La mission de l’École républicaine : « la promotion de tous et la sélection des meilleurs » (Paul Langevin)

Aux côtés de Nicolas Poincaré, les grandes voix d’Europe 1 ont débattu de l’actualité du jour avec le président du MoDem et maire de Pau, François Bayrou.

Nicolas Poincaré : Bonsoir. Le Club de la Presse d’Europe 1 reçoit le maire de Pau et président du MoDem. Bonsoir, François Bayrou.

Bonsoir.

Le plan du gouvernement pour aider les PME annoncé aujourd’hui ; la politique et ce sondage qui dit que les Français vous préfèrent à Nicolas Sarkozy ; l’appel que vous lancez aussi pour un collège de l’exigence. Sur tous ces sujets et sur d’autres, je vous présente les trois grandes voix qui vous interrogent ce soir : Michèle Cotta, Serge July et Alexandre Kara. Bonsoir les grandes voix.

Bonsoir.

François Bayrou, pure hypothèse, imaginons un instant que vous soyez premier ministre. Imaginons que vous ayez eu la faiblesse d’aller à Berlin assister à un match de foot avec vos enfants, imaginons que cela fasse polémique et que cela prenne de l’ampleur. Qu’est-ce que vous feriez ? Qu’est-ce que vous pouvez conseiller à Manuel Valls ce soir ? Vous assumeriez, vous démissionneriez ?

Je pense qu’un remboursement serait le bienvenu, simplement pour mettre un terme à cette affaire, parce que, au départ, dans le monde du pouvoir, on pense que ce n’est pas grand chose, on pense que c’est secondaire, que c’est une petite chose. Et puis, évidemment, dans l’opinion publique tout le monde commence à se dire « Mais, ce n’est pas possible, ils ne savent pas ce que l’on vit », d’autres disent « Ils ne savent pas ce qu’ils nous font vivre » et ces deux mondes… Je préfère voir comment cela marche. J’appelle cela « l’effet Limoncello ». Je vais vous expliquer pourquoi, il se trouve que - sans vouloir me vanter comme on dit chez moi - je tiens assez bien l’alcool en général, sauf un : le Limoncello. Cela se boit comme du jus de fruit, c’est délicieux, sucré, cela a un goût citronné et puis cela vous scie les pattes et vous êtes pris par l’ivresse sans même vous en apercevoir.

Et là c’était l’ivresse du pouvoir ou est-ce que vous êtes en train de nous dire que Manuel Valls avait trop bu ?

Non, pas du tout. Je pense que les facilités que le pouvoir offre - qui sont justifiées dans un certain nombre de cas - on finit par s’y habituer, les entourages finissent par s’y habituer et on ne s’aperçoit même plus que l’on est entré dans un genre de vie qui est trop décalé par rapport à la vie des gens et que l’on va simplement les heurter, les choquer, les blesser.

François Bayrou, vous considérez que Manuel Valls a fait une faute politique ?

Oui.

Et donc dans ces conditions, est-ce que rembourser, n’est-ce pas trop facile ?

Mais il le sait bien qu’il a fait une faute. Alors il a beau dire qu’il allait participer à une réunion importante. Tout le monde sait la vérité.

Mais une faute politique, est-ce qu’il ne faut pas aller plus loin. Remboursement mais…

Non, non.

Parce que c’est déjà pas mal le remboursement, cela va lui coûter 20 000 €. À propos de quoi un premier ministre ne devrait pas être exemplaire?

Essayons d’être équilibrés dans nos jugements, ce que j’essaie de faire. Oui, je pense que c’est une faute, et je pense qu’il le sait et à sa place je réfléchirais au moyen de mettre un terme à cette affaire. « Écoutez, c’est vrai que j’allais à une réunion mais c’est vrai que j’étais content d’aller voir jouer le Barca parce que c’est mon club et c’est vrai que j’ai amené mes enfants, ils étaient contents de venir, je n’aurais pas dû faire cela, j’aurais dû faire autrement et voilà j’en tire les conclusions et je rembourse l’État ». Ce serait symbolique, vous comprenez. Or, en politique, les symboles c’est plus important que bien des réalités, cela choque, cela touche, cela explose, c’est de la nitroglycérine.

