"Je suis un homme libre aujourd'hui, je serai un homme libre demain"

En direct du Salon des maires, François Bayrou a participé à l'émission "Preuves par trois", diffusée sur Public Sénat et réalisée en partenariat avec l'AFP et Dailymotion. Retrouvez ici toutes ses prises de position sur les sujets qui font l'actualité.

François Bayrou est l'invité de "Preuve par 3" et merci d'être avec nous. C'est bien sûr le Président du Mouvement Démocrate que nous recevons mais aussi le maire de Pau. Nous sommes ici au Congrès des maires de France. Pau, ville où vous avez organisé un festival le week-end dernier pour célébrer le bonheur avec des écrivains et des habitants.

Avec moi ce soir, Déborah Claude de l'AFP notre partenaire et Perrine Tarneaud de Public Sénat.

François Bayrou, ce n'est pas avec Nicolas Sarkozy que vous pourriez, je pense, célébrer le bonheur et avoir une relation apaisée. Celui-ci ne cesse de vous cibler dans la dernière ligne droite pour la campagne de l'UMP. Il vous tient toujours responsable de sa défaite en 2012. Quand un militant UMP par exemple lance dans la salle : "Honte à Bayrou", que lâche Nicolas Sarkozy? « Vous m'avez compris ».

Alors, que répondez-vous à l'ancien chef de l'Etat?

Peut-être trouve-t-il là un prétexte avec l'envie d'attaquer quelqu'un d'autre.

Suivez mon regard, Alain Juppé?

On peut imaginer que c'est de cela qu'il s'agit. Je vois cela avec beaucoup de philosophie. Quand même avec le sentiment qu'il y a un petit malaise du côté de Nicolas Sarkozy en ce moment.

Vis-à-vis de vous?

Non, vis-à-vis de lui-même, vis-à-vis de sa propre campagne électorale. Il ne faut pas aller plus loin. Il y a une chose qui m'a encore plus interloqué. Il a dit : "je serai prêt naturellement à avoir des relations apaisées mais il faut qu'il prenne l'engagement d'être avec moi matin, midi et soir". Et vous évoquiez le bonheur que nous analysions ensemble à Pau avec des milliers et milliers de personnes et des grands philosophes. Alors franchement, matin Nicolas Sarkozy, midi Nicolas Sarkozy, soir Nicolas Sarkozy, il peut arriver que l'on ait une autre idée du bonheur et donc de ce point de vue-là, je ne me suis pas senti allant vers ce bonheur-là. Je veux dire simplement que je ne crois pas que le fait de mettre une telle intensité de détestation dans la vie politique française -que l'on a vu à Bordeaux lorsque Alain Juppé a été sifflé et hué, qu'on aperçoit dans tout ce moment de campagne électorale- je ne pense pas que ce soit bon ni pour l'UMP -mais ce n'est pas mon affaire- ni pour le pays, et ça c'est davantage mon affaire.

Ce n'est pas la monnaie de la pièce ? Vous n'avez pas été totalement tendre dans le passé avec Nicolas Sarkozy lors de son quinquennat et par ailleurs on vous reproche toujours une trahison en 2012?

En quoi? Il y avait une élection et je n'ai pas voté pour Nicolas Sarkozy. Je n'ai pas souhaité que Nicolas Sarkozy soit réélu et si je comprends bien je ne suis pas tout seul aujourd'hui avec le même sentiment. Si je comprends bien, y compris parmi ceux qui appartiennent au même  parti que lui, il y en a beaucoup qui partagent aujourd'hui ce sentiment de gêne en face de la manière dont Nicolas Sarkozy conduit la politique française.

 Il a envie de vous entendre exprimer des regrets d'avoir voté François Hollande. Vous n'êtes toujours pas prêt?

 Il faut que vous compreniez que ce genre de mise en cause-là n’est pas au crédit de Nicolas Sarkozy. Il va falloir qu'il se rende compte que sa défaite, ce n'est pas ceux qui étaient contre lui, ce n'est pas ceux qu'il met en cause tous les soirs dans les meetings, ni moi, ni peut-être même Marine Le Pen, ni ceux qui ne l'ont pas soutenu avec assez de force, le premier responsable de son échec, c'est lui-même. C'est la manière dont Nicolas Sarkozy a gouverné qui a fait que des millions de français, 4 millions, qui n'étaient pas de gauche ont jugé qu'il était très important qu'une alternance se produise avec une parfaite conscience que le Parti socialiste allait être placé au pied du mur. Et qu’au pied du mur de la réalité, on verrait que son programme n'est pas adapté. Et c'est absolument la déclaration que j'avais faite.

