entendue, défendue, par des esprits parfois tout à fait respectables. Pour moi cela n’a jamais été évident parce que dès l’instant que vous laissez une fracture s’établir, et un pays de la zone euro faire défaut - ne pas rembourser ses dettes - à l’instant même, la totalité de la zone euro n’apparaît plus comme une zone de sûreté, de sécurité financière. Et quand vous n’êtes plus une zone de sécurité financière qu’est-ce qu’il se passe ? Et bien c’est très simple les taux d’intérêts montent.

Donc on a raison d’être solidaires avec la Grèce ?

On a raison d’éviter autant que faire se peut l’incident et la rupture. Après est-ce que ce sera durable étant donné la situation actuelle de la Grèce, qui est aussi et surtout de la responsabilité du gouvernement précédent, est-ce que l'on peut être rassuré complètement ? Je ne me rangerais pas dans le camp de ceux qui sont rassurés. Je n’espère rien secrètement, j’ai une conviction depuis longtemps que j’ai exprimée sur tous les plateaux qui est que les promesses que avaient faites Syriza et Tsipras n’étaient pas compatibles avec la nécessité et l’obligation auxquelles la Grèce doit faire face. Ce que je dis pour la Grèce est vrai pour la France. Lorsque vous êtes un pays qui doit emprunter pour vivre tous les jours, emprunter pour son quotidien, pour les salaires… Vous ne pouvez pas aller voir les banques ou les États auprès de qui vous empruntez, en disant « je ne vous rembourserai pas ». Parce que dès l’instant où vous dites ça, les taux d’intérêts explosent parce que vous n’allez pas prêter à votre voisin si votre voisin vous dit « je te préviens je vais te les emprunter mais je ne te les rendrai pas ». Vous vous rendez compte de la limite de ces promesses ! Très souvent on entend cette question : « mais alors, la démocratie n’a plus son poids, sa liberté, les peuples ne peuvent pas choisir ce qu’ils veulent ». Non, les peuples ne peuvent pas choisir ce qu’ils veulent lorsqu’ils sont obligés d’emprunter.

Alors quand vous regardez ce qui s’est passé ces dernières heures, François Hollande s’est montré plutôt conciliant, Angela Merkel s’est montrée plus intraitable. Que pensez-vous de cette répartition des rôles ?

La vérité est que la France s’est engagée pour la Grèce à hauteur de 60-65 milliards, ce qui veut dire 1000 euros par Français. Vous êtes une famille de 5 personnes, c’est pour 5000 euros que vous êtes engagés en Grèce. Et donc je soutiens et je comprends la nécessité de ne pas arriver à l’accident mais je dis aussi que les gouvernements français sont responsables de dizaines de milliards de dette qui sont engagées en Grèce.

Est-ce que cette si longue négociation ne montre pas toutes les fragilités de l’Europe ? 

Dire que c’est de l’Europe que vient la crise de la Grèce, ce n'est pas vrai. La crise de la Grèce vient de la Grèce. C’est à Athènes que les décisions ont été prises et que le trucage a été organisé, alors peut-être que l’Europe a un peu fermé les yeux. Mais c’est à Athènes, parmi les dirigeants grecs, et les deux gouvenement successifs de droite et de gauche, c’est eux qui ont décidé de truquer les chiffres. Les engagements sont tels et la solidarité est telle, l’étroitesse des liens nous engage tous. Je ne vous ai pas dit que j’étais optimiste pour l’avenir de la situation grecque. Je vous ai dit que si on peut éviter l’accident, bien sûr, c’est mieux.

Alors l’Europe semble hésitante aussi face au drame des migrants. Là, on nous annonce l’envoi d’une armada conséquente dans les mois qui viennent, simplement pour observer ce qui se passe. Est-ce que vous trouvez ça utile ? Ou est-ce que vous attendez autre chose par exemple au niveau des passeurs ?

Je suis pour que l’on organise la sécurité des côtes, et pour qu’on ne laisse pas passer n’importe quelle embarcation chargée de pauvres gens qui ont payé des milliers de dollars chacun pour aller vers l’eldorado européen. Encore faut-il répondre à la question pour laquelle on n’a pas encore proposé de réponse et qui est : « que fait-on des migrants qui sont sur les bateaux ? » Pour l’instant on les ramène sur nos côtes et moi je défends l’idée qu’il va falloir nouer des accords avec les pays d’origine pour ramener les migrants et peut-être pour organiser dans les régions d'où ils viennent, une sécurité. Je pense à la Libye. On ne peut pas laisser le désordre qui existe en Libye.

