"Il n’y a qu’une majorité cohérente en France, c'est une majorité centrale !"

Invité de BFM TV, François Bayrou a misé ce dimanche sur la cohérence des Français pour donner une majorité parlementaire à son allié Emmanuel Macron s'il était élu Président de la République en mai prochain.

PREMIERE VIDEO

Jean-Baptiste Boursier: Je voudrais que nous commencions avec l’activité très récente, dramatique … Ce qu’il s’est passé hier à Orly… Plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont eu des mots très durs, dès hier, pour condamner ce qu’il s’est passé : « un échec des gouvernements successifs ». Y a-t-il eu hier, selon vous, un dysfonctionnement ?

Puisque l’on parle de ces événements, commençons par avoir une pensée pour les victimes de Merah, il y a cinq ans jour pour jour…Pour cette toute petite fille, assassinée avec une sucette encore à la bouche. Rien que cela dit toute l’horreur de ces événements. J’ai donc une pensée pour tous ceux, qui en ce moment, sont en train de rendre hommage aux victimes. Deuxièmement, il y a  quelque chose de frappant dans cette affaire, et dans tellement d’autres : On connaissait la personnalité de l’assaillant, du terroriste…

Il a été incarcéré plusieurs fois et signalé plusieurs dizaines de fois…

Il y a plusieurs choses à dire : nous savions très bien quels étaient ses penchants, ses tendances. On aurait dû évidemment davantage le surveiller. Première leçon à tirer : c’est dans le renseignement que se trouve la lutte la plus efficace. Merah, on le connaissait très bien ! Il était identifié par tous les contacts, on avait même –paraît-il – essayé de se servir de lui ! Deuxième chose, la radicalisation a eu lieu en prison. Je trouve que cette seule affirmation devrait nous faire réfléchir à la manière dont nous organisons la détention. Il y a quelque chose d’extrêmement blessant dans cette affaire… Il aurait pu y avoir beaucoup de morts. Heureusement le jeune soldat et la jeune femme qui étaient là se sont défendus, ils ont pu mettre hors d’état de nuire le tueur.

E. Macron a fait un certain nombre de propositions sur le renseignement, nous y reviendrons tout à l’heure. Cette semaine le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas a estimé que les conditions pour la sortie de l’état d’urgence étaient réunies. L’événement d’hier vous pousse-t-il à reconsidérer ce constat ?

Je n’ai jamais pensé que l’on sortirait facilement de l’état d’urgence. Si l’on sort de l’état d’urgence, la crainte est que la France envoie un signal de désarmement, de baisse de la garde…On ne peut pas baisser la garde ! On ne pourra sortir de l’état d’urgence formel que lorsque l’on aura bâti un état d’urgence réel ! C’est-à-dire une capacité du pays à se battre, à mobiliser ses forces, à monter la tension et la surveillance pour éviter la multiplication de ces drames.

Mais finalement, ceux que disent les opposants à cet état d’urgence, c’est que l’on arrive à un maximum de surveillance, de tension. Est-il nécessaire d’avoir cet outil qui empêche un certain nombre de volets de la vie publique ?

Est-on au maximum de ce que l’on doit faire ? Je crois absolument que non. Au niveau du renseignement notamment, la coordination du renseignement, la capacité d’intervention, de mise en garde contre un certain nombre d’individus dont le parcours indique une dérive ne sont pas suffisantes. Tout cela n’est pas fait. Je pense que la création d’un état major de renseignement- en tout cas une concentration de notre capacité de renseignement - doit être menée à bien, de même qu’une capacité d’intervention. Il y a beaucoup à faire, et il y aura toujours beaucoup à faire. Au fur et à mesure que la menace augmente ou change de visage, il faut que la réplique change elle aussi.

Vous l’évoquiez il y a un instant, la création d’un état major opérationnel : c’est une des propositions d’E.Macron….mais une autre m’interpelle ce matin : le candidat d’En Marche ! veut la création d’une « task force »  spécifique anti-Daesh, qui, dit-il, « rapportera directement au président » … Avez-vous plus d’informations, de détails ? Que signifie ce « Task force » ?

Le vrai ministre de la Défense, c’est le président de la République.

C’est le chef des armées !

Le vrai ministre des Affaires étrangères, c’est le président de la République. Dans notre système, ces grands sujets, que l’on appelle « régaliens », c’est-à-dire qui tiennent à la responsabilité du décideur majeur de la politique, sont la Défense et le ministère des Affaires étrangères.

