"La question des migrants est insoluble si elle n'est pas traitée au niveau européen, et surtout si on laisse les pays côtiers la gérer tous seuls."

François Bayrou était l'invité de Laurence Ferrari dans son émission "Punchline" sur CNews. Nous vous invitons à revoir cette interview.

Bonsoir François Bayrou. Un petit mot de football à la veille du match très important France/Pérou ! Vous avez un pronostic ?  

J’espère que cela va bien se passer, j’imagine comme la plupart de ceux qui nous écoutent ! Avec le sentiment que ce n’est pas la fête des grandes équipes cette année… C’est intéressant que les Français soient sur leurs gardes ! 

 

Vous avez regardé les précédents matches ? 

Oui. Je fais mon travail d’amateur moyen de football ! 


Autre sujet. Le monde entier s'est indigné hier des images venues des Etats-Unis, où des enfants de migrants étaient séparés de leurs parents. Donald Trump, qui justifiait cette politique, a fait volte-face aujourd'hui, a renoncé à cette mesure tellement inhumaine – c'est une bonne chose. Est-ce qu'on ne fait pareil en France, quand on place des enfants et leurs parents en détention, la CIMADE s'en émeut ?

On ne peut pas soutenir à la fois la thèse que c'est inhumain de les séparer et que c'est inhumain de les garder ensemble. C'est évidemment nécessaire lorsque vous êtes un état, de pouvoir dire : « ceci est permis, ceci ne l'est pas ». L'idée qu'on pourrait vivre sans loi, uniquement avec des préceptes de générosité humanitaire, est une idée évidemment émouvante, mais c'est impossible quand vous êtes à la tête d'un Etat. Autrement la société entière bascule et se rebelle. Je pense absolument nécessaire pour maintenir l'unité du pays qu'on ait un Etat qui fasse respecter ces règles. 

 

Un sommet européen sur la migration aura lieu dimanche avec un certain nombre de mesures qui seront proposées, des contrôles d'identité effectués dans les aéroports, gares ferroviaires et routières et des demandeurs d'asile qui risquent une amende s'ils ne restent pas dans le pays d'accueil où ils ont été enregistrés. C'est en gros ce qu'ont décidé Angela Merkel et Emmanuel Macron quand ils se sont rencontrés, et ce n'est pas du tout ce que souhaite l'Italie de Matteo Salvini.

On a le droit d'avoir une opinion un peu différente. Pour ne pas dire dissidente. Moi je pense que c'est une question insoluble, si elle n'est pas traitée par l'ensemble des européens. Et d'autant plus insoluble, si on laisse les pays les plus proches géographiquement régler la question tous seuls. Si je ne me trompe pas, l'Italie c'est 7500 kilomètres de côtes. La Grèce 14000 kilomètres. Et vous allez dire : « parce que la géographie vous a fait ce que vous êtes, nous partenaires européens - car nous sommes beaucoup plus que des alliés - vous allez vous débrouiller tous seuls. » Je suis en désaccord formel avec cette idée. Je suis pour que l'on dise que nous sommes membres du même ensemble, et il nous revient de réfléchir ensemble aux règles qui vont permettre de résister, de traiter cette question et de faire en sorte que les pays d'où sont originaires les migrants soient l'objet d'une politique, d'un soutien, de quelque chose qui pèse lourd. 

 

Emmanuel Macron et Angela Merkel sont à côté de la plaque sur cette question migratoire ?

Non, je vois très bien les pressions qui s'exercent sur Angela Merkel, de son propre gouvernement et de son propre camp, qui sont d'ailleurs entre nous des pressions incroyables, comme le ministre de l'intérieur qui fixe un ultimatum à la Chancelière...

 

Et vous êtes surpris par Emmanuel Macron ?

Non, je pense qu'il est absolument conscient de ce que je vous disais : un pays sans règles est un pays qui va exploser. Il faut des règles et il faut les faire respecter. Les européens ont, depuis 2013 et ce règlement Dublin, dit qu'il est plus facile de demander aux pays qui accueillent, de traiter le cas des immigrés. Selon moi, ce n'est plus viable. Cela entraîne ce que l'on a connu en Italie : l'élection italienne qui a donné cette coalition des extrêmes, à laquelle je ne crois pas une seconde que le succès soit promis, vient du fait que l'on a laissé l'Italie toute seule. Et ça a été aussi le cas pour la Grèce, et je ne trouve pas que ce soit la logique européenne, ni même le principe européen. 

 

Est-ce que vous auriez fait la même chose qu'Emmanuel Macron, refus d'ouvrir les ports, et puis ensuite, une fois que l'Espagne a enfin pris le bateau, dire « je vais en accueillir certains » ? 

Ceux qui peuvent donner des leçons sur le sujet ont beaucoup de chance. Moi, je n'en donne pas parce que je sais très bien que les réactions de l’opinion publique sont des réactions extrêmement violentes. Vous avez vu qu'Emmanuel Macron a trouvé un équilibre entre la fermeté et l'humanitaire. Ce sont toujours des cotes mal taillées, toujours un peu bancal comme équilibre, puisque l'on prendra notre part des immigrés qui seront admis sur le territoire européen. Je trouve que ça c'est un équilibre, mais ça ne vaut pas une règle générale, ça ne vaut pas un code de conduite, de principe, que nous aurions mis au point tous ensemble et qui nous permette d'avoir une doctrine lisible par tous le monde y compris les immigrés. Mais est-ce qu'on lutte contre les réseaux ? Comment lutte-t-on contre les réseaux ? Parce qu’il y a des pays qui payent parfois les réseaux pour qu’ils ne transportent pas les immigrés…  Et qu'est-ce qu'on fait pour les territoires d'où viennent les immigrés, soit pour des raison de guerre, soit pour des raisons économiques ? Tant que l'Europe n'existera pas en tant que telle, alors à cette question, il n'y aura pas de réponse. Et donc pas de réponse à l'immense question des migrants qui se pose sur toute la planète. Trump a été obligé de faire marche-arrière parce qu'il y a heureusement une loi à laquelle personne ne manquera, c'est que nous ne sommes pas seulement des Etats, nous sommes une civilisation : c’est-à-dire des générations qui se sont construites autour d'un certain nombre de principes qui font que quand sur vos écrans on voit le visage d'un enfant abandonné, cela ne résiste pas un quart de seconde. 