Jean-Pierre Raffarin était à votre place la semaine dernière, lui, il préconise l'installation dans les villages désertés en France de deux ou trois familles de migrants. Que pensez-vous François Bayrou de cette proposition de l'ancien Premier ministre ?

C'est très rare que je sois en désaccord avec Jean-Pierre Raffarin parce qu'habituellement on a – en raison de l'histoire – des réflexes qui sont assez proches. Mais, toute idée qui consiste à laisser penser que les campagnes françaises, les villes françaises, vont être organisées pour que s'installent des groupes de migrants et pire encore...

Repeupler.

"Repeupler" : l'expression, si vous y réfléchissez est horrible, parce que vous voyez bien ce qu'elle implique ! Je suis en désaccord avec cela. Je considère que nous avons tous une responsabilité et que l'on ne peut pas laisser l'Italie toute seule – et la Grèce aussi qui est victime de vagues de migrants – face à cette responsabilité d'avoir à affronter des déplacements de populations simplement parce qu'elles sont aux premières loges. C'est cela la vérité. Je pense qu'on a une responsabilité. 

Mais on entend des responsables à la Commission dire qu'il faut que l'Europe ouvre ses frontières, que c'est une condition indispensable à sa croissance, que répondez-vous à cela ?

Les gens qui disent cela ne comprennent pas comment les peuples vivent et quelles sont les émotions qu'ils ressentent. J'ai une certitude, c'est que la question de l'immigration et de l'acceptation des migrations est une question d'équilibre des populations. Lorsqu'il y a un équilibre, à ce moment là, la question de l'immigration est acceptée. Si d'un coup vous avez des groupes très nombreux qui arrivent et des déséquilibres de populations qui se créent, alors vous avez des rejets. Et la couleur de la peau ne fait rien à l'affaire. Vous pouvez avoir des groupes qui sont ethniquement très proches, et puis tout à coup vous vous sentez agressé dans votre manière d'être, dans votre manière de vivre. Les peuples sont comme cela. Je vais prendre un exemple très étrange sans doute. Les Mahorais, à Mayotte, et les Comoriens, se sont exactement les mêmes ethnies. Ce sont les mêmes origines familiales, les mêmes communautés. Lorsque des déplacements importants de Comoriens ont lieu, alors des scènes et des sentiments de racisme se développent au sein de la population mahoraise. Vous voyez bien que ce n'est pas une question d'ethnie, de couleur de peau ou de religion comme on le dit. C'est aussi un déséquilibre qui vient du nombre. Lorsque le nombre devient trop important, la réaction de rejet est immédiate.

Il est en campagne François Hollande ? Est-ce ce que vous le constatez ?

Il y a toujours un aspect électoral, ou un mouvement pour espérer faire remonter les sondages. Ce que je crois c'est que François Hollande, auprès des Français, a perdu son crédit.

À jamais ?

Je ne vois pas très bien de quelle manière il pourrait le retrouver. Il a perdu son crédit non pas, comme cela a été indiqué, pour des raisons d'image, mais pour des raisons de fond. Il n'a pas assuré la mission qui était sienne, celle de donner à la France un projet, une volonté de la fédérer et de la rassembler. C'est parce qu'il n'a pas assumé cette mission que les Français n'ont plus confiance en lui. Vous avez encore vu ce week-end la dégringolade des sondages. En plus, les « pochettes surprises » - l'expression a été utilisée - sont un leurre. C'est n'importe quoi. Dans un pays dont tout le monde sait qu'il n'arrive pas à réduire son déficit, prétendre qu'on aurait de l'argent pour au contraire faire des largesses, c'est une manière de prendre les citoyens pour des gogos et je vous assure que l'humeur du pays n'est pas à se laisser gogotiser.

C'est dangereux ce qu'il dit, ce qu'il fait, ce qu'il promet aujourd'hui François Hollande ?