François Bayrou, ce n’est pas tant que cette force réponde au président de la République…que constitue-t-elle ? Il y a quelques semaines, un débat a eu lieu sur les homicides qui auraient été validés par l’Elysée… Est-ce une force spéciale anti-Daesh qui répondra uniquement au président, et qui, dans la discrétion, opèrera hors des cadres légaux ?

D’après ce que j’imagine – je n’ai pas les renseignements précis – c’est une des interventions la plus préparée et approfondie qu’Emmanuel Macron ait faite. Elle a été préparée avec d’anciens  et d’actuels responsables de la réflexion stratégique et militaire de l’organisation des armées. On voit bien qu’il y a eu un travail très approfondi. Cette « task force » signifie une concentration des moyens. Nous avons des moyens qui sont dispersés sur un certain nombre de terrains d’opérations, mais j’imagine qu’une unité de commandement particulière, dédiée à la lutte contre le fondamentalisme de Daesh, doit en effet rapporter directement au président de la République.

Parmi les gens avec qui E. Macron discute de ces sujets, il y a, vous l’avez évoqué, des gens toujours en fonction. Des proches de Jean-Yves Le Drian le conseillent… Le ministre de la défense va-t-il, à votre connaissance, rallier  E.Macron ? Si oui, quand va-t-il le faire ?

Vous lui poserez la question ! Je veux simplement dire que c’est une personnalité qui sort du moule socialiste habituel. Parce que c’est le président d’une grande région, la Bretagne, parce qu’il a exercé ces fonctions pendant toutes ces années. Tout le monde respecte Jean-Yves Le Drian. Je ne connais personne qui ne respecte Jean-Yves Le Drian. Le choix qu’il fera sera en effet significatif.

Est-ce une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron si Jean-Yves Le Drian rejoint En Marche ! ?

Oui !

Y-a-t-il une idée qui pourrait empêcher Jean-Yves Le Drian d’être à nouveau ministre de la Défense, si E.Macron devenait président de la République ?

Je n’en ai pas parlé avec JY. Le Drian, mais je suis absolument certain que son choix ne sera pas celui d’un marchandage. De même que le mien n’a pas été celui d’un marchandage.

Ce n’est pas du tout le sens de ma question. Serait-ce pertinent que cet homme, dont vous saluez les compétences, reste ministre de la Défense sous le quinquennat suivant ?

Il y a un certain nombre de fonctions gouvernementales dans lesquelles la durée est un avantage. Le remplacement perpétuel, le « turn-over »  des ministres en charge de choses très importantes n’est pas une bonne chose. Nous avons besoin de responsables gouvernementaux maîtrisant leurs sujets, et qui sont assurés dans l’exercice de leur fonction.  Je n’ai pas de doute que Jean-Yves Le Drian soit évidemment de ceux-là.

Décririez-vous d’autres personnalités du gouvernement actuel de la même manière ?

Dans toutes les équipes, il y a des gens estimables. Je me suis toujours efforcé d’avoir des liens avec eux. Mais je ne crois pas qu’il serait souhaitable qu’Emmanuel Macron accepte que son équipe soit un recyclage de l’équipe précédente. Il est important que les Français soient assurés que la proposition politique d’E.Macron est celle du changement, de renouvellement profond de la démarche des idées et des visages. Cette garantie du changement, cette promesse du changement est une part essentielle du choix qu’il propose aux Français.

Si je veux être un peu provocant François Bayrou, vous n’êtes pas un visage incarnant le renouveau…

Je suis absolument un visage du renouveau – à supposer que l’on doive en faire la preuve –parce qu’il y a 15 ans que je propose que soit offert aux Français la chance qui va leur être offerte maintenant. Il y a 15 ans que je plaide, souvent seul –quelquefois très accompagné par des millions de Français –afin que l’on sorte de ce duo de mauvaise influence pour le pays, qui est le perpétuel monopole du Parti Socialiste et des Les Républicains. Que ces deux partis ayant tout le pouvoir en France depuis 50 ans se voient opposer une promesse réelle de changement, qui ne soit pas les extrêmes.

