"La réforme du collège est un affront à une certaine idée que la France s’est faite de l’éducation tout au long de son existence"

Invité de la matinale de France Inter, François Bayrou a dénoncé la suppression des classes bilangues en province engagée par la réforme du collège. "Que ce soit un gouvernement qui se dise de gauche qui installe un privilège de résidence est un affront !" a jugé l'ancien ministre de l'Éducation nationale.

Bonjour François Bayrou !

Bonjour !

Je rebondis sur la chronique de Bernard Guetta, désormais le président Iranien est-il un ami, un allié, un dirigeant fréquentable ?

L’Iran est un état et un pays dont la force, le nombre et la puissance obligent qu’on en tienne compte. Et ceci était une nécessité qui était inscrite dans les faits depuis longtemps, et à l’intérieur de l’Iran, le président semble, Bernard Guetta vient de le dire, être plutôt de ceux qui poussent à la normalisation des rapports et à un équilibre différent à l’intérieur qui ne soit pas entièrement soumis au religieux. Et donc de ce point de vue-là, oui, je pense qu’il est utile de lui parler.

De lui parler donc de composer avec lui.

En attendant, le chaos proche oriental continue d’alimenter le flux de réfugiés vers l’Europe et les crispations des opinions publiques. Vous avez vu ce qui vient de se passer au Danemark où la réforme du droit d’asile a été adoptée hier à une écrasante majorité. Elle veut dissuader un maximum de migrants de venir s’installer dans le pays. Elle prévoit de confisquer leurs effets de valeur. Où est l’Europe, où sont les valeurs humanistes que vous défendez François Bayrou ?

Il ne faut pas confondre les choses, les valeurs humanistes sont une chose et il est naturel et important qu’on ait à l’égard des réfugiés et des vagues qui les poussent vers nous, une attitude résolument constructive, que l’on aide dans les pays d’où ils viennent en particulier. Il faut une volonté d’imposer un ordre qui, pour l’instant, n’existe pas et détruit les sociétés d’où ces femmes et ces hommes viennent le plus souvent. Mais aucun pays ne peut accepter d’avoir des vagues de réfugiés sur son sol sans les réguler. Ça n’existe pas. Je n’ai, pour ma part, jamais cru qu’on pouvait en arriver là car dès l’instant que vous êtes devant des nombres, des chiffres, des vagues, il y a des déstabilisations des sociétés dans lesquelles vous vivez et donc la régulation, la recherche de l’équilibre est une chose tout à fait essentielle. Je ne porte pas de jugement négatif sur les dirigeants qui essaient de faire en sorte qu’il y ait cet équilibre, qu’on le crée. La régulation est une nécessité et pour qu’il y ait régulation, il faut qu’il y ait identification. Il faut qu’on sache où les gens vont. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas des avantages excessifs, du moins qui paraissent excessifs par rapport à la population qui vit sur le sol. Cette régulation est nécessaire et vous verrez que l’on y viendra. Il n’est pas possible que l’Europe en reste là. Et il n’est pas possible en particulier que l’Europe continue à jouer chacun pour soi.

Comment ?

Par la prise de conscience des pays européens et la volonté que ces pays exprimeront. Il y a des pays en Europe qui sont en train de bâtir une charte des droits et avantages que les réfugiés peuvent avoir, comme le Benelux, pour que ce soit les mêmes droits partout et afin qu’il n’y ait pas cette course qui les fait traverser et qui les fait dire « si vous ne nous prenez pas chez vous, nous allons chez les autres ». Ce n’est pas de cette manière que l’on peut y arriver. Je suis un partisan de la régulation et de la création de règles qui s’appliqueront partout sur le sol européen.

Hier, il y avait un mouvement assez suivi des enseignants, toujours contre la réforme du collège, quel est votre regard sur cette opposition qui se cristallise entre ces enseignants et la Ministre Najat Vallaud-Belkacem ? Réforme qui va entrer en vigueur à la rentrée prochaine

Je pèse mes mots en vous répondant. La réforme du collège est un affront à une certaine idée que la France s’est faite de l’éducation tout au long de son existence. Le fait que l’on réserve à des privilégiés des enseignements qui étaient hier offerts à tous est une atteinte profonde aux valeurs, aux idéaux qui sont ceux des éducateurs.

Pourquoi dites-vous des « privilégiés » ?

