Intervention de Marielle de Sarnez - Discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie

Alors que l'Assemblée nationale débute l'examen du projet de loi pour une "immigration maîtrisée et droit d'asile effectif", Marielle de Sarnez, rapporteure de la commission des Affaires étrangères, est intervenue lors de la discussion générale :

« La commission des affaires étrangères a souhaité se saisir des enjeux européens et mondiaux soulevés par les sujets de l’asile et de la migration. 

Le projet dont nous débattons aujourd’hui va dans la bonne direction. Mais il n’est qu’un des éléments d’une politique à mener, qui est beaucoup plus globale. 

Le gouvernement en est conscient et constate, dès l’introduction de l’étude d’impact, que « le projet de loi n’épuise pas la gestion des questions migratoires en France et en Europe ». 

Rien n’est plus vrai : c’est bien d’une stratégie européenne, d’une action diplomatique, et de développement, d’une vision de long terme, dont nous avons besoin.

L’accélération des mouvements migratoires est un phénomène mondial. 
Avec des facteurs de migrations multiples que vous connaissez : crises, conflits, désastres naturels accentués par le changement climatique, démographie, pauvreté, inégalités internes et Nord-Sud.

Devant cette réalité du monde, il me semble que nous devons nous fixer deux objectifs. 

Le premier de ces objectifs est que nous devons garantir et pérenniser le droit d’asile, qui est un droit fondamental. 

Ce droit d’asile, l’Europe a été dans l’incapacité de l’appliquer correctement lors de la crise migratoire de 2015.

Les dirigeants européens n’ont su ni anticiper, ni gérer, malgré un arsenal juridique élaboré, je pense au mécanisme d’alerte rapide, ou à la protection temporaire qui n’ont pas même été déclenchés. 

Cette incapacité à gérer la crise migratoire a eu les effets que nous savons sur la montée de l’inquiétude des opinions européennes. Si l’accueil des demandeurs d’asile, en particulier des Syriens, s’était fait dans un cadre concerté et organisé, l’acceptation par les opinions publiques aurait été plus élevée, et les réfugiés syriens accueillis dans notre pays plus nombreux. 

Trois années plus tard, et faute de convergence, nous faisons toujours face à de graves défaillances dans le régime européen d’asile.

Les délais de traitement, les conditions d’accueil des demandeurs, leurs chances d’obtenir l’asile, la probabilité d’être éloignés après un rejet, restent trop divergentes entre les États-membres. 

77% des Irakiens obtiennent une protection internationale en Allemagne, 23% en Finlande. 82% des Afghans l’obtiennent en France, 37% en Suède, pays pourtant très protecteur. 

La durée moyenne globale de traitement d’une demande d’asile reste supérieure à un an en France, contre moins de 7 mois en Allemagne. C’est pourquoi je soutiens sans réserve l’objectif du gouvernement de réduire à six mois les délais dans notre pays car c’est d’abord une question d’humanité pour les demandeurs d’asile.

Selon Eurostat le rapport entre les départs effectifs d’étrangers sous obligation de quitter le territoire d’un État membre et le nombre des obligations délivrées a été pour la période 2010-2016 de 23% en France, contre 44% en moyenne européenne, 71% en Suède, 89% au Royaume-Uni et en Allemagne, où les retours volontaires sont largement pratiqués.

Ajoutons enfin que le système de « relocalisation » dans l’Union a donné un résultat plus que limité, et que le système « Dublin », qui prévoit le renvoi des demandeurs d’asile dans le premier pays d’accueil, ne fonctionne pas. 

Tous ces dysfonctionnements, et nous devons les regarder en face, ont créé de fait un « marché européen de l’asile ». Les déboutés en Allemagne vont tenter leur chance dans un autre pays, qui, en l’état actuel du droit, est tenu de réexaminer leur situation.

Il y a bien là un dévoiement de la procédure et du droit d’asile.

Une seule solution pour y mettre un terme : harmoniser nos pratiques. 
Nous devons faire converger nos pratiques nationales en ce qui concerne le délai de traitement des demandes d’asile, le taux de reconnaissance des principales nationalités, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. 