Vous saviez qu'il n'y aurait pas de résultat économique, vous l'aviez anticipé ? 

Je l'avais non seulement anticipé mais dit. Il suffit que vous repreniez les enregistrements de ces jours-là.

Donc vous avez bien voté contre Nicolas Sarkozy et pas pour François Hollande?

Et pour une alternance, en espérant que -et là mon espoir n'a pas été couronné de succès- en espérant que François hollande se rendrait compte, assez tôt, des dégâts que ses positions risquées faisaient courir au pays.

Notamment en ne se tournant pas vers vous au début de son quinquennat?

Pas du tout. Je ne me mets pas dans ce paysage-là. Les engagements, le programme économique, la manière dont il envisageait l'économie du pays me paraissait très aventurés.

Vous devriez avoir une explication franche dans les prochaines semaines avec Nicolas Sarkozy? Vous seriez prêt? 

Mais moi j'ai toujours été prêt à parler avec tout le monde. J'ai parlé avec lui au plus fort de nos affrontements, j'ai parlé avec François Hollande alors même que j'étais en désaccord avec lui. Je ne suis pas quelqu'un de sectaire, vous voyez? Je suis l'ennemi du sectarisme. Je pense que le sectarisme est un virus épouvantable dans un pays en crise -dans la démocratie en général- mais dans un pays en crise en particulier. Et vous voyez bien tout ce qui est en train de se produire. Tout à l'heure c'était intéressant pendant les discours au Congrès des maires il y a eu des affirmations du président sortant, M.Pélissard,  qui a dit quelque chose que je partage absolument. Il s'en ait pris à tous ceux qui aujourd'hui dans la politique française se baladent en disant que l'on va tout abroger.

On a compris, vous parlez de Nicolas Sarkozy et de la loi Taubira?

Non, plusieurs abrogations. Ceux qui font de l'abrogation l'alpha et l’oméga, le commencement et la fin de la politique. C'est pour moi un gâchis.

Jacques Pelissard, Président sortant de l'Association des maires de France a défendu la continuité républicaine. Vous considérez que nous sommes en rupture de la continuité républicaine?

Le mouvement de balancier, camp contre camp, clan contre clan qui résume la vie politique française depuis des décennies nous a conduit où nous sommes. C'est un mouvement qui favorise les paresseux parce que qu'est-ce qu'à fait le Parti socialiste dans l'opposition pendant 5 ans ? Rien, qu'attendre que le balancier traverse la frontière et on nous avait raconté, souvenez-vous, qu'il y avait des commissions qu’ils avaient travaillé fantastiquement pour savoir ce que l'on allait faire jour par jour, les 100 premiers jours. En réalité, tout cela c'était du bluff. Cela n'existait pas. Et donc, je souhaite moi que le principe de la politique française abandonne cette fatalité du balancier qui fait que ceux qui arrivent annulent ce que l'on fait les précédents et que les précédents n'ont qu'une envie c'est d'annuler ce que ont fait les suivants. Parce que cela nous a conduit à des catastrophes. Et je veux que l'on essaye de réfléchir à la manière dont on peut construire un progrès continu. Cee qui veut dire qu'il va falloir changer la pratique politique du pays.

Alors pour l'instant, Nicolas Sarkozy envisage de construire une alternance UMP élargie au Centre mais sans vous. Est-ce que vous êtes peiné ou indifférent par cette exclusion?

Je crois que l'on ne se rend pas compte. Il y a eu un temps où ce genre d'affirmation pouvait avoir crédibilité. Mais lorsque vous avez une extrême droite au-dessus de 25% et que le parti en question, celui de Nicolas Sarkozy et Sarkozy lui-même n'arrive pas à ce niveau-là. L'idée que l'on fait des oukases, que l'on fait siffler les gens, que l'on fait huer les autres, que l'on veut exclure, cette idée-là, elle montre seulement que l'on a pas les yeux en face des trous, que l'on ne voit pas la réalité comme elle est et qu'il va falloir d'une certaine manière évoluer parce que je prédis autrement des moments difficiles.

