La lettre d'information du Mouvement Démocrate #Avril 2015 - Entretien avec Jean-Jacques Jégou

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1/ La « grande réforme fiscale » est relancée par le congrès du Parti Socialiste. Son premier secrétaire réclame, dans une motion pour le congrès de Poitiers, de réaliser le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) et d’aller vers la fusion de cet impôt avec la CSG. Que pensez-vous de ces deux annonces, qui étaient d'ailleurs celles du candidat François Hollande en 2012 ?

Entre le programme de François Hollande de 2012 et les propositions d'aujourd'hui, il y a quand même quelques différences ! La réforme fiscale que l'on nous promet est seulement un bout de réforme fiscale. On n'est pas dans une révolution pure et simple de la fiscalité.

D'abord, sur le prélèvement à la source, on voit bien que c'est un problème qui est récurrent depuis des décennies. Nous sommes en capacité de le faire mais il reste un problème de poids, celui de la gestion de la transition la première année : les contribuables devraient a priori aussi payer l’impôt dû au titre de l’année précédente, à moins que l’État "n’abandonne" une année d’imposition. Alors oui, on a une volonté politique, mais il faut savoir comment l'organiser et se poser la question de la faisabilité pour ne pas creuser notre malheureux budget qui n'a pas besoin de cela. Pour autant, il existe des techniques diverses et variées que peut mettre en place le gouvernement pour ENFIN parvenir à ce prélèvement à la source qui, soit dit en passant, permettrait aussi d'économiser quelques dizaines de milliers d'emplois dans la fonction publique. J’insiste sur un point : nous sommes le dernier pays en Europe à ne pas pratiquer le prélèvement à la source. Tout le monde le fait. C'est donc possible. 

Pour ce qui est de la fusion de l'IR et de la CSG, je trouve cela assez tentant. Pour autant, il semblerait que ce ne soit pas si simple à réaliser. Je suis moins optimiste sur ce point.

2/ Le maître-mot du gouvernement est "stabilité fiscale". Il n’y aurait cette année aucune mesure d’augmentation d‘impôt sur le revenu, la CSG, la TVA, les cotisations sociales… Les seules mesures seront des diminutions d’impôt sur le revenu, par la suppression de la première tranche d’impôt à 5,5 %, qui concernera neuf millions de contribuables. Parmi ces 9 millions de contribuables, 3 millions deviendront même non imposables en 2015. Est-ce que, même symboliquement, tout le monde ne doit pas participer à l'effort fiscal selon vous ?

Bien évidemment ! Il faut savoir que le résultat de ce que fait le gouvernement, c'est une diminution du nombre de Français qui paient l'impôt. Je pense que même modestement, ils devraient y avoir plus de Français qui paient l'impôt. C'est une marque de citoyenneté et une responsabilisation des gens qui vivent en France. La suppression de la tranche à 5,5 % aura pour conséquence de répartir la somme non perçue sur cette tranche entre le reste des Français imposables. Cela montre bien qu'il y a en réalité une augmentation des impôts. C'est indéniable. 

Aujourd'hui, le constat est là : on a 80 % de l'impôt qui est payé par moins de 10 % des Français. Donc effectivement, avec ces 3 millions de personnes en plus non imposables, on passe de 47 % à 40 % de Français soumis à la participation citoyenne. Cette baisse n'est à mon sens pas un bon signe, ce n'est pas une mesure de responsabilisation et j'irais même jusqu'à dire qu’au final, cette diminution peut dresser les Français les uns contre les autres.

Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, il est bien dit que chacun doit participer en fonction de ses revenus et de ses moyens. Il n'est pas ici question de faire payer plus d'impôts aux moins fortunés mais de faire participer, même modestement, tous les contribuables. 