Au moment où l’on se parle les instituts de sondage ne placent aucun des partis de gouvernement historiques parmi les deux qualifiés au second tour…

C’est extrêmement significatif ! Vous voyez bien que les Français partagent le jugement sévère que j’émets devant vous ! Le monopole à deux, qui a été exercé par ces deux partis, a entraîné la France dans une impasse. Pour beaucoup de raisons, mais je vais n’en citer qu’une : chaque fois qu’une bonne idée est proposée par un camp, l’autre camp la combat, la détruit, l’injurie. Chaque fois qu’une entente des hommes et femmes de bonne volonté, qui partagent à peu près les mêmes objectifs, pourrait se créer, chaque fois les deux partis s’ingénient à empêcher par la multiplication des injures, des accusations, des mises en cause, cette entente de se réaliser.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron serait un gouvernement national 2.0 ?

C’est une proposition centrale. Si l’on prend les responsables politiques, Manuel Valls d’un côté, jusqu’à Alain Juppé et ses amis de l’autre, en passant par le centre, que je représente devant vous : il y a des différences, mais pas d’oppositions irréductibles! Ce sont des gens qui ont perpétuellement essayé de faire triompher des solutions d’équilibre pour le pays, que tous les autres pays européens ont choisies, avec lesquelles tous les autres pays européens ont réussi. Ces deux partis ont eu comme obsession d’empêcher de les faire naître. Je trouve que ce qu’Emmanuel Macron apporte c’est une possibilité réelle de voir s’ouvrir une page nouvelle.

Justement, allez-vous convaincre Emmanuel Macron de reprendre votre spectre ? Vous avez dit « De Manuel Valls à Alain Juppé » …

Autrefois, je disais de Balladur à Delors ! Vous étiez extrêmement jeune !

Vous avez pris le café cette semaine avec Manuel Valls…

Oui, comme souvent !

Le contexte étant particulier, je suis tenté de vous demander ce que vous avez dit… Avez-vous envie de convaincre Manuel Valls de rejoindre En Marche ! ?

Je pense que Manuel Valls a devant lui la question du Parti Socialiste et de sa fracture. Le PS est coupé en deux sur le fond ! Pas seulement sur des inimitiés ou des antagonismes de personnes ! Les solutions que portent les uns et les autres sont incompatibles entre elles ! Quand derrière B. Hamon, il y a l’idée de dépenses à tout va et que c’est la fin du travail, vous voyez que c’est une autre approche que celles que portent des sociaux-démocrates du centre gauche, qui veulent à la fois l’efficacité, le travail et qu’au fond la France reste dans le sillon européen qu’est le sien !

Si B.Hamon est une des parties de ce PS que vous décrivez… Où se trouve M. Valls ? Doit-il être à En Marche ! ?

Ce n’est absolument pas la question que je me pose. Il serait inconvenant que moi, qui n’ai jamais été au Parti socialiste, qui les ait combattus assez souvent, donne des leçons sur leur organisation. J’ai un seul drapeau entre les mains ; celui du centre et d’un rééquilibrage de la vie politique française au centre. J’ai toujours défendu cette thèse, j’ai essayé de la mettre en place dans une alliance avec Alain Juppé. Et puis, tous les membres de son parti se sont ligués pour expliquer que cela serait l’abomination de la désolation. Pour une fois, grâce à l’alliance conclue avec Emmanuel Macron, il y a une possibilité réelle de voir changer le paysage politique français sur le fond ! C’est-à-dire, d’enlever aux deux partis – qui n’étaient d’accord que sur une seule chose, c’est que l’un des deux aurait le pouvoir -les clefs du pouvoir, pour qu’on ait un bol d’oxygène !

Un des points centraux que vous avez mis en avant très vite lorsque vous avez annoncé que vous souteniez la candidature d’Emmanuel Macron est la moralisation de la vie publique. Avez-vous des doutes au sujet de la déclaration d’intérêts du patrimoine d’Emmanuel Macron et au sujet de l’attribution à Havas de l’organisation d’un voyage à Las Vegas alors qu’il était ministre de l’Économie ?

Vous confondez tout et c’est un amalgame qu’il ne faut pas faire !

Je n’ai pas lié les deux événements.