On verra cela dans les prochaines semaines. A l'UMP, c'est Nicolas Sarkozy qui devrait l'emporter? 

Je ne suis pas électeur dans cette élection et encore moins sondeur.

Et si vous aviez à voter?

Aucune chance que je n'aie à voter.

En tout état de cause on peut se dire que celui qui sort vainqueur de l'élection de l'UMP sera demain le candidat en 2017, non?

Alors, ça c'est ce que Nicolas Sarkozy pense et voudrait. Mais vous savez bien qu'il y a un débat très important autour de ce que l'on appelle les primaires. Et quelle est la forme des primaires? Et qui participe aux primaires? Ce n'est pas un secret que je vais vous confier. Moi je ne suis pas très emballé par les primaires, par le principe des primaires.

Cela vous fait un point de désaccord avec Alain Juppé?

Oui, mais nous nous en sommes expliqués. On parlera de cela un peu plus tard. Laissez-moi aller au bout de cette idée des primaires et de mes interrogations en face de cette idée. Les primaires, cela signifie que l'on organise une consultation dans un camp. Et que donc, il n'y a que deux camps dans la politique française. Et pour moi, si vous ne donnez que deux camps dans la  politique française, il me semble que vous favorisez beaucoup les votes protestataires, extrémistes et le Front national en particulier. Que ce qui a fait la fortune de Marine Le Pen, c'est à peu près d'ailleurs son thème unique, c'est l'UMPS, c'est le fait qu'il n'ait au fond que deux offres.

Vous dîtes un peu la même chose, que l'UMP et le PS sont morts ?

Cela n'est pas la même chose. C'est exactement le contraire. Ce que je pense moi, et cela est très claire, c'est qu'il y a d'autres propositions à faire au pays, d'autres voies à suivre que celles qui se succédant depuis des années nous ont conduit là où nous sommes.

Alors ce sera ma toute dernière question sur le Centre, c'est vous qui l'incarnez et qui l'incarnerez une quatrième fois lors de l'élection présidentielle François Bayrou? Ou si par exemple Alain Juppé que vous soutenez n'est pas vainqueur de la primaire ouverte?

Alors vous m'avez interrogé sur Alain Juppé. Je vais vous dire des choses très simples. Je pense qu'il a un bon profil d'expérience, de vision des choses pour rendre service au pays. Et je suis prêt à l'y aider. Il n'y a pas beaucoup de responsables politiques qui s'affirment ainsi de manière désintéressée prêt à en aider d'autres. 

Et s’il échoue?

Et si il échoue, je suis un homme libre aujourd'hui, je serai un homme libre demain. Je vais vous dire autre chose. Je suis et serai un homme libre le matin, à midi et le soir et même le lendemain.

Au premier tour de la prochaine élection présidentielle? Vous ne dîtes pas non?

Si j'avais cela à vous dire M.Grossiord je vous le dirais. Je ne suis absolument pas dans ce genre de calcul, de manœuvre. Je suis habité par deux sentiments. Le premier, c'est l'inquiétude devant la situation du pays. Le deuxième, c'est que l'on peut faire quelque chose. La plupart des gens croient que cela est foutu. La plupart des gens croient qu’au fond on baisse les bras et puis que c'est toujours pareil. Moi je crois exactement le contraire. Je pense que l'on peut faire des choses déterminantes pour que ce pays fatigué et parfois désespéré retrouve l'énergie vitale dont il a besoin.

François Bayrou, Déborah Claude nous a rejoints sur le plateau pour vous interroger. Elle est spécialiste du Centre.

Déborah Claude : On vient d'entendre des maires socialistes. Le gouvernement socialiste demande beaucoup d'effort aux collectivités locales. Vous, est-ce que vous approuvez ces efforts et ces coupes budgétaires que l'on demande aux maries, aux départements, aux régions?