D’ailleurs, encadrer le congrès du Parti Socialiste par le départ à Berlin et la finale de tennis de Roland Garros, est-ce que ce n’est pas une façon, quand même, de dire « Très bien, je suis allé au congrès socialiste mais à quoi sert le congrès socialiste ? » J’exagère ?

Sans doute, je ne crois pas que cela soit une façon de le dire mais c’est en tout cas une des conclusions que l’on peut en tirer. Mais vous voyez bien, l’univers de la peoplisation, c’est un univers dans lequel il faut être dans les événements people, il faut se montre dans les événements people.

Vous y étiez ?

Ah non, dimanche après-midi je n’y étais sûrement pas, j’étais chez moi dans ma maison. Alors je vais aux événements sportifs de ma ville - quand la Section paloise est montée en Top 14, je vous signale que c’est un événement essentiel pour nous et bien sûr je n’ai pas manqué un match - mais vous voyez, ces endroits où il faut se montrer, où l’on est invité, je n’accepte pas souvent.

Je me souviens, il y a quelques années, Jacques Chirac, par exemple, avait interdit à beaucoup de ses ministres de se montrer, y compris à Roland Garros, puisqu’il n’y avait que le ministre des sports en principe qui y était pour les raisons que vous signalez.

Mais oui, parce que ce que l’on voit sur l’écran, ce sont des matchs et puis ce sont des privilégiés entre eux. C’est comme cela que les gens l’entendent et le lisent. Mais il faut que vous mesuriez que ceux qui y sont ont le sentiment d’être à leur place. J’essaie d’expliquer des choses. Tout à l’heure, dans un magasin, un homme me disait : « Monsieur, je vous apprécie beaucoup mais vous êtes trop nuancé », alors je vais justifier le jugement, le reproche ou l’inquiétude de ce monsieur. Ce sont des univers qui vivent à part les uns des autres, extérieurs les uns aux autres et qui n’imaginent même pas l’impression que cela produit. Voilà pourquoi, en tout cas moi, depuis longtemps…

Mais que faut-il faire pour cela ? Un code de déontologie comme il peut y en avoir dans certaines démocraties nordiques ? Il faut encadrer ? Que faut-il faire ?

Le code de déontologie existe, tout le monde sait les choses.

Oui, mais visiblement cela n’empêche pas les uns et les autres de faire des… Oui les uns et les autres, parce qu’il y eu un autre voyage en avion, en l’occurence Les Républicains.

Et là c’était moins loin. Certes. Donc l’univers des initiés ou des privilégiés, l’entre-soi de cet univers-là est un danger, un risque et un choc pour les Français et ils ne supportent plus, surtout que si c’était des gens qui gouvernaient bien le pays et que le pays se portait très bien et de mieux en mieux, je crois qu’ils l’accepteraient à la limite. Mais le sentiment qu’il y a en même temps, une impuissance, et de l’autre des privilèges, est un sentiment qui est très difficile à trouver et je suis sûr que Manuel Valls vit cela comme une injustice, il trouve qu’on lui fait un procès excessif.

La grande élite, distance à l’égard du réel.

Voilà. C’est la perte de conscience du réel.

Qu’il rembourse son aller-retour à Berlin, c’est votre suggestion on l’a entendue, François Bayrou. Les PME, les très petites entreprises : est-ce que ce plan constitue, quand même, selon vous, un assouplissement du point de vue du carcan, du corset sur les moyennes et petites entreprises ?