Hélas, c'est tellement classique et cousu de fil blanc, de grosses ficelles, de câbles de marine... Prétendre distribuer l'argent qui n'existe pas, sans avoir réussi à rétablir les conditions dans lesquelles le pays peut créer de l'emploi, de la richesse, de l'attractivité, et reprendre ces ficelles qui sont des ficelles éculées, pour moi, je ne vois pas ce que cela peut apporter de bon, y compris pour lui même.

Vous parliez des sondages, pour vous il n'est pas en capacité de se représenter en 2017 ? Comment voyez-vous les choses ?

Il décidera. La seule chose qui m'intéresse ce ne sont pas les sondages mais la préoccupation que j'ai de ce qu'est la situation du pays et l'intérêt du pays. Aujourd'hui, je ne vois pas de quelle manière l'intérêt du pays peut se retrouver dans des recettes éculées comme celles-ci.

D'où le prélèvement à la source… Vous avez dit que vous l'aviez déjà proposé il y a des années. 

Oui, j'ai défendu l'idée du prélèvement à la source. Le prélèvement à la source c'est comme l'enfer. Vous savez, l'enfer est dans les détails. Le gouvernement annonce le prélèvement à la source mais ne le fait pas. Il l'annonce mais dit, « on le réalisera en 2018 et si on le réalise en 2018, c'est après les élections ». Tout ceci est de la fausse monnaie.  

C’était une promesse de campagne.

Et si on le réalise en 2018, c’est après les élections, et donc tout ceci est de la fausse monnaie.

Alors passons de l’autre côté de l’échiquier politique, il y a eu récemment des déclarations de Nicolas Sarkozy sur les migrants - qui a choqué une partie des hommes et femmes politiques - qui sont comparés à une fuite d’eau. Est-ce que ces déclarations vous encouragent à soutenir et à aider Alain Juppé ? Est-ce que cela vous renforce dans cette perspective ?

Je n’ai jamais changé d’avis depuis une longue période, sur ce qu’est l’intérêt du pays. Mais peut-être faut-il regarder attentivement pourquoi ces phrases sont choquantes. Quelle est la raison qui a ému à ce point l’opinion.

Disons choqué.

Oui. Je vais vous dire pourquoi.

Les spectateurs qui étaient là, manifestement ont ri.

Vous savez, hélas, une salle partisane, on peut l’entrainer à applaudir beaucoup de choses même excessives et à les faire rire de beaucoup de choses, même tristes. Parce que c’est l’ambiance des meetings, et l’aspect partisan des choses est évidemment extraordinairement dangereux. Alors pourquoi est-ce choquant ? C’est choquant parce que cela parle de personnes humaines, de femmes, d’hommes, d’enfants, de jeunes, comme de choses. Vous voyez bien que mettre sur le même plan et dans la même phrase des destins humains - et des destins humains qui sont souvent tragiques - et des choses domestiques comme une fuite d’eau, une fuite d’eau sale qui se répand dans une maison, il y a là quelque chose d’extraordinairement troublant. Et tout le monde le sent instinctivement. C’est pourquoi je trouve que les responsables politiques gagneraient à prendre les choses par le haut.

Vous dites « troublant », vous pensez à quoi ? Vous pouvez dire un autre qualificatif ?

Non, je pense que c’est, hélas, infiniment blessant, pour beaucoup de gens qui instinctivement sentent que si ces gens s’en vont, ce n’est pas pour le plaisir. Si ces gens fuient, si ces gens paient toute leur fortune et au-delà, tout ce qu’ils ont pu amasser et au-delà, pour aller mourir en mer, ce n’est pas parce qu’ils sont uniquement mal-intentionnés. Non, c’est parce que la vie, les conditions de vie qui leur sont faites sont des conditions de vie terribles pour eux. Et donc, au moins, on ne peut pas en parler comme s’il s’agissait d’une fuite d’eau de vaisselle, vous comprenez.

Est-ce que vous êtes d’accord avec Manuel Valls qui a dit hier que l’islam allait être un enjeu électoral ? 