Ecoutez, moi je cherche une chose dans un engagement politique, c'est un peu de cohérence. Il se trouve qu'il y a 15 ans que j'ai proposé les analyses, les avertissements et les propositions pour que l'on mesure que l'abandon à la dette et aux déficits était une manière de dérive dont nous ne reviendrons pas aisément et que l'on allait connaitre de terribles lendemains qui déchantent. Alors, l'idée que aujourd'hui simplement par ce que je suis devenu maire de Pau -j'ai été président du Conseil général autrefois- l'idée que parce que j'occupe cette fonction, je me mettrais à plaider le contraire de ce que j'ai plaidé hier, cette idée est -excusez-moi de le dire- elle ne me ressemble pas. L'axe général est que nous allons devoir entrer dans une démarche de dépenses publiques maîtrisées. C'est un premier axe que je considère comme  incontournable quel que soit le gouvernement, celui-ci, les suivants. Il n'y a pas d'autre voie possible. Contrairement à ceux que croient beaucoup -je vais vous le dire, cela me vaudra des critiques- je ne vois pas cela comme une punition. Je ne vois pas cela comme un chemin de croix. Je vois cela comme -si nous nous prenons suffisamment en main, si nous avons suffisamment d'imagination, de capacité, de créativité- je pense que cela peut être une chance d'aller vers des réorganisations nécessaire.

Vous êtes peu nombreux à dire cela et à le penser au Congrès des maires de France. De gauche à droite, c'est le même discours. L'AMF parle de brutalité.

Je comprends très bien les difficultés, je les vis comme maire d’agglomération. Cependant, si nous avons cette volonté chevillée au corps, nous pouvons faire de cette contrainte, de cette obligation, je le crois une chance de réinventer l’action publique. Encore faut-il que nous ayons les mains libres et l’imagination nécessaire.

On crée des impôts ?

Monsieur, je ne crée pas des impôts, je les baisse. Je les ai baissé en 2014 et je les baisserai en 2015. Parce que je considère que l’on est trop imposé. Pour moi, saisir cette nécessité, pour en faire une obligation c’est important. En revanche - il y a quelque chose qui a été dit par un des maires socialistes qui se sont exprimés, et que je crois juste - on ne peut pas faire ça en étant écrasé sous les normes, les contraintes, sous les règles que l’on nous impose et qui ne comprennent pas le ba ba de la réalité.

On n’a jamais autant parlé de simplification.

Mais Monsieur Grossiord, on ne fait rien.

Je vous raconte une histoire très simple, et qui date d’il y a quelques jours. Vous savez qu’il y a qu’un jour, sur un plateau télé, j’ai montré le code du travail. J’ai comparé les poids respectifs du code du travail suisse et du code français, 1 500 pages ou quelque chose de cet ordre.

L’éditeur du code est venu me voir. Il m’a dit « J’ai vu que vous aviez la version la 2012, alors je vous apporte la version 2014 ». Elle fait 500 pages de plus.

C’est la jurisprudence.

Non, ce n’est pas la jurisprudence, n’attachez pas du crédit à ces mensonges. Je vous montrerai le texte sans commentaires aucun. Et il pèse aussi 1 kilo et demi. Et il me dit donc : « Le code que je vous apporte est sorti en mars ». Depuis ce mois, 10% des articles ont changé, on était en septembre.  Ils ont été obligés d’inventer un outil informatique pour qu’avec son smartphone on puisse photographier la page et que, par reconnaissance de texte, on vous donne le nouveau texte. Cela c’est la France, celle du droit du travail, de tous les droits que tous les élus ont à apporter. 

Déborah Claude : Le Ministre de l’économie Emmanuel Macron veut accélérer, libérer un peu la croissance avec ses projets. Mais simplement, est-ce que vous avez parlé de cela avec Manuel Valls quand vous l’avez vu à Pau, sur les finances locales, le budget ?

J’en ai parlé avec Manuel Valls et souvent avec François Hollande et auparavant avec Nicolas Sarkozy, avec François Fillon et les précédents Premiers Ministres aussi. Je vous rappelle qu’il y a 15 ans, depuis l’année 1999 ou 2000, que j’ai fait de ce combat, une bataille fondatrice pour la France. Si l’on avait fait, au début des années 2000, les choix qu’il fallait, la France n’en serait pas là aujourd’hui.

Vous avez dit « Manuel Valls ne manque pas de courage », donc vous apportez un certain crédit aux axes qu’il peut prendre ?