Je pense que cela va plutôt dans le bon sens. Alors, compliqué à l’excès, par exemple je ne vois pas pourquoi pour le premier emploi on verse une prime de 2000 € sur deux ans et on dit que c’est 4000 € d’ailleurs au passage. Vous savez que je défends depuis longtemps l’idée que pour ce premier emploi ou pour chaque emploi nouveau on puisse avoir un emploi sans charge tout court. Cela c’est compréhensible, tout le monde voit comment cela fonctionne et c’est extrêmement attrayant pour le créateur d’emploi. Il se dit « Là j’ai quelque chose de simple et que je comprends ». Mais cela va dans le bon sens. Le lissage des seuils va dans le bon sens, il y a tant de seuils qui sont dissuasifs. Je voyais encore ce soir des chefs d’entreprise qui me disaient cela, c’est trop dissuasif, et donc je trouve que cela va dans le bon sens. Grosso modo, l’attention portée aux petites entreprises sans que cela soit exactement ce que les Etats-Unis appellent le Small Business Act - que j’ai défendu comme vous savez dans chacune de mes campagnes électorales - mais cependant cela va dans le bon sens et il faut le dire, même si ce n’est pas encore parfait. Au fond, l’option de fond que ce texte, que ces mesures traduisent est pour moi plutôt favorable.

Sauf que les syndicats commencent à faire entendre leurs divergences; à l’intérieur du Parti socialiste on s’attends à ce qu’il y en ait aussi. Alors est-ce que la gauche est destinée à faire passer des mesures que la droite ne parvient pas, parfois, à faire passer ? Ni le Centre.

Il y a sûrement quelque chose de cet ordre et c’est pourquoi il faut non pas "une gauche contre une droite" ou "une droite contre une gauche" mais un jour un centre qui fédère ces courants réformistes, c’est une question très importante. Je ne dis pas cela pour faire de la publicité comparative. Dans la France coupée en deux ou en trois, où il faut choisir un camp, il n’y a pas de majorité réformiste possible, c’est impossible. Et donc, sur ce point-là, en tout cas, oui, très souvent il arrive que ce soit ceux qui sont au pouvoir - qui sont complètement bloqués, paralysés - qui soient contraints par la réalité à aller contre l’idéologie.

Type Schröder.

Type Schröder, ce type de mesures. Cette idéologie qui est celle de leur camp ou de leur parti mais qui en réalité se heurte à la réalité et on est obligé de la dépasser.

Vous pensez que ce sera suffisant ? Vous pensez qu’il faudrait aller plus loin ?

Faisons le bilan, que faut-il faire ? On en parlera dans une minute : éducation - on a un problème majeur d’éducation.

On va en parler.

Deux : formation professionnelle - on a un problème majeur.

Contrat de travail.

Trois : le droit du travail est illisible - vous savez sur des plateaux, j’avais apporté les 2000 pages et quatre : oui, on a un problème de contrat du travail. Je défends l’idée d’un contrat de travail, d’un CDI qui, au fond, remplacerait tous les CDD bricolés dans tous les sens. Un CDI, donc un contrat à durée indéterminée et à droit progressif où l’on sache - quand on s’y engage, du point de vue du chef d’entreprise et du point de vue du salarié - ce qui se produira si jamais on est obligé d’interrompre le contrat de travail. Et ce qui se produira, ce doit être des indemnisations à la mesure du temps que l’on a passé au travail. Evidemment, l’indemnisation pour 12 années de travail est plus importante que 12 mois. Cela me parait logique. Comme vous le savez, c’est une proposition ancienne que j’ai portée à l’élection présidentielle et j’ai été heureux de voir que c’était aussi ce que le grand économiste et prix Nobel de littérature disait.

C'est une proposition ambitieuse, mais là je vous trouve très indulgent avec Manuel Valls, vous qui d'habitude critiquez le fait qu'il n'y ait pas assez de réformes structurelles, vous n'avez pas l'impression que tout cela est un peu cosmétique et que l'on va saupoudrer le tout dans la loi Rebsamen, dans la loi Macron…

C'est exactement la même chose que pour la loi Macron. Franchement ce n'était pas un texte révolutionnaire. Qu'il faille un texte de loi pour permettre aux autocars de faire des lignes d'autocars …

Mais, j'ai dit, bien que pas révolutionnaire, bien que pas à la dimension des attentes, que ce texte allait dans le bon sens et qu'il fallait le soutenir.

