"Il faut réécrire et simplifier les codes, pour qu'ils soient lisibles"

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Dans un entretien accordé aux Échos ce matin, le président du MoDem appelle à créer de manière durable un biotope favorable aux entreprises.

Les Échos | Pierre-Alain Furbury et Gabriel Nedelec

François Hollande vous a-t-il convaincu dimanche ?

Je ne vois pas ce qui aurait pu faire changer d'opinion un téléspectateur. C'était une émission d'image s'adressant à un public ciblé et qui, en tout cas, n'a rien apporté de nouveau. Ni en termes de vision ni en termes de décisions.

Élargir la prime d'activité à tous les jeunes qui travaillent va-t-elle dans le bon sens ou est-ce de l'assistanat ?

En tant que mesure particulière, dans le maquis des aides, ce n'est pas forcément négatif. Mais c'est la vision générale qui me paraît mal fondée. Que la politique publique en faveur de l'économie consiste à multiplier les subventions, les crédits, les allocations, les exonérations, les prises en charge et les interventions de toute nature, par dizaine de milliards, cela me paraît être une des causes de la stagnation et de l'échec français. C'est un maquis de plus en plus impénétrable et chaotique, inutile, illisible, coûteux, lent, et donc contre-productif. Pour moi, il est beaucoup plus intéressant d'avoir des fiscalités légères et des taxations supportables et de supprimer toutes les subventions et crédits qui viennent compliquer et rendre plus pesante la présence administrative face à l'entreprise. Clarifier, simplifier, raccourcir les circuits de décision et faciliter la décision des entrepreneurs devraient être le nouveau cadre qu'on se fixe comme objectif de bâtir. Moins l'Etat sera présent avec son carnet de chèques sans provision, prodiguant des crédits et des allocations pris sur fonds publics, c'est-à-dire sur le contribuable, et mieux on se portera.

L'embellie économique est-elle selon vous un feu de paille ou un vrai redémarrage ?

Je ne vois même pas le feu de paille ! On nous annonçait que la « conjonction astrale » composée de taux d'intérêt bas, d'une baisse des prix du pétrole et de l'euro allait constituer un formidable bol d'oxygène pour la croissance. Pour l'instant, je n'en aperçois pas les effets. Pour une raison évidente : s'il y a une embellie météorologique, elle profite aux économies de la zone qui sont réactives et bien armées, pas à celles qui sont empêtrées et paralysées. Si vous mettez en balance les 220 milliards d'excédents commerciaux en Allemagne l'an dernier avec les 53 milliards de déficits en France, vous prenez la mesure de ce déséquilibre et vous savez d'avance à qui l'embellie profitera.

Que faire pour que la machine économique reparte ?

Il faut créer de manière durable un milieu favorable aux entreprises, au sens quasi écologique du terme, un biotope qui soit positif pour que ces créatures vivantes que sont les entreprises s'installent et grandissent. En France, c'est le biotope qui est malade. La situation de nos normes sociales, celle du contrat de travail qui se veut protecteur et qui est en réalité dissuasif, l'ensemble de notre organisation administrative et juridique est un facteur de découragement pour tous les entrepreneurs, à l'exception peut-être des plus grandes entreprises. Donc il faut réécrire et simplifier les codes, pour qu'ils soient lisibles. Jusqu'ici, il n'y a pas eu simplification, comme le dit le gouvernement, mais complexification. Ensuite, il y a la question du contrat de travail. Que 80 % des nouvelles embauches se fassent en CDD montre qu'il y a un effet dissuasif du contrat de travail sur celui qui voudrait embaucher durablement. Nous avons un Code du travail qui est en fait anti-travail et antisocial. Je suis persuadé que l'immense majorité du gouvernement est de cet avis, mais n'ose pas le dire. Il faut calmement qu'on se mette à cette question et qu'on trouve la réponse appropriée : il faut qu'on puisse interrompre le contrat de travail, avec les indemnités légitimes, sans crainte de procédures sans fin, et sans la menace d'un aléa catastrophique pour l'entreprise.

La loi Macron doit justement instituer un barème encadrant les dommages-intérêts versés.