L’axe principal qu’il prend c’est de dire que le Parti socialiste comme il est, c’est fini. Il propose même qu’il change de nom. Et donc je trouve que lorsque l’on est à la tête d’une majorité, d’un parti, cela ne manque pas de courage que de dire cela. Est-ce qu’il va être suivi par son parti ? J’en doute un peu quand même. 

Mais la réforme, la loi Macron, est-ce que ce sont des choses qui peuvent vous inspirez ?

Je ne sais pas ce qu’il y a dans la loi Macron. Nous n’avons pas le texte, ni vous ni moi. Alors on fait des commentaires, on fait des gloses autour d’un texte que l’on ne connaît pas. J’attendrai de connaître le texte.

Michel Grossiord : Sur les 35h, c’est aussi un chantier qui a été rouvert par Bercy, vous approuvez là également la volonté de desserrer ?

Disons des choses précises. Non seulement le chantier n’a pas été ouvert, mais il y a eu une communication officielle du gouvernement pour dire que ce chantier ne serait jamais rouvert. « Cachez ce sein que je ne saurai voir », comme dit Tartuffe. C’est là que l’on en est. J’attendrai de voir. Mais si vous me demandez mon avis, je pense que le temps de  travail est une des seules variables, un des seuls éléments, que nous pouvons saisir pour rendre notre pays plus vivant, qu’il y ait davantage de vitalité.

Mais il y a aussi une autre proposition de 2 économistes français et allemand, qui va sur le gel des salaires. On ne connaît pas encore non plus précisément le contenu de ce rapport.

Parce que cela a été publié par un journal par une fuite. Je vais vous dire ce que j’en pense. Je suis contre le blocage des salaires. Autant je suis pour que l’on travaille sur le temps de travail, pour permettre aux gens de s’investir, autant je suis opposé l’idée que l’on va verrouiller dans un corset l’ensemble de la société du travail en France, et de l’entreprise. Je trouve que c’est stupide, contre-productif, et alors pour le coup récessif. Parce que cela veut dire que la plupart des gens vont avoir le sentiment que l’on dévale la pente et je ne suis pas de cet avis.

Pour une fois je vais vous dire que je suis en accord avec Nicolas Sarkozy. Je pense que sur les heures sup, c’était lui qui avait raison. Je n’étais pas allé aussi loin que lui dans mon programme, j’étais pour décharger, au moins à concurrence des heures normales, mais je pense qu’il avait raison d’en faire un élément d’engagement, d’attrait pour le travail en France.

Déborah Claude : Revenons sur Manuel Valls, dont on parlait qu’il ne manque pas de courage, en même temps vous avez dit à de nombreuses reprises que François Hollande n’allait pas tenir jusqu’à la fin de son quinquennat, là les écologistes à l’Assemblée ont voté contre la réforme territoriale, cela vous conforte dans l’idée que la majorité n’existe plus. 

Ce n’est pas que la majorité n’existe plus, c’est que cette réforme est une ânerie et une duperie.

Elle est votée.

Et alors ? Elle est votée en 2e lecture ensuite il arrive que les majorités votent des âneries et des duperies. C’est arrivé souvent. Là, la nouvelle structure des régions fait que la Normandie c’est bien par exemple ; mais faire une région de l’Aquitaine au Poitou-Charentes et du Limousin avec un périmètre qui fera 1300 ou 1400 km, je trouve que c’est priver la région de l’essentiel c’est à dire de son âme, de son identité. Une région ce sont des gens qui se reconnaissent un destin commun. Si vous mélangez des personnes qui n’ont ni la même culture, ni la même histoire, ni la même façon de voir les choses, vous rendez un mauvais service à la décentralisation parce que vous enlevez l’unité qui doit être celle d’une région pour décider de son avenir.

Et je le dis d’autant plus que, en Aquitaine, Alain Juppé était contre, Alain Rousset était contre et j’étais contre.

Vous continuez de penser que cette réforme n’aboutira pas ?

J’espère que la sagesse, un jour ou l’autre, fera en sorte que cette duperie stupide cèdera le pas devant la réalité. 

Vous êtes pour l’abrogation alors ?

Elle n’est pas en place. Mais je vous affirme que lorsque vous enlevez à une région son identité et que vous la rendez complètement démesurée et hétérogène à l’intérieur, cela ne coûtera pas moins cher mais plus cher.

