"Il n’y a qu’une majorité cohérente possible : une majorité centrale"

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Invité de Radio J, François Bayrou a affirmé qu’une seule majorité était possible pour entraîner la France vers un monde nouveau : un arc central réunissant des réformistes de bonne volonté, aux sensibilités diverses mais en accord sur l'essentiel.

Podcast de l'émission en suivant ce lien.

À 28 jours du premier tour, la campagne reste dominée par les scandales, les enquêtes et aussi les insinuations. Comment, dans ce contexte, peut-on passer aux débats de fond ? Puisque vous êtes l’un des principaux soutiens d’Emmanuel Macron, comment le candidat d’En Marche ! doit-il démontrer qu’il est le Président de la République dont la France a besoin ? Autour de quelle conception de la République, de quelles valeurs ? Autour de quelles priorités et de quelle vision pour le prochain quinquennat, quant au rôle de la France en Europe et dans le monde ? Pour commencer François Bayrou, qualifieriez-vous cette campagne - comme le fait le Journal du dimanche  - de « sale campagne » ? 

C’est une campagne frustrante pour les citoyens. Mais en même temps, cette campagne, comme vous l’avez décrite - faite de révélations, de dévoilements, d’affaires - a une signification : le monde politique, tel que nous le connaissons depuis 50 ans, est à bout de forces, à bout de souffle ! Il y a une corrosion intérieure. Les deux partis qui ont le monopole du gouvernement depuis plus de 50 ans sont aujourd’hui effondrés sur eux-mêmes, en voie d’explosion et d’implosion !

Est-ce la décomposition du système ? 

En voie d’explosion car il y a des divisions extrêmement fortes. En voie d’implosion car l’on découvre que leurs pratiques sont extrêmement loin de ce qu’ils annonçaient !

Est-ce que tout vient des affaires de François Fillon ?

Pas du tout. Je pense que tout vient de cette usure… Ce sont des partis au bout de leur course !

C’est d’ailleurs un constat que vous faites depuis des années…

Oui ! Et bien, il arrive que l’on découvre qu’un tel constat était justifié. 

Un tel constat, un tel cataclysme ! 

Oui, un enlisement pour le pays et un effondrement pour les deux partis qui avaient le monopole du pouvoir. Nous sommes à la veille d’une nouvelle époque, qui sera, je l’espère, une époque de reconstruction. Une époque où se ressaisira, se rependra, se reformera l’énergie du pays, avec des institutions qui seront enfin à la hauteur de ce dont nous avons besoin ! Une époque qui doit être marquée par une réconciliation nationale. On est aujourd’hui devant un pays déchiré.

Quand vous dites « réconciliation nationale », « pays déchiré » : cela renvoie-t-il à ce qui s’est passé en mai 1958 ? 

Mai 1958 a profondément été marqué par l’affaire algérienne. Aujourd’hui, il n’y a pas une telle affaire historique qui marque à ce point les esprits, l’opinion, les consciences ! Il y a une incapacité à avoir une vie politique estimable, respectée, honorable et capable de volontés. C’est-à-dire, capable de partager avec les citoyens l’idée que l’on se fait de l’avenir. Où sont les priorités ? Où sont les hiérarchies ? Que doit-on traiter en premier ? Qu’est-il nécessaire de changer ? Cette nouvelle époque, qui va s’ouvrir je le crois, avec l’élection d’E. Macron, va permettre au Président de la République, au gouvernement, à la nouvelle assemblée, à la nouvelle majorité de reconstruire la France.

Nous allons nous attarder quelques instants sur les affaires Fillon. François Fillon dit « c’est une opération menée contre moi par les journalistes, les juges, le pouvoir politique ». Il évoque ce « cabinet noir de l’Elysée ». C’est un peu la théorie du complot. Qu’en pensez-vous ? 