Ce que je me suis fixé comme cap, c'est de dire quand une mesure va dans le bon sens et de dire, au contraire, quand cela va dans le mauvais sens, que je m'oppose avec force. Je trouve qu'on a le droit à un jugement libre et équilibré, que ce devrait être cela la politique. Si vous êtes dans la politique des camps tous faits à l'avance, où l'on sait avant même d'allumer la télévision que le représentant de l'UMP devenu Républicain ou LR – je ne sais pas comment il faut dire – va dire que c'est très mal et que le représentant du PS va dire que c'est très bien, quoi qu'il en pense, on est empêché d'avancer. Pour cela je plaide qu'il faut un changement des pratiques politiques.

On parle du sondage, François Baryou, qui vous a placé devant Nicolas Sarkozy dans les préférences des Français pour la présidentielle. Un sondage qui montre que les Français préfèrent François Bayrou - à 56% - à Nicolas Sarkozy qui lui fait 38%. Qu'est ce que cela vous inspire comme intérêt, surtout au moment où vous êtes une des cibles principales de Nicolas Sarkozy et d'une façon générale du congrès des Républicains.

Je vais vous dire, je vous mentirais en vous disant que je préfère aux bons sondages les mauvais ou aux sondages agréables les sondages désagréables. Pour autant, je n'attache pas une importance considérable à cela. Il y a une chose qui est pour moi importante, c'est que les combats que je mène depuis longtemps avec obstination, entêtement diraient certains, en traversant des difficultés à plusieurs moments, soient compris par un grand nombre de Français. Ils sont de plus en plus nombreux semble-t-il. Pour moi, c'est cela qui me fait plaisir. Parce que au fond, dans la vie politique – vous savez bien ce que dit Hugo dans Les Châtiments, il dit : « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » - les vivants en politique sont ceux qui luttent.

Vous pensez donc que cette occasion c'est la bonne ?

Vous connaissez ma stratégie, elle est transparente. Je vais la rappeler en deux mots : je pense que pour sortir la France de l'extrême difficulté où elle se trouve, il faut une majorité réformiste, donc des rassemblements, et le mieux placé à ce jour pour ces rassemblements ça me parait être Alain Juppé et je suis prêt à l'aider. Je ne peux pas dire mieux. Si il est choisi – parce qu'il a choisi l'option de la primaire, qui n'était pas la mienne car comme chacun le sait j'ai beaucoup de réticences à tout cela…

Et s'il n'est pas choisi ?

…s'il est choisi, je serai avec lui et j'aurai avec lui des négociations …

Est-ce que cela lui sert que vous disiez cela ? Parce qu'on a l'impression que cela le dessert beaucoup.

Non, je n'ai pas l'impression. Quand vous êtes dans une compétition aussi difficile que celle-ci, il vaut mieux avoir des soutiens que pas de soutien. On préfère montrer que l'on dépasse les frontières de son camp puisque c'est la thèse qu'il a choisie lui aussi. Il dit qu'il faut rassembler depuis la droite républicaine jusqu'au centre et jusqu'aux déçus du PS. Pour moi, c'est parfaitement clair que c'est sa ligne. Je le soutiens sans arrière pensée, sans ambiguité, parce que je pense que c'est bien. S'il n'est pas choisi, je serai libre.

Ce n'est pas désespérant, François Bayrou, d'imaginer quand on est Français, que l'on peut se retrouver devant une urne en 2017 et d'avoir par exemple – scénario très probable – le choix entre Nicolas Sarkozy, François Hollande, Marine Le Pen et vous ? N'avez-vous pas le sentiment que ce serait une catastrophe démocratique et que ce serait quelque chose qui prive les électeurs d'un peu de renouveau ?

Je ne veux pas être désagréable du tout, donc ne prenez pas ce que je vais dire comme désagréable. Vous avez les grandes voix à Europe ce soir, et ces grandes voix parlent depuis longtemps à la radio.

On a beaucoup moins d'influence sur la conduite du pays quand même. Cela n'a pas d'influence non plus sur l'abstention et sur les votes extrêmes.