Si. Donc délions les deux événements. Je n’ai aucun doute - pour autant que j’aie les informations - sur la déclaration de patrimoine d’Emmanuel Macron. Il y a ce matin dans Le journal du dimanche que vous citiez une étude approfondie qui dit « il n’y a rien à voir parce qu’évidemment c’est normal ». Au demeurant, cela a été contrôlé chaque fois qu’il est entré soit dans ses fonctions à l’Élysée, soit au gouvernement (c’est obligatoire) et cela a été contrôlé par la Haute autorité de transparence de la vie publique. Je vous assure que s’il y avait eu la moindre chose, évidemment on se serait précipité pour le fournir aux médias et vous auriez tous les éléments permettant de le mettre en cause. Votre sourire dit à peu près ce que je suis en train d’indiquer. Quant à cette affaire de voyage à Las Vegas qui est un peu rocambolesque : il n’est pas dans l’enquête ! Ce n’est pas lui qui a organisé le voyage à Las Vegas ! C’est une agence du gouvernement qui est faite pour vendre l’économie française à l’étranger et qui peut-être n’a pas respecté les impératifs administratifs. Dans les deux cas, il n’y a rien à voir ou à dire qui soit susceptible d’inquiéter Emmanuel Macron. Je vais ajouter une phrase. Peut-être qu’il ne vous aura pas échappé que dans les quatre exigences que j’avais formulées pour mon alliance avec Emmanuel Macron, la deuxième exigence, celle qui a eu le plus d’écho, est la suivante : une loi sévère de moralisation de la vie publique. On est en train de voir la vie publique française polluée par une multiplication d’informations qui mettent en doute l’honneur, la probité, l’authenticité des rapports entre les responsabilités politiques et les citoyens. Le premier article de cette loi de moralisation de la vie publique est une lutte contre les conflits d’intérêts ! Que sont les conflits d'intérêts ? Ce sont de grands intérêts privés qui prennent le contrôle d’hommes ou de femmes politiques en leur apportant des avantages ou de l’argent. Ceci est interdit dans toutes les démocraties européennes et je donne ma parole, j’apporte ma garantie que cela sera interdit en France.

Henri Vernet - On a évoqué il y a quelques minutes les personnalités qui pourraient vous rejoindre dans ce mouvement.

Pas exactement. J’ai évoqué des courants politiques qui partagent en gros des valeurs et des objectifs. 

Henri Vernet - Imaginons qu’Emmanuel Macron soit élu à l’Élysée : la question se pose de savoir avec quelle majorité il pourra gouverner le pays puisque sous la Vème République, il y a une majorité présidentielle qui débouche sur une majorité parlementaire. Avec Emmanuel Macron à l’Élysée, comment serait composée cette majorité ?

Un certain nombre de gens disent « Il n’aura pas de majorité ». Je vais les renvoyer à une déclaration qui fut celle de François Mitterrand en 1981. Il allait être élu et à ce moment-là toute son opposition disait « De toute façon, il n’aura pas de majorité » et le RPR de l’époque ajoutait même « Nous allons gagner les élections législatives ». François Mitterrand avait eu cette réponse : « Est-ce que vous croyez que les Français sont assez bêtes pour m’élire président de la République au mois de mai et me refuser la majorité qui me permettra de gouverner au mois de juin ? ». Je suis absolument sûr que c’est vrai. J’ajoute que si l’on prend les intentions de vote à l’élection présidentielle et ce qu’elles apportent en cas d’élection au vainqueur alors les candidatures nouvelles qui seront soutenues par cette grande alliance centrale seront en tête dans beaucoup de circonscriptions ! Je sais deux choses : un, la cohérence des Français et deux, l’attractivité qu’exercent sur les électeurs un président de la République qui vient d’être élu, le gouvernent qu’il aura nommé et la majorité qui l’entoure. Cette cohérence sera beaucoup plus facile à trouver si vous y réfléchissez que dans une prétendue majorité de gauche qui ne s’entend sur rien et dans une prétendue majorité de droite qui ne s’entend sur rien non plus ! Vous allez entendre une phrase que j’ai dite 10 fois par le passé sans peut-être qu’elle n’ait l’écho qu’elle a aujourd’hui : « Il n’y a qu’une majorité cohérente en France, une majorité centrale ! ». Elle n’a jamais été essayée ! C’est le moment de le faire parce que c’est la seule qui peut renouveler le paysage politique.

Jean-Baptiste Boursier - Si à l’inverse Emmanuel Macron n’est pas élu, ces élus ont-ils vocation à être dans l’opposition par principe ou discuteront-ils avec tout le monde ?

J’ai une seule règle : je n’examine jamais ce qui est défavorable à mes choix.

Henri Vernet - Cela ne dit pas quels seront ces candidats. Jouez-vous en quelque sorte le rôle de « recruteur » ?