On en fait un enjeu, et je suis en désaccord profond avec cette manière de regarder les choses. Mais je voudrais aller un peu plus loin. La société française, spécialement parce qu’elle est en crise, mais aussi parce qu’elle est en butte à des crispations, à des mouvements, à des tremblements de terre comme beaucoup de sociétés en Europe et dans le monde, est fragile et il n’y a rien de plus simple que de faire flamber les détestation des uns contre les autres ; et de les faire flamber sur les questions de mode de vie et de religion c’est encore plus facile que le reste. Vous savez que j’ai écrit plusieurs livres sur les guerres de religion et c’est pour moi un sujet de réflexion depuis longtemps. Et Henri IV qui a permis de sortir des guerres de religion est un point de repère dans l’Histoire de la France.

La place de l'islam doit être mise de côté dans la perspective de la présidentielle ? 

Elle ne sera pas mise de côté, parce que, forcément, il y a des forces qui veulent la faire flamber. Et moi, je pense qu’il y a là un point extrêmement important de notre projet pour le pays. Il y a des gens qui prétendent que l’on peut dresser, opposer les uns contre les autres et il y a des gens - et j’en serai - qui prétendront que l’avenir du pays c’est, au contraire, que nous prenions enfin conscience que nous allons devoir vivre ensemble.

Là vous parlez d’Alain Juppé également. Alain Juppé, contre qui ? Vous pouvez aussi nommer les adversaires. Ce sera encore plus clair.

Non, laissez moi parler du fond. Il faut que nous prenons conscience que les petits garçons et les petites filles qui sont sur le banc de l’école - dont peut-être on parlera un peu plus tard - vont devoir vivre ensemble. Que tous ceux qui prétendent que l’on pourrait faire partir ceux qui sont là - qui ont la nationalité française, ont grandi chez nous, sont nés là, et qui, au fond, paient des impôts - que l’on pourrait les chasser, les jeter à la mer...

On parle de l’intégration et même de la notion d’assimilation.

...ceux-là, ceux qui prétendent défendre ces thèses, non seulement nuisent à l’intérêt du pays mais en plus ce sont des menteurs, parce qu'évidemment, ce n’est pas ce qui se produira. Alors il faut que l’on cultive ou que l’on entre dans un environnement de compréhension mutuelle, en expliquant que : un, on va devoir vivre ensemble et deux, que pour vivre ensemble, il faut que tout le monde fasse des efforts, en particulier l’effort de ne pas blesser les uns ou les autres. Par exemple, il y a une phrase que je considère comme terriblement malheureuse, dangereuse et même pas très sensée qui a dit qu’il fallait que les églises soient transformées en mosquées.

C’est le recteur de la mosquée de Paris.

Je pense que cette phrase - et Monsieur Boubakeur n’est pas en cause, c’est quelqu’un que je respecte - est de nature à mettre le feu.

D’accord.

Vous comprenez bien que quand vous êtes attaché à votre religion, à votre foi, où même quand vous n’y êtes plus très attaché, mais que vous prenez les lieux les plus sacrés, les plus consacrés dans votre pays, et vous prétendez que l’on peut évidemment gommer tout cela dans un édifice dont tout le monde voit qu’il est un point de repère pour un village, pour un quartier ou pour notre histoire, mais c’est de nature à mettre le feu ! Et tout cela demande, toute cette situation exige qu’il y ait des responsables qui soient responsables, des responsables qui soient prudents, avisés, qui aient un jugement équilibré et qui ne se lancent pas dans des improvisations dangereuses.

Vous réagissez beaucoup plus vivement que l’épiscopat, qui n’a pas réservé ce type de réaction à Dalil Boubakeur.

Et bien, je suis absolument certain que je réagis pour servir la paix civile et l’entente dans le pays. À partir du moment où l’on alimente ce genre d’idée que, au fond, on peut remplacer ce que nous sommes par autre chose, à ce moment-là, vous faites flamber les esprits. Et je le dis de quelqu’un qui est croyant, qui aime la laïcité, qui la défend, qui respecte les croyants.

Alors le vivre ensemble entre les partis politiques, puisque vous êtes en train de dire « Il faut bien s’entendre », est-ce que vous allez vivre avec Les Républicains pour les régionales ?

Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Est-ce que vous allez en Rhône-Alpes, en Ile-de-France… Comment cela se passe ? Comme vous êtes très critique sur Nicolas Sarkozy...

Est-ce que vous pouvez m’expliquer votre formulation ! 

Est-ce que vous trouverez votre place dans votre alliance avec l’UDI et donc les Républicains. Est-ce que c’est déjà le cas sur le terrain ?