C'est aussi valable pour les revenus sociaux. Il n'y a aucune raison pour qu'aujourd'hui, ils ne soient pas frappés par l'impôt. Alors la gauche radicale nous dit « vous vous rendez compte, c'est insupportable, les gens qui n'ont pas les moyens et qui bénéficient de la solidarité nationale, vous leur demandez d'en rendre une partie ». Il faut dire une chose : il y a quand même des gens qui perçoivent des prestations sociales - toutes confondues avec le RSA, et d’autres allocations et indemnités diverses et variées – qui sont bien supérieures au SMIC et qui ne paient pas d'impôts alors même que ceux qui travaillent et touchent la même somme, eux, souscrivent à cette contribution.

Il est nécessaire de trouver un équilibre. Même si ces personnes étaient soumises à 5 % d'imposition, on aurait une participation à la solidarité nationale. C'est le principe d'égalité. Ce n'est pas parce qu'on bénéficie de la solidarité qu'on ne peut pas à son tour participer la solidarité nationale !

3/ L’État réduit depuis deux années ses dotations aux collectivités territoriales. Ces dernières, pour la plupart, sont ainsi obligées d'augmenter les impôts locaux pour boucler leur budget. Pensez-vous que l'on baisse les dotations de façon déraisonnée : trop et trop vite ? 

C’est un peu plus compliqué que cela. Je pense qu'il n'est pas anormal que l'Etat demande aux collectivités locales – régions, départements, communautés d'agglomérations, communautés de communes et communes – une participation à la réduction du déficit du budget. Pour autant, je crois qu'il aurait fallu faire attention à ce que l'effort demandé ne soit pas fait à l'aveugle. Je pense que les efforts auraient pu être différenciés entre les collectivités, en fonction de leurs ressources fiscales.

Deuxièmement, on voit bien que l'on a des communes qui ont un budget en terme de ratio de dépenses par habitant totalement différent. J'estime que demander de faire des efforts supplémentaires à des communes qui ont déjà fait beaucoup d'économies alors que d'autres pourraient en faire mais n'en ont jamais fait – c'est le cas des communes riches parce qu'elles n'ont jamais eu l'utilité de le faire - c'est infligé une double peine aux communes modestes qui à mon sens, est insupportable. 

Le gouvernement aurait été plus inspiré - même si je sais que c'est compliqué – de ne pas taper les collectivités à l'aveuglette.

4/Pensez-vous que l'intercommunalité peut en quelque sorte « homogénéiser » les disparités fiscales entre communes d'un même territoire ?

Il faut bien voir - et je le vois chez moi dans ma communauté d'agglomération - que le potentiel fiscal entre communes d'une même intercommunalité est très différent. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas aujourd'hui : la solidarité. La loi Chevènement ne posait pas – pas plus que la loi NOTRe – d'incitation, voir de quasi obligation, de solidarité au niveau intercommunal. L'objectif de la loi Chevènement au départ, était de faire en sorte que la solidarité se fasse à l'intérieur des territoires. Or, on voit bien qu'elle ne se fait pas. Comme on dit un peu trivialement, les riches restent riches et les pauvres restent pauvres. 

Alors certes, il peut y avoir des mutualisations qui permettent à des communes d'avoir des services et des équipements auxquels elles n'avaient pas accès et dont elles ont pu bénéficier grâce aux communes plus riches. Pour autant, dès que l'on a envisagé de créer les dotations modulées en fonction de la richesse fiscale individuelle des communes, le débat a été avorté car on a tendance, quand on est une commune riche, à dire qu'il n'y a pas de raison de donner au voisin d'à côté. Il faudrait une incitation.

5/ Une incitation qui pourrait aller jusqu'à une intervention de la part du préfet par exemple ? 

Oui, quand il y a vraiment des disparités qui se pérennisent de façon insoutenable. Je pense – et je ne suis pas interventionniste, je ne pense pas que l'Etat doive tout régler – qu'il faut qu'il y ait, au même titre que la règle des 25 % de logements sociaux, une contrainte minimale permettant une solidarité interterritoriale.

La solidarité territoriale est indiscutablement un enjeu majeur. 

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