Je ne veux pas employer ce mot parce que ce n’est pas mon esprit. Je me suis borné à dire quelque chose de très clair : un, faisons les choses dans l’ordre ! La première échéance est l’échéance présidentielle ! Ne polluons pas l’échéance présidentielle par des investitures qui amèneraient des gens à être en concurrence sur des circonscriptions ! S’agissant d’une démarche politique nouvelle, ce serait absurde et stupide ! Cela ne ferait que provoquer des bagarres ! Il y a je crois 13.000 candidatures qui ont proposé de se présenter aux élections législatives pour En Marche ! Or, c’est d’abord l’élection présidentielle qui organise la majorité future ! Dans cette élection présidentielle, évidemment, le coeur de la majorité correspondra à ceux qui se seront réunis pour le premier tour. Il y a une entente avec Emmanuel Macron…

Henri Vernet - Donc il y aura des centristes.

Il y en aura et c’est légitime qu’il y en ait parce que c’est leur message de toujours. Il y a en effet un vivier de responsables politiques nouveaux - on n’a pas de sortants - enracinés qui vont permettre d’aller de l’avant. Entre-temps, il y aura un gouvernement qui donnera le visage de cette majorité. Au fond, on retrouve la logique de la Vème République.

Jean-Baptiste Boursier - Si le visage du gouvernement incarne cette nouvelle majorité, vous êtes potentiellement un des visages de ce nouveau gouvernement. 

Je connais bien le sport auquel vous vous livrez mais je ne connais pas de sujet de conversation plus vain que de discuter de composition du gouvernement avant que l’élection présidentielle n’ait eu lieu. Je vais ajouter quelque chose qui va vous surprendre : je n’ai jamais eu cette conversation avec Emmanuel Macron. Jamais ! C’est bizarre et cela paraît surprenant dans le monde politique où tout le monde achète et vend. Moi, je n’achète pas et je ne vends pas. Dans la vie, on ne fait pas les choses que pour obtenir les avantages personnels. Je sais bien que ce n’est pas la coutume du monde politique mais c’est la mienne. C’est la règle de vie que je me suis fixée ! Ce n’est pas tant par éthique que par esthétique. 

Jean-Baptiste Boursier - C’est-à-dire ?

Je trouve qu’il y a un manque d’élégance dans ces conversations, un manque de respect pour les gens… Quand vous voyez certains qui se rallient simplement pour qu’on leur donne deux circonscriptions de plus…

Henri Vernet - Pensez-vous à vos anciens amis de l’UDI ?

Je partage votre sentiment. Pour que les citoyens retrouvent de l’estime, il faut sortir du temps des marchandages pour aller vers le temps de ce que l’on croit ! Je me suis assuré avec Emmanuel Macron d’une seule chose, c’est qu’il y aurait un équilibre, que le courant du centre indépendant que j’incarne aux yeux de beaucoup de Français serait respecté.

Jean-Baptiste Boursier - Il vous a donc donné sa parole.

Oui. Et je trouve que donner sa parole, en tout cas dans mon pays - le Béarn - cela vaut tous les écrits. On dit « Parole de maquignon vaut écrit de notaire ». La parole est quelque chose de très important pour moi.

Henri Vernet - Hier, Emmanuel Macron a fait une proposition liée au service militaire. Il propose de revenir à une sorte de service militaire obligatoire qui durerait un mois. Simplement, il se trouve que selon le site spécialisé Secret défense, avoir en permanence 50.000 jeunes sous les drapeaux coûterait d’une part assez cher et surtout cela voudrait dire qu’il faudrait 15.000 cadres militaires supplémentaires qui seraient vraiment dévoués à cette tâche. Enfin, où sont les casernes et les infrastructures pour les accueillir ?

Il y a deux aspects dans ce que vous dites. Le premier : est-ce justifié sur le fond ? Pour moi, la réponse est oui ! J'étais membre du gouvernement lors de la suppression du service militaire par Jacques Chirac et j’ai pris la parole au sein du gouvernement pour dire qu’il fallait remplacer ce service que l’on supprimait par un service national civique. Je me suis battu à l’époque et n’ai jamais changé d’avis sur ce point. La France manque cruellement d’un creuset, d’un endroit, d’un moment où les jeunes garçons et les jeunes filles se rendent compte qu’ils appartiennent au même pays, que d’autres jeunes ne sont pas des étrangers pour eux, qu’ils peuvent partager des efforts, une prise de conscience et je trouve que c’est essentiel ! Deuxièmement, il y a un manque de préparation de la société française aux problèmes d’insécurité, d’attentats, d’accidents… Combien de jeunes et d’adultes savent faire les gestes qu’il faut lorsque vous avez un piéton renversé par une voiture ? Qui sait comment faire quand quelqu’un a une crise cardiaque sous vos yeux ? Moi je crois qu’il y a là quelque chose de très important de la dimension d’une défense civile ou d’une sécurité civile. Nous avons à côté de nous des pays - la Suisse par exemple - dans lesquels il y a un service national beaucoup plus long ! Ils y arrivent ! Donc nous y arriverons ! SI nous pouvons faire quelque chose pour l’unité du pays et pour armer le pays au lieu de le désarmer, pour le rassembler ou lieu de le diviser, ce sera très bien.

