"Je défends l'idée d'un contrat de travail simplifié en CDI à droits progressifs"

Bien que la mécanique proposée hier par le gouvernement soit trop complexe à ses yeux, François Bayrou a affirmé ce soir sur i>Télé que les mesures annoncées par la majorité en faveur des TPE/PME allaient plutôt dans le bon sens.

Bonsoir François Bayrou. Ce soir, nous allons parler de politique mais avant cela j'aimerais avoir votre sentiment sur cette vidéo très contestée diffusée sur internet ce matin par une partie de la famille de Vincent Lambert qui conteste la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme d'autoriser l'interruption des soins qui lui sont prodigués. I>TELE a choisi de flouter ces images afin de préserver la dignité de Vincent Lambert qui était évidemment incapable d'accepter d'être diffusé ainsi. Avez-vous vu ces images ? Que vous inspire le cas de Vincent Lambert ?

Je ne les ai pas vues, mais mes enfants et ma femme les ont vues et m'ont appelé aussitôt. Ce qu'ils disent, c'est que ce n'est pas un mort, un garçon en coma dépassé que l'on voit – encore une fois je ne sais pas les conditions – mais un vivant. Un vivant blessé, un vivant désarmé, mais quelqu'un qui n'est pas un mort prolongé. Ce n'est pas de l'acharnement thérapeutique. Je crois d'ailleurs qu'il ne reçoit pas de tels soins. On ne peut pas abandonner quelqu'un qui est vivant, même blessé, même handicapé, même diminué. D'après ce que j'ai compris, une partie de sa famille dit « laissez nous le mettre dans une maison où on s’occupera de lui ». Ce sont ses parents et certains de ses frères et sœurs. La famille est évidemment déchirée. Ce sont des malheurs épouvantables. Mais, si on est devant des femmes et des hommes blessés, c'est aussi une question de dignité de ne pas les abandonner.

On vous sent très touché et très ému par ce sujet. C'est la première fois que je vous vois ému sur ce plateau.

Oui, un garçon blessé à ce point… La question aussi d'être une voix pour lui ce n'est pas secondaire. La société que nous avons voulue, c'est une société où l'on s'occupe des plus fragiles aussi. Alors, j'ai voté la loi Léonetti : quand on est en coma dépassé, il ne faut pas d'acharnement thérapeutique, c'est normal plus rien ne fonctionne. Mais, si le regard ou l'éveil, et même m'ont dit mes enfants le sourire…

Les médecins disent qu'il est en coma végétatif.

Apparemment, si vous me parlez de la vidéo c'est parce que j'imagine que l'on voit autre chose sur la vidéo qu'un coma tout simplement. Alors voilà, j'en parle avec beaucoup d'émotion parce que les plus fragiles parmi nous méritent aussi que l'on s'occupe d'eux. Comprenez bien, je n'ai pas d'opinion définitive, tranchée sur ce sujet. J'essaie de traduire ce que l'on peut dire, quand on est valide, de quelqu'un qui est blessé.

On va parler de politique, c'est beaucoup moins important mais tout de même, c'est le cœur de vos préoccupations. On va parler du premier ministre Manuel Valls qui est au cœur de la tourmente depuis plusieurs jours, pour cause d'un aller-retour à Berlin. Est-ce une faute politique ? Doit-il rembourser ses voyages et les billets de ses enfants ?

Alors, vous voyez, vous me faites passer du plus chaud au plus frais. On va reprendre le ton qui convient pour cela. Si j'étais à la place de Manuel Valls, j'enverrais un chèque au Trésor public pour rembourser le voyage. Pour mes enfants et pour moi même aussi. Alors, je sais bien que quand on est au pouvoir on ne veut rien céder, rien abandonner, mais il arrive que l'on se trompe, même sans s'en apercevoir. Ce serait une manière de dire qu'il a mal interprété les choses et qu'il s'est trompé. Pour une raison bien précise, c'est que lorsqu'on est au pouvoir, au bout d'un moment les privilèges deviennent naturels. Ce n'est pas que le pouvoir politique d'ailleurs, cela vaut pour le pouvoir économique, médiatique aussi. Or, quand on est chef de gouvernement d'un pays en crise, il me semble qu'il faut faire plus attention que les autres. Pour moi, je rembourserais.