Permettez-moi de vous dire, c'est une légereté de croire que c'est l'âge qui fait le renouveau.

Je ne parle pas de l'âge, je parle d'un changement d'affiche. Il n'y pas l'âge dans la question du renouveau.

Si François Mitterrand était là : il a été élu en 1981, s'était présenté en 1965, c'est dire le temps beaucoup plus long que j'ai moi même expérimenté. J'ai fait ma première campagne en 2002. Ce que je dis, c'est que je soutiens dans la vie politique française une thèse que j'ai été seul à soutenir pendant longtemps et que j'ai portée devant les Français jusqu'aux portes de l'élection de 2007 - puisqu'en 2007 nous avons presque été au deuxième tour et, nous aurions gagné ce deuxième tour -. Cette thèse, oui, il faut qu'elle soit soutenue par l'échec des autres. La facilité c'est de dire « il est à droite, il est à gauche » ou encore « c'est une primaire de droite, c'est une primaire de gauche ». Je vous assure, le renouveau c'est une interrogation qui vise à savoir si la démarche politique du pays, l'équation politique du pays, le paysage politique du pays, peuvent changer. Pour le reste, en tous cas pour moi, il est vrai que nous sommes tous dans la tranche 60. Et même pour certains la tranche 60 avancée. Valérie Giscard-d'Estaing, de qui j'ai été très proche dans ma vie, me disait : « Vous savez François, il faudrait que l'âge d'un député commence par un 3, l'âge d'un ministre par un 4 – je pourrais imiter sa voix mais je ne veux pas que Canteloup se sente menacé – l'âge d'un Premier ministre par un 5 et l'âge d'un Président par un 6. Si vous y réfléchissez – VGE m'a dit dix fois : « j'étais trop jeune quand j'ai été élu » - tout cela est vrai. C'était vrai. Je vous assure, c'est mieux pour diriger un pays d'avoir une expérience, d'avoir une certaine culture historique et de l'avoir vécue.

Ce n'est pas l'âge que je remets en cause. Je dis que si nous avions en 2017, d'un côté Alain Juppé et de l'autre Manuel Valls, ce serait une affiche nouvelle et ce serait un peu moins un déni de démocratie pour un certain nombre de Français.

C'est tout à fait parfait, vous êtes du même avis que moi. C'est exactement ce que je dis. Dans mon choix, il y a le fait que Alain Juppé m'apparait aujourd'hui le mieux placé pour construire cette nouvelle pratique politique que j'attends et que j'espère. Cela se réalisera-t-il, on verra. Cet espèce de désespoir démocratique que vous indiquez en laissant entendre que revoir des visages ne va pas, à mon sens, dans la justesse historique.

Ce qu'il veut dire, c'est que si on avait l'affiche Hollande-Sarkozy, on aurait une impression de déjà vu et qu'on risquerait d'avoir une abstention très forte et peut-être un accident démocratique. À propos de Nicolas Sarkozy François Bayrou, la dernière fois que vous étiez venu, vous aviez commenté cette phrase où il vous comparaissait au Sida. Cette fois-ci il aurait dit « le bègue je vais le crever ». C'est vrai selon vous ? Qu'en pensez vous ?

Je ne sais pas je n'y étais pas. Vous savez, j'entends assez rarement Nicolas Sarkozy en direct porter des jugements amicaux et chaleureux à mon égard. Tout le monde sait ce qu'il faut en penser. Ce que j'en pense, c'est que j'aime la politique qui tire vers le haut. J'aime les gens qui rendent plus intelligents quand ils parlent. J'aime les gens qui font comprendre des choses qu'on ne comprenait pas avant et qui vous proposent des chemins nouveaux. Je n'ai pas le sentiment que ce genre de phrase, si elle est avérée, soit exactement dans ce cadre là.   

Qu’est-ce qui vous énerve le plus, le « je vais le crever » ou « le bègue » ?