C’est très simple. Comme vous savez, les humanités classiques qui ont été la base de l’éducation de la France pendant des siècles sont rayées d’un trait de plume. Et prenez cette affaire de la suppression des classes bilangues, vous allez découvrir quelque chose de stupéfiant et que je n’aurais pas cru si cela n’avait pas été écrit : le ministère a décidé que les classes bilangues qui étaient hier offertes sur l’ensemble du territoire seront conservées à 100 % à Paris et supprimées partout ailleurs en France dans de très grandes largeurs. Je donne un exemple, j’ai lu qu’à Nantes il en restait 3 sur 60 ! 100 % des classes sont maintenues à Paris et elles sont pour la plupart supprimées en province. Est-ce que vous mesurez ce que ça veut dire ? Que ce soit un gouvernement qui se dise de gauche qui installe un privilège de résidence, pour moi, est un deuxième affront qui est apporté.

Est-ce que vous mesurez ce que cela veut dire ? Et que cela soit un gouvernement qui se dise de gauche qui fasse ça, c’est à dire qui installe, au fond, un privilège de résidence parce que l’on est dans la bonne ville, parce que l’on connaît - au fond - les décideurs, on est proche et on peut exercer de l’influence. Pour moi, c’est un deuxième affront qui est apporté, c’est le contraire de ce que nous voulons, de ce que nous avons voulu, de ce dont beaucoup d’entre nous ont rêvé pour l’Education nationale. Et je vous assure qu’il n’est pas étonnant que les enseignants français se sentent à ce point heurtés dans leur conscience – enfin – dans l’idée qu’ils se font de leur avenir. Pour moi, en tout cas, je considère cela comme insupportable. Parmi les raisons que j’ai de me sentir profondément dans l’opposition à ce gouvernement, il y a évidemment la politique éducative.

Encore un mot avant la revue de presse. Vous êtes Ministre de l’Education, François Bayrou – ce n’est pas une utopie considérable – vous vous retrouvez sur un plateau télé aux côtés d’un homme qui se présente comme un musulman normal mais qui vous explique qu’il refuse de serrer la main d’une femme et qui tient des propos embrouillés sur les exactions de Daech. Vous réagissez comment ? Vous l’ignorez ? Vous l’affrontez ?

Je crois que je ne l’aurais pas accepté, mais je ne veux pas jeter la pierre sur cette affaire-là.

Vous n’auriez pas accepté cette proximité ?

Moi, je ne l’aurais pas accepté. Mais peut-être, l’expérience joue aussi un rôle. Peut-être Madame Vallaud-Belkacem a-t-elle été déstabilisée personnellement par ce qu’elle entendait. Donc, de ce point de vue-là, je fais la différence et je fais attention aux jugements. Moi, en tout cas, je ne l’aurais pas accepté parce que chez nous, dans notre société, ce n’est pas acceptable, quelle que soit sa religion, son origine, sa culture.

QUESTIONS DES AUDITEURS

Soutien à Alain Juppé : "J’ai dit que si Alain Juppé était choisi, je l’aiderai. Et je l’aiderai en particulier en essayant de faire prendre en compte des propositions, des visions sur la société française qui sont absolument nécessaires et utiles. Pourquoi ? Parce que je trouve que cela a de la signification, dans le moment où l’on vit, où c’est chacun pour soi et tous contre tous ! C’est comme cela que ça se passe. Si vous regardez le débat politique, il est incroyable ! Tout le monde dit à peu près la même chose, notamment sur les sujets économiques et sociaux. Il y a un sentiment de brouillage généralisé et cependant, personne n’est capable de s’entendre avec personne. C'est une guerre générale, à l’intérieur des partis, entre partis, entre clans, entre écuries et cette guerre est décourageante pour les citoyens ! Il m’a semblé que l’attitude de quelqu’un qui a un socle électoral qui n’est pas mince - il suffit de regarder les enquêtes d’opinions - qui consiste à dire « écoutez, moi, je suis prêt à travailler avec une personnalité qui n’est pas de mon parti, mais je suis prêt à l’aider - avait du sens, de la signification. Pourquoi ? Alain Juppé a choisi une attitude plus rassembleuse. De ce point de vue, le choix que j’ai fait, l’effort aussi de dire « je l’aiderai », est une manière d’apporter un peu de désintéressement dans un jeu politique qui pour les citoyens est marqué par beaucoup d’égoïsme."