Doit-il s'en expliquer, s'en excuser ?

Je ne suis pas fan des excuses publiques. Mais, vous voyez, le geste que j'évoque c'est une certaine manière de dire « j'ai mal apprécié la situation, j'aurai peut être pas du faire cela, bien sûr cela me faisait plaisir de voir jouer mon club favori, c'était un moment de détente avec mes enfants ». Au moment où nous sommes, l'argent public, dans un pays en crise, ne doit pas être utilisé pour le loisir.

C'est une polémique qui a presque occulté, mais ce n'est pas le cas, les mesures annoncées en faveur des TPE/PME. Que pensez vous de ces annonces ? Prime à la première embauche, renouvellement du CDD deux fois, plafonnement des indemnités pour les prud'hommes, tout cela va-t'il dans le bon sens ?

Cela va plutôt dans le bon sens, du moins du point de vue de l'inspiration. Après, la mécanique, ce n'est pas celle que j'aurais choisie. Exemple : pourquoi demander une prime - avec la paperasse que cela implique – au Trésor public sur deux années différentes ? Il suffit de faire l'emploi sans charge. Vous savez que c'est une de mes obsessions depuis longtemps, qu'un certain nombre d'emplois, un petit nombre par entreprise, puisse être proposé sans charge – net, sauf 10% pour la retraite – de manière à ce que ce soit simple pour tout le monde. L'univers dans lequel on nous entraine, est un univers tellement compliqué que personne n'y comprend rien. La paperasse, l'administration, tout cela est un labyrinthe. On a besoin de simplicité. L'autre point, c'est le contrat de travail, vous savez que je défends l'idée d'un contrat de travail simplifié qui serait aussi un CDI – contrat de travail à durée indéterminée – à droits progressifs. Plus vous restez dans l'entreprise, plus vous avez de droits si le contrat de travail est rompu. Au fond, cela ressemble à la réalité. Donc, de ce point de vue là, je trouve que ces mesures vont plutôt dans le bon sens, même si la mécanique est trop complexe à mes yeux.

La question des migrants et des évacuations de campements à Paris a également provoqué de nombreuses questions, que ce soit à droite ou à gauche, estimez-vous que le gouvernement a la bonne méthode pour trouver une solution à ce problème récurrent ?

Est-ce qu'il y a une bonne méthode ? J'ai lu les déclarations de Madame Duflot qui dit que c'est un « Waterloo moral ».

Cela vous choque ?

Quand vous êtes au pouvoir, quand vous êtes dans la responsabilité de l'Etat, vous avez le devoir impérieux de ne pas laisser se créer des situations de chaos, de désordre, d'atteinte à l'ordre public, y compris pour la sécurité de ceux qui sont dans ces camps. Le fait que vous essayiez de les supprimer, bien sûr pour moi c'est nécessaire quand vous êtes l'Etat. L'Etat ne doit être ni spectateur, ni faible. Individuellement, chacun souhaiterait que ces situations n'existent pas mais, l'autorité est là nécessairement pour que ces questions soient traitées.

Que pensez-vous de la solution proposée par Anne Hidalgo ? Elle propose un centre à Paris pour accueillir pendant 15 jours les migrants qui hésitent à demander l'asile.

La question de l'asile devrait être traitée au niveau européen. Comme il y a la possibilité de circuler à l'intérieur des Etats européens dans leur ensemble, sauf exceptions, le droit d'asile devrait être traité au niveau européen. Deuxièmement, la demande d'asile devrait être traitée le plus tôt possible. Troisièmement, elle devrait être traitée le plus vite possible. La question aujourd'hui c'est que l'on met quelques fois 5 ans pour traiter la question de l'asile. Or, au bout de 5 ans, évidemment les gens sont installés. Ce n'est pas pire ou mieux que cela ne l'était avant les élections de 2012. C’est au fond la même situation ou à peu près. Mais la question de l’urgence de la réponse – dire vous êtes admis comme asile ou pas – est une question très importante. Il y en a une autre, c’est : « quand on sauve les gens de la mer, parce que c’est comme cela que ça se passe – 3500 samedi – il faudrait pouvoir les ramener dans leur pays, non ? » Il faudrait pouvoir faire une convention et au lieu de les intégrer chez nous…

Mais ils prennent des risques fous ?

