"J’appelle simplement le centre à se rassembler et à avoir confiance en lui-même"

Dans un entretien accordé aujourd'hui aux Échos, François Bayrou a rappelé la place particulière occupée par le centre dans le paysage politique français.

Bonjour à tous. Il a été ministre de l’éducation sous les gouvernements d’Édouard Balladur et d’Alain Juppé. Il a été trois fois candidat à l’élection présidentielle. Président du MoDem, il est depuis l’an dernier maire de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques. Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

La justice autorise donc Nicolas Sarkozy à rebaptiser l’UMP qui va désormais s’appeler « Les Républicain ». Que bous inspire ce changement de nom et est-ce que bous diriez comme l’histoire Jean-Noël Jeanneney qu’il y a là une indigne captation d’héritage ?

Je ne veux pas employer de mot excessif. Simplement le nom « républicain » était un nom de rassemblement où on se retrouvait entre français et aujourd’hui ça risque d’être un nom de division. Je trouve que les grandes valeurs comme ça méritent plutôt d’être fédératrices qu’objets de divisions.

Stratégiquement, on voit bien ce qu’il se joue dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, c’est de préempter par avance un certain nombre de valeurs communes qu’il estime lui délaissées par un certain nombre de partis. C’est une façon peut-être de rassembler au-delà de l’UMP les gens qui partagent ces valeurs, à commencer par les centristes.

Le centre est un courant politique indépendant, original, différent, qui a sa propre vision des choses, sa propre vision de l’attitude en politique, j’allais dire du style qu’il faut avoir, de la manière dont on se parle et des idées forces pour l’avenir. Ce centre-là est « incaptable » et ne peut pas être annexé par qui que ce soit. Alors c’est vrai que très souvent – trop souvent – le centre n’a pas cru assez en lui-même, peut-être autrement aurait-il gouverné la France et pourtant c’est un courant très puissant. Vous avez vu avant-hier : il y a un sondage d’élection présidentielle qui reprend les grandes familles du pays et les grands candidats des élections précédentes et qui nous met à 12 %, c’est-à-dire un score très important. À partir de là, j’appelle simplement le centre à se rassembler et à avoir confiance en lui-même, à ne pas être perpétuellement dans la tentation d’être une annexe d’un autre parti.

C’est le cas de l’UDI ?

Non, je veux simplement être positif.

Ce matin dans Les Échos, Nathalie Kosciusko-Morizet nous accorde une interview dans laquelle elle réclame une baisse massive des impôts en 2017. Elle dit aussi au passage que si c’est le cas, il faudra s’accommoder un certain temps d’un déficit plus important, le temps que les réformes structurelles portent leurs fruits. Est-ce que vous partagez cette analyse ?

Je ne sais pas ce que Nathalie Kosciusko-Morizet a exactement à l’esprit, et son parti non plus, mais des baisses massives d’impôts, c’est plus vite dit que fait et le choix de revenir aux déficits, c’est un risque. Et je suis persuadé que les femmes et les autres qui ont la responsabilité du pays, quelques soient leurs orientations, seront assez prudents pour ne pas à nouveau prendre la route des déficits excessifs.

La majorité actuelle semble vouloir ouvrir le chantier de la réforme fiscale et en particulier accélérer sur le prélèvement à la source. Est-ce que vous êtes favorable à cette mesure ?

J’ai toujours été favorable au prélèvement à la source, il y a longtemps. Il y a deux obstacles : un, il est très difficile d’apprécier la situation fiscale d’un ménage à partir du salaire de l’un d’entre eux, puisque c’est le ménage qui est imposé et c’est la feuille de paie de l’un des membres du ménage sur laquelle on va faire les prélèvements et ceci n’est pas facile du tout. La deuxième chose qu’il faut noter c’est que 75 % des ménages ont un prélèvement mensuel donc on est presque au prélèvement à la source de ce point de vue. Mais encore une fois, presque tous les pays européens ont un prélèvement à la source. C’est une manière moderne de recueillir l’impôt ou de le prélever,  simplement cela ne peut pas se faire sans faire attention.

On vous a vu très offensif ces dernières semaines sur la réforme du collège, très critique sur le sujet. Vous n’avez malgré tout pas réussi à mettre sur pied la grande manifestation que vous appeliez de vos vœux. Est-ce trop tard ou est-ce qu’il est encore possible de mobiliser sur ce thème ?

