"La proposition d’Emmanuel Macron est un renouvellement complet de la politique française"

Invité de Laurence Ferrari sur CNews ce mercredi 15 mars, le président du MoDem s'exprime sur le renouveau des pratiques politiques françaises, incarné par le projet d'Emmanuel Macron, avec lequel il a scellé une alliance.

François Bayrou bonsoir !

Bonjour.

Bienvenue sur le plateau de CNews. Vous avez noué une alliance avec Emmanuel Macron. Le candidat d’En Marche ! se rend demain à Berlin, pour rencontrer Angela Merkel. Que va-t-il chercher en Allemagne ? L’adoubement de la chancelière ? 

Sûrement pas ! Un Président de la République n’a pas à être adoubé par le chancelier allemand. 

Il ne l’est pas encore !

Non, mais quelqu’un qui pense à la présidence de la République. Mais il a une chose à garantir autant que possible, c’est la relation de confiance entre la France et l‘Allemagne, le gouvernement français et allemand, le premier ou futur responsable politique français et le premier responsable politique allemand. Vous voyez bien les temps que nous vivons… Tout ce qu’on découvre, tout ce qui arrive… De Trump à Poutine, à Erdogan au Brexit... Tout cela repose sur la qualité de la confiance entre l’Allemagne et la France, donc c’est légitime et juste qu’il y aille.

En rien n’est-ce un adoubement comme le jugeait Jean-Luc Mélenchon sur CNews il y a quelques instants ? 

En rien. Ce sont deux pays qui sont indépendants, égaux en dignité. Égaux, un jour j’espère, en influence. Égaux, j’espère un jour en santé, en capacité de se projeter vers l’avenir. Lorsqu’un responsable politique français de premier plan rencontre un responsable politique allemand de premier plan, ils sont à égalité de responsabilité.

Aujourd’hui a lieu le vote des Néerlandais pour élire leur nouveau Parlement. Des législatives qui pourraient voir la victoire du parti du député islamophobe Geert Wilders. Est-ce un vote test pour l’Europe ? Ce vote pourrait-il avoir un effet de contagion sur le scrutin français?

De contagion je ne crois pas, car je pense que les Français se déterminent non pas en fonction des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Espagne ou des États-Unis… Les Français se déterminent en fonction de la France, c’est en tout cas ce que je veux croire. Mais vous voyez bien qu’il y a sur l’Europe et l’Occident tout entier, sur le monde, une espèce de dépression météorologique qui fait que les sentiments exaspérés, la détestation de l’autre occupent une place de plus en plus importante. Voilà pourquoi nous avons absolument besoin d’une pratique politique nouvelle. Au lieu d’avoir perpétuellement l’affrontement et la haine des camps entre eux, il faut que l’on puisse avoir une capacité de rassemblement, afin que les Français se sentent comme ils doivent être, c’est-à-dire sur le même bateau et ayant à affronter la même tempête. Pas à s’affronter les uns les autres. 

La campagne a été évidemment très polluée par les affaires. Nous rentrons lundi dans la campagne officielle, avec un premier débat télévisé. L’occasion peut-être d’aller vers le programme et les idées de fond. Le climat des affaires va-t-il planner sur cette soirée ?

Oui, vous voyez bien tout ce qui s’est passé…

Emmanuel Macron n’en est pas exempt avec l’ouverture d’une campagne préliminaire sur l’un de ses voyages.

Non, je sais bien qu’on le dit sur les chaines, mais il n’est en rien visé par une quelconque enquête ! 

Le voyage qu’il a fait, oui…

Non pas le voyage, il faut mettre les choses au point car l’on se met à tout mélanger. L’agence qui est chargée de faire valoir le commerce extérieur de la France, et qui s’appelle - je le regrette - Business France… Après tout, vous vous appelez CNews…

En anglicisme, on s’y connaît !