Etablir une liste européenne de pays d’origine sûrs.

Et aller vers une reconnaissance mutuelle des décisions sur la protection internationale en Europe

Cette convergence européenne de l’asile doit être mise en œuvre le plus rapidement possible, sous forme de coopération renforcée si nécessaire, entre États membres d’accord pour avancer ensemble. 
Elle devra pour être complète s’accompagner d’une vraie gestion commune de nos frontières, avec enfin le contrôle et l’enregistrement de toutes les entrées et sorties aux frontières extérieures de l’Union, et la mise en place d’un véritable corps de garde-frontières et de garde-côtes européens. Voilà pour le 1er objectif.

Deuxième objectif : nous avons besoin de construire une partenariat global et équilibré avec les pays d’origine et de transit, et en particulier avec l ‘Afrique.
L’Afrique subsaharienne dispose d’environ 30% des ressources naturelles mondiales, mais produit moins de 2% des richesses mondiales !
Les pays riches, dont l’Union européenne, ont conduit une politique qui leur a permis d’accéder à des ressources naturelles qu’ils n’ont pas et d’écouler en retour les produits transformés et les surplus agricole.
Cette politique a eu des conséquences négatives sur le développement des économies africaines.

Il nous faut donc rééquilibrer nos échanges, agir pour que l’Afrique retrouve la plénitude de l’exploitation de ses ressources naturelles, et accède enfin à l’autosuffisance alimentaire.

C’est bien d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne et l’Union africaine dont nous avons besoin, sur ces questions commerciales mais aussi sur les questions migratoires. 

Les « accords de gestion concertée », passés par la France avec huit pays africains n’ont pas tenu leurs objectifs. Les contingents de titres de séjour n’ont pas été remplis, et le taux moyen des laissez-passer consulaires obtenus par la France a été de 26%. 

Nous devons mettre en place un dialogue continu, et de haut niveau, avec les pays d’origine, et de transit, trouver avec eux un équilibre dans la gestion migratoire, favoriser, autant que faire se peut, les retours volontaires, et la réinsertion, agir ensemble pour le contrôle de leurs frontières, la lutte contre les trafics et la traite des êtres humains.
Mais si nous voulons lutter résolument contre l’immigration illégale, il faudra des voies légales clairement identifiées pour les migrations.

C’est pourquoi, je propose d’ouvrir à terme le débat sur la migration économique. Celle-ci représente en moyenne 25% des migrations légales dans l’Union, et seulement 10% en France ! De plus, la liste de nos métiers sous tension n’a pas été revisitée depuis 2008 !

Nous devrons aussi introduire davantage de fluidité dans nos dispositifs, favoriser les aller et retour choisis, ce qui est la seule façon de lutter contre la « fuite des cerveaux ». 

De même nous devrons imposer des changements profonds si nous voulons demain une véritable politique de co-développement. 
Aujourd’hui notre action est essentiellement multilatérale, ce qui nous prive d’un levier sur le plan politique et d’une capacité d’action équivalente à celle par exemple du Royaume-Uni. 

Les nouvelles orientations définies par le Gouvernement, en particulier le renforcement de la part du bilatéral et des dons par rapport aux prêts, va dans le bon sens. Elles devront être suivies d’effets. 

Chers collègues, de toute évidence, nous avons besoin de débattre régulièrement de ces sujets d’asile et de migrations. Les objectifs du Gouvernement doivent être connus et il nous faudra en vérifier la bonne application. C’est pourquoi, je propose un débat annuel au Parlement. 
Enfin, Monsieur le Ministre, vous me permettrez, au terme de cette intervention, une suggestion.

La France gagnerait à travailler, sous votre responsabilité, et celle du Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, à l’élaboration d’une feuille de route conjointe, fixant, en complément de la loi que vous nous présentez aujourd’hui, le cadre de notre réflexion nationale, européenne, et mondiale pour les années à venir sur ce qui est probablement un des plus grands défis du siècle qui vient. Nous sommes prêts pour notre part à y contribuer.

Je vous remercie. »

 

 

 

 

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