 

Cette montée des populismes, qu'on voit en Italie, en Autriche ou en Allemagne, la voyez-vous monter en France ? N'y a t-il pas un grand péril lors des prochaines européennes que cette montée des populismes se traduise dans les urnes ? 

Je vais vous surprendre, je n'aime pas le mot « populisme ». Ceux qui s'érigent en donneurs de leçons, de morale universelle, en condamnant un certain nombre d'expressions et d'actions, ne servent pas leur cause. Je crois que nous sommes des sociétés déstabilisées par un certain nombre de phénomènes, et la question est comment les restabiliser. Et si nous le voulons alors il ne faut pas succomber au simplisme. Je vois bien les simplismes à tout instant, comme si quelqu'un allait claquer des doigts et prétendre que l'immigration va s'arrêter demain matin. Je suis préoccupé par cela, le débat public a une grande importance. Les chaînes d'information continue 24/24 ont une responsabilité. La responsabilité civique n'appartient pas seulement à ceux qui sont des élus, nous la partageons et c'est bien que l'on puisse apporter un peu de nuance au débat.

 

Pour ces européennes, est-ce que vous irez au combat, serez-vous tête de liste de la grande coalition LREM et de ses alliés ?

J'ai dit depuis longtemps que je ne serais pas candidat aux européennes. J'ai été candidat dans des périodes précédentes, j'ai d'ailleurs beaucoup aimé ça, mais ils se trouve que j'exerce une responsabilité locale très importante, à laquelle je suis très attaché, que la ville de Pau et que le Béarn tout entier, les Pyrénées toutes entières ont besoin de gens qui assument leur responsabilité à leur tête. Donner de la crédibilité à la parole publique, par l'action locale, ou par l'action nationale, comme par l'action européenne, pour moi c'est la même chose. 

 

Le Président a t-il eu raison d'admonester un jeune qui lui disait « Ca va Manu ? ». On a ressorti la vidéo de la campagne de 2002 avec ce jeune qui vous faisait les poches, et vous aviez réagi d'une façon très spontanée. Il a eu raison de recadrer ce jeune qui lui manquait de respect ? 

La responsabilité qui est la sienne fait que oui, il a raison de rappeler un certain nombre de principes. Après, l'exploitation obsessionnelle qui en est faite par les réseaux sociaux, les chaînes d'information, je pense aussi au gamin, ce n'est pas parce qu'il a dit une bêtise qu'on doit le clouer au pilori sur tous les écrans. 

 

Il va très mal...

Je ne sais pas, j'espère qu'il ira mieux, en tout cas je pense à tous ceux qui sont des parents et éducateurs : rappeler un cadre, c'est très bien. Ce que j'ai beaucoup aimé chez Emmanuel Macron c'est, dans la campagne électorale, de rappeler que nous sommes dans un temps où la bienveillance est nécessaire. Le cadre est nécessaire, les principes le sont, et la bienveillance compte aussi.

 

Un mot des Républicains qui vivent une nouvelle crise, avec le limogeage de Virginie Calmels, qui incarnait l'aile un peu plus centriste, sociale de ce parti, c'est devenu un parti identitaire pour vous ? 

Non, je ne simplifie pas les choses de cette manière. C'est un parti qui rencontre une crise très importante, car il a cru pendant longtemps que Centre et Droite étaient la même chose. En face de cette affirmation j'ai maintenu pendant des années que le Centre avait sa propre vision et sa propre logique et que la Droite avait la sienne. Parce que l'on a fait cet amalgame, à Droite le front a été déserté et que le FN de l'époque a prospéré, et que sur l'aile la plus centrale le fait que l'on refuse l'affirmation du Centre avait fait prospérer le PS. Heureusement, nous en sommes à un moment absolument clé où l'élection de 2017 - qui a été une formidable aventure - a fait que ce que j'appelle les deux « tours jumelles » se sont écroulées. Maintenant il faut reconstruire, et il appartient à ceux qui ont la responsabilité du grand courant central, c'est à dire En Marche et le MoDem de donner aux Français un avenir lisible. Que l'on sache dans quel sens va la politique, pas seulement économique, mais la manière de vivre ensemble, les principes auxquels on va obéir, la solidarité qu'il va y avoir entre nous, l'aspect moral des choses, et au fond les liens que nous créons entre les citoyens c'est aussi important. Et ceci est la responsabilité éminente du Président de la République et de ceux qui travaillent avec lui.

 

Mais il y aura toujours une place pour la Droite et les Républicains...

Parce que c’est un courant du pays. Il y a des gens qui croyaient que l'on pouvait transformer la politique en un système binaire. Mais ce temps-là n'existe plus. Il y a des nuances et des sensibilités, et la responsabilité d'un homme public est de prendre en compte les notes de cette symphonie-là et de rassembler les gens sans leur faire des procès. 

 

Merci beaucoup François Bayrou. 




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