"Il y a la séparation de l'Église et de l'État, je suis également pour la séparation de l'État et de l'argent"

Invité au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV/RMC, François Bayrou a plaidé pour une stricte séparation du milieu financier et de l'État. "Il faut favoriser quand on le peut l’activité, la création de richesses, mais il ne faut pas que l’un ait le pas sur l’autre, il ne faut pas que l’État soit pris à l’intérieur de ce genre de décisions-là" a-t-il affirmé.

Bonjour François Bayrou

L’ancien vice-président du MoDem, Robert Rochefort, a été interpelé pour exhibition sexuelle présumée dans un magasin de bricolage à Vélizy dans les Yvelines. Vous avez décidé de le pousser à la démission, enfin vous l’avez démissionné.

Oui.

Pourquoi ? Il se défend et dit que ce sont des accusations mensongères.

Je ne connais pas précisément les faits, ce qui a été reconnu sur le procès verbal est suffisamment grave et dérangeant pour que l’on ne laisse pas passer les choses. Ce type d’attitude, de pratique et de geste est, pour moi, incompatible avec les responsabilités politiques à l’intérieur d’un mouvement comme le nôtre, j’ai donc pris la décision qui s’imposait. Je ne suis pas juge ni procureur, je suis responsable politique.

Vous n’avez pas hésité ? 

Non je n’ai pas hésité car ce qui avait été reconnu ou avéré dans les faits était insupportable. Il y a beaucoup de gens malades qui devraient se soigner mais dans la responsabilité politique c’est impossible.

Vous rendez-vous vous compte de ce que pensent les français, en 4 jours nous avons le vice-président d’un parti politique qui est accusé d’exhibition sexuelle, nous avons également un ancien ministre Jérôme Cahuzac qui accuse un homme qui est mort il y deux mois et qui a failli être candidat à la présidence de la République, nous avons un ancien président de la République trouvé devant le tribunal correctionnel. Que pensent les français de tout cela selon vous ?

Les français veulent des gens honnêtes et droits. Ma responsabilité est de leur garantir honnêteté et droiture. Quand quelqu’un sort de l’honnêteté et de la droiture, j’en tire les conclusions qui s’imposent. La vie politique française a besoin que l’on sorte de tous les faux-semblants des milieux dans lesquels on vit afin que l’on sache que la parole des gens que l’on a en face de soi vaut quelque chose.

Après une mise en examen, vous présenteriez-vous à la primaire ou à la présidence de la République ?

Je ne crois pas que je puisse être un jour mis en examen, je n’ai jamais traversé aucune affaire. Je pense qu’en effet, si les choses sont graves et avérées, cela devrait écarter des responsabilités politiques.

La question : « est-ce qu’un candidat qui a porté atteinte gravement aux règles démocratiques de la vie publique doit pouvoir être entouré de la confiance des citoyens ? », je ne le crois pas. Quelqu’un qui n’a pas respecté les règles qui sont les règles de l’élection présidentielle devrait être écarté. Mais il y a bien d’autres affaires et bien d’autres responsabilités…

Et la présomption d’innocence François Bayrou ?

Ce que je viens d’indiquer comme fait est établit par la justice. Lors de la dernière élection présidentielle, il y a eu un dépassement de compte de campagne tellement désinvolte à l’égard des règles. Les comptes de campagne sont déjà plafonnés à 22 millions - je ne sais pas si vous vous rendez compte ce que cela représente mais c’est déjà beaucoup d’argent - et là on a dépensé le double, 45 millions. Ceci est une faute grave contre la démocratie.

Donc on ne se présente pas si on est mis en examen dans ce cadre-là ?

Par exemple, oui.

Quand on a été condamné comme Alain Juppé, on doit pouvoir se présenter ?

Alain Juppé a assumé les fautes dont tout le monde sait qu’elles n’étaient pas exactement les siennes. A l’époque, beaucoup de gens, pas tous, étaient un peu en marge de ces règles. Il a assumé tout seul, je trouve que ce n’est pas un plus mais cela force l’estime.

Allez-vous voter à la primaire de la droite ?