Je pense deux choses : d’abord, à chaque fois que quelqu’un est surpris dans des pratiques qui ne sont pas défendables - et en particulier quand la justice commence à s’en occuper - chaque fois, il a l’impression qu’il est victime d’un complot, d’une manœuvre. Moi, je ne crois pas que cela soit le cas. Je pense que la presse fait son travail lorsqu’elle ouvre des dossiers qui étaient fermés. Je pense même qu’il n’y a pas de démocratie si la presse n’est pas assez libre pour ouvrir des dossiers fermés ! Ce n’est pas un hasard si ce sont des organes de presse - écrits ou numériques – n’appartenant pas à de grands groupes et qui ne dépendent pas de la publicité, qui font surgir des affaires. Je ne dis pas qu’il n’y a qu’eux qui le fassent, mais vous savez bien que cette mèche ne s’allume pas facilement. Je défends donc la liberté de la presse ! Deuxièmement, je défends l’indépendance de la justice ! Je suis persuadé que les magistrats qui ont ouvert une enquête préliminaire sur les affaires de François Fillon et de sa famille, comme ceux qui ont ouvert une enquête préliminaire sur les affaires de M. Le Roux et de sa famille sont des magistrats intègres ! Qu’ils ont une haute idée du rôle que la justice - la haute autorité judiciaire, comme on dit dans la Constitution - joue dans la démocratie, et dans la démocratie française. Trop souvent, ils n’ont pas pu le jouer… Dans le passé, si vous remontez dans le temps… Je ne mettrai personne en cause dans le passé proche, mais ils n’ont pas pu jouer ce rôle ! Maintenant, ils le jouent ! Et ce double mécanisme, liberté de la presse et indépendance de la justice, cela porte un nom : cela s’appelle la démocratie !

Et par rapport au « complot » ?  

La théorie du complot est un enfermement. Quand on passe son temps à croire, et faire croire – peut-être davantage à faire croire qu’à croire – qu’en réalité derrière tout cela il y a une main noire, qu’il y a des lieux de décisions mystérieux et secrets, alors on s’empêche de voir la responsabilité que l’on porte soi-même !

« Sa propre responsabilité » : dites-vous à  F. Fillon qu’il faille d’abord regarder ce qu’il y a en soi ? 

Je m’exprime avec la prudence nécessaire, et j’espère avec l’équilibre nécessaire… Je ne fais pas de cas particulier, mais on a observé cela cent fois, depuis des temps lointains ! Chaque fois qu’une affaire est apparue, chaque fois il y a eu, de la part de ceux visés par ces enquêtes, le sentiment que cela était organisé. Moi, je ne le crois pas. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas des informations qui soient remontées ! Bien entendu que le travail des magistrats du parquet, d’une manière ou d’une autre, le ministère qui en est responsable en est informé ! Mais je ne crois pas aux transmissions d’écoutes mystérieuses particulières… Et j’ajoute une preuve, si vous me permettez de le dire : les journalistes qui ont écrit ce livre sont pour deux d’entre eux des journalistes du Canard enchaîné. Ils sont bien placés pour savoir que ce n’est pas F. Hollande qui a donné les instructions… Ils l’auraient autrement écrit ! Pour moi, c’est toujours la même chose ! Chaque fois qu’il y a le dévoilement de pratiques ou d’attitudes qui sont en infraction avec la loi ou la décence, celui qui est visé dit : « c’est un complot contre moi ! » et ses amis faisant écho, ceux de l’autre camp disent : « c’est sa responsabilité » . Moi je dis qu’il n’y a pas de démocratie s’il n’y a pas de presse libre et de justice indépendante ! Ce que l’on a sous les yeux, en deux actes, c’est  l’un contre F. Fillon, leader de la droite, et l’autre contre B. Le Roux, ministre de l’Intérieur ! Je ne sais pas si l’on se rend compte du caractère inédit de la situation ! Voir le ministre de l’Intérieur, du gouvernement, chef de la police, démissionner après 24 heures, car on a découvert qu’il avait fait un certain nombre de choses, discutables et répréhensibles... Si vous remontez quelques années en arrière, le ministre de l’Intérieur était le personnage le plus puissant de France, et c’était plutôt lui qui agitait les actions. Personnellement, je ne crois pas du tout qu’il y ait une manœuvre orchestrée, je pense que F. Fillon s’est mis dans une situation impossible, intenable, dont il aurait dû tirer les conclusions depuis déjà longtemps. Depuis le début de la séquence, il est responsable de la situation créée, et plus encore, sont responsables ceux qui l’ont poussé à rester, parce qu’ils pensaient d’une manière ou d’une autre que c’était mieux pour eux et le mouvement. Il y a une troisième chose qui mérite d’être dite, je crois, et à laquelle il faut faire attention : comment F. Fillon s’il était élu – ce que je crois tout à fait improbable – pourrait-il gouverner dans cette ambiance d’affaires qui le visent ?