Cette agence a organisé un voyage et une soirée sans appel d‘offres. Que je sache, lorsque l’on a une agence indépendante qui est en charge de l'organisation, cela n’est pas le ministère, encore moins le ministre ! On voit bien la tentative qui est de mettre tout le monde dans le même sac, et en l’occurrence, le sac n’est pas le même. Je crois qu’il est bon de le dire de la manière la plus explicite pour éviter les ambiguïtés. C’est le premier point. Le deuxième point est plus important : lorsque l’on parle des affaires, c’est que des pratiques se sont établies dans le monde politique français, des dérives ont été encourues. Pourquoi ? Parce que depuis 50 ans, nous avons les deux mêmes forces qui se partagent le pouvoir. Tant que nous n’en sortirons pas, et c’est la raison de mon alliance avec Emmanuel Macron, tant que l’on n’aura pas cette respiration démocratique qui consiste enfin à trouver un autre équilibre et une autre proposition au pays, on ne s’en tirera pas. J’espère que cette fois-ci nous allons avoir une chance de s’en tirer. 

François Fillon est mis en examen. Il clame son innocence, dit qu’il est innocent et qu’il sera reconnu comme tel. Si c’est le cas, regrettez-vous de l’avoir jugé sur le plan moral ?

Je ne l’ai jamais jugé sur le plan moral, je n’ai jamais utilisé ce genre de mots. Je dis simplement que le problème de François Fillon – je l’ai dit depuis la première minute – est qu’il a un programme très punitif pour les Français, et à mon avis inefficace. Punitif et à mon avis néfaste, parce que comme on le dit en économie, récessif. Cela veut dire qu’au lieu de développer l’activité du pays, on va en réduire l’activité, car l’on va réduire la confiance. Ce programme est indéfendable, lorsque l’on demande des sacrifices aux gens et que pour soi-même on additionne les privilèges. Vous voyez bien, vous ne pouvez pas vous avancer en disant « Mesdames et messieurs je vais vous imposer, par exemple, de travailler plus et d’être payés moins » lorsqu’ils ont en tête tout ce que l’on a appris ! Ceci rend la situation de François Fillon impossible devant les électeurs et encore davantage impossible pour la perspective de la gouvernance. Pour moi, c’est cela la question. 

La gouvernance justement, Emmanuel Macron l’a assuré, il aura une majorité cohérente s’il est élu Président de la République. Comment va-t-il faire ? Ne s’agit-il pas d’une incantation ? 

Non. Vous ne vous en souvenez pas en raison de votre jeune âge, mais lorsque François Mitterrand a été élu Président de la République en 1981, tout le monde, notamment à droite, disait qu’il n’aurait pas de majorité. Tout le monde se préparait, c’était l’idée de Jacques Chirac, à une cohabitation entre le Président de la République, François Mitterrand, présenté comme un danger épouvantable pour le pays et une droite qui aurait remporté les élections législatives. François Mitterrand est venu à la télévision, devant vos prédécesseurs de l’époque. Il leur a dit « Ecoutez, croyez vous que les Français sont assez stupides pour m’élire Président de la République et me refuser la majorité qui me permettra de gouverner ? »

Sauf que François Mitterrand avait un parti derrière lui qui s’appelait le Parti Socialiste… Emmanuel Macron a En marche !

Emmanuel Macron a En marche ! et le MoDem…

Et le MoDem !

Oui, mais il y a un parti immense derrière lui : le parti des gens qui veulent que ça change. C’est le parti des gens qui n’en peuvent plus que quand le PS est chassé du pouvoir ce soit forcément les Républicains qui le reprennent. Je ne sais pas si vous vous rendez compte – et les affaires récentes ont joué un rôle dans tout cela – que le sentiment d’exaspération est tel en face de ces vases communicants qu’ils ont besoin de respirer. Alors, la respiration… Il y a des risques parce que les extrêmes sont là, mais je suis persuadé que la proposition nouvelle qui est faite, que nous faisons, permet d’avoir en même temps la garantie du changement et de rassurer sur l’équilibre que ce changement offrira. Je pense que cette question se traite dans l’ordre suivant : le Président de la République est élu, il nomme un gouvernement, les Français donnent une majorité et cette majorité, j’espère et je crois, je suis même sûr qu’elle sera large. 

Parlez-vous régulièrement à Emmanuel Macron depuis que vous avez noué votre alliance ?

Oui, je parle plusieurs fois par jour avec lui. 

Vous êtes devenu son mentor en politique ? 