Non.

Vos amis, vos proches à Pau vont voter Alain Juppé ?

Sûrement oui.

J’ai l’impression que vous ne faites pas grand chose pour le soutenir.

Et bien vous vous trompez absolument. Je ne sais pas si pendant l’été vous étiez en vacances mais ce n’est pas vrai. Est-ce que je participe à la primaire de la droite ? Non !

C’est la primaire de la droite et du centre, François Bayrou !

Vous savez bien que cette mention « du centre » est très discutée. Pourquoi je soutiens Alain Juppé ? Parce qu’il est le mieux placé de ceux qui peuvent apporter un changement assez profond à la vie politique du pays, parce qu’il est en dehors des appareils politiques et parce qu’il a choisi une démarche que je trouve essentielle : celle de considérer que la France ne peut pas perpétuellement se diviser entre français, en camps et en affrontements passionnels. Il a choisi cette démarche et je crois que c’est cette démarche qu’il faut pour notre pays. Je ne suis pas sûr que la primaire soit la meilleure mécanique pour faire valoir cette démarche-là, vous savez bien que j’ai beaucoup de doutes sur ce sujet. Mais il a choisi cette démarche et pour moi elle est estimable et fiable. Voilà pourquoi je soutiens Alain Juppé.

Vous serez candidat si Alain Juppé est battu à la primaire ?

Je vous promets que je viendrai vous le dire sur ce plateau mais là je ne veux pas faire cette déclaration et vous savez très bien pourquoi. Le monde médiatique étant ce qu’il est, si je fais cette déclaration elle sera immédiatement interprétée au détriment d’Alain Juppé.

Pourquoi ?

Vous le savez bien, ils diront : « s’il dit cela, c’est qu’il ne croit pas en Alain Juppé ». Or je crois qu’en raison des circonstances, il peut l’emporter et ce serait un bien pour le pays.

Vous avez également, tous, un adversaire dans cette course à la présidentielle, Emmanuel Macron. Vous avez dit de lui qu’il était « un hologramme », « une image virtuelle », cependant c’est une image virtuelle qui bat François Hollande dans les sondages aujourd’hui et qui s’installe dans le paysage présidentiel, non ?

Franchement, je suis absolument sceptique sur cette affaire, ça ne marchera pas car les français vont voir ce que cette démarche signifie et ce qu’il y a derrière tout cela.

Qu’y a-t-il derrière tout cela ?

Il y a derrière cette tentative, qui a été faite plusieurs fois, de très grands intérêts financiers et autres qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique, ils veulent avoir le pouvoir politique.

A travers Emmanuel Macron, ces grands intérêts financiers auraient le pouvoir ?

Et d’ailleurs c’est très simple, posez vous une question, pourquoi ces heures et ces heures de télévision en direct ? Pourquoi ces couvertures de magazines ? Pourquoi ces pages et ces pages de photographies autour de sujets et d’histoires assez vides ? Pourquoi tout cela ? Parce que l’on a déjà essayé plusieurs fois, en 2007 avec Nicolas Sarkozy, ça n’a pas très bien marché, et essayé en 2012 avec Dominique Strauss-Kahn. Ce sont les mêmes forces qui veulent réussir avec Macron ce qu’ils ont raté avec Dominique Strauss-Kahn. Je ne suis pas pour que le pouvoir de l’argent prenne le pas sur la politique !

Vous êtes sur le même terrain ! Il a les mêmes électeurs potentiels qu’Alain Juppé et que vous ! 

Pas du tout. Toute ma vie, je me suis opposé au mélange entre la décision politique qui doit être d’ordre civique et le monde des grands intérêts économiques, du monde de l’argent. Ce n’est donc pas le même terrain, c’est le contraire de mon terrain. Il y a la séparation de l’Église et de l’État, moi je suis pour la séparation de l’État et de l’argent. Il faut en tenir compte et le savoir. Certes, il faut favoriser la création de richesses lorsqu’on le peut mais il ne faut pas que l’un ait le pas sur l’autre. Il ne faut pas que l’Etat soit pris à l’intérieur de ce genre de décisions-là. Il est absolument clair, pour qui voit le déroulement des choses, que c’est une opération de ce genre dont il s’agit, et bien, je vous le dis : cela ne marchera pas. Je peux me tromper, nous verrons bien. Je mènerai la bataille pour qu’il n’en soit pas ainsi. Cela ne marchera pas car ce n’est pas ce que le peuple français veut. 