Vous dites qu’il ne pourrait pas gouverner ? 

La politique de François Fillon est annoncée comme voulant demander des sacrifices importants aux gens – par exemple, les fonctionnaires, que l’on va faire travailler quatre heures de plus, sans leur faire gagner plus en proportion... Comment François Fillon ne prendrait-il pas en boomerang la situation dans laquelle il se trouve, dans laquelle se trouve son entourage, s’il était extraordinairement élu ? Si vous me permettez de le dire, c’est cela une campagne électorale ! La campagne électorale présidentielle passe tout le monde au crible !

Tout le monde, c’est-à-dire, tous les candidats ? 

Oui !

On veut savoir qui ils sont, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils vont faire ! F. Fillon déclarait hier « je juge probable d’être sur écoute ». Que pensez-vous de cela ? 

Les écoutes, c’est très simple, elles sont décidées par un magistrat ! Par des magistrats, dans le cadre d’un processus judiciaire extrêmement précis. Je n’ai aucun renseignement sur ce sujet, ni aucune opinion à ce sujet. On est mis sur écoute – c’est le cas de N. Sarkozy qui s’en est plaint – que parce qu’il y a eu une décision des juges qui disent que « là, il y a une suspicion, qui nous paraît être contraire à la loi », et dans ce cadre là, on obtient une autorisation d’écoute ! L’écoute ne se décide pas… Du moins, je l’espère : si c’était le cas, je trouverais que ce sont des manquements insupportables. J’ai une seule règle : je trouve qu’on ne peut vivre que s’il y a une loi respectée par tous !

Terminez votre phrase : une écoute, pour résumer, ne se décide pas à l’Élysée ? 

Jamais ! Si, cela s’est fait autrefois…Du temps de F. Mitterand, il y avait de nombreux éléments permettant de penser que l’on pouvait brancher des écoutes sur des gens n’ayant pas d’affaires judiciaires en cours. Le Président de la République se faisait passer - paraît-il - ces écoutes. Il serait inimaginable pour moi, de la part de policiers, ou de juges, qui sont astreints à respecter la loi, de se laisser entraîner à ce genre de pratiques !

Vous connaissez F. Hollande, vous avez même appelé à voter pour lui à l’élection présidentielle de 2012… Serait-il capable de faire cela ? 

Je ne le crois pas.

Le cabinet noir, cela correspond-t-il à l’homme, au personnage ? 

Moi, je ne ressens pas les choses comme cela. Alors, que F. Hollande soit un homme politique, qu’il ait par moment des concurrents et des adversaires, qu’il ait le rêve que ses adversaires aient des difficultés plutôt que des avantages, cela ne m’étonnerait pas. Mais je ne crois pas, je ne ressens pas et je n’ai pas entendu d’éléments depuis 5 ans qui indiquent qu’il aille dans ce sens.

Vous connaissez François Fillon au moins depuis 25 ans. Vous avez évolué sur les bancs de l’Assemblée nationale. Est-ce qu’il correspond à celui tel qu’il apparaît aujourd’hui ? 

Pas du tout ! Moi, je suis tombé de l’armoire, comme on dit ! Je ne pensais pas du tout que F. Fillon avait ce rapport au bien matériel. 

À l’argent ? 

Je ne veux pas employer toujours le même mot ! Je pensais qu’il était sobre dans sa manière de vivre, qu’il était tout à fait sans aucun élément d’affaires de ce côté-là. Je pensais que j’étais en désaccord avec lui parce que son programme était trop dur pour les gens, et pas assez pour ceux qui avaient le plus.

Vous pensiez que F. Fillon était un peu comme vous ? 

Vous prenez un raccourci, mais pour moi, c’était un homme enraciné en province, qui avait une sobriété de vie… Je ne pensais pas qu’il aimait à ce point le confort et les avantages de la vie, les facilités de la vie. Cela ne m’avait jamais traversé l’esprit !

Cela vous a-t-il choqué ? 

Comme tout le monde, vous le voyez bien.