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 DEUXIEME VIDEO

Edwige Chevrillon : Evidemment, avec l’européen convaincu que vous êtes, nous allons parler d’Europe. L’Europe sera en haut des dossiers que va trouver le prochain président de la République, avec le sommet de l’OTAN, le G20, le G7, le sommet européen… C’est dire s’il y a  une urgence, surtout dans ce contexte international très tendu ! Mais d’abord, un petit point sur le programme, d’E. Macron. Certains disent, « c’est un peu la tisane » du « Hollande relifté ». Ne redoutez-vous pas que ça soit le programme conduit par M. Valls et F. Hollande ?

Et bien, je pense exactement le contraire !

Pourtant, le programme d'E. Macron n'est pas un programme de rupture...

C’est un programme de rupture. Et si je devais le résumer, je dirais : autant de liberté que nécessaire, autant d’égalité que possible ! Le choix déterminé de mener une politique qui permettra enfin à la France de faire face aux défis sans se fracturer ! Ce que je reproche depuis le début au programme de F. Fillon, c’était les fractures inéluctables qu’il entrainaît dans la société française. C’est bien plus grave depuis les affaires.

Qu’est-ce qui vous séduit dans le programme d’E. Macron, et qui est très différent de ce qu’a appliqué M. Valls, notamment?

C’est un programme favorable à l’investissement. Vous savez à quel point la société française en a besoin. Un programme qui, fiscalement, les règles applicables en France seront du même ordre que les règles des pays qui nous entourent, l’Allemagne en particulier. C’est un programme européen, qui prévoit 50 milliards d’investissements public.

C’est un peu le grand emprunt…

Oui, mais en mieux ! C’est un programme qui prévoit que l’on mette l’appareil administratif sous des conditions beaucoup plus efficaces, beaucoup plus économes en responsabilisant les gens ! Au lieu d’avoir des injonctions qui viennent toujours du sommet de l’Etat qui ne comprend rien à la base… Par exemple, le fait que la taxe d’habitation, pour toutes les classes moyennes, c’est-à-dire, peut-être 4 foyers fiscaux sur 5, soient supprimés…

Et le maire de Pau trouve cela formidable ? Où allez-vous trouver l’argent ?

Je vais vous répondre ! Le maire de Pau trouve cela très bien, parce que la taxe d’habitation est la plus injuste qui existe ! Ceux qui habitent au cœur du 7ème arrondissement, l’un des plus chics de Paris, payent moitié moins de taxe d’habitation que ceux habitant dans les quartiers populaires de Pau ! Trouvez-vous cela juste ? La taxe d’habitation est quand même une chose importante, car tous les Français savent ce que cela veut dire ! Comment la garantit-on ? Moi, je propose à E. Macron que l’on mette en place une autorité indépendante, composée d’élus locaux et de magistrats de la Cour des Comptes qui garantira cette capacité fiscale. Nous savons d’ailleurs qu’il est possible de le faire, puisqu’elle a été faite pour ceux qui ne paient pas d’impôts.

D’accord, donc vous applaudissez au programme d’E. Macron, et ce n’est pas un copier-coller de celui appliqué par le quinquennat de F. Hollande !

Oui, mais Edwige Chevrillon, finissons la phrase, car cela mérite d’être rappelé : la taxe d’habitation a été faite pour tous les foyers fiscaux qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Au fond, trouver cette justice formidable pour les villes centre comme la mienne. Pourquoi ? Quand vous êtes une ville centre, vous portez toutes les charges. Quand vous avez une piscine, vous fabriquez la piscine… Et donc, nous allons effacer la différence entre les villes centres qui paient beaucoup, et les villes périphériques qui paient moins !

Un mot sur l’Europe, sur la clause Molière, où il faudra désormais parler français dans les chantiers publics, notamment sur les chantiers des collectivités locales. Trouvez-vous cela normal, ou dites-vous, comme Laurent Berger, de la CFDT, qui a eu cette expression très forte, « C’est à vomir ».

