"Je ne crois pas qu’il soit encore temps de changer l’équation du gouvernement"

Le président du MoDem a jugé ce soir au micro de BFM TV que "la situation du pays" était "enlisée, en panne et décourageante". François Bayrou a estimé que le retard pris par le Président de la République n'était pas "rattrapable".

Ruth Elkrief (BFM TV) - Bonsoir François Bayrou, merci d’être l’invité de BFM TV. Vous êtes le président du MoDem et maire de Pau. Ce soir notre sondage Elabe pour BFM TV indique que pour 65 % des Français interrogés, la politique  menée par l’exécutif n’est pas de gauche. Comment réagissez-vous à cette information?

François Bayrou : Je me gratte un peu la tête. Je ne sais pas, je ne sais plus ce qu'est une politique de gauche. Pour moi, la seule question qui devrait se poser est : est-ce une politique efficace ? À cette question, la réponse est non. Est-ce une politique sociale qui permet de renforcer le lien entre les gens, de faire que ceux qui se sentent écartés soient intégrés ? La réponse aussi est non. Ou, en tout cas pour moi, il n'y a pas de changements majeurs. En revanche, est-ce une politique qui sur beaucoup de sujets, comme l’éducation nationale, va à l'encontre des valeurs, celles d’un certain idéal,  de promotion des individus et du pays ? Là, franchement, ce n’est pas du tout une politique efficace. Elle ne va pas dans le sens de ce que nous croyons tous ensemble en France. 

Manuel Valls dit que le choc de simplification permet deux milliards d’économies et il annonce une troisième vague. On évoque la dégressivité des allocations chômage, on parle de code du travail dans lequel on va peut-être ouvrir un petit peu plus les vannes, on peut se dire que ça commence à ressembler à une politique plus centrale, je ne veux pas dire centriste, mais ça pourrait vous plaire.

S’il y avait quelque chose de réel dans tout ce que vous évoquez, je pourrais l’examiner mais franchement vous êtes journaliste depuis quelques années, depuis quelques mois…

Je vous remercie de ne pas citer le nombre d’années (rires).

Depuis quelques mois en tout cas. Combien de fois avez-vous entendu parler du choc de simplification ? Vingt, trente ? Déjà dans des gouvernements très antérieurs on en parlait. Qu’est ce qu’on a fait ? Rien. Vous parliez du code du travail. L’autre jour sur France Inter j’ai fait un pari avec votre confrère Patrick Cohen.

Qui a reconnu qu’il avait tort et que vous aviez raison sur le fait que le code du travail était extrêmement lourd.

Il a dit au départ que ce n’était pas vrai, qu’il y avait toute la jurisprudence et les annotations. Alors je lui ai fait porter le code du travail, je signale au passage qu'il doit me le rendre (rires). Au premier août 2014, il y a presque deux ans, il faisait déjà 1968 pages. Depuis on en a rajouté  et on a demandé à Robert Badinter de faire une mission pour dire comment on pourrait simplifier le code du travail. Il a sorti soixante et quelques principes. Ce qui est très bien mais on n’a pas du tout de simplification. Le code du travail n’a pas bougé, il suffit d’aller dans une librairie pour le savoir. Le contrat de travail n’a pas bougé. Autrement dit on a une politique de déclarations successives séquentielles et puis tout ça se perd comme l’eau dans le sable du désert. Donc, il faut que nous fassions attention,  parce que tout cela signifie que les citoyens qui nous écoutent sont à la fois vos téléspectateurs, auditeurs…

Et vos électeurs… 

Ceux-là, leurs oreilles se sont fermées, leur attention est ailleurs parce qu’ils savent bien que c’est de la fausse monnaie qu’on leur vend, peut-être avec de la bonne volonté. Vous voyez, je ne mets même pas en cause la bonne volonté. 

Du coup ceux qui veulent une primaire à gauche et qui souhaitent changer la donne, perdent-ils leur temps? Le président François Hollande peut quand même se présenter malgré ce que vous dites. 

Ruth Elkrief, il n’y a plus de gauche. La gauche est en guerre civile, sur le fond idéologique, c’est-à-dire le plus important. On croit que l’idéologie est secondaire mais en réalité les idées, c’est le plus important. Il y a un affrontement de fond. Je ne sais pas comment ils vont en sortir, tout ça est dans un cadre de division incroyable, personnelle, humaine. Mais il n’y a plus de gauche. Et de la même manière à droite on pourrait en parler. Autrement dit, on est devant un tohu bohu de tous les repères de la vie collective et du débat public. Tout cela est balayé et on est devant le chaos de la pensée, de la vie. Vous ne pouvez pas croiser un de vos confrères journalistes, quand vous êtes en dehors des micros sans que vous entendiez : où est ce qu’on est ? Plus personne ne s’y retrouve. 

On parle d’un remaniement ministériel la semaine prochaine après le vote formel sur la déchéance de nationalité. On évoque l’entrée de Nicolas Hulot. François Hollande aurait proposé à Nicolas Hulot ce matin d’être numéro 2, ministre de l’environnement avec un grand ministère comparable à celui de Jean-Louis Borloo sous Nicolas Sarkozy. 