Et quand il dit « ce que j’ai fait à l’Assemblée nationale, tout le monde le fait »...

Moi, je ne porte pas de montre ! D’ailleurs, je suis à l’heure depuis que je ne porte pas de montre (rires).

C’est vrai que l’on disait que F. Bayrou était souvent en retard…

Et bien, c’est fini depuis que je ne porte plus de montre ! Revenons au sujet : c’est une des accusations les plus infâmantes, les plus inacceptables que le clan qui entoure F. Fillon ait relayées sans cesse. Au nom de centaines de milliers d’élus français, qui sont des élus de terrain, où des élus de convictions : cela n’est pas vrai ! Il n’est pas vrai que tout le monde ait les mêmes pratiques ! Peut-être qu'il y a beaucoup de gens ayant eu les mêmes pratiques, mais il est mensonger et diffamatoire de raconter que tous les élus se comportent de la même manière. Ceux qui se sont comportés ainsi voudraient que tous se soient comportés de la même manière. Peut-être y en a-t-il pour lesquels la règle est « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». C’est-à-dire « je sais sur toi des choses que tu sais aussi sur moi, et donc on va se taire, on va faire l’omerta autour de tout cela ». C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à E. Macron, que nous écrivions une loi sévère de moralisation de la vie publique, comme elle existe dans la plupart des autres démocraties européenne !

Pensez-vous que dans les autres démocraties européennes, F. Fillon aurait pu se présenter ? 

Je vous assure que cela n’aurait pas résisté 24 heures. 

Il y a l’affaire Fillon, mais il y aussi Valérie Pécresse qui veut aussi porter plainte, au sujet de l’arrestation de son fils en septembre dernier avec quelques grammes de cannabis sur lui. Elle dit, la présidente du conseil régional d’Île-de-France, qu’elle dénonce : « une tentative de déstabilisation politique par le pouvoir » contre elle, notamment de M. Valls. Qu’en pensez-vous ? 

Je n’ai aucune idée, aucune information. Je ne savais pas que son fils avait été arrêté, j’ai découvert cela comme vous, ce matin. 

Théorie du complot encore ? 

Je n’en sais rien, je n’ai aucune information, je ne ressens pas les choses comme cela. Je vous rappelle que ça avait été le cas d’autres enfants, d’autres personnages publics notamment.

Parlez-vous de Valérie Trierweiler, par exemple ? 

Non, je fais allusion à beaucoup d’affaires de cet ordre !

Dans la campagne, il y a un autre personnage qui fait la course en tête, c’est M. Le Pen. Que vous inspire sa rencontre avec V. Poutine vendredi à Moscou ? Cela signifie-t-il que cette campagne, en plus de se faire sous l’ombre des affaires, se fait aussi sous l’influence de la Russie ? 

C’est un phénomène sans précédent dans la vie politique française, extrêmement grave pour moi, et extrêmement inquiétant : c’est le poids d’une puissance étrangère - et pas n’importe laquelle, la Russie - sur le débat politique et la démocratie française. Nous avons ici, deux ou trois candidats à l’élection présidentielle…

Deux ou trois ? Cela veut-il dire que M. Le Pen est sous l’influence de la Russie ? 

Oui !

M. Le Pen ? F. Fillon ? 

Par exemple !

Et le troisième ? J-L. Mélenchon ? 

