"Je n'ai aucune envie de faire une utilisation polémique de ce qui est un drame humain"

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Le président du MoDem a estimé ce matin au micro de France Inter que le ministre de l'Intérieur ne pouvait être tenu pour responsable de la mort de Rémi Fraisse sur le site du barrage de Sivens, un événement qu'il a qualifié de "drame humain".

Patrick Cohen - Bonjour François Bayrou.

François Bayrou - Bonjour.

Que vous inspire le drame de Sivens et la controverse sur ce projet de barrage ?

La première chose, c’est qu’une jeune vie a été fauchée et une famille frappée par une blessure qui ne guérira pas. Pour chacun d’entre nous c’est un drame. La deuxième chose, c’est qu’il y a un développement d’un climat de violences, d’affrontements, dès l’instant où se présentent des désaccords ou des incidents. On a l’impression de vivre dans une société dans laquelle on ne peut plus ni parler, ni discuter, ni décider, ni agir et que l’on est devant des blocages qui ne savent se résoudre – pour une partie minoritaire c’est vrai, mais importante – que par la violence.

Quelle leçon tirer de cela ? Quand l’écotaxe, par exemple, votée à la quasi unanimité du Parlement se voit abandonnée après les coups de boutoir des bonnets rouges ; quand ce barrage de Sivens, approuvé par 43 des 46 conseillers généraux du Tarn se voit remis en cause par des manifestants occupants, que dîtes-vous ? Que le pouvoir politique est déconnecté du peuple ou bien qu’il cède trop facilement à une minorité ?

D’abord ne mettons pas tout sur le même plan, ce n’est pas tout à fait la même chose.

Cela pose la question « à quoi servent les élus ».

C’est vrai que l’incapacité de tout pouvoir, faute de préparation, est un problème. Je me disais en venant et en écoutant vos émissions que, si c’était aujourd’hui, le canal du Midi, on ne pourrait pas le creuser ; le gaz de Lacq, chez nous en Béarn, on ne pourrait pas l’exploiter bien qu’il ait été une source de richesse pour la France ; les avenues de Haussmann, à Paris, on ne pourrait pas les tracer.

Et la Tour Eiffel ?

Sans parler de la Tour Eiffel… Mais si vous prenez les Pays-Bas et les polders qui ont été gagnés sur la mer, on se trouverait aujourd’hui dans cette même difficulté ! On a une espèce, me semble-t-il, de phobie de la société en face de toute action qui lui permet de saisir la nature et son destin. Je pense que l’on se trompe. Je ne crois pas être en défaut d’amour ou de protection de la nature – c’est une partie de ma vie comme vous le savez – mais cependant il faut que l’Homme puisse agir, changer un certain nombre de choses sans se trouver complètement bloqué. Il y a des projets pour lesquels les interrogations sont légitimes. J’ai eu des interrogations sur Notre-Dame des Landes et je les ai exprimées parce qu’il me semblait que ce n’était pas complètement adapté. Mais on devrait avoir des moyens de discussions, de jugements – pourquoi est-ce que l’inspection n’est pas intervenue plus tôt à Sivens ?

Il y a eu une enquête d’utilité publique.

On vient d’avoir une enquête qui a été diligentée par le ministère, pourquoi n’est-elle pas intervenue plus tôt ? L’ensemble de nos mécanismes de décision et d’action est à revoir parce qu’il est désespérant pour le citoyen d’avoir des décisions jamais suivies d’effets sur aucun sujet.

On comprend en vous écoutant que vous pensez que le conseil général du Tarn ne doit pas abandonner le projet ?

Non, je pense qu’il n’avait pas d’autres choix dans la situation d’aujourd’hui. Lorsque vous avez un drame sur un sujet somme toute secondaire ou de deuxième plan, bien sûr qu’il faut prendre des gestes d’apaisement, c’est utile. Mais, vous voyez, c’était une réflexion plus large sur la manière dont notre société évolue et sur l’espèce d’impuissance dans laquelle elle se trouve liée.

Sur la question du maintien de l’ordre, le ministre de l’Intérieur doit-il être tenu pour responsable de la mort de Rémi Fraisse ?

Non. Tous les ministres de l’Intérieur successifs essaient de trouver un équilibre pour empêcher les désordres sans dégâts et accidents humains. Ici, nous sommes apparemment clairement devant un accident et il faut prendre toutes les précautions nécessaires, regarder le matériel. Mais je n’ai aucune envie de faire une utilisation polémique de ce qui est un drame humain, et, j’en suis persuadé, quelque chose qui relève d’un tragique accident.

Que pensez-vous des écologistes qui répètent que l’on ne construit pas un barrage sur un cadavre ?

Ce sont des formules dont vous sentez bien à quel point elles sont gênantes ! Les écologistes sont dans une situation politique extrêmement simple : ils doivent alimenter de toutes les manières possibles l’affrontement qu’ils ont à l’intérieur de la majorité avec le gouvernement. Je trouve que ce type de formule est vraiment excessif.

Un homme prend à nouveau beaucoup de place dans le paysage à droite et parle de vous dans ses meetings, pas de façon aimable. Nicolas Sarkozy était à Marseille hier soir, il a encore beaucoup parlé d’immigration mais sans répéter la phrase qu’il avait prononcée à Nice : « L’immigration menace notre façon de vivre ». Qu’en pensez-vous François Bayrou ?

Je pense que notre société a bien des déséquilibres à affronter. Les déséquilibres qui viennent des migrations doivent en effet être regardés avec beaucoup de soin parce que cela déstabilise évidemment des populations en profondeur. Quant à considérer que l’immigration en soi est un danger pour notre pays, je crois qu’il faut aussi voir que c’est un risque certes mais en même temps une chance, une possibilité de faire vivre ensemble des personnes, des familles, qui apporteront beaucoup à notre pays. Il suffit de regarder autour de nous pour voir que oui, nous allons devoir vivre ensemble et qu’il n’est pas juste de dresser les gens les uns contre les autres. Et je suis heureux que Nicolas Sarkozy n’ait pas repris cette phrase dans son dernier meeting.

La question qu’il pose est en quelque sorte identitaire : « Les Français veulent rester en France […] La France ne ressemble pas à un autre pays ». Pensez-vous, François Bayrou, que cette façon identitaire de poser la question de l’immigration doit entrer dans le débat public ?

Il y a deux choses. La première, c’est que Nicolas Sarkozy est dans un contexte électoral interne auprès des militants. Lorsque l’on est dans un contexte électoral, il apparaît essentiel à ceux qui se présentent de parler au noyau dur de leur camp, car c’est le noyau dur qui mobilise le plus, qui fait le plus de bruit, qui est le plus militant.

La deuxième chose c’est que nos sociétés ont besoin d’identités : identité culturelle, identité nationale, identité régionale parce que lorsque la mondialisation secoue, fait passer dans une espèce de très grande lessiveuse la totalité des générations, nous avons besoin de savoir qui nous sommes. De ce point de vue, la question de l’identité ou plutôt des identités – parce que je ne crois pas que l’on doive en avoir une seule, on peut être à la fois Français, Béarnais et savoir très bien ce que ça veut dire – est une question légitime. La seule chose qui soit importante, c’est que la question identitaire ne dresse pas les gens les uns contre les autres. L’identité ne doit pas être une exclusion, un affrontement, une manière de rejeter. Et l’identité positive, vécue comme une ouverture, est une richesse pour un pays. Vous voyez bien qu’il y a deux manières d’aborder la question : la manière qui est d’approfondir son identité pour avoir des rencontres avec les autres et la manière de prendre l’identité comme une raison de rejeter les autres.

 

 

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