Moi je dis que c’est absurde.

Pourquoi ?

Démonstration par l’absurde. Oblige-t-on les ouvriers français travaillant sur le chantier de l’EPR en Finlande à parler en finnois, la langue du pays ? Va-t-on obliger de la même façon les nombreux salariés de Pau qui travaillent au Nigeria ?

L’objectif de cela, c’est de lutter contre la directive sur les travailleurs détachés François Bayrou !

Cela est toute autre chose !

C’est lié !

Ce n’est pas lié, car dans un cas c’est une nécessité, dans l’autre, c’est une absurdité ! On a mis en place la carte d’identité professionnelle sur les chantiers, ce qui est bien ! Je soutiendrai sans cesse l’idée que travailleurs nationaux et détachés doivent payer les mêmes charges ! Je suis même prêt à envisager que les charges payées pour les travailleurs détachés soient reversées aux régimes sociaux de leur pays d’origine ! Mais il faut les mêmes charges, pour qu’il y ait les mêmes droits, et qu’il n’y ait pas un avantage concurrentiel scandaleux à utiliser des travailleurs d’autres pays plutôt que des travailleurs nationaux.

Cela va faire le lien avec l’Europe. Vous êtes un Européen convaincu François Bayrou. Vous retrouvez-vous dans le programme d’E. Macron ? On ne sait pas exactement ce qu’il veut sur les dettes, les négociations des dettes… Il est beaucoup plus flou sur son programme européen… Lui dites-vous qu’il faut être beaucoup plus carré sur ce programme, sachant qu’il y a des échéances européennes extrêmement importantes dès la fin mai ?

Il a dit une chose essentielle, c’est qu’il avait l’intention que la France respecte ses engagements !

Y compris en terme de dettes et de déficits.

Exactement, ce sont les engagements. Tous les autres candidats sont tous d’accord sur un point : La France en doit pas respecter ses engagements.  François Fillon a, je crois, dit qu’on allait passer à « 4,8 % »…

Il a rectifié cela, en disant qu’à la fin de son quinquennat « il sera dans les clous »

Et bien, la proposition qu’E. Macron fait c’est que pour que la France ait l’influence qu’il faut qu’elle ait en Europe, elle respecte ses engagements. Pour moi c’est absolument essentiel. Je vais vous dire une chose sur l’Europe, qui n’est peut-être pas prise en compte dans le programme d’E. Macron pour l’instant, ou par ses déclarations sur le sujet ; J’approuve tout à fait l’entente avec A. Merkel, que j’encourage depuis longtemps. Mais il y une chose : il faut mettre de la démocratie en Europe ! Il faut que les décisions européennes soient prises au vu et au su des citoyens. Pas comme cela a été fait dans les 10 dernières années. Pas seulement Hollande, mais Sarkozy/Fillon avant, qui avaient un système qui enlevait toutes connaissances des enjeux décidés en Europe. Si l’Europe doit être ce qu’elle veut être, il faut que tout ce qu’elle décide soit compréhensible par les gens! Pas comme ce qui a été fait quand la France a voté non au référendum et que l’on a ensuite fait un traité en catimini, par Nicolas Sarkozy et François Fillon, et qui s’est appelé le traité de Lisbonne, donnant aux Français le sentiment que l’on se moquait d’eux.

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 TROISIEME VIDEO

La date limite de dépôt des parrainages est dépassée. Nous connaissons donc les candidats à la présidentielle. Ils seront cinq à débattre sur TF1 demain soir. Considérez-vous normal qu’il n’y ait que les principaux candidats invités à s’exprimer demain ?

Non, ce n’est pas normal, mais je dois ajouter qu’un débat à onze est impossible. Vous le savez, c’est votre métier. Imaginez que nous soyons onze à débattre, ici, c’est impossible. Ce sont des solutions mal proportionnées. Je pense que la règle de l’équilibre, de l’équité dans le temps de parole, de la justice au fond, doit être respectée, mais en même temps, pour un débat à la télévision, c’est impossible.

Il n’y a donc pas de bonne solution ?

Si, il y a une bonne solution : qu’ils débattent avec vous, que les candidats viennent et se voient opposés les questions. Quelquefois, on pourrait les mettre à deux ou à trois. Mais vous voyez bien que les débats tous ensemble deviennent impossibles à suivre.

Surtout que les débats ont une importance capitale dans la vie des partis ces derniers mois, que ce soit François Fillon à droite ou Benoît Hamon à gauche. Ils ont émergé pendant les débats et ils étaient tous les deux outsiders, mais aucun n’a été favori. Pour l’instant, les débats sont une machine à casser les favoris.