À gauche aussi, certains proclament leur attachement à V. Poutine ! Pour moi, c’est terriblement inquiétant. Vous vous souviendrez que le Conseil national de la résistance, quand il a écrit ses articles sur la liberté de la presse, a dit qu’il fallait que la presse soit à l’abri de l’influence de l’argent et des puissances étrangères. Il se trouve qu’aujourd’hui, nous avons affiché la connivence, la proximité, les liens de très grande intimité entre des candidats à l’élection présidentielle française et V. Poutine, qui est le Président de la République et le chef de l’État tout-puissant de Russie. Moi, je trouve cela inquiétant, profondément gênant et insupportable que notre pays, qui - je le rappelle - est le seul pays européen à détenir un siège au conseil de sécurité des Nations unies, se trouve ainsi sous l’influence d’un autre des membres du conseil des Nations unies, d’une très grande puissance à l’échelle de la planète. La vocation de la France, c’est l’indépendance et la défense de l’indépendance. Je n’ai jamais accepté qu’il y ait soumission ou subordination de la France aux États-Unis. Je n’accepte pas davantage, où encore moins, que l’on affiche ainsi, sans la moindre réticence une soumission ou une subordination de la France à la Russie. Le Kremlin organise des manifestations publiques, des réceptions et puis a des liens avec François Fillon. Et le Kremlin fait des communiqués officiels pour l’élection de François Fillon en disant par exemple « quel chef d’État, quel Premier ministre formidable… » ! Mais comment la France peut-elle accepter cela ? Je ne parle pas là de la loi ou de la justice… Non ! C’est une question de conception du pays, de démocratie, c’est quelque chose d’extrêmement profond et que l’on ne peut pas accepter comme citoyen et a fortiori comme quelqu’un qui porte un courant d’opinion démocratique français ! Comment tous ces responsables publics peuvent-ils accepter cela ? Comment peuvent-ils même regarder les citoyens français en face alors qu’ils vont faire acte d’allégeance ? Ils ne doivent avoir aucune complicité, aucune connivence ! Tout cela est démenti au vu et au su de tout le monde sans que personne ne bronche. Moi, je ne l’accepte pas !

Tout semble avoir servi Marine Le Pen : l’élection de D. Trump, le Brexit, les affaires, sa rencontre avec V. Poutine… Est-elle en état de remporter l’élection présidentielle ? Qu’est-ce qui peut l’empêcher de remporter cette élection ? 

Pour moi, la question est « qu’est-ce qui va l’empêcher ». Ce qui va l’empêcher, c’est la mobilisation des citoyens français ! Il n’existe à mes yeux aucune raison pour que les citoyens français dans leur majorité acceptent ces risques là, parce que ce que porte Marine Le Pen avec elle - sur la question européenne, sur la question de l’euro, sur la question de l’indépendance de la France, sur la question de notre économie - comporte des risques considérables ! Et ces risques, les Français ne les accepteront pas ! Puis-je rappeler que M. Trump - qui est l’idole de Mme Le Pen - a hier été incapable de faire passer sa promesse majeure et scandaleuse à mes yeux qui était la sortie de la sécurité sociale que l’on appelle Obamacare, faute de majorité dans son parti ! Il a dû la retirer ! Excusez-moi de dire que je trouve révélateur que Mme Le Pen nous offre comme modèle M. Trump et comme allégeance M. Poutine !

Comment moraliser la vie publique ?

La moralisation de la vie publique est une chose extrêmement précise. Cela a été l’objet d’un accord entre Emmanuel Macron et moi. Un, il y a une lutte sans merci et sans ambiguïté contre les conflits d’intérêts : des intérêts privés qui d’une manière ou d’une autre essaient de prendre le contrôle de la décision politique en rendant des services, en donnant de l’argent, à ceux qui vont l’exercer. C’est proscrit, banni, condamné, objet de décision absolument nette et définitive dans toutes les démocraties européennes. Je demande seulement qu’il en soit de même en France ! Ce mélange perpétuel d’intérêts publics et d’intérêts privés est pour moi absolument scandaleux. Le fait que nous en ayons fait un point d’accord avec Emmanuel Macron est très important pour moi. Autant que je le pourrai, je garantirai que ceci soit extrêmement net et extrêmement fort. Deux, il y a le pluralisme à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi il est légitime que le Front national entre à l’Assemblée nationale s’il a des voix sur le terrain ! La voix d’un citoyen devrait être égale à la voix d’un autre citoyen ! Qu’est-ce qui justifie que vous ayez plus de 70 % des Français qui n’ont aucune représentation ? Trouvez-vous cela normal ? Moi, je revendique que l’on ait un pluralisme de représentation et qu’aient leur place au Parlement tous ceux qui représentent un nombre conséquent de Français. Toutes les démocraties européennes ont fixé une barre simple qui est de 5 %. 5 % de voix en France, cela fait un million de voix, ce n’est pas rien ! 

Comment fait-on ? 