Que veut le peuple français ? Il est dans la division, François Bayrou, regardez l’état de la France aujourd’hui.

Prenons votre phrase : « Que veut le peuple français ? », « Que faut-il pour le peuple français ? », il faut que l’on sorte de la division pour entrer dans l’unité du pays ; il faut que tout ce qui participe à sa vie – qu’il soit d’un bord ou de l’autre – y soit réintégré ; il faut que tout le monde ait sa place dans cette vie civique et que l’on ait un pouvoir qui dise la vérité au pays sans être le moins du monde inféodé à quelque intérêt que ce soit. Nous sommes un pays qui s’est construit autour de cela, ce n’est pas pour rien que l’on a fait la séparation de l’Église et de l’État. Il y avait beaucoup de pays, beaucoup de régions du monde, dans lesquels l’Église était un soutien de l’État, il y avait un mélange entre les 2. En France, on a dit : « on va séparer l’un et l’autre, les 2 ont leur importance et leur dignité, mais on va séparer l’un et l’autre ». Je plaide pour que l’on sépare le monde de l’argent et des grands intérêts économiques, du monde du pouvoir, quels que soient les moyens, notamment médiatiques, dont peuvent disposer ces puissances-là. Je suis un combattant ou un militant du civisme qui reprend ses droits. Vous savez, on fait l’éducation civique, et bien ce civisme-là – qui est la responsabilité du citoyen – doit reprendre ses droits et on ne doit pas se laisser abuser par les miroirs aux alouettes.

Bien, « miroirs aux alouettes », vous parlez d’Emmanuel Macron, j’ai compris votre pensée, François Bayrou. « En France les femmes sont libres », c’est la pensée de Manuel Valls, qui a répondu au New York Times, qui a publié des témoignages de femmes européennes et françaises faisant état de discriminations du fait de leur religion, l’islam. « La France n’oppresse pas les femmes musulmanes » dit Manuel Valls, il a eu raison de répliquer ainsi ?

Il a raison de défendre le principe de ce que, en France, les religions sont respectées. Simplement, les religions doivent être respectées et elles ne doivent pas empiéter – comme je le disais à l’instant : séparation de l’Église et de l’État – sur la décision publique. La décision a sa logique et, d’un autre côté, la religion a son propre fonctionnement, ses propres valeurs.

Regardez dans quel état nous sommes : d’un côté nous avons, au nom de la religion, certains qui s’accaparent des quartiers entiers, et de l’autre côté, nous avons des Français qui disent : « Mais rentre chez toi » à un musulman. Voilà où on en est.

Voilà où on en est parce que, depuis des années, il y a eu de la faiblesse. Quand il y a des quartiers au sein desquels ne règne pas l’État de droit alors il revient à l’État de s’installer dans ces quartiers. Vous savez que j’avais plaidé pour que, dans ces quartiers-là, précisément, on remette de l’État : des commissariats de police, des écoles. J’avais même plaidé pour que les fonctionnaires soient incités à habiter dans les quartiers où ils travaillent, ce qui a été fait avec les gendarmeries de la République pendant des décennies. La présence des quartiers ne doit pas être une présence extérieure, elle doit être une présence enracinée, c’est parce que c’est une présence extérieure que l’on a l’impression que cela vient de l’extérieur, et que, d’une certaine manière, un certain nombre de dérives et d’abus ont lieu. Ce réinvestissement – difficile maintenant parce qu’on a tellement laissé dériver les choses – est nécessaire.

Oui. Financement de l’Islam, vous dites que c’est une question urgente. Quelles solutions avez-vous ? Parce que l’on dit toujours « François Bayrou a beaucoup de bonnes analyses et pas beaucoup de bonnes solutions à proposer », alors où sont vos solutions ? Vous allez d’ailleurs publier un livre, je crois, après la primaire, est-ce vrai ?