Qu’est-ce que ça changera ?

Est-ce tout ce que cela évoque pour vous ?

C’est une personnalité sympathique qui évoque les mêmes thèmes depuis longtemps. La situation du pays est tellement enlisée, tellement en panne et tellement décourageante pour ceux qui n’en sont pas seulement les victimes mais aussi les acteurs. On ne voit pas de chemin. On ne sait pas où l’on va. Je ne crois pas qu’il soit encore temps de changer l’équation du gouvernement. François Hollande a refusé de prendre en compte l’organisation de la vie démocratique pour que d’autres majorités ou sensibilités puissent se former. Il a écarté cette idée. À mon avis il s’est trompé et selon moi c’est trop tard, y compris pour lui. Mon impression, c’est que pour lui aussi ce n’est pas rattrapable.

Concernant la déchéance de nationalité, ce soir on a appris que dans le projet, le mot ‘apatride’ serait retiré du texte, et cela reviendra à la déchéance pour tous, c’est-à-dire les binationaux nés en France et les non binationaux : tous seraient déchus de la nationalité. On parle bien entendu des terroristes condamnés par un juge judicaire qui décidera de cette déchéance. Gérard Larcher, ce matin, disait que cela suffisait, qu’il fallait arrêter le massacre.

C’est exactement l’impression et ce que l’on a envie de dire. Tout cela navigue à la godille. Tous les jours on change le texte, pour un problème pour lequel je ne comprends pas pourquoi il fait polémique de la sorte.

Si vous étiez député et que l’on vous proposait cette révision constitutionnelle avec la déchéance pour tous, sans les mots ‘binational’ ni ‘apatride’ et que c’est un juge judiciaire qui décidait, la voteriez-vous ?

Oui, je la voterais car il y un juge indépendant qui décidera. Chaque fois qu’il y a atteinte au droit ou aux libertés, il faut que ce soit un juge qui décide. C’est un principe et s’il est respecté, je n’ai pas de problème avec le texte.

Pensez-vous que François Hollande y arrivera au congrès ?

Je suis un peu inquiet sur ce point pour le texte. Je trouve que chaque jour qui passe, il y a de moins en moins de voix prêtes à soutenir le texte car c’est un tel bazar…

Quelles conséquences cela peut-il avoir ?

C’est une telle inconséquence que je ne vois pas. Je ne comprends pas le débat. Comment peut-on faire un tel barouf pour retirer des cartes d’identité à des gens condamnés pour terrorisme contre leur pays ? Ils retirent la vie des gens pour des raisons impensables de barbarie et on fait un concours d’élégance. Moi en tout cas je ne sens pas ni le droit de la nationalité, ni les droits fondamentaux du pays, ni la conception de la nation remis en cause parce que le pays tire la conséquence du fait qu’un certain nombre de personnes se sont retournées contre lui et contre ses valeurs. Monsieur Renan avait la définition de la nation suivante : la nation, c’est tous ceux qui adhèrent au projet national du pays et à ses valeurs. Or, ces gens-là n’y adhèrent pas, ils veulent la détruire.

Aucun état d’âme là-dessus de votre part quelle que soit la rédaction ?

Non, aucun. Je sais bien qu’il y a eu un malaise chez nos concitoyens binationaux mais ils ne sont pas en cause. J’ai moi-même des petits enfants dans ce cas-là. Ils ne sont pas en cause : ne sont en cause que ceux qui se retournent contre notre pays en prétendant en rester membres. Et bien non !

Nicolas Sarkozy a vendu 68 000 exemplaires de son livre « La France pour la vie ». Est-ce que cela veut dire qu’il redevient le favori à la primaire de la droite et du centre ?

Vous confondez les lecteurs et les électeurs. C’est une autre chose. La primaire se joue en particulier sur les noyaux durs d’un camp. Regardez la primaire américaine. Du coté républicain, qui est ce qui en ressort ? Trump ! Trump, dont tout le monde voit bien le caractère provocateur. Et Ted Cruz qui est encore beaucoup plus à droite et offensant pour un certain nombre de choses que lui ! Regardez la primaire démocrate. Qui est-ce qui ressort ? Bernie Sanders ! Bernie Sanders, qui est socialiste. Or, aux USA, ‘socialiste’ veut dire ‘communiste ++’.

Reste-t-il favori à la primaire pour vous malgré les sondages pour Alain Juppé ?

Non, je ne suis pas commentateur de la primaire. La primaire, ce n’est pas une course de chevaux. Je soutiens Alain Juppé comme vous le savez déjà, parce que je pense qu’il gouvernerait autrement. Le risque de la primaire, c’est la surenchère et la prime à celui qui va le plus loin. C’est une entreprise qui risque de diviser le pays et c’est pour cela que je suis très prudent en face de la primaire.

Merci François Bayrou.

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