Et bien, vous voyez bien ce qu’il en est. Il y a des forces politiques étiquetées au centre qui pensent qu’elles sont dans une alliance obligatoire.

Vous parlez de l’UDI ? Pour être clair.

Oui, je parle de l’UDI, en tout cas d'un un certain nombre de responsables de l’UDI parce que sur le terrain ce n’est pas du tout cela. Et donc, il y a des gens, dans les appareils, qui considèrent qu’il faut une alliance obligatoire.

Mais par exemple, en Rhône-Alpes, vous le MoDem, vous ne voulez pas aller avec Laurent Wauquiez.

Nicolas Sarkozy dit « cette alliance ne se discute pas, et à partir du moment où vous voulez être sur une liste avec nous, vous vous engagez pour l’avenir à nous soutenir, et en particulier à participer à l’organisation de cette primaire ». Voilà. Et bien ce n’est pas ma conception. Ma conception, c’est qu’il y a deux forces politiques distinctes, pas un amalgame, que la nature du centre - s’il veut exister - est d’être indépendant, qu’il peut nouer des alliances mais qu’il ne peut pas entrer dans une soumission. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ? Pour moi, il y a incompatibilité entre l’idée d’indépendance d’un courant politique plein et entier et la soumission que l’on exige.

Une dernière question concernant la région Rhône-Alpes. On s’interroge sur ce que vous voulez faire par rapport à Laurent Wauquiez.

C’est très simple : nous avons investi et désigné une personnalité jeune, intéressante, attrayante, respectée qui s’appelle Patrick Mignola et qui est en train de réunir des équipes et d’élaborer un projet.

Pourquoi voulez-vous faire barrage à Laurent Wauquiez ? Qu’est-ce qui ne vous plait pas chez lui ?

Est-ce que vous m’avez entendu utiliser cette expression ?

Non.

C’est vous qui l’utilisez parce que vous essayez de me faire dire quelque chose. Or, j’essaie de choisir mes mots. J’aurais préféré de loin la candidature de Michel Barnier, qui avait l’expérience, l’enracinement et la capacité de représenter cette région dans l’ensemble européen qui est le nôtre. Les habitants de la région ont droit à ce qu’on leur propose un choix, une proposition différente, une sensibilité différente pour l’avenir de la région Rhône-Alpes. Et c’est ce que Patrick Mignola est en train de faire.

Pas en Île-de-France ?

Mais en Île-de-France c’est possible puisque nous avons comme vous savez des équipes et un courant politique qui est fort. Marielle de Sarnez et Yann Wehrling ensemble sont de nature à porter ce projet. Alors de deux choses l’une : ou bien l’UMP voudra qu’il y ait une entente sur des bases dont on discutera, sur la liberté que l’on assumera, et à ce moment-là peut-être l’entente pourra se faire – parce qu’il n’y a pas de guerre contre Madame Pécresse – ou bien elle ne le voudra pas et dans ce cas nous proposerons un autre choix aux habitants de la région.

On va évoquer votre combat contre la réforme du collège avec le renfort de l’Académie française. Est-ce que vous prenez l’engagement, si la droite ou le centre arrive au pouvoir en 2017, de revenir sur cette réforme du collège ?

Au lieu d’écouter, de comprendre, d’entendre et de rassembler, on passe en force. Et comme on passe en force, évidemment cela va devenir un sujet électoral. C’est l’attitude du gouvernement en général, et donc du Président de la République parce qu’évidemment derrière le gouvernement, tout cela n’a pas pu se faire sans que François Hollande ne donne son blanc-seing. Peut-être qu’il n’a pas lu ou pas fait attention, mais il devrait demander à quelqu’un de son équipe d’aller lire sur la pétition que nous avons signalée « www.pouruncollegdelexigence.fr » les commentaires. Il y en a des milliers et ce sont des commentaires de gens qui, engagés dans l’enseignement, sont plus généralement de gauche qu’ils ne sont du centre ou de droite.

La réforme de la ministre, est-ce un nivellement par le bas ?