Volonté de recomposition politique : "Pour moi la recomposition politique est une nécessité. Elle aurait dû intervenir depuis très longtemps. Vous vous souvenez que j’ai eu un débat un peu vif avec Jacques Chirac en 2002 : quand 80 % des Français ont voté pour lui, je lui ai dit ‘vous devriez faire un gouvernement d’union nationale’ et on s’est fâché assez fortement à cette époque parce qu’il m’a dit ‘pas du tout, je vais faire le parti unique’. J'étais absolument opposé à cette approche. Il fallait mesurer que beaucoup des Français avaient pris sur eux - pour un intérêt qui dépassait celui des partis et des camps - en allant déposer un bulletin de vote en faveur de celui qui était au fond leur adversaire historique. Ils avaient fait cet effort par million ! Le lendemain, on les a rejetés dans les ténèbres extérieures. Je trouve que ça a été une occasion manquée formidable. Si vous mesurez la situation de la France en 2002 et celle d'aujourd’hui, vous verrez que rien n’a pu bouger et rien n’a pu avancer. Ce que défend Nicolas Sarkozy dans son livre est le contraire : il dit qu’il est obligatoire d’organiser un affrontement et que tous ceux qui recherchent le consensus sont des gens qui au fond sont des mous. Moi je pense qu’il est absolument nécessaire de changer la pratique politique et je m’y emploierai."

Inscription de la déchéance de nationalité pour les binationaux : "C’est un débat incompréhensible. Je n’ai pas été choqué quand j’ai entendu le Président de la République dire que l’on allait prendre des mesures de cet ordre à l’égard des terroristes qui viennent attaquer les français sur le sol français et les enfants dans les terrasses de cafés ou dans les salles de spectacle. Au fond, j’ai trouvé qu’un pays qui dit : chez nous on ne peut pas faire n’importe quoi, est un pays qui se tient. Je ne suis pas choqué.

Il est vrai qu’il y a une émotion assez grande chez les français qui ont deux nationalités et on en a tous dans nos familles, dans la mienne aussi, et qui ont le sentiment d’être stigmatisés ou d’être mis de côté. Il est nécessaire de dire qu’il ne sont visés en rien. Personne n’est visé. Il n’y a que le terrorisme et la condamnation pour terrorisme qui implique cette déchéance. Est-ce de nationalité ? Est-ce de citoyenneté ? Il y a un débat énorme au sein de la majorité qui montre qu’il n’y a pas de cohérence, de cohésion au sein de la majorité."

Agriculture : "Je me suis toujours opposé à la fin des quotas laitiers par ce que je pensais que c’était un moyen de sauvegarder l’avenir de l’exploitation qui allait autrement être soumise à une  concurrence d’écrasement. En effet, le seul critère qui permet de faire vivre une exploitation est le fait qu’elle soit suffisamment grosse pour produire suffisamment de lait afin d’écraser le marché. Je me suis toujours opposé à la fin des quotas laitiers. Et on a aujourd’hui le résultat. Il y a beaucoup de désespoir dans le monde agricole, il est immense. Je me sens solidaire, j’y ai grandi mais j’ai aussi été producteur laitier à la mort de mon père pendant dix ou douze ans. Je sais exactement de quoi il s’agit. Il y a un immense désespoir économique, on les a amenés à s’endetter, ils n’arrivent plus à y faire face. Et en même temps, ils sont profondément contestés sur leurs pratiques, sur la manière dont on conduit un troupeau ou sur leur exploitation céréalière. Je pense que l’on va devoir s’interroger sur le modèle agricole. Je ne crois pas au modèle agricole ultra libéral. Il est temps de rappeler qu’une politique agricole, au niveau d’un Etat ou de l’Union Européenne, a deux buts : l’alimentation des sociétés pour qu’elles ne soient pas dépendantes de l’extérieur et que l’on sauvegarde un tissu d’exploitation agricole suffisant pour que la culture du monde agricole demeure présente et vivante dans la société qu’est la nôtre.

Ne tenir compte que du but de la production au plus bas prix, ce que l’on a fait depuis des décennies, est une catastrophe. On a remplacé par des aides issues de la fiscalité le revenu qui aurait dû venir des prix et cet équilibre-là a été abandonné, saccagé. C’est un modèle dans lequel je ne me reconnais pas avec tout ce que cela suppose pour ma part comme idéalisme mais j’assume cette vision-là."

 

 

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