Oui, mais ils prennent des risques fous parce qu’on leur dit que s’ils réussissent à être tirés de la mer, on va les intégrer dans les pays européens. Or, ce n’est pas vrai. Il y a une espèce de mensonge général de ce point de vue là. Et puis nous n’avons pas les outils. Il y a un plan, une action, qui s’appelle Frontex, qui est la surveillance des frontières, y compris maritimes. Frontex a – écoutez bien – un budget inférieur au budget de la seule ville de Pau dans l’ensemble de l’Europe. Ce n’est pas à la hauteur. Tout cela mérite que l’on reprenne cela depuis la base avec du bon sens et de la volonté.

La grève à l’Éducation nationale demain contre la réforme du collège, elle est organisée par l’intersyndicale SNES-FSU- SNEP-FO-CGT-SUD. Si cette grève n’est pas suivie, il n’y aura plus aucun moyen de faire barrage à la réforme des collèges ?

Heureusement, il restera un moyen parce que l’émotion est extrêmement forte. L’appel que nous avons signé – 3 anciens ministres de l’éducation : Jean-Pierre Chevènement, Luc Ferry et moi, ainsi que des philosophes ou journalistes Jacques Julliard, Pascal Bruckner et Michel Onfray – a recueilli en cinq jours plus de 22 000 signatures. Je ne sais pas si vous vous rendez compte ! Les gens sont allés sur cette adresse www.pouruncollegedelexigence.fr et ils ont signé ! Que François Hollande, s’il a une minute, s’il s’intéresse à l’éducation, aille lire ce que les signatiares écrivent quand ils signent. C’est très simple, c’est une adresse internet www.pouruncollegedelexigence.fr : qu’il aille lire l’indignation de ceux qui sont passionnés d’éducation, passionnés de culture et qui sont révoltés de deux choses : d’une part que l’on organise le nivellement par le bas et d’autre part qu’on les prenne pour des imbéciles. La communication du gouvernement qui dit « mais ils n’ont pas lu la réforme » mais pour qui prennent-ils les enseignants français, les philosophes, les journalistes et même quelques anciens ministres de l’éducation ? Pourquoi imaginer que l’on est incapable de lire ce que le gouvernement et le ministère écrivent ? C’est un choix idéologique qui est un choix nuisible et que beaucoup de gens ont l’intention de refuser, y compris les enseignants, qui demain seront en grève, et qui à plus de 75 % dans un sondage ont dit hier qu’ils étaient opposés à cette réforme pour de bonnes raisons, pas pour des raisons corporatistes : pour une raison de défense d’une certaine idée de l’éducation de l’exigence.

Un autre sondage a été publié pour i>Télé et le Parisien : il vous concerne. 43 % des Français souhaitent que vous vous présentiez en 2017. Est-ce que cela vous fait réfléchir ? Est-ce que vous allez changer d’avis ?

Je préfère les sondages bons aux sondages mauvais, je préfère les sondages agréables aux sondages désagréables et donc de ce point de vue là je préfère que les gens adhèrent à une certaine attitude politique, à une certaine démarche politique. Mais ce que je crois c’est qu'il faut en France une ligne politique de rassemblement pour que l’on puisse répondre aux problèmes du pays. Et le mieux placé de ceux qui peuvent réaliser ce rassemblement, pour moi aujourd’hui c’est Alain Juppé. Alors ce n’est pas fréquent qu’un homme politique dise « écoutez, je suis prêt à soutenir quelqu’un qui va dans le sens que je pense être bon pour le pays », mais c’est pourtant ce que je dis !

 

Quoiqu’il arrive vous ne vous présenterez pas, puisque quoiqu’il arrive il se présentera ?


Il est lancé dans une primaire, à propos de laquelle vous savez que j’ai des réserves, mais si ça marche pour Alain Juppé, oui, je suis prêt à le soutenir. Si ça ne marche pas, on verra : je serai libre ! Qui est un assez joli adjectif.

 

Merci beaucoup d’être venu sur i>Télé François Bayrou.

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