Il est tout à fait possible de mobiliser et cette mobilisation progresse. Les enseignants, les associations de spécialistes, les parents d’élèves – vous avez vu ce qu’il s’est passé ce week-end, c’est-à-dire la fédération la plus importante, le plus à gauche des parents d’élèves a écarté son président parce qu’il s’était montré très favorable à la réforme. Ça a été une surprise énorme, mais ce n’est pas une surprise pour ceux qui ressentent la réalité des familles et des établissements scolaires. Il y a là une atteinte très profonde à la manière dont on conçoit l’éducation. Pourquoi ? Le contrat entre l’éducation nationale et le pays c’était : « le meilleur offert à tous ». Non pas garanti à tous, non pas imposé à tous parce que l’on sait très bien qu’il y a plus ou moins d’envie, de facilité, de désirs, de capacités pour choisir des chemins ou des parcours éducatifs. Mais le meilleur était offert à tous. Dans le plus petit établissement français, en banlieue – il y a beaucoup de classes de latin en banlieue – dans le monde rural profond, il y avait cette offre qui était une offre républicaine profonde et on était en train de la supprimer. On a abandonné pour les langues anciennes, pour les langues vivantes, pour les langues régionales dont personne ne parle et qui vont passer à la trappe définitivement, il y avait là une générosité de la République. Pour le coup, le mot de République, là, était fondé. On est en train de l’abandonner. Je suis persuadé que cela ne se fera pas avec l’accord des Français, les Français diront « non » à cette orientation et il nous reste du temps, il nous reste toute une année avant la mise en œuvre. Pour moi, c’est très simple : le gouvernement table sur la résignation, sur le fait qu’une nouvelle fois on baisse la tête. C’est une manœuvre perpétuelle contre ce que nous voulons, ce que nous aimons. Mais en face de la résignation, moi je plaide pour la mobilisation, je plaide pour que l’on soit engagé et que l’on dise « non, on ne va pas accepter ce genre de dévoiement ».

L’élection présidentielle a lieu dans deux ans. Comment abordez-vous cette échéance ?

C’est très simple : je pense qu’il faut une approche politique nouvelle et que ce serait pour beaucoup de Français un scénario qu’ils n’ont pas envie de retrouver – François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen -. Des millions de Français ne trouvent pas le bulletin de vote qui leur va. Je pense en même temps qu’il faut des rassemblements et donc j’ai dit que si Alain Juppé réussissait à être choisi par les siens, on ferait très facilement des rassemblements avec lui. C’est la première étape. Si cela n’était pas le cas, je serais libre.

Vous plaidez de longue date pour un renouveau des pratiques politiques, est-ce que vous ne craignez que les Français qui eux aussi veulent ce renouveau vous associent au casting que vous venez de citer ? Vous qui avez été candidat trois fois à l’élection présidentielle ?

Vous savez, depuis que les périodes de mandat – cinq ans – sont très brèves, évidemment trois fois cela ne fait que dix ans ! Je n’accorde pas d’importance à cela. Je sais qu’il faut une proposition politique qui permette aux Français de retrouver leur sentiment profond, leurs attentes profondes. Vous avez vu qu’en Espagne, aux élections de ce week-end, on a vu apparaître des forces politiques à gauche et au centre, qui étaient des forces politiques nouvelles dont la présence en fait dynamite la bipolarisation. C’est le cas aussi en France : les Français ne s’accommodent plus de voir simplement renvoyer la balle d’un parti à l’autre parti. Il y a des dévoiements et des dérives qui sont le fruit de cette bipolarisation qui pour moi n’est pas juste dans la manière dont les Français le voient.

Un mot sur Alain Juppé dont vous êtes proche politiquement : est-ce que vous comprenez son relatif effacement ces temps-ci – on l’entend très peu dans les médias -, est-ce que vous comprenez cette stratégie et est-ce que vous ne considérez pas qu’elle est dangereuse face à un Nicolas Sarkozy qui occupe tout le terrain, lui ?

Quand on est un responsable politique, on fait soi-même le choix de sa stratégie et apparemment pour Alain Juppé, ce qu’il doit penser quand il entend votre question, c’est que pour l’instant cela ne lui réussit pas si mal puisque les sondages – vous les avez vus encore ce dimanche – sont très favorables et plus favorables qu’ils ne l’étaient encore il y a quelques mois. Donc peut-être les Français apprécient-ils cette manière un peu distanciée de regarder la politique.

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