D’un mot, votre avis sur l’avenir de la majorité, François Hollande peut-il s’en sortir sans une dissolution ?

Je pense que dans un pays en crise, une majorité aussi désavouée par le peuple, l’opinion publique, ne peut pas affronter les vagues inéluctables. Alors quand viendront les vagues ? Je n’en sais rien, mais je pense que cette majorité là n’est pas en mesure de rendre service au pays dans les 2 années qui viennent.

Vous demandez quelque chose, ou vous constatez simplement ? Vous ne demandez pas de dissolution ? Une démission, je ne sais pas ?

Pour le coup, cela ne servirait strictement à rien. Je vous dis que cette affaire là est « mal barrée », comme on dit. C’est une majorité qui n’a aucune capacité d’action sur le pays parce que plus personne ne l’écoute.  Vous avez entendu les pauvres maires PS sur votre écran. Ils étaient abasourdis, désespérés.

Perrine Tarneaud nous rejoint. Vous avez parlé de votre région, mais nous allons aller d’abord dans votre ville Pau.

On découvre que Pau est si près de Paris avec les moyens modernes de toute la communication de la mairie.

L’accusation de trancher est fondée, mon boulot c’est d’être le patron de la ville. Et j’assume cette nécessité. C’est vrai, je tranche, je décide, on réalise et il faut que cela aille vite, parce qu’une partie du découragement des citoyens c’est que le monde politique profère des promesses et les réalisations sont complètement absentes, reportées toujours aux calendes grecques. Chez nous, on décide et on fait. Et les choses se font sans avoir à attendre que passent les mois et les années.

Perrine Tarneaud : Et puis après la mairie  comme tremplin finalement peut-être pour d’autres échéances nationales, il y a le précédent Alain Juppé à Bordeaux.

Je n’ai jamais eu besoin de tremplin, je ne pratique pas le trampoline, ce n’est pas du tout mon sport. Je suis pleinement à ma responsabilité de maire, simplement je suis un citoyen qui voit son pays se défaire et je n’abdique pas ma responsabilité. Mais je le fais depuis, en habitant pleinement la responsabilité locale qui est la mienne. C’est simple, et on a maintenant, comme cela a été montré, justement, tous les moyens de communication, d’échanges, qui permettent de montrer que, à 800 km de Paris, c’est quand même la France.

Est-ce que vous renouvelez votre promesse que vous aviez faites pendant votre campagne des municipales, de ne pas bouger de Pau ?

J’ai promis une chose précise, c’est que je ne serai pas candidat aux législatives, aux sénatoriales, au Conseil Général maintenant départemental, aux régionales de 2015. J’ai dit que je ne serai pas député européen et ce sont des promesses que je respecte.

Et 2016-2017 ?

Je ne fais pas de promesses, je ne suis pas dans l’habileté.

C’est l’esquive là.

Non, c’est très simple. Je n’abdique pas ma responsabilité de citoyen national. Je ne démissionne pas de ces responsabilités pour dire « Non, désormais, seul l’horizon local m’intéresse ». Ce n’est pas vrai. L’horizon local me passionne, et l’on fait des choses fantastiques mais l’horizon national est pour chacun d’entre nous un devoir d’engagement, pas simplement une option. Chacun des élus qui sont présents dans ce salon des maires est préoccupé par le destin du pays parce que c’est du destin du pays que dépend le destin de sa propre communauté.

Sur la politique nationale, le nouveau patron de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, a émis le vœu de vous rencontrer. Est-ce que vous vous êtes vus ? 

Non, on ne s’est pas vu, il est un peu occupé à mettre en place son organisation mais on va se voir très prochainement, il n’y a aucun doute à cela.

C’était une élection un peu familiale, il y  a d’assez solides amitiés dans les familles, politiques en particulier. Jean-Christophe Lagarde a été président des jeunes sous ma responsabilité et Hervé Morin a été président du groupe sous ma responsabilité parlementaire.

Donc ce sont vos poulains ?

Ce sont des gens que je connais très bien et avec qui j’ai partagé des engagements importants et j’ai l’intention de continuer parce que pour moi il n’y a qu’une loi : si le Centre, qui a un devoir d’existence, veut remplir ce devoir, il faut qu’il soit uni. C’est simple comme bonjour.