C'est tout à fait dans ce sens qu'il faut aller. Mais il faut y aller de manière à rassurer, pas à inquiéter, en bannissant les expressions qui cherchent à cacher les choses, et les décisions qui rendent le sujet de plus en plus complexe.

Faut-il permettre de déroger plus facilement aux 35 heures ?

La loi de 2008 le permet, mais il faudra aller vers une redéfinition générale du temps de travail. Il faut mesurer que c'est une des seules marges que nous ayons pour changer la situation relative du pays.

Êtes-vous favorable à des droits au chômage dégressifs ?

Je ne partage pas l'idée que le chômage est une situation agréable pour ceux qui la vivent, dont ils abuseraient, et qui justifierait aujourd'hui une politique de mesures dissuasives. L'immense majorité des chômeurs préférerait ne pas être au chômage! Même si nous connaissons tous quelques situations où des personnes au chômage, principalement par découragement, ont baissé les bras.

Quel jugement portez-vous sur la réforme du collège ?

Je suis navré par ce coup supplémentaire porté à l'idée d'une certaine exigence et d'une certaine excellence, au service de l'égalité des chances. Prenez les humanités, les langues mères du français que sont le latin et le grec. Prenez les classes bilingues. Dans les deux cas, l'Education nationale offrait à qui le souhaitait des clefs pour l'avenir, quelle que soit son origine culturelle et sociale. Désormais, tout cela sera réservé à ceux qui pourront payer enseignement privé et leçons particulières. Sous couvert de lutte contre l'élitisme, on mène en fait une politique violemment anti-sociale et inégalitaire.

La France est-elle réformable ?

Bien sûr, mais sous deux conditions qui lui manquent. D'abord des institutions qui puissent permettre des majorités d'idées, au service de réformes nécessaires, et qui soient considérées par les citoyens comme légitimes. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, notamment en raison d'un mode de scrutin scandaleux et anticivique. Ensuite, il faut du leadership : des femmes et des hommes qui sachent ce qu'ils pensent, qui voient juste et soient capables de rassembler. Il y a des années que la France s'enfonce au même rythme. Inéluctablement, sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande, 200.000 chômeurs en plus par an... Le constat est le même pour la progression du déficit. Les conséquences sont identiques, puisque les causes subsistent et qu'on n'y touche pas.

« La France serait contente que quelqu'un la force à réformer » , a affirmé Wolfgang Schäuble, s'attirant des critiques à gauche comme à droite. Vous êtes d'accord avec lui ?

Je considère Wolfgang Schäuble comme un des tout premiers hommes d'Etat européens, un homme de conscience et de vision. La forme de l'expression lui appartient, mais le constat de l'immobilisme et de l'impuissance dans lesquels nous nous enlisons est juste.

Blâmez-vous, comme beaucoup, la baisse des dotations aux collectivités locales ?

Je considère que la cohérence est la principale qualité en politique. Depuis quinze ans, j'ai sans cesse mis en garde contre la désinvolture qui a été la nôtre à l'égard de la question des déficits et de la dette. Ce n'est donc pas pour me ranger parmi ceux qui critiquent les efforts demandés. Ma conviction est que, dans la plupart des chapitres de l'action publique, on peut faire beaucoup mieux avec moins. Quand la plupart des grandes villes, de gauche comme de droite, ont augmenté le taux de leurs impôts de 5 à 15 %, à Pau, nous les avons baissés.

Quel regard portez-vous sur les premiers mois de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, lui qui ne cesse de vous critiquer ?

Je n'ai aucune envie de me spécialiser dans les querelles avec Nicolas Sarkozy. Tout le monde devine ce que je pense de son agressivité, et des injures dont il use à profusion. Le sujet de ma préoccupation, c'est l'état du pays et Nicolas Sarkozy ne l'a pas amélioré durant son quinquennat. Un constat d'ailleurs partagé, si je comprends bien, par une grande partie de ses « amis » .

François Hollande, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, vous peut-être. Le casting qui se profile pour 2017 ne manque-t-il pas de renouveau ?

La question, dans l'état de notre pays, n'est pas tant d'avoir du nouveau que du fort et du juste.

 

 

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