Vous confondez deux choses, si vous permettez de le dire : les débats et les primaires. J’ai toujours été opposé aux primaires. Je pense que c’est une solution qui est exactement le contraire de nos institutions. Ce que veut faire l’élection présidentielle, c’est la rencontre directe entre un candidat ou une candidate et un peuple. Cette phrase a été répétée à longueur de journée et elle est profondément juste parce que quand nous votons à l’élection présidentielle, nous ne votons pas en tant qu’étiquettes, mais nous votons en tant que citoyens.

Je ne confonds pas les choses. Alain Juppé était le grand favori à droite mais les débats ont contribué à le faire battre.

Si vous me permettez de le dire, j’ai dit à Alain Juppé que son choix de participer à la primaire était à mon avis un choix risqué. Je craignais beaucoup que la primaire soit le moyen pour les plus durs de l’emporter sur les programmes les plus organisés et de l’emporter non pas par le rôle qu’ils pourraient jouer auprès du peuple, mais pour le rôle qu’ils jouent au sein des appareils ou des appareils parallèles. Cela a donné un résultat à droite, cela a donné un résultat à gauche. Nous nous apercevrons que les deux résultats étaient en décalage complet avec ce que le peuple français attendait.

Quels conseils donnez-vous à Emmanuel Macron ? J’ai lu des histoires de sieste…

Excusez-moi mais je ne donne pas de conseils. Je m’occupe assez peu des siestes des uns et des autres.

Vous ne donnez pas de conseils à votre candidat ?

Non, et si j’avais à en donner, je ne le ferai pas sur le plateau de BFM, quelque soit le respect que j’ai pour le plateau de BFM.

Vous étiez aux côtés d’Emmanuel Macron à Reims vendredi. Le 12 avril, vous serez en meeting tous les deux dans votre ville à Pau. Que ressentez-vous d’être aux côtés d’un homme qui est candidat à l’élection présidentielle ? Vous, vous ne l’êtes pas et vous l’avez été trois fois. Il y a une dimension très personnelle.

Comme dirait François Fillon : « et alors ? ». J’ai fait un choix en toute conscience et dont je suis heureux, parce que depuis ce choix-là, vous avez vu le mouvement d’opinion qui a été très spectaculaire : Emmanuel Macron a gagné sept points, peut-être plus. Le décalage avec ses adversaires s’est crée. Je ne regrette pas ce choix. Les relations qui se sont établies entre nous sont de pleine confiance, en tout cas telles que je les perçois. Ces relations de pleine confiance font que je peux jouer le rôle qui m’intéresse, c’est-à-dire, aider au succès d’une proposition politique que j’ai portée moi-même depuis des années, que j’ai porté aussi loin que possible. Nous avons failli l’emporter en 2007.

Donald Trump semble avoir refusé de serrer la main à la chancelière allemande. Qu’en pensez-vous ?

Cette scène dit deux choses. Elle dit la grossièreté d’un homme, le manque de courtoisie élémentaire à l’égard de son principal allié européen. C’est en cela que cette scène est incroyable. Ce n’est pas Poutine qu’il a en face de lui. Il aurait sans doute été beaucoup plus courtois à l’égard de Poutine. C’est à l’égard d’une femme et une femme qui est le chef de gouvernement le plus important à l’heure actuelle – j’espère qu’un jour la France sera à ce niveau-là – de l’Union Européenne. C’est une double signification qui doit entraîner une prise de conscience la plus profonde que nous puissions avoir : nous avons le devoir de construire une Union européenne digne de ce nom pour équilibrer cette attitude nouvelle des Etats-Unis, parce que cela s’est doublé de déclarations préalables qui disaient « vous, européens, il va falloir que vous vous défendiez vous-mêmes ». Et il a raison, d’une certaine manière. Je trouve péjoratif et gênant que nous ayons à nous appuyer sur un autre ensemble politique du monde : le parapluie ou en tout cas la protection américaine.

Jusque-là, cela a toujours été un échec.

Nous avons à construire l’Europe de la défense, c’est ce qu’Emmanuel Macron a dit hier dans le discours et que j’appuie de toutes mes forces. Une Europe de la défense digne de ce nom, cela veut dire les équipements, la coordination entre nos armées nationales, la possibilité d’intervenir ensemble et une réflexion sur ce que l’OTAN doit être.

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