Alors quelques questions d’actualité, François Bayrou, aujourd’hui, notamment le discours du Pape devant le Parlement européen réuni aujourd’hui à Strasbourg, est-ce que vous adoptez le point de vue de Jean-Luc Mélenchon pour qui le religieux n’a pas sa place dans cette enceinte parlementaire ?  

Non, je suis un croyant, pratiquant et cependant je suis très attaché à la laïcité.

Là ce n’est pas une entorse à la laïcité ?

Quand il s’agit du chef spirituel de la plus importante des religions européennes, profondément mêlée à son histoire, il a tout à fait la place devant une assemblée parlementaire qui représente les peuples, pour s’exprimer devant elle.

N’y-a-t-il pas d’hypocrisie de la part des députés européens à applaudir le Pape quand il parle de valeurs humaines, lutte contre l’ultra-libéralisme, d’accueil des migrants clandestins et puis le lendemain, ils vont peut-être voter des mesures qui vont à l’encontre de ce que prône le Pape devant eux ? Et qu’ils applaudissent. 

Nuance. Pour moi le Pape est d’abord un chef spirituel, et c’est comme cela que je le regarde c’est à dire qui a une responsabilité devant la conviction profonde, la foi, de centaines de millions de personnes sur le continent européen. Il dit un certain nombre de choses sur l’évolution des sociétés. Pour la plupart de ses affirmations, non seulement je les partage mais je les reçois avec gratitude, je trouve que la sensibilité du Pape François, de ce nouveau Pape – et je m’exprime à titre personnel, en tant que croyant - est bienvenue.

Surtout quand il parle de l’évolution de l’Eglise.

Quand il dit que nous avons une responsabilité devant les migrants, et que ce n’est pas possible que la Méditerranée devienne un cimetière et que ce que nous faisons à Lampedusa est une horreur. Nous les Européens, puisque nous laissons les pauvres italiens tout seuls devant cette responsabilité là. Nous sommes démissionnaires et nous trahissons notre idéal. Et quand le Pape vient et dit « Vous, Europe, vous avez une responsabilité parce que vous êtes la matrice d’un certain nombre d’évolutions du monde et de la société, et vous devez retrouvez la vitalité qui est celle de vos valeurs, de votre vision du monde », il a absolument raison.

Autre sujet d’actualité, on pensait qu’il allait se faire discret. Mais non. Thomas Thevenoud annonce plus ou moins son retour, il est de plus en plus présent à l’Assemblée nationale. Est-ce que vous êtes de ceux qui pensent que les élus qui s’avèrent être des fraudeurs fiscaux devraient être punis d’inéligibilité ?

Si la fraude est confirmée - et je pense qu’elle va l’être – ils le seront. Il y a une incompatibilité entre l’incivisme, qui fait que l’on triche avec les impôts, ou pire que l’on ne déclare pas ses impôts – je ne sais pas quel est le pire, l’un ou l’autre – et l’exercice de la responsabilité de représentant du peuple.

Est-ce que le bilan de la Haute Autorité à la transparence, un an après son installation, est positif selon vous ?

Je reçois son président demain et je vais faire le bilan avec lui. Vous vous souviendrez peut-être que j’avais proposé un texte exigeant sur la transparence de la vie publique avec une pétition qui avait réuni plus de 60 000 signatures et qui disait un certain nombre de choses très exigeantes de ce point de vue là. J’en parlerai demain avec Jean-Lous Nadal.

On va finir peut-être par la tournée londonienne de notre nouvelle star de l’édition, est-ce que vous êtes choqué par le « Hollande bashing » de Valérie Trierweiler ?

J’ai lu son livre et je l’ai trouvé infiniment triste, pour elle, pour lui, pour leur histoire, pour la fonction présidentielle.

Et triste pour la France avec ce « Hollande bashing » ?

Ce n’est pas seulement du « Hollande bashing ». Les articles de journaux britanniques sont assez cruels, y compris pour elle donc je trouve que ce n’est pas ce dont on rêverait. Je ne veux pas employer de mots condescendants. Je trouve cela triste, voilà. 

Vous l’avez dévoré jusqu’au bout ?

Dévorer, ce n’est pas exactement le mot, je l’ai lu. 

Merci François Bayrou d’avoir été avec nous aujourd’hui au Congrès des maires de France.

 

 

 

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