Je ne fais pas une confiance illimitée, spontanée et abandonnée aux parlementaires pour voter eux-mêmes ce type de décision. Ce que j’ai toujours défendu, et que je veux défendre aujourd’hui, est que pour adopter ces règles nouvelles, on fasse appel au vote des Français et que l’on ait le plus vite possible une décision soumise au vote des citoyens français qui impose au monde politique des règles de décence et de pratiques insoupçonnables pour tout le futur : moralisation de la vie politique, modification des institutions, baisse du nombre de députés et sénateurs de manière que l’on ait une régénérescence de la vie politique en France. C’est cela qu’il faut atteindre !

À partir du moment où ce principe est acté, quand doit-il être mis en oeuvre ? 

Une fois la loi votée, alors le Président de la République devient libre du moment où il l’applique ! Il a toujours le droit de dissolution ! Je dis simplement que le pas décisif que nous avons à faire et à quoi tout le système des partis traditionnels de pouvoir s’opposent est un référendum des Français de manière que les règles soient changées et que soient établies des règles qui garantissent la probité, la transparence et le pluralisme dans la vie publique française.

Cette semaine marque les 60 ans de la signature du traité de Rome. Quand vous voyez la colère des peuples en Europe, êtes-vous aujourd'hui ébranlé dans vos convictions ? Considérez-vous qu’Emmanuel Macron a les mêmes convictions que vous sur l’Europe et sur la place de la France en Europe ?

Il les a exprimées avec beaucoup de vigueur et c’est une des raisons du choix que j’ai fait de faire une alliance avec lui. Moi, je pense que les peuples sont frustrés et insatisfaits profondément de la manière dont l’Europe marche et précisément d’un point qui est pour moi extrêmement clair, c’est qu’ils ne savent pas comment cela marche ! Je considère que cela a été une faute considérable après le référendum de 2005 où les Français ont voté « NON » - à tort, à raison, parce que l’on avait mis un texte illisible - de s’arranger par un tour illusionniste pour faire un traité non connu des Français et passer outre la décision qui avait été la leur ! Je vous rappelle qu’à l’époque - j’étais candidat à l’élection présidentielle en 2007 - j’avais dit « moi je ferai un texte simple d’orientation qui sera soumis au vote des Français -, pour que l’on sache sur quels points précisément on peut avancer. Ce que j’affirme aujourd’hui, c’est que l’on a besoin de rendre la démocratie à l’Europe !

De quelle manière ?

En informant les citoyens jour après jour de ce que l’Europe prépare, délibère, décide.

Faites-vous partie de ceux qui considèrent que le bilan de l’Europe est globalement positif ?

Il est infiniment positif !

Ce n’est pas ce que disent les agriculteurs.

Oui… Je suis du monde agricole enraciné. Je pense que l’Europe n’a pas tenu ses promesses, car la promesse de l’Europe c’est les mêmes règles pour tout le monde ! Il se trouve qu’en matière agricole, les agriculteurs français ont le sentiment qu’on leur demande de respecter des règles qui ne sont pas respectées par les pays qui nous envoient leurs produits ! Ce n’est pas l’Europe qui est en faute, c’est que l’on a manqué à la promesse de l’Europe ! De la même manière, moi je pense tout à fait légitime qu’on aille travailler dans un autre pays européen, à une condition : que les charges, les salaires, les conditions de travail soient les mêmes selon que vous êtes originaire de Pologne, de Roumanie, d’Allemagne ou de France ! À ce moment là, on est devant une Europe qui a les même règles ! Je vais un peu plus loin : la promesse de l’Europe, c’est au fond une égalité fiscale, que les règles qui permettent de faire vivre une activité soient les mêmes. Moi je suis déterminé à défendre cette idée d’une Europe qui tient ses promesses et dont les citoyens sont pleinement acteurs.

Qu’est-ce que vous pensez des ralliements centristes récents au candidat Emmanuel Macron ? Cela signe-t-il l’échec de la stratégie du président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde ?