La situation du pays aujourd’hui, Nicolas Sarkozy et son parti essayent de faire croire que c’est la faute du PS, et le PS essaye de faire croire que c’est la faute des prédécesseurs. Et moi je dis qu’ils sont co-responsables de la situation du pays, et si vous avez la curiosité d’aller sur internet, et de regarder la courbe de montée du chômage, la courbe du déficit du commerce extérieur, si vous allez dans ce sens-là, vous allez découvrir que c’est un mouvement ininterrompu depuis 15 ans, depuis le tournant des années 2000. Il faudrait d’ailleurs s’interroger pour savoir pourquoi à cet instant-là, et moi je pense d’ailleurs que les 35 heures ont un rôle dans cette affaire-là. Et donc je pense qu’ils sont co-responsables et qu’il est vain d’employer les injures qu’ils emploient, parce que ça détourne l’attention de la seule question qui vaille : pourquoi en sommes-nous là ? Et si ça vous intéresse que je réponde à la question pourquoi en sommes-nous là ? Si vous me faites une relance spontanée, c’est très simple parce que l’on a passé son temps à essayer de faire croire que les problèmes venaient de l’extérieur, que les problèmes venaient de l’Europe, de l’Euro, de Berlin, et vous avez des tas de publications papiers, et discours, pour aller dans ce sens-là. Il se trouve que ce n’est pas vrai, et que les principaux problèmes que nous avons en France, l’éducation nationale en premier, la formation professionnelle en second, le code du travail, le contrat de travail, tout cela ce sont des problèmes strictement intérieurs. C’est notre incapacité, ou notre mauvaise volonté qui nous a conduits à l’enlisement où nous sommes.

Vous venez de signer un texte avec d’autres ministres de l’éducation, et des intellectuels, dans lequel vous parlez d’un collège d’exigence. Vous disiez tout à l’heure, on a l’impression d’une continuité quand même : tout le monde a sa part… Est-ce que vous ne pensez pas qu'en matière d’éducation nationale d’abord, et en matière de collège en particulier, depuis vingt ans, on assiste quand même à un relâchement du collège, et surtout des matières de base que vous réclamez.

Il se trouve que j’ai, au ministère de l’éducation, fait le choix inverse.

Vous avez rajouté des heures de latin.

J’ai rajouté des heures de français en sixième, six heures, j’avais installé le latin en cinquième et le grec en troisième, des heures d’études surveillées à tous les élèves de collège, toutes les semaines, j’avais créé les stages d’entreprises en troisième. La question n’est pas le collège unique mais le collège uniforme. On a créé le collège unique sous Giscard parce qu’il y avait avant des collèges différents, il y avait des lycées, des CES et des CEG, les collèges d’enseignements généraux c’était pour les ploucs. Et Giscard a fait le choix d’un collège juste qui soit le même pour tous.. Et personne ne reviendrait là-dessus. Et c’était le collège uniforme, c’est-à-dire le même enseignement imposé à tous, et c’est pourquoi j’avais créé des parcours différenciés, avec des options différentes, où on peut aller plus loin quand on a le souhait d’aller plus loin, ou quand on peut approfondir. Et c’est cette uniformisation du collège par le bas, par la suppression des voies qui sont des voies d’exigence, que je condamne, et je ne suis pas le seul. Nous avons, à l’instant où je vous parle - cet appel a été fait il y a cinq jours - 20 000 signatures et si le Président de la République m’entendait, je lui demande que ses conseillers aillent sur le site pouruncollegedelexigence.fr, qu’ils regardent les signatures, et par pitié qu’ils lisent les commentaires que les gens qui signent, et notamment les enseignants qui signent laissent sur le site, qu’ils prennent de plein fouet la réalité de tous ces gens, qui pour beaucoup, sont de gauche, se sentent trahis, abandonnés, que ce qu’ils ont de plus précieux, ce qu’ils transmettent dans leurs enseignements soit nié et dévalué par des décisions brutales, non débattues, imposées par le gouvernement, qui de ce point de vue-là a choisi une voie radicalement contraire à ce que le pacte qui existe entre l’éducation nationale et le pays avait fixé. Qu’est-ce que c’est que ce pacte ? Jean-Pierre Chevènement dans notre texte a proposé une phrase qui est celle du ministre de l’éducation à la libération qui s’appelle Langevin. Tout le monde, dans le milieu de l’éducation sait qui c’est, Langevin c’était très à gauche. Il a dit « la promotion de tous et la sélection des meilleurs ». Et dans ces quelques mots, il y a promotion de tous : on tire tout le monde vers le haut, on offre à tout le monde sa chance, et on ne prive personne d’aller plus loin. Vous avez vu le sondage qui est sorti ce soir : 75 % des enseignants, trois enseignants sur quatre disent que c’est le contraire de ce qu’ils attendent.