Non, c’est ridicule…

Vous connaissez bien l’élection présidentielle, vous vous êtes présenté trois fois déjà…

Je connais assez bien l’élection présidentielle, comme vous le rappelez. Il n’y a pas de mentor à l’élection présidentielle, il n’y a pas de ticket. C’est un candidat qui se présente devant les Français, et à qui les Français accordent leur confiance parce qu’il semble répondre à leurs attentes. Il faut y répondre sur deux plans : le premier plan, banal, c’est celui de la politique. Aujourd’hui le renouvellement et l’équilibre sont deux attentes immenses. Il faut y répondre personnellement. Les qualités, les capacités... Alors on dit souvent « Mais Emmanuel Macron est jeune ». D’abord comme il l’a dit avec humour « Cela passe ». Mais ce n’est pas la question. Il y a des moments dans l’Histoire où l’on a probablement besoin que, pour tourner la page,il y ait quelqu’un qui n’ait pas trop participé aux pages précédentes. 

Il y a quand même participé, dans le gouvernement en l’occurrence… 

Oui, il a été ministre de l’Economie. Vous souvenez-vous que ce fût également le cas de Valéry Giscard d’Estaing ? 

Imaginez-vous que Manuel Valls, ancien Premier ministre puisse rejoindre Emmanuel Macron, au nom de l’union nationale, face au danger de Marine Le Pen ? 

Je crois que Manuel Valls est un homme politique important, en dehors de son expérience gouvernementale. Je pense qu’il a quelque chose qui parle aux Français. Je ne sais pas sous quelle forme il conduira le mouvement qu’il a commencé hier soir. Hier soir, au fond, il a dit « Ecoutez, ce parti socialiste là, autour de Benoit Hamon n’est pas le mien » . Sous quelle forme va s’organiser ce mouvement, qui est, à mon sens, historique? Je ne veux pas employer de superlatifs, mais vous savez à quel point j’ai depuis des années vu venir cette fracture, à quel point j’ai attendu que la clarification ait lieu... 

Pourrait-il rejoindre cette coalition ? 

Je ne sais pas quel pourrait être son choix. « Coalition » n’est jamais le mot que j’emploie, car il est très politicien. J’emploie le mot d’ « entente ».  Des sensibilités politiques, des courants politiques, formés de gens respectables, qui disent « Ecoutez, nous allons arrêter de s’affronter sur tous les sujets, et l’on va, regardant la réalité en face, décider de traiter les questions »

Donc l’appelez-vous à rejoindre cette entente ? 

Non, c’est un responsable de premier plan. Il fait ce qu’il veut, ou ce qu’il peut, parce qu’il arrive que les responsables politiques de premier plan fassent ce qu’ils peuvent et non ce qu’ils veulent !

François Hollande, du moins à l’un de ses proches M. Mignard, a dit ce matin qu’il pourrait jouer un rôle dans la majorité parlementaire d’Emmanuel Macron…

Je ne crois pas du tout cela. Je suis persuadé que ce n’est pas ce que François Hollande attend : je ne le vois pas s’inscrivant dans une majorité parlementaire car cela voudrait dire qu’il redeviendrait député dans quelques jours. Je ne crois pas cela possible. Je vois bien ce que M. Mignard fait : c’est un ami personnel de François Hollande depuis toujours. Il cherche à concilier l’inconciliable quelque part. 

Ce qui est inconciliable, est-ce Emmanuel Macron et François Hollande ? 

Non, ils ont personnellement travaillé ensemble. Ce qui est inconciliable, c’est l’alternance que propose et garantit Emmanuel Macron et le recyclage du pouvoir précédent. Pour moi, et je vous rappelle que c’est la première exigence que j’ai formulée pour cette alliance, la proposition d’Emmanuel Macron c’est un renouvellement complet de la politique française et pas la poursuite de ce qu’il s’est passé avant. La preuve, c’est qu’il a quitté le gouvernement. Ministre de l’Economie, il a quitté le gouvernement. Cela n’arrive pas tout le temps, vous qui êtes experte en politique ! C’est même très rare. Il a choisi d’en sortir parce qu’il trouvait que cela n’allait pas. Pour moi c’est la garantie que l’alternance aura lieu. En tout cas c’est la pierre de fondation de l’alliance qui veut le renouveau de la politique française. 

Un dernier petit mot, il nous reste peu de temps, sur Jean Lassalle, que vous connaissez bien, qui est en phase d’obtenir ses 500 parrainages… Est-ce une candidature que vous comprenez ou pas ? 

Je ne veux pas m’exprimer sur ce sujet. J’essaie de faire que l’élection présidentielle soit une élection qui réponde aux défis du monde ; les itinéraires plus individuels ne sont pas mon sujet. 

 

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