Parlons de l’essentiel : il y a un phénomène aujourd’hui extraordinairement frappant, c’set qu’il y a un seul candidat que des élus ou responsables rejoignent ! Les autres sont au contraire quittés par leurs responsables ou leurs élus. Il y a une dynamique Macron et un effet d’entraînement, parce que la situation créée par la candidature ou l'élection des autres candidats principaux est insupportable. Alors certains diront « c’est un choix par défaut » mais toute élection d’une certaine manière est un choix par défaut. Tout le sens de mon engagement a été le rassemblement. Je l’ai pratiqué et je suis très content de l’avoir fait. Toute élection oblige à choisir, souvent entre des inconvénients. Dans cette affaire, les risques qui seraient imposés aux Français par les conditions de l'élection des autres candidats fait qu’évidemment, les uns par choix d’adhésion et les autres en disant « c’est quand même cela la garantie principale - se tournent vers Emmanuel Macron. C’est le seul aujourd’hui qui chaque jour rassemble un peu plus : des gens de droite, des gens de gauche, des gens du centre indépendant, nombreux. Au fond, pour moi, c’est la réalisation du projet que j’ai défendu devant les Français pendant des années.

Les détracteurs d’Emmanuel Macron disent qu’autour de lui, c’est un peu l’auberge espagnole…

Je vais vous répondre. Vous avez dû m’inviter 100 fois ou presque. Chaque fois que je suis venu, j’ai défendu cette idée simple qu’il n’y avait qu’une majorité possible pour entraîner la France vers un futur qui lui permettrait de sortir de l’enlisement glauque dans lequel elle se trouve : cette idée est que l'on accepte sur un arc central de réunir des réformistes, des gens qui disent « nos problèmes ne sont pas si grave que l’on ne puisse les résoudre, alors allions-nous pour les résoudre ! ». 

C’est un peu le modèle allemand.

Le modèle allemand, le modèle scandinave, le modèle de toutes les démocraties appartenant à l’Union européenne… Ce modèle, pour moi, est le seul viable car il n’y a qu’une majorité cohérente possible, cette majorité centrale. Il n’y a pas de majorité possible à gauche comme vous le voyez, il n’y a pas de majorité possible à droite. Je vous livre ainsi ma conviction : il se trouve que toutes ces bonnes volontés qui se manifestent, ce sont des gens qui n’ont pas toujours les mêmes idées - entre eux ils ont des nuances -. Il appartiendra au Président de la République et au gouvernement qui sera nommé de faire que ces nuances fassent une complémentarité et pas une opposition. C’est exactement le sens des institutions de la Vème République, que j’analyse dans mon livre Résolution française : il y a un Président de la République, il y a un gouvernement et c’est le gouvernement qui rend harmonieuses les nuances ou les différences de sensibilités à l’intérieur d’une majorité.

Combien aurez-vous de candidats aux législatives ?

Vous le verrez. Je sais bien que tout le monde est dans les marchandages, mais pas moi. Il se trouve que je fais mes choix avec un accord extrêmement profond sur un équilibre pour que se constitue en France une majorité réformatrice qui soit volontaire et rassembleuse. Ces deux mots sont exactement la ligne politique que je suivrai. 

Serez-vous candidat aux élections législatives ?

Non.

Vous ne serez pas aux élections législatives.

Non.

On entend « François Bayrou pourrait être président de l’Assemblée nationale ». 

Si c’est votre crainte, rassurez-vous. Si c’est votre souhait, inquiétez-vous. Je ne serai pas candidat aux élections législatives. J’ai été député pendant longtemps et cela n’est pas mon idée de l’avenir. Il se trouve que je respecte les engagements que je formule.

Vous avez boosté la candidature d’Emmanuel Macron et gouvernerez sans doute après avec lui. Matignon, cela vous intéresse-t-il ?

Il n’y a pas de sujet de conversation plus vain et plus stupide que les spéculations sur un gouvernement nommé par un Président de la République qui n’est pas élu. Le nombre d’imbéciles qui font des listes de membres du gouvernement et le nombre d’imbéciles qui se projettent eux-mêmes à la tête d’un portefeuille ministériel alors que le Président de la République n’est pas élu... C’est une prérogative du Président de la République ! Je vais vous dire même si je sais bien que cela va vous surprendre : je n’ai jamais eu une conversation sur ce sujet avec Emmanuel Macron. J’ai eu des conversations sur l’équilibre de l’Assemblée nationale - je défends le pluralisme - mais pour le reste, le Président de la République une fois élu a un choix simple : qui peut remplir le mieux les exigences qui sont les siennes ? C’est sa décision et il est normal qu’il en soit ainsi. Un pays ne peut pas vivre s’il ne respecte pas ses institutions. Moi, je les respecte et je les respecte par adhésion.

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