Oui. C’est le choix d’empêcher les parcours différents. J’ai moi-même été - comme vous le savez - à l’origine de textes de cet ordre. C’est moi qui, ministre de l’éducation, ai remis le latin en cinquième et le grec en troisième, des options ou des cheminements particuliers pour les langues vivantes, qui ai créé les stages en entreprise en troisième… Pourquoi ? C’était l’idée que, bien sûr on est dans le même établissement – c’est ce qu’on appelle le collège unique, ça c’est justifié – mais que nous n’allons pas pour autant vers le collège uniforme. Nous allons vers un collège qui peut être différencié, en fonction des goûts, des attentes et des aptitudes.

La ministre ne dit pas autre chose.

Non. La vérité des choses c’est qu’en supprimant ces options, vous imposez un parcours uniforme et vous n’avez plus la possibilité quel que soit votre milieu d’origine, social, culturel, de choisir des parcours qui vont vous conduire aussi loin que possible : aussi loin que si vous aviez eu la chance de naître dans un milieu culturellement favorisé. Ce qui veut dire que c’est socialement honteux ! Cela veut dire que n’auront cette chance que ceux dont les parents auront les moyens de payer ou de l’enseignement privé ou des cours particuliers. Et bien ceci est une atteinte profonde au pacte qui est au cœur de l’éducation nationale.

Vous allez poursuivre le combat ?

Oui, nous allons le poursuivre, nous allons organiser des événements à la rentrée.

Cela peut être embarrassant aussi un soutien de l’Académie française car elle est aussi connue parfois pour ses positions conservatrices.

On m’accuse parfois d’être conservateur : je suis conservateur de tout ce qui marche bien.

Vous ne pouvez pas dire que l’école marche bien. Elle est profondément inégalitaire, vous l’avez rappelé tout à l’heure.

Excusez-moi, mais ce à quoi on s’attaque, c’est ce qui fait que des enfants venus de milieux défavorisés peuvent avoir accès au meilleur. C’est cela que l’on supprime ! C’est de cette possibilité, de cette liberté donnée à tous les enfants d’avoir des parcours exceptionnels que je m’affirme le défenseur. Pour moi, c’est un point absolument central du projet de société que les uns portent et les autres combattent.

Est-ce qu’il faut faire de la place en politique en limitant à 70 ans l’âge limite pour se limiter à une élection ?

Je n’ai jamais été partisan des limites d’âge. Dans l’histoire, vous essayez de réfléchir à de Gaulle ; Winston Churchill, le président israélien Shimon Peres – et Dieu sait que ce n’est pas un homme politique de deuxième plan – vient de quitter le pouvoir à 90 ans. Le président de la République italienne Giorgio Napolitano, qui a permis à l’Italie d’échapper au chaos crée par Berlusconi, avait 90 ans ! De ce point de vue, je trouve qu’il est stupide de limiter la liberté de choix d’un peuple : il est assez grand pour dire « celui-là je n’en veux pas, celui-là si ». En revanche, je trouve justifié qu’on limite le nombre de mandat dans le temps, parce que ce que je trouve juste c’est que l’on oblige à se renouveler le monde des responsables politiques. J’ai occupé plusieurs fonctions et j’ai toujours pensé finalement, avec la réflexion et faisant le bilan, que c’était bien d’être obligé de changer de fonctions à intervalles réguliers. Disons trois mandats, c’est un maximum, et ce serait bien qu’on limite la répétition des mandats.

Est-ce que pour 2017, les programmes à la présidentielle, ça va être une énorme réforme institutionnelle, notamment revenir sur cette procédure parlementaire dont on dit aujourd’hui qu’elle est trop lente ?

Je pense que la procédure parlementaire est totalement inadaptée à la réalité du pays. Je pense qu’une des raisons de la rupture entre les citoyens et les pouvoirs, c’est que les pouvoirs parlent et n’agissent jamais. Et je pense qu’il est indispensable que l’on puisse avoir une réactivité des institutions et une vérité des institutions. Quand vous pensez que la moitié du peuple français n’est pas représentée dignement, convenablement dans les instances délibérantes… Le MoDem est représenté à l’Assemblée, au Sénat, mais pas à la hauteur de ce qu’il représente dans le pays. Il m’est arrivé, et il est arrivé à Marine Le Pen la même chose : près de 20 % à l’élection présidentielle et au bout du compte 2 députés sur 600 ! Vous voyez bien que ce n’est pas juste. Et donc il faut une loi électorale et un changement de la pratique politique qui permette de décider vite.

Merci François Bayrou.

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