Ce que l'on a supprimé c’est la sélection des meilleurs notamment ?

On a supprimé les parcours d’exigence.

Donc la sélection des meilleurs ?

Oui, mais je ne veux pas employer le mot de « meilleurs », parce que vous voyez c’était un mot de l’époque, mais les parcours d’exigence, ce qui marchait le mieux dans les collèges c’était les classes européennes, les classes bilangues, le latin, le grec. Alors on aurait pu dire « il n’y en a pas assez », donc on va les élargir. Cela je le comprends. Pour cela il aurait déjà fallu apprendre à lire à l’école primaire, puisqu’il y a 20% des enfants qui ne savent pas déchiffrer, et 20% des enfants qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent. C’est la priorité que de s’intéresser à l’école primaire. Et je propose moi que pour ceux qui ne maîtrisent pas ces outils indispensables, on leur fasse un cycle de rattrapage, qu'en deux ans, par exemple, ou en un an, on leur permette de réintégrer le circuit normal, après avoir appris, car ça s’apprend, à maîtriser ces codes complexes et langages complexes qui sont le langage de l’écrit, enfin le minimum, lire et écrire, sans lequel il n’a aucune chance de réussir au collège, ou en tout cas il a 95 % de chances, hélas, de ne pas pouvoir suivre. Alors le ministre dit : on va leur apprendre une deuxième langue en cinquième, mais vous vous rendez compte : quelqu’un qui ne sait pas lire, il a déjà du mal à maîtriser le français, il a déjà du mal à maîtriser la première langue qu’on a en sixième, on lui en ajoute une deuxième !

 

On peut considérer d’abord que tout le monde sache lire correctement.

Mais bien sûr, ce sont des parcours d’exigence. Ce sont des parcours plus exigeants que les autres. Je trouve que l’éducation nationale républicaine c’est ça, ça veut dire d’où que tu viennes, et là je parle de souvenirs qui naturellement sont les miens, de notre histoire à beaucoup d’entre nous. Tu es un fils de paysan des Pyrénées, d’une toute petite exploitation, et bien l’école t’offre la langue française, la poésie, le latin, le grec, l’histoire, un certain nombre d’autres choses. Tout mes camarades de classes venaient de milieux populaires, pour beaucoup d’entre eux, il n’y avait pas de livres chez eux, et tout d’un coup, ils ont trouvé là quelque chose, et on était 45 ou 50 par classe, qui leur a ouvert le monde, ouvert l’esprit, avec des enseignants formidables. L’un d’entre eux vient de disparaître tragiquement, il s’appelait Monsieur Biès, Jean Biès, et c’était le plus grand spécialiste français de la pensée hindoue, il était professeur de lettres classiques au lycée dans les Pyrénées-Atlantiques. C’était incoryable d’avoir cette chance. Et là on leur dit : écoutez, non. Comme il n’y en a pas assez qui suivent ces classes, on les supprime. Mais vous voyez à quel point c’est une pensée déformée que la pensée qui est en train de s’imposer idéologiquement au sein de l’éducation nationale, par des gens dont on a l’impression qu’ils n’ont jamais mis les pieds devant une classe parlée. Ils n’ont jamais parlé avec les enseignants. Pouruncollegedelexigence.fr ! Vous savez tous les français sans exception ont un, deux, cinq professeurs qui ont changé leur vie, simplement, parce qu’ils leur ont ouvert des portes qui autrement auraient été des portes qui leur auraient été fermées à vie.

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