Laissons passer les choses. Pourquoi est-ce une question urgente ? Parce qu’une partie des investissements liés à l’Islam sont réalisés avec des subventions d’États étrangers. Est-ce que c’est possible ? Non. Voilà, c’est impossible.

Alors comment fait-on ?

Il faut trouver des sources de financement, il y en a qui existent dans d’autres religions, par exemple liés à la certification d’un certain nombre de préparations.

Donc une taxation sur les produits halal, par exemple ?

Pas une taxation, une contribution, ce n’est pas l’État qui perçoit, qui crée cela, c’est une contribution.

C’est l’économie halal qui contribue à la construction de mosquées, ou à la formation des imams ?

Cela existe pour d’autres religions qui ont ce type de certification-là, ce n’est pas la peine d’en faire un impôt, cela n’a aucun sens, c’est une contribution qui permet de rendre ou de recréer un financement national pour une religion qui vit en France. Et puis, il y a d’autres manières, par exemple les dons, avec une partie de défiscalisation – je pense que cela existe déjà, en tout cas cela existe déjà pour l’Église catholique -  et la contribution des fidèles est ainsi, d’une certaine manière, équilibrée. Vous voyez qu’il n’y a pas besoin de faire des révolutions pour aller vers quelque chose de cet ordre.

Un camp de migrants va ouvrir dans le nord de Paris, fin septembre. Est-ce que vous ouvririez un tel camp à Pau ? Un camp de migrants ?

Alors, à Pau, nous avons choisi précisément de ne pas faire de camp. On a choisi de proposer des logements en milieu normal, pas des regroupements, parce que c’est plus facile de réussir une intégration, une surveillance de l’intégration, une prise en charge lorsque vous avez une dissémination. Ce n’est pas une concentration, la concentration, à mon sens, n’est jamais bonne. Et nous avons offert, oui en effet, de manière généreuse je trouve – mais surveillée et contrôlée – suffisamment d’appartements.

Combien de places ? Combien de personnes sont accueillies à Pau ?

Il y a 3 choses, on va dire des chiffres précis. Il y a les demandeurs d’asile : sur l’ensemble de l’agglomération de Pau, sur plus de 150 000 personnes, il y a entre 4 et 500 demandeurs d’asile arrivés par leurs propres moyens et pris en charge par les associations de demandeurs d’asile. Il y a eu l’an dernier une première répartition de personnes qui étaient dans la jungle de Calais, nous en avons à peu près une cinquantaine. Et nous avons dégagé de quoi – quand l’État et le gouvernement le décideront - de quoi accueillir encore une cinquantaine de personnes de manière à pouvoir vider la jungle de Calais et avoir des conditions décentes et exigeantes pour des gens qui sont dans une situation épouvantable.

François Bayrou, j’ai une dernière question. Il y a les assises du Produire en France, demain et vendredi, êtes-vous favorable à un allègement de la fiscalité pour les entreprises qui produisent en France ?

Vous savez que j’ai fait du combat « Produire en France », le combat majeur de la dernière élection présidentielle. « Instruire » et « produire » étaient pour moi les 2 axes importants. Oui, je suis pour que l’on favorise et notamment que l’on regarde si on peut changer les règles des marchés publics pour donner un avantage aux entreprises qui produisent en France. Dans les marchés publics, il y a une clause sociale qui avantage les entreprises qui, par exemple, créent de l’emploi pour des personnes en situation extrêmement difficile. Je pense que l’on devrait y mettre également une clause locale. Il y a beaucoup d’entreprises changent, qui sont mortes, qui ferment parce qu’elles ont perdu un marché public à quelques fois moins de 1%, je pense à une entreprise d’autocars qui existaient en France dans l’Orne et qui a disparu pour une raison de cet ordre. Je pense que l’on a le droit et le devoir de favoriser les entreprises qui sont dans l’espace régional dans lequel on vit.